2018

Femmes cadres: leadership ou symbole?

Une étude de l’UNIGE explique pourquoi les femmes accèdent plus facilement aux postes à responsabilités lorsqu’une entreprise connaît des difficultés.

 

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La falaise de verre. Cette terminologie désigne l’accès aux postes à responsabilités pour les femmes lorsqu’une entreprise est en crise, postes qui leurs sont en temps normal difficilement confiés. En effet, depuis 2005, plusieurs études ont démontrés que lorsqu’une entreprise ou un parti politique se portent mal, les femmes ont davantage de chance d’accéder à des postes managériaux ou d’être désignées candidates. Comment expliquer ce phénomène ? Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) se sont penchés sur la question dans une série d’études publiées dans la revue The Leadership Quarterly. Ils ont ainsi observé que la femme symbolise le changement à la tête d’une entreprise, symbole qui permettrait à une entreprise de redorer son image. Ils ont aussi constaté qu’en temps de crise, des qualités ordinairement associées au genre masculin prédominent dans les critères de recrutement, quel que soit le sexe de la personne.

Lorsqu’il s’agit de repourvoir un poste à responsabilités, les femmes se heurtent au plafond de verre. Pourtant, lorsqu’une entreprise traverse une situation difficile sur le plan managérial et économique, les femmes accèdent plus facilement aux postes de direction. Clara Kulich et Vincenzo Iacoviello, chercheurs à la Section de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’UNIGE, se sont interrogés sur les causes de cette ouverture, nommée falaise de verre. «Notre hypothèse de départ supposait que des qualités réputées comme étant «féminines», par exemple la capacité d’écoute et la sensibilité, étaient recherchées en période houleuse, explique Clara Kulich. Mais nos résultats sont tout autres!»


En cas de crise, les aptitudes dites masculines priment

Afin d’analyser le rôle du sexe et des caractéristiques de la personne lors d’un recrutement en cas de crise, les psychologues de l’UNIGE ont présenté quatre curriculum vitae (CV), ceux de deux hommes et de deux femmes, à plus d’une centaine de personnes dont 40 % occupent des postes de managers. Chez l’une des personnes de chaque sexe, des compétences stéréotypiquement associées au genre féminin étaient mises en avant – écoute, sensibilité, tact émotionnel. Chez les autre deux, le CV mettait en avant des compétences stéréotypiquement associées au genre masculin – détermination, prise en charge, confiance en soi.

«Dans une étude, nous avons ensuite demandé aux participants de choisir le CV qu’ils considéraient adéquat pour une entreprise en crise, et celui qui convenait à une entreprise qui fonctionne bien, détaille Clara Kulich. Dans 63% des cas, une candidate ou un candidat aux caractéristiques masculines a été choisie pour gérer une entreprise dans la tourmente, contre 41% pour une entreprise qui génère de bons résultats.» Deux autres études ont montré que, lorsqu’il s’agit de choisir quelle sorte d’entreprise dirigera une personne aux caractéristiques masculines, 76% choisissent une entreprise en crise. Ces résultats s’expliquent de la manière suivante : en contexte de crise, les recruteurs recherchent une personne aux compétences «masculines», car ces compétences sont jugées nécessaires afin qu’elle puisse améliorer la situation de l’entreprise.

Dès lors, pourquoi les femmes accèdent-elles plus facilement à des postes à responsabilités si les aptitudes généralement considérées comme masculines sont privilégiées lors de crises managériales ?


La femme, symbole du changement

Une des explications réside dans le fait que lors d’un recrutement, les caractéristiques des candidats ne sont pas aussi polarisées. Une précédente étude de la même équipe (2015, publiée dans le Journal of Experimental Social Psychology) a démontré que lorsque l’on présente deux CV équivalents d’un homme et d’une femme pour une entreprise en crise, sans mentionner leurs caractéristiques masculines ou féminines, les femmes sont majoritairement choisies. Il apparaît ainsi que la femme est perçue par les recruteurs comme un symbole de changement à la tête de l’entreprise en difficulté. La femme symbolise en effet un changement radical et visible à la tête de l’entreprise, dans le but d’améliorer son image en période difficile. Dans ce genre de situations, le sexe est un facteur déterminant dans le choix des recruteurs en raison de son impact sur la position et l’image de l’entreprise à la dérive.

«Notre étude démontre qu’il est encore difficile pour les femmes de lutter contre l’effet de la falaise de verre. Un homme est engagé pour ses compétences managériales, alors qu’une femme ne peut savoir si elle sert de symbole de changement (voire même de bouc-émissaire pour expliquer un échec dans certain cas), ou si ce sont bel et bien ses compétences qui l’ont conduite à ce poste à responsabilités», conclut Clara Kulich.

2 mai 2018

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