2012

Deux cristaux mariés sous les liens quantiques

Les physiciens prennent un malin plaisir à jouer avec les étrangetés du monde quantique. Depuis des années, ils réussissent ainsi à intriquer des objets minuscules comme des photons, des particules de lumière. Autrement dit, et après quelques opérations, ils convainquent par exemple deux photons, pourtant séparés parfois de plusieurs kilomètres, d’agir comme s’ils n’étaient qu’une seule entité. Un nouveau pas vient d’être franchi dans cet exercice puisqu’une équipe du Groupe de Physique Appliquée de l’Université de Genève (UNIGE) a réussi à intriquer non pas des objets minuscules, mais des cristaux macroscopiques, visibles à l’oeil nu. Un exploit qui vaut à ces chercheurs d’être publié dans le magazine Nature Photonics.

Voilà bientôt quinze ans que le professeur Nicolas Gisin et ses collaborateurs physiciens intriquent des photons. Si cet exercice leur paraît peut-être désormais banal, il continue d’échapper au commun des mortels. C’est que les lois qui régissent le monde quantique sont tellement étranges qu’elles nous échappent totalement à nous êtres humains confrontés aux lois macroscopiques. Cette apparente différence de nature entre l’infiniment petit et notre monde pose la question du lien qui existe entre les deux.

Ils interagissent pourtant, ces deux mondes. Il suffit pour s’en rendre compte de suivre la dernière expérience du Groupe de physique appliquée (GAP). Nicolas Gisin, le chercheur Mikael Afzelius et leur équipe ont en effet réalisé l’intrication de deux cristaux macroscopiques, visibles à l’oeil nu, à l’aide d’un élément quantique, un photon, autrement dit une particule de lumière.

Pour réussir ce tour de force, les physiciens ont conçu un appareillage complexe dont ils ont le secret. Après un premier système qui leur permet de vérifier qu’ils ont bien réussi à relâcher un photon et un seul, condition indispensable à la réussite de l’exercice, un second dispositif s’occupe de «couper» cette particule en deux. Cette séparation permet d’obtenir deux moitiés de photon intriquées. Autrement dit, même si elles ne se trouvent pas au même endroit, les moitiés continuent à se comporter comme si elles ne faisaient qu’un.

Attendre les photons à la sortie

Les deux moitiés sont alors envoyées chacune dans un cristal où elles vont interagir avec les atomes de néodyme présents dans la structure atomique. A ce moment-là, parce qu’ils sont excités par ces photons intriqués, les réseaux de néodyme dans chaque cristal le deviennent également. Mais comment être sûr qu’ils ont bien réagi aux deux moitiés de photons?

Simple ou presque! Il suffit d’attendre les deux particules à la sortie des cristaux – car elles finissent par ressortir après un temps assez bref d’environ 33 nanosecondes – et de vérifier qu’il s’agit bien de la paire intriquée. «Or c’est exactement ce que nous avons constaté car les deux photons que nous avons capturés à la sortie des cristaux montraient toutes les qualités de deux objets quantiques se comportant comme un seul, caractérisés par la simultanéité malgré leur séparation», se réjouit Félix Bussières, l’un des auteurs de l’article.

Outre son aspect fondamental, cette expérience porte aussi en elle des applications potentielles. En effet, pour les maîtres de l’intrication quantique, ce phénomène possède la désagréable habitude de s’évanouir quand les deux objets quantiques intriqués sont trop éloignés. C’est ennuyeux quand on envisage des réseaux de cryptographie quantique inviolables qui relieraient des interlocuteurs distants de plusieurs centaines, voire milliers, de kilomètres.

«Grâce à l’intrication de cristaux, on peut désormais imaginer mettre au point des répéteurs quantiques, explique Nicolas Gisin, autrement dit, des sortes de borne qui permettraient de relayer l’intrication sur de grandes distances. Et puis on pourrait aussi en faire des mémoires dans le cadre d’un ordinateur quantique.» L’intrication n’a pas fini de réserver des surprises.

Contact

Nicolas Gisin, tél. 022 379 05 02

Mikael Afzelius, tél. 022 379 05 07

Felix Bussières, tél. 022 379 05 27

5 mars 2012

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