2007-2008

Le silence des gènes - Une nouvelle façon de faire taire les gènes dévoilée à l’UNIGE

A l’Université de Genève (UNIGE), une équipe de chercheurs du Pôle de recherche national Frontiers in Genetics vient d’élaborer un nouveau modèle pour expliquer un phénomène biologique naturel doté d’un important potentiel thérapeutique. L’ADN, détenteur de notre patrimoine génétique, contient les informations nécessaires (gènes) pour fabriquer les différentes protéines de l’organisme. Il comporte également beaucoup de séquences ne codant pour aucune protéine. Cette fraction du génome, dont la majeure partie a longtemps été considérée comme un détritus génétique, recèle en fait des éléments indispensables pour moduler l’expression des gènes. C’est dans ce contexte que le groupe de Françoise Stutz vient de mettre en évidence un processus inédit employé par la cellule pour réduire certains de ses gènes au silence. Cette découverte retentissante fait l’objet d’une publication dans la revue Cell du 16 novembre 2007.

L’alphabet de l’ADN ne comprend que quatre lettres. Ces dernières suffisent toutefois à former tous les mots (gènes) de la recette qui sert à élaborer l’ensemble de nos protéines. Les instructions contenues dans chaque gène déterminent l'ordre des acides aminés dans la protéine correspondante. Elles sont transmises aux minuscules usines de manufacture par l’intermédiaire de copies de l’ADN, les ARN messagers.

Cependant, seul 2% de notre patrimoine génétique code pour des protéines. Le reste des séquences de quatre lettres, appelé ADN non codant, demeure encore largement terra incognita pour les chercheurs. Une fraction importante est en effet transcrite en ARN, dont la fonction demeure mystérieuse. L’attention des chercheurs du Département de biologie cellulaire s’est concentrée sur un type spécifique de copies: «le génome est constitué par deux brins d’ADN complémentaires (sens et anti-sens). Chaque gène possède donc son miroir qui, lui, ne contient pas de recette pour une protéine. Ce dernier est néanmoins souvent aussi transcrit en ARN, appelé anti-sens», explique Françoise Stutz.

Répression des gènes

C’est le hasard qui a mis les biologistes sur la piste de leur découverte: «alors que nous étions en train d’étudier l’expression d’un gène dans la levure, nous avons observé que le niveau de son ARN messager diminuait chez les cellules âgées», rapporte Jurgi Camblong, membre du groupe de recherche. En d’autres termes, le gène codant pour la protéine correspondante devenait progressivement réprimé.

Les scientifiques ont observé une répression similaire dans des levures génétiquement modifiées, qui ne pouvaient plus fabriquer un enzyme nommé Rrp6. Ce dernier est normalement chargé de réduire en miettes les ARN anti-sens, produits en même temps que les ARN messagers et jusqu’alors considérés comme inutiles. Or, les travaux du groupe genevois changent la donne, car ils révèlent un rôle-clé de ces ARN dans le contrôle de l’expression des gènes.

L’expression des gènes reprogrammée

Différents indices recueillis par la suite ont en effet permis de mettre en évidence un processus inédit: en absence de la «voirie» Rrp6, les ARN anti-sens du gène étudié s’accumulent. Ces molécules recrutent un autre enzyme qui va réprimer le gène correspondant (ADN sens), en empêchant qu’il soit lu et décodé. Le nombre d’ARN messagers va donc diminuer, ainsi que la fabrication de la protéine correspondante.

C’est le même type de mécanisme qui opère dans les levures âgées. Les chercheurs ont en effet découvert que l’activité de Rrp6 baisse de façon naturelle avec le temps, entraînant la répression de certains gènes par le biais d’une augmentation d’ARN anti-sens. La modulation de Rrp6 jouerait donc un rôle dans la reprogrammation de l’expression des gènes.

Plasticité du génome

D’après Françoise Stutz, il est vraisemblable que divers types d’ARN anti-sens éphémères interviennent à différents niveaux de régulation: «cette forme de transcription instable, très répandue, pourrait contribuer à la plasticité du génome et être requise pour l’adaptation de la cellule à différents processus physiologiques.» La reprogrammation observée lors de la différenciation des cellules souches en lignées spécialisées pourrait en être un exemple, relève Jurgi Camblong.

Le rôle des ARN non codants, tous types confondus, est exploré par les scientifiques depuis quelques années. Leur potentiel thérapeutique, considérable, fait désormais partie des grands axes stratégiques d’avenir. Il existe déjà quelques sociétés biotechnologiques qui testent ce genre de produit sur l’humain, dans le contexte de thérapies ciblées.

Contacts:

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter
Françoise Stutz au 022 379 67 29
Jurgi Camblong au 022 379 67 41

19 nov. 2007

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