2017

Trisomie 21 : la recherche franchit un nouveau cap

Des chercheurs de l’UNIGE et de l’ETHZ Zurich ont découvert que les symptômes de la trisomie 21 découlent d’une dérégulation incontrôlée des protéines dans les cellules.

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Un déséquilibre du nombre de protéines est observé dans les cellules atteintes de trisomie 21.© UNIGE

 

Le syndrome de Down, ou trisomie 21, est une des maladies génétiques les plus fréquentes. Pour mieux comprendre comment une copie surnuméraire d’un chromosome 21 peut impacter le corps humain dès son développement, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’ETH Zurich ont analysé pour la première fois les protéines de personnes trisomiques. Ces recherches, publiées dans la revue Nature Communications, démontrent que loin de ne toucher que les protéines codées par les gènes des chromosome 21, la trisomie 21 impacte également les protéines codées par les gènes localisés sur les autres chromosomes. En effet, les cellules se retrouvent débordées par le surplus protéique généré par les gènes tripliqués et ne parviennent plus à réguler la quantité de protéines. Ces résultats apportent une nouvelle compréhension du syndrome de Down et de ses symptômes par l’étude des protéines et révèlent les différentes conséquences du surnombre de chromosome 21 sur le comportement cellulaire.

Caractérisé notamment par une dysmorphie faciale, une déficience intellectuelle, une faible tonicité musculaire ou une cardiopathie, le syndrome de Down (trisomie 21) est la maladie génétique la plus fréquente. Ce syndrome résulte de la présence de trois chromosomes 21, c’est pourquoi, jusqu’à aujourd’hui, les recherches se sont concentrées sur l’analyse de l’ADN et du transcriptome (l’ensemble des ARN messagers synthétisés à partir des gènes de notre génome). «Pourtant, les protéines sont des molécules extrêmement informatives car elles sont liées de manière plus directe avec les signes cliniques observés ; leur étude permettrait d’émettre de nouvelles hypothèses sur les mécanismes cellulaires perturbés par la trisomie 21», explique Stylianos E. Antonarakis, professeur honoraire à la Faculté de médecine de l’UNIGE. Toutefois, l’analyse de l’ensemble des protéines à partir d’échantillons cliniques est techniquement très difficile à réaliser, c’est pourquoi les chercheurs de l’UNIGE se sont associés à l’équipe du professeur Ruedi Aebersold de l’ETH Zurich et expert mondial dans l’étude du protéome.


Grâce à la SWATH-MS, une nouvelle technique de spectrométrie de masse développée par l’ETH Zurich, les scientifiques ont pu quantifier 4’000 protéines sur les 10’000 synthétisées par les cellules de la peau, une première. En effet, les différences protéiques entre les cellules d’une personne trisomique et d’une personne qui n’est pas atteinte par l’anomalie génétique sont faibles (1.5 fois supérieur pour les protéines produites par les gènes du chromosome 21) et difficiles à détecter avec les techniques traditionnelles, c’est pourquoi il a fallu attendre le développement d’une technique ultra-sensible capable de détecter ces infimes variations. «De plus, afin d’analyser uniquement les variations protéiques dues à l’anomalie génétique, et non celles qui sont attribuables à des différences individuelles, nous avons travaillé sur des cellules fibroblastiques issues d’une paire de jumelles partageant le même patrimoine génétique, excepté que l’une est atteinte d’une trisomie 21 et l’autre non», détaille Christelle Borel, chercheuse au Département génétique et développement de la Faculté de médecine de l’UNIGE.

La découverte d’un mécanisme cellulaire d’auto-régulation déficient


L’analyse des échantillons prélevés sur les jumelles a révélé plusieurs résultats majeurs dans la compréhension de l’impact du syndrome de Down sur les cellules. Dans un premier temps, des variations quantitatives considérables ont été observées au niveau des protéines qui ne sont pas exclusivement réservées aux gènes codés par le chromosome 21, mais proviennent également d’autres chromosomes. La trisomie 21 provoque une surdose d’ARNm et de protéines jusqu’à perturber les cellules de la personne atteinte. Ensuite, les chercheurs ont observé un mécanisme cellulaire d’auto-régulation de la production des protéines, capable de contrecarrer une surabondance protéique inhabituelle. En temps normal, ce mécanisme permet de corriger les petits excès et de réguler la quantité de protéines nécessaires à la cellule et à notre organisme. Mais à cause d’un chromosome 21 supplémentaire, qui lui-même génère des protéines, les cellules se retrouvent avec un surplus de protéines et le mécanisme auto-régulateur n’arrive plus à contrôler et limiter la quantité. «Pour la première fois, nous avons une analyse exhaustive des protéines dérégulées par une trisomie 21 qui peuvent expliquer la cause des différents symptômes du syndrome de Down», explique le professeur S. E. Antonarakis.


Les généticiens de l’UNIGE ont aussi constaté que les différentes sous-structures de la cellule étaient impactées par la trisomie 21, plus particulièrement les mitochondries, responsables des processus énergétiques de la cellule. Ici, le problème observé est inverse : les protéines constituant les mitochondries sont excessivement diminuées et affectent leur bon fonctionnement. Le dernier résultat a été validé avec des échantillons provenant d’autres patients ayant une trisomie 21 et montre que le type de protéines affectées est aussi extrêmement important pour comprendre quelles sont les causes des symptômes. «D’une manière générale, le renouvellement des protéines est accéléré dans les cellules trisomiques. Ensuite, il y a deux sortes de protéines, précise Christelle Borel. Les premières s’assemblent en complexe pour accomplir une fonction précise. Les secondes, au contraire, travaillent seules. Nous avons découvert que ce sont les protéines en complexe qui sont le plus rapidement dégradées dans les cellules trisomiques. Ce qui n’avait jamais pu être découvert auparavant.» En effet, les protéines qui s’assemblent se régulent mutuellement et naturellement en formant les complexes, leur surnombre est alors contrôlé. En absence de partenaire, elles sont éliminées par la cellule car devenue non fonctionnelle. Au contraire, les protéines solitaires se retrouvent en surnombre sans être éliminées par la cellule, car elles sont fonctionnelles.


De nouvelles perspectives pour la recherche en génétique médicale


Associés aux experts de l’ETH Zurich, les généticiens de l’UNIGE ont franchi une nouvelle étape dans la compréhension de la trisomie 21 en dépassant le gène et le transcriptome pour atteindre les protéines. Ces premières découvertes et la démonstration de la faisabilité technique ouvrent de nouvelles perspectives pour la recherche, car cette méthodologie est dorénavant applicable à d’autres maladies génétiques. «Il nous faut à présent trouver, dans les protéines dérégulées, lesquelles sont responsables de chaque symptôme du syndrome de Down et voir si de nouvelles découvertes sont possibles pour d’autres types de cellules comme les neurones, les cellules cardiaques sévèrement touchées par la trisomie 21, etc.», conclut le professeur S. E. Antonarakis.

28 nov. 2017

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