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I. Introduction.


I.1. Choix du sujet.

      Lorsque le Professeur Tschantz m'a proposé de revoir les fractures du bassin et du cotyle prises en charge à l'Hôpital des Cadolles à Neuchâtel de 1977 à 1997, j'ai été d'emblée très intéressé, ayant été confronté de manière toute personnelle à ce genre d'atteinte.

      

Figure I.1.f1: Fracture d'une patiente de 31 ans.

      

Figure I.1.f2: Fracture de J. Deruaz (détail des branches ilio-ischio-pubiennes gauches)

      La figure I.1.f1 montre un cliché d'une patiente de 31 ans, victime d'un accident de circulation, qui présentait une fracture ouverte du bassin avec communication vaginale et une fracture du cotyle droit. J'ai été directement impliqué dans la prise en charge de cette patiente qui n'a malheureusement pas survécu.

      La figure I.1.f2 démontre un détail du cliché de bassin de mon épouse qui a présenté une fracture de branche ischio-pubienne lors d'un accident de voiture.

      Ces deux cas permettent de faire ressortir plusieurs points importants concernant les fractures du bassin et du cotyle. 1) Les atteintes sont extrêmement variées et un grand problème rencontré dans l'étude de ces fractures est la difficulté à pouvoir comparer les cas 130. Ceci a donc nécessité la mise en place de classifications pouvant paraître complexes au premier abord. 2) La cavité cotyloïdienne est une région anatomique appartenant au bassin, mais sa fonction articulaire fait que les fractures du cotyle sont considérées comme une entité séparée des autres fractures du bassin. Cependant les traumatismes (surtout ceux à haute énergie) intéressent assez fréquemment ces deux localisations (4-16% 91, voir même 36% de fracture du cotyle associée à une fracture du bassin instable 42, 71, 72, 78, 112). Il nous a paru important de considérer les fractures du bassin et du cotyle conjointement dans notre étude. 3) Si les fractures du bassin sont relativement peu fréquentes (0.3-6% de l'ensemble des lésions traumatiques du squelette 25, 27, 79, 103, 142, soit 20-37/100'000 habitants/ans 27, 80, 142), la mortalité qui leur est associée reste importante, bien qu'elle ait diminué (de plus de 80% avant 1890 à 10% actuellement (4.4%-30%) 9, 18, 25, 27, 33, 78, 115, 133). Les fractures ouvertes ont une mortalité encore plus élevée de l'ordre de 30 à 50%53, 103, 105, 115, 132 , même si elles représentent moins de 5% des fractures du bassin 53, 145 (voir jusqu'à 9% des fractures instables6, 36, 71, 72, 91, 103 ).

      Au vu de cette mortalité importante, 'le sentiment général auprès des chirurgiens était que la plupart des survivants survivait bien, ne souffrant que de peu de problèmes tardifs majeurs' 130, 135. Ce n'est qu'assez récemment (environ 1970) que les travaux s'intéressant aux résultats à long terme se sont multipliés.

      Le but de cette thèse est d'examiner les méthodes de suivi à long terme proposées dans la littérature et d'étudier les résultats obtenus sur le collectif de l'Hôpital des Cadolles, CH-2000 Neuchâtel, de 1977 à 1997.


II. Généralités sur les fractures du bassin et du cotyle.


II.1. Eléments d'anatomie et de biomécanique.

      Le bassin présente une structure en anneau et se compose de 3 os: le sacrum postérieurement et les 2 os iliaques (ou os coxal 91 ou encore 'innominate bone' en anglais) latéralement et en avant (cf. figure II.1.f1).

      

Figure II.1.f1: Bassin: constitué de 3 os.

      L'os iliaque est constitué de l'union de 3 centres d'ossifications nommés ilion, ischion et pubis qui fusionnent au niveau du cartilage triradié vers l'âge de 16 ans 86.

      Le sacrum résulte de l'union des cinq vertèbres sacrées et, de cette origine vertébrale, il conserve un 'trou vertébral' appelé canal sacré dans lequel passent les nerfs sacrés et coccygiens. Les rameaux antérieurs des nerfs sacrés sortent au niveau d'un alignement de trous présents à la face antérieure par paire, nommés trous (foramen) sacrés antérieurs. Il en est de même au niveau postérieur. Latéralement se trouvent de chaque côté les ailerons sacrés qui s'articulent avec les os iliaques.

      Au niveau du cartilage triradié se situe le cotyle (acetabulum) qui, sur le plan chirurgical, ne se limite pas à la seule 'orbite' articulaire entre le bassin et le fémur mais qui prend également en compte les masses osseuses qui la supportent et l'entourent 49, 55. La partie supérieure de la surface articulaire, qui transmet le poids du corps au fémur en position debout, est appelée toit ou dôme du cotyle; il est compris entre l'épine iliaque antéro-supérieure et la grande échancrure sciatique 56.

      On divise classiquement le cotyle en deux 'colonnes' formant un 'V' inversé; la colonne postérieure ou ilio-ischiale descend de l'angle de la grande échancrure sciatique à la tubérosité ischiatique et la colonne antérieure ou ilio-pubienne depuis la partie antérieure de l'aile iliaque à la symphyse pubienne 55 (cf. figure II.1.f2).

      

Figure II.1.f2: Colonnes du cotyle

(d'après 55).

      Les trois os du bassin n'ont aucune stabilité inhérente et ils doivent leur stabilité aux tissus mous environnants. Les deux os iliaques sont unis vers l'avant au niveau de la symphyse pubienne par un fibrocartilage qui est renforcé par des ligaments: antérieur dense, supérieur et inférieur. Postérieurement, chaque os iliaque est uni au sacrum au niveau de l'articulation sacro-iliaque qui, avec l'appareil ligamentaire qui s'y rattache, forme le 'complexe sacro-iliaque '133. Les parties inférieures des surfaces articulaires sacro-iliaques sont recouvertes de cartilage hyalin; les parties supérieures sont unies par le ligament sacro-iliaque interosseux qui semble être le ligament le plus solide du corps 86, 132. Les ligaments sacro-iliaques postérieurs très denses et très étendus et les ligaments sacro-iliaques antérieurs complètent cet édifice qui est classiquement comparé à un pont suspendu, les ligaments postérieurs étant les câbles porteurs et le sacrum le tablier 132,133. La cinquième vertèbre lombaire est également solidarisée à ce complexe par le ligament ilio-lombaire qui s'attache au niveau de l'apophyse transverse (ou plus exactement costiforme) de L5 pour rejoindre la crête iliaque et par le ligament lombo-sacré qui rejoint l'aileron sacré (cf. figures II.1.f3 et 4).

      

      

Figures II.1.f3: Le bassin et ses ligaments

(d'après 132 et 135).

      

Figure II.1.f4: L'image du pont suspendu.

      Le complexe postérieur est extrêmement important pour la stabilité du bassin. La plupart des charges transmises du tronc aux membres inférieurs passent par ce complexe postérieur amenant au concept de 'weight-bearing' (port de charge) 99 (cf. figure II.1.f5). Ce port de charge n'est pas affecté chez des patients avec des déficits de l'anneau pelvien antérieur soit congénitaux (extrophie vésicale), soit post chirurgie de résection (pour tumeur ou ostéomyélite) 99, 133.

      

Figure II.1.f5: Concept du port de charge.

(selon Peltier 99)

      Deux ligaments contribuent également à la stabilité du bassin: le ligament sacro-épineux (ou petit ligament sacro-sciatique) et le ligament sacro-tubéreux (ou grand ligament sacro-sciatique) qui s'opposent aux forces de rotation dans le plan transverse (vers l'extérieur) et le plan sagittal (vers le haut) respectivement (cf. figure II.1.f6 ). L'ensemble de la musculature se rattachant sur les os du bassin joue un rôle important.

      

Figure II.1.f6: Ligaments sacro-épineux et sacro-sciatique.

      La gravité des lésions du bassin est aussi liée aux atteintes des structures qui sont située à l'intérieur du bassin ou qui le traversent, à savoir vessie, organes génitaux, rectum, nerfs (cf. figure II.1.f7 ) et vaisseaux sanguins (cf. figure II.1.f8 ).

      

Figure II.1.f7: Nerfs en rapport avec le bassin

(d'après 97).

      

Figure II.1.f8: Vaisseaux sanguins en rapport avec le bassin

(d'après 132).

II.2. Classifications: historique et classifications actuelles.

      Dans l'élaboration d'une classification, certains principes doivent être gardés à l'esprit: la classification doit permettre de décrire si possible l'ensemble des lésions que l'on peut rencontrer; elle doit définir les différents types dans le but d'accéder à un diagnostic plus précis et de diriger le traitement; elle doit également comprendre un aspect quant au pronostic. Des classifications admises par le plus grand nombre permettront de comparer les résultats de différentes études. Or il y a eu plus de 50 classifications concernant les fractures du bassin durant les 150 dernières années 142.

      Une des premières descriptions d'une fracture du bassin qui nous est parvenue remonte à 1751 dans le 'Traité des maladies des os' de Duverney 24. Par la suite, le nom de Malgaigne (1806-1865) a marqué les classifications; il décrivit la 'fracture doublement verticale du bassin' en la distinguant d'autres fractures comme méritant une 'attention spéciale face au triple aspect du diagnostic, pronostic et traitement'. Dans sa description certains éléments de distinction entre les sites d'atteintes postérieures sont déjà relevés. 63, 98

      En 1938, Watson-Jones base sa classification selon une combinaison comprenant la localisation et la nature de la lésion (fracture-arrachement par 'violence musculaire', fracture et disjonction de l'anneau pelvien par lésion d'écrasement, lésions du sacrum et du coccyx) 10, 149.

      Plusieurs concepts ont permis d'aboutir aux classifications actuelles. En 1965, Rose fait la différence entre lésions osseuses de l'anneau pelvien ('Becken-ring') et celles du 'bord' du bassin ('Becken-rand') 46. En 1965 également, Peltier établit le concept de la transmission de la charge en position debout ('weight-bearing') et divise les fractures en celles qui affectent le port de charge et celles qui ne l'affectent pas 99. En 1976, Looser et Crombie distinguent les fractures entre celles ne touchant que la partie antérieure (qui va jusqu'au cotyle) et celles touchant la partie postérieure, qui sont la plupart du temps associées à une fracture touchant la partie antérieure 58. En 1977, Gertzbein et Chenoweth démontrèrent, par scintigraphie au Technétium sur 6 cas, que même des lésions sur traumatisme mineur de la partie antérieure de l'anneau pelvien étaient associées à une atteinte sur une autre partie de l'anneau, habituellement le complexe sacro-iliaque ou le cotyle 9, 30. En 1980, Pennal introduit une approche plus systématique basant sa classification sur la direction de la force provoquant la lésion; il distingue: 1) la compression antéro-postérieure, 2) la compression latérale et 3) le cisaillement vertical. Il met également en valeur le concept de stabilité de la fracture 102. Sa classification donnera les bases aux classifications actuelles. La classification de Young et Burgess adjoint des sous-groupes pour quantifier la force appliquée à l'anneau pelvien; ils ajoutent une quatrième catégorie de mécanismes combinés 10, 154. Tile 133 quant à lui fonde sa classification sur la stabilité de la fracture qui dépend de l'intégrité du complexe sacro-iliaque porteur de la charge, comme l'avaient proposé Huittinen et Slätis en 1972 132. Il définit la stabilité comme 'la capacité d'une structure anatomique (l'anneau pelvien en l'occurrence) à résister à des forces physiologiques sans déformation' 133. Il s'agit en fait d'un continuum entre une fracture parfaitement stable et une instabilité dans toutes les directions de force. Tile distingue trois stades: A: stable; B: partiellement stable, à savoir instable en rotation, stable verticalement; C: instable en rotation et verticalement. (Cette classification sera utilisée par la suite dans notre étude et elle sera exposée en détail au point III.2 cf. tableau III.2.t1). Cette classification a été modifiée, puis acceptée par l'AO (= Arbeitsgemeinschaft für Osteosynthesefragen) pour le bassin, numéroté 61 dans le système AO. Isler et Ganz ont proposé une extension permettant de classifier toutes les localisations des atteintes 45, 46.

      Pour le cotyle, jusqu'aux années 1960 le traitement des fractures était essentiellement orthopédique et on distinguait alors deux types de fractures selon la traction à exercer; les enfoncements du cotyle (ou luxations centrales) et les luxations de la hanche avec fracture. Au vu des résultats décevants de l'orthopédie concernant les fractures intraarticulaires, Judet, dès le milieu des années 1950, a voulu recourir à la chirurgie dans la plupart des cas. Son assistant, Letournel, s'est vu confier la tâche d'élaborer une classification. Il résulte de l'étude du mécanisme des fractures que 'toutes les fractures du cotyle sont en fait des 'enfoncements' et que le type de fracture est déterminé par la position de la tête fémorale lors de l'accident et de la direction de la force qui lui est appliquée' 56. Il classe les fractures en 'fractures élémentaires' ou 'simples' (touchant une partie ou le tout d'une seule colonne) et en 'fractures associées' (combinant plusieurs fractures élémentaires). Cette classification a été reconnue sur le plan mondial et la classification de l'AO (qui sera décrite au point III.2) s'en inspire fortement permettant d'apporter quelques éléments de précision 67, 132, 142. Le cotyle est numéroté 62 dans leur système.

      Anciennement, les fractures du bassin et du cotyle étaient classées à l'intérieur d'une même classification (p.ex. dans la classification initiale de Tile 134). Or, étant donné que le pronostic à long terme dépend souvent plus de la composante du cotyle, les fractures combinant les deux atteintes sont classées séparément 132.

      La notion de fracture ouverte est importante à définir: une fracture ouverte du bassin est 'une fracture qui communique avec le rectum, le vagin ou avec l'environnement par une brèche cutanée' 6, 132. Certains auteurs y ajoutent une communication persistante entre le site fracturaire et l'extérieur par un drain ou un 'pack' faisant partie du traitement initial d'une fracture pelvienne fermée 103. Certains auteurs allemands parlent de 'traumatisme pelvien complexe' (complex pelvic trauma ou Komplex Beckentrauma) défini comme une fracture de l'anneau pelvien avec lésion concomitante des tissus mous et/ou des organes internes 27, 105.


II.3. Prise en charge.


II.3.a. Eléments historiques.

      Au 19e siècle, Malgaigne décrit déjà différents traitements adoptés avant lui; il relève plusieurs cas où la réduction n'a pas pu être maintenue alors qu'elle semblait facile à obtenir; ceci provoquait une inégalité de longueur des membres inférieurs. Il propose une évaluation la plus précise possible des rapports des fragments entre eux, une réduction par manipulation et une extension (avec contre-extension au niveau axillaire) jusqu'à consolidation, à savoir 45 à 50 jours au minimum. Pour les déplacements autres que verticaux, il propose un bandage du bassin 63.

      Watson-Jones propose, pour les disjonctions symphysaires associées à une subluxation ou une fracture sacro-iliaque, une méthode de réduction puis la mise en place d'un plâtre (figure II.3.f1) 149.

      

Figure II.3.f1 : Plâtre du bassin

selon Watson-Jones 149.

      Les fractures présentant une rotation externe dans le plan horizontal ont été traitées par hamac.

      Jusque dans les années 70, le traitement conservateur des fractures du bassin était le standard 142. Ce type de traitement diminue progressivement en fréquence; avant 1980, il représente 80-100% des fractures; par la suite, il diminue à 50-60% 91.

      Le fixateur externe est la méthode d'ostéosynthèse la plus anciennement utilisée pour les fractures du bassin 91. Le concept de la fixation externe d'une fracture a été décrit en 1897 par Parkhill. Sa première application aux fractures du bassin a été effectuée en 1950 par Pennal et Sutherland 109. De multiples progrès ont été apportés dans le choix des emplacements des fiches, dans la taille des fiches et dans le type de montages 125. Grâce à diverses études biomécaniques portant sur la stabilité obtenue avec le fixateur externe, sa place a pu être définie tant dans la stabilisation en urgence que comme traitement définitif 134. En 1991, Ganz décrit un cadre à montage simple (antishock pelvic clamp) permettant d'exercer une compression en urgence au niveau postérieur du bassin sur le versant iliaque des articulations sacro-iliaques pour obtenir une réduction temporaire même imparfaite pour stabilisation hémodynamique28.

      La fixation interne après réduction ouverte ('ORIF' = open reduction and internal fixation) aurait été introduite pratiquement à la même période que le fixateur externe (1953) par Whiston 125. Quelques rares descriptions isolées sont reportées dès 1910 pour des cerclages de luxations symphysaires et dès 1930 pour des luxations sacro-iliaques 142. Cependant, jusque dans les années 80, la fixation interne reste peu utilisée dans le traitement des fractures du bassin à cause des risques hémorragiques sévères 79, du risque infectieux et des lésions neurologiques iatrogènes 25, 134. Pour les fractures du cotyle, les travaux de Judet et Letournel ont permis un développement plus rapide et plus précoce des méthodes de fixation interne. Dès 1960, ils ont défini des voies d'abord qui ont été par la suite utilisée pour d'autres fractures de l'anneau pelvien.

      La fixation interne permet une mobilisation précoce avec l'avantage de diminuer les complications liées au traitement conservateur tels que les accidents thromboemboliques, les lésions cutanées de décubitus, les infections urinaires, les dépressions réactionnelles, ... . 25, 144. Le nombre de techniques de fixation interne s'est progressivement développé allant jusqu'à des réductions fermées avec des vis sacro-iliaques percutanées 72, 116.


II.3.b. Prise en charge actuelle.


II.3.b.1. Evaluation clinique.

      L'évaluation clinique et radiologique initiale devra permettre de déterminer la présence ou l'absence d'une fracture pelvienne et son degré de stabilité 132. De cette stabilité osseuse peut dépendre directement la stabilité hémodynamique du patient. Dans le cadre d'un polytraumatisme, une fracture du bassin est présente dans environs 20% des cas 70, 132 et elle joue un rôle important quant à la survie 2. Il a été montré qu'un écartement de la symphyse pubienne de 2 cm augmente le volume du petit bassin qui peut passer de 1.5 à 5 litres. Ce volume peut permettre l'expansion de l'hématome lié à la fracture sans qu'il rencontre de résistance osseuse 44,104. Ainsi donc, l'évaluation d'un polytraumatisé comporte dans la revue des lésions par système un examen détaillé du bassin. De même, la radiographie du bassin de face fait partie du bilan radiologique de base de tout polytraumatisé au même titre que celle du thorax et de la colonne cervicale 2, 104. Une haute suspicion est essentielle dans le diagnostic d'une fracture pelvienne surtout chez un patient non collaborant ou inconscient pour permettre une prise en charge rapide; en 1962, une étude a montré que, sur 200 fractures pelviennes chez des patients décédés d'un accident de piéton contre véhicule à moteur, 93 n'avaient pas été suspectées jusqu'à l'autopsie 25.

      Les fractures du cotyle sont associées dans une moindre mesure à des polytraumatismes et l'hémorragie est le plus souvent peu importante 142. Le degré d'urgence vitale est nettement moins sévère.

      Il est important d'obtenir certains éléments anamnestiques: l'âge, le sexe, les antécédents personnels, le traitement médicamenteux et les éventuelles allergies; pour l'accident, il faudrait avoir des renseignements sur le mécanisme, la direction et l'intensité des forces en jeu. Si le patient est conscient, il est important de noter ses plaintes, en particulier sur le plan neurologique.

      L'examen clinique du bassin commence par une inspection détaillée des plaies, des contusions et des décollements cutanés (Morel-Lavallée); on recherchera particulièrement toute plaie du périnée et tout saignement vaginal amenant à une fracture ouverte. Un hématome scrotal ou du sang au méat urétral feront suspecter une lésion des voies urinaires. Une asymétrie du bassin avec un déplacement des épines iliaques antéro-supérieures et postéro-supérieures, ainsi qu'une asymétrie de longueur des membres inférieurs sans qu'ils soient fracturés, parlent pour une fracture pelvienne. La position du membre inférieur pourra faire suspecter une luxation de la hanche (en rotation interne dans les luxations postérieures et en rotation externe dans les luxations antérieures). La palpation minutieuse du bassin recherchera un crépitement ou un mouvement anormal. On palpera successivement les épines iliaques antéro-supérieures et postéro-supérieures, les tubérosités sciatiques, le sacrum, les articulations sacro-iliaques, les crêtes iliaques, la symphyse et les branches pubiennes. On recherchera une douleur et un écart au niveau de la symphyse. On exercera une pression depuis l'extérieur sur les crêtes iliaques pour essayer de 'fermer' le bassin et une pression de l'intérieur pour l''ouvrir'. Une instabilité dans le plan vertical sera cherchée en exerçant une traction sur un fémur avec une main posée sur l'aile iliaque homolatérale 25, 132. La stabilité sera à nouveau testée en anesthésie générale si le patient doit être opéré, sous amplificateur de brillance 132. Des tractions sur le fémur à différent degré de flexion et d'abduction permettront de déterminer la stabilité d'une fracture du cotyle.

      Un examen du rectum par toucher rectal est très important; on recherchera la présence de sang, une déchirure muqueuse (amenant à une fracture ouverte), la position de la prostate (anormalement mobile, haut située ou inatteignable lors d'une lésion de l'urètre 13) et une atteinte du sacrum 25. On testera le tonus sphinctérien. De même, l'examen du vagin est capital pour mettre en évidence une plaie provoquant une fracture ouverte. Du sang sur le doigtier à l'examen rectal ou vaginal conduira à un examen au spéculum 132.

      L'évaluation neurologique est de première importance mais elle est souvent difficile à réaliser. On s'attachera à l'examen sensori-moteur depuis L3 jusqu'aux dernières paires sacrées. Les fonctions sphinctériennes seront inclues dans l'examen. Dans les fractures pelviennes, on recherchera particulièrement des atteintes du plexus lombo-sacré (surtout de L5), du nerf glutéal supérieur et du nerf honteux. Dans les fractures du cotyle, le nerf sciatique est particulièrement à risque dans les luxations postérieures.

      L'évaluation d'un polytraumatisé comporte obligatoirement un examen des systèmes respiratoire et nerveux central, de l'abdomen et du squelette axial et des membres. En présence d'une fracture du bassin, une attention particulière devra être portée à l'abdomen et aux membres inférieurs (figure II.3.f2).

      

Figure II.3.f2: Atteinte conjointe du membre inférieur.


II.3.b.2. Evaluation radiologique.

      La radiographie du bassin antéro-postérieure (AP), dite 'de face', fait partie de l'évaluation initiale de tout polytraumatisé 44. Il est important de se rappeler qu'en décubitus dorsal, le bassin présente une position oblique de 45-60° par rapport à l'horizontale. Ainsi, le cliché dit 'de face' est en fait une oblique du rebord de l'anneau pelvien 86 (figure II.3.f3). Le cliché de profil est de peu d'utilité si ce n'est dans l'évaluation des fractures transverse du sacrum 142 (figure II.3.f4).

      

Figure II.3.f3: Cliché de bassin Antéro-Postérieur 'dit' de face.

      

Figure II.3.f4 : Cliché de bassin de profil

      D'autres projections radiologiques ont été développées dès 1961 par Pennal et Sutherland pour répondre au principe radiologique qui requiert 2 incidences à angle droit 102. Pour la projection dite 'inlet', le patient est en décubitus dorsal et le rayon est incliné de 40-60° crânio-caudal pour entrer dans l'anneau pelvien (figure II.3.f5). Pour la projection dite 'outlet', le rayon est incliné de 30-45° caudo-crânial (figure II.3.f6).

      

      

Figure II.3.f5 : Cliché du bassin inlet

      

      

Figure II.3.f6 : Cliché du bassin outlet.

      Pour les fractures du cotyle, 2 incidences sont nécessaires pour compléter le bilan: ce sont les obliques alaire et obturatrice développées par Judet et Letournel dans les années 60. Le patient en décubitus dorsal est tourné successivement de 45° à droite et à gauche, le rayon restant perpendiculaire à la table radiologique 49 (figures II.3.f7 et 8).

      

Figure II.3.f7 : Cliché en oblique alaire.

      

Figure II.3.f8: Cliché en oblique obturatrice.

      La plupart des fractures du bassin peuvent être diagnostiquées sur le base d'un cliché AP 154. Ainsi, ce cliché peut être suffisant pour le traitement en urgence d'un patient hémodynamiquement instable 25. Si le patient est stable, les clichées 'inlet' et 'outlet' permettent une meilleure évaluation de la fracture et des déplacements antéro-postérieurs (inlet) et supéro-inférieurs (outlet). Ces déplacements qui sont importants dans l'évaluation de la stabilité peuvent en effet être sous-estimées sur l'incidence AP 132.

      On examinera de manière systématique: la symphyse pubienne, les branches ischio- et ilio-pubiennes, les lignes de l'acetabulum, les trous sacrés, l'articulation sacro-iliaque, les épines iliaques et la crête iliaque 25,86. Des lésions plus subtiles sont à rechercher, témoins d'une fracture souvent instable: arrachement osseux d'une des insertions du ligament sacro-épineux ou une fracture d'une apophyse costiforme de L5 25, 44, 86, 132 (figure II.3.f9). Il est important de se rappeler qu'une fracture à un endroit de l'anneau pelvien s'accompagne en général d'une deuxième en un autre endroit qui doit être activement recherchée 9, 25, 30, 132.

      

Figure II.3.f9: Arrachement de l'apophyse costiforme de L5 droite.

      Le CT scan est devenu un examen essentiel dans l'évaluation des fractures du bassin et encore plus de celles du cotyle. Diverses études ont montré qu'un nombre non négligeable (jusqu'à 30%) de fractures avaient été découvertes uniquement au scanner 44 et que jusqu'à 33% des fractures ont changé de classification après un scanner 86. Les indications au CT scan sont: une fracture du cotyle, une luxation de la hanche, toute fracture sacrée reconnue ou potentielle, toute lésion de l'articulation sacro-iliaque reconnue ou potentielle, tout doute quant à la stabilité pelvienne 44. Avant toute fixation interne, un scanner devrait être effectué 86. Les reconstructions en 3 dimensions permettent une meilleure visualisation des lésions dans l'espace (figure II.3.f10). Le scanner permet également l'étude des tissus mous avec l'évaluation d'hématomes. La rapidité actuelle de l'acquisition des images permet d'avoir un bilan des lésions abdominales, thoraciques et cérébrales dans un laps de temps très bref.

      

      

Figure II.3.f10: CT scan du bassin: coupe transverse et reconstruction 3D.

      Le pourcentage de lésions urinaires varie énormément selon les études (0.7-25%) 96. Etant donné la faible sensibilité des signes cliniques d'une lésion urétrale (20% dans une étude 59), tout homme qui n'a pas produit spontanément une urine claire devrait bénéficier d'une urétrographie rétrograde avant la pose d'une sonde urétrale. Chez la femme, les indications sont moins claires, les lésions urétrales étant moins fréquentes. Un examen vaginal est recommandé avant tout cathétérisme urétral 148.

      Pour la recherche de lésions rénale, urétérale ou vésicale, on effectue un scanner abdomino-pelvien natif puis après injection de produit de contraste intraveineux et par la sonde urétrale; cet examen remplace actuellement avec de très bons résultats les UIV et cystographies effectuées auparavant 123, 148.

      Le scanner abdominal permet d'évaluer les atteintes des autres organes intra-abdominaux, en particulier le foie et la rate.

      Dès 1971, l'artériographie a été utilisée dans l'évaluation des hémorragies importantes liées aux fractures pelviennes; cet examen a également un rôle thérapeutique par embolisation. A ce titre, elle fait partie de l'arsenal du traitement des patients hémodynamiquement instables.


II.3.b.3. Traitement en urgence.

      Le but de ce travail n'est pas de discuter en détail les différentes techniques de traitement. Toutefois, il semble indispensable de présenter quelques éléments à propos des méthodes de traitement actuellement reconnues dans le cadre de l'urgence et du traitement définitif.

      Pour optimaliser la prise en charge des polytraumatisés et diminuer la mortalité et la morbidité, des protocoles ont été développés tel que le 'Advanced Trauma Life Support' (ATLS) de l'American College of Surgeon 122, 132. La systématique de ce programme suit les premières lettres de l'alphabet: A pour 'Airway and cervical spine control', B pour 'Breathing', C pour 'Circulation and hemorrage control', D pour 'Dysfunction of the central nervous system' 122. Les fractures du bassin entrent en ligne de compte généralement pour le point C, car elles occasionnent souvent des hémorragies massives (de 2 à 5 litres dans des fractures fermées et instables du bassin 142). Dans le premier examen du protocole (Primary survey), on identifie et traite les états de choc hémorragiques avant même d'avoir identifié la source. Les pertes de volume sanguin se situent dans 5 régions (par ordre d'importance): 1) intrathoracique, 2) intrapéritonéal, 3) extra- ou rétropéritonéal, 4) externe et 5) intravasculaire (coagulopathie) 78. Un remplacement énergique du volume perdu est initié très rapidement. On préconise l'administration de 3 à 5 litres de liquides non sanguins dans la première heure puis de sang groupé 25, 78.

      Si le remplacement initial n'amène pas d'amélioration à l'état de choc (TA systolique < 100 mmHg, pouls > 100/min, PVC < 5 cmH2O, diurèse < 30 ml/heure) et que la radiographie du bassin AP montre une fracture, les protocoles de prise en charge varient selon les régions: si une laparotomie n'est pas indiquée d'emblée (abdomen péritonitique, éviscération, pneumopéritoine, rupture du diaphragme 122), les Anglo-saxons proposent une mini-laparotomie sus-ombilicale avec lavage péritonéal 'ouvert' permettant de mettre en évidence une hémorragie intrapéritonéale 25, 78, 132; en Europe, on favorise un diagnostic par imagerie (échographie ou scanner abdominal) 105, 122, 142; le scanner prend plus de temps, mais permet également une analyse du crâne, du thorax et du bassin. Si ces différents examens mettent en évidence une hémorragie intraabdominale, une laparotomie est effectuée.

      La stabilisation des fractures pelviennes joue un rôle important dans le contrôle de l'hémorragie par la réduction du volume du petit bassin disponible pour l'expansion de l'hématome, par la diminution des mouvements permettant l'organisation de l'hématome et la protection de nouvelles lésions des tissus mous 117. De plus, la stabilisation facilite le nursing du malade, sa mobilisation et permet une diminution des douleurs 109.

      En cas de suspicion de fracture du bassin, quelques mesures peuvent être prises déjà sur les lieux de l'accident, en particulier si cette fracture semble instable en rotation: un matelas coquille est moulé avec un bon appuis sur les crêtes iliaques et les membres en rotation interne; une simple ceinture peut être mise en place pour fermer le bassin; en cas de long délai de transport, ce qui est rarement le cas en Europe, un pantalon anti-choc (ou PASG = 'pneumatic antishock garment') peut être mis en place.

      A l'hôpital, la stabilisation du bassin sera effectuée par différentes techniques: un fixateur externe en cadre, dont les broches sont insérées dans les crêtes iliaques; un clamp pelvien inséré sur le versant iliaque des articulations sacro-iliaques. Les avantages et inconvénients de ces méthodes sont bien codifiés 28, 32, 109, 117, 132, 134, 142.

      Si malgré ces traitements le patient reste hémodynamiquement instable, l'étape diagnostique suivante est une angiographie 25, 78, 94, 117, 132, 142. Les études montrent que la proportion de saignements artériels est faible (moins de 20%) 25, 28, 142; ce chiffre serait certainement supérieur si l'on effectuait des artériographies à tous les patients qui restent instables 95. Les artères en cause sont principalement l'artère iliaque interne et ses branches, l'artère glutéale supérieure et l'artère honteuse interne 44, 95, 117. L'artériographie permet éventuellement de traiter l'hémorragie par embolisation sélective.

      Si l'état de choc n'est pas contrôlable, des mesures in extremis peuvent être entreprises telles que le tamponnement chirurgical ou l'hémi-pelvectomie 132, 142. Le tableau II.3.t1 (page 23) résume la prise en charge d'urgence.

      La place de la fixation interne dans le traitement en urgence est en train de se modifier 50. Auparavant elle était considérée comme prenant trop de temps et elle comportait un risque hémorragique majeur par rupture des hématomes. Actuellement on considère qu'un traitement initial idéal devrait être définitif grâce aux améliorations qui le rendent possible 117. Les indications reconnues comportent: une fixation par plaque de la symphyse à la fin d'une laparotomie ou d'une réparation de la vessie, une fixation transpéritonéale de l'articulation sacro-iliaque quand une stabilisation par voie externe est insuffisante ou impossible, une fixation de l'articulation sacro-iliaque par voie antéro-latérale dans les fractures-luxations transiliaques où un clamp pelvien est contre-indiqué. La mise en place de vis sacro-iliaques par voie percutanée après réduction fermée, en décubitus dorsal ou ventral et sous écran de brillance, est discutée par ses adeptes 116, 117 et ceux qui y sont réticents 142.

      Le traitement des lésions associées est d'une grande importance en urgence. Une atteinte du rectum nécessite une colostomie en urgence 25. Une atteinte urétrale nécessite la pose d'une sonde suspubienne. On suturera une rupture de vessie intrapéritonéale 142. Les fractures ouvertes du bassin nécessitent un traitement agressif, opératoire d'emblée pour diminuer le risque infectieux 25, 103, 132, 142.

      

Tableau II.3.t1 : Prise en charge en urgence.

      Les fractures du cotyle ne mettent en général pas en danger la vie du patient. Le pronostic vital dans ce cas est associé aux lésions associées. Le traitement en urgence consiste à réduire une hanche luxée, puis à la maintenir stable par une extension 142. Les indications à une fixation interne après réduction ouverte en urgence sont: une luxation irréductible ( due à une interposition de tissus mous ou de fragments osseux), une hanche instable après réduction fermée, un déficit neurologique, souvent sciatique, qui augmente et des lésions vasculaires associées 132.


II.3.b.4. Traitement définitif.

      Le type de traitement ne dépend pas uniquement du type de fracture, mais également de l'état général du patient, des lésions associées et de l'état osseux 132. La prise en charge définitive des fractures du bassin est un sujet complexe, en particulier à cause de la grande diversité des atteintes, et qui est en constante évolution. Nous n'aborderons ici que quelques principes schématiques. La démarche générale est donnée dans le tableau II.3.t2; pour plus de détails, nous vous laissons consulter les ouvrages de référence 132, 142 et les articles 8, 25, 50, 54, 65, 71, 83, 91, 94, 117, 128, 134, 135, 136, 141.

      

      

Tableau II.3.t2: Principe de traitement définitif

(modifié d'après 132)

      Le traitement définitif par fixation interne sera réalisé une fois le patient stabilisé sur le plan général et après un bilan complet et détaillé des lésions en particulier par CT scan. Le traitement sera si possible effectué avant le 14e jour, car, par la suite, la réduction peut devenir difficile. L'opération a donc lieu le plus souvent entre le 4e et le 14e jour.

      Les voies d'abord sont multiples et on distingue deux groupes pour atteindre la région sacro-iliaque: les voies d'abord antérieures ('intrapelviennes') où l'on accède en descendant la face antérieure de l'aile iliaque avec le risque d'atteinte de la racine L5 54, 132, et les voies d'abord postérieures ('extrapelviennes'), avec le risque de lésions des tissus mous postérieurs qui sont souvent déjà endommagés par le traumatisme 83, 132.

      Le type de matériel de fixation utilisé est également multiple et varié: plaque symphysaire antérieure, vis de fixation trans-sacro-iliaque, plaque carrée pour fixation sacro-iliaque par voie antérieure, plaque pontant les 2 articulations sacro-iliaques par voie postérieure, barres trans-iliaques entre les épines iliaques postéro-supérieures dans les fractures sacrées, ... .

      Lors d'atteinte du cotyle, la fracture est intra-articulaire et la réduction doit être anatomique pour prévenir le plus possible une arthrose secondaire. Un traitement conservateur peut être envisagé pour des fractures non ou très peu déplacées ou des fractures avec une congruence articulaire secondaire (par exemple certaines fractures des 2 colonnes où les surfaces articulaires peuvent reprendre une congruence, étant libres d'attache 75, 132, 142), soit des fractures avec une tête fémorale bien centrée et une articulation stable 142. Pour une fracture n'intéressant pas la partie porteuse de charge de l'acetabulum, une réduction non anatomique peut être tolérée. Matta a développé une mesure d'arc du toit ('roof arcs') qui est l'angle entre la verticale par le centre de la tête fémorale et la ligne unissant la fracture et le centre de la tête. Mesuré dans tous les plans, cet angle semble bien corrélé avec les risques d'arthrose secondaire 66, 70. Lorsqu'il existe des contre-indications au traitement opératoire, on est réduit à un traitement conservateur: par exemple, en cas d'ostéoporose, de rupture vésicale et de fracture ouverte; dans ce dernier cas, un débridement chirurgical doit être effectué en urgence mais une fixation interne est contre-indiquée à cause du risque de surinfection 35. Une arthrose préexistante peut être une contre-indication relative à une reconstruction opératoire 142. Enfin, l'état général du patient peut être une contre-indication. Le traitement conservateur consiste en une traction par broche transcondylienne avec un poids d'environ 15kg, pour une durée de 6 à 12 semaines selon les cas. La mobilisation du genou par un appareillage permettant des mouvements passifs continus doit être mise en oeuvre rapidement. Les indications opératoires sont un manque de stabilité et de congruence dans l'articulation de la hanche. Les marches d'escalier articulaires sont particulièrement indésirables si elles touchent une partie du toit du cotyle qui transmet la charge du corps 35, 132, 142. Une marche de plus de 2-3mm sera mal tolérée 75. L'opération vise une réduction anatomique. Le bilan préopératoire par scanner du type de fracture est capital pour déterminer le voie d'abord la meilleure, étant donné qu'aucune voie ne permet d'atteindre simultanément et avec le même degré de facilité les 2 colonnes et l'intérieur du pelvis 55. L'opération est habituellement réalisée 2-3 jours après l'accident; après ce délai, l'intervention devient beaucoup plus difficile par la formation de cal. Nous vous laissons vous référer aux ouvrages et articles de référence pour le choix des voies d'abord et des techniques de reconstruction 35, 55, 67, 70, 75, 121, 122, 132.

      Tant pour les fractures du bassin que du cotyle, le risque de maladie thromboembolique est grand et une prophylaxie pré- et post-opératoire est nécessaire.


III. Méthodes adoptées.


III.1. Recrutement du collectif.

      Le but de l'étude était de déterminer le suivi à long terme des patients ayant été traités pour une fracture du bassin ou du cotyle entre janvier 1977 et mai 1997 par le service de chirurgie de l'Hôpital des Cadolles qui est un des hôpitaux de la ville de Neuchâtel (CH-2000 Neuchâtel). Pour la période du 1.1.94 au 31.5.97, nous étions en possession des lettres de sortie de tous les patients hospitalisés et toute mention de fracture du bassin ou du cotyle a fait rechercher le dossier du patient. Pour la période antérieure, soit de 1977 à 1993, les lettres de sortie n'étaient pas à disposition et nous ne disposions pas de système informatique permettant de retrouver ces données. Une consultation de l'ensemble des protocoles opératoires du service a été effectuée. Nous avons recherché les dossiers d'hospitalisation des patients pour lesquels une fracture du bassin ou du cotyle était mentionnée dans le protocole opératoire, que cette lésion ait été traitée chirurgicalement ou qu'elle fasse partie des diagnostics accessoires.


III.2. Classifications adoptées.

      Pour le bassin, la classification adoptée est celle de Tile telle qu'elle est présentée dans la seconde édition de son ouvrage 'Fracture of the pelvis and acetabulum' 132. Cette classification est en accord avec le système AO 135 (le bassin est noté os 61). Elle est exposée dans le tableau III.2.t1.

      

Tableau III.2.t1.: Classification des fractures du bassin selon Tile et AO

(os n° 61).

      Pour le cotyle, la classification retenue est celle de l'AO 67 (le cotyle est noté os 62). Elle est exposée dans le tableau III.2.t2. Le tableau III.2.t3. donne pour rappel la classification selon Judet-Letournel 55 avec les correspondances avec la classification AO.

      

      

Tableau III.2.t2: Classification des fractures du cotyle selon l'AO

(os n° 62).

      Fractures élémentaires:

      Fractures associées (au moins 2 élémentaires):

      Pour les patients ayant présenté des fractures du bassin et du cotyle associées, les 2 fractures ont été classées chacune selon sa classification propre.


III.3. Choix et exposé de la méthode de suivi à long terme.

      Pour le suivi à long terme, nous avons décidé de nous intéresser au devenir des patients présentant des fractures du bassin instables uniquement (B et C selon Tile). Toutes les fractures du cotyle ont été revues.

      L'élaboration du type d'évaluation à long terme a été fondée sur notre réflexion personnelle et sur la lecture des articles traitant de ce sujet. De nombreux éléments se retrouvent dans l'ensemble des études, mais nous avons rapidement constaté qu'il n'y avait aucun consensus, ni standardisation pour ce qui est des fractures du bassin en particulier. Pour le suivi à long terme des fractures du cotyle, le score établi par Merle d'Aubigné 81 est très souvent utilisé. Il a donc été inclus dans notre évaluation. Ce score comprend 3 paramètres notés de 0 à 6 (6 étant le mieux): la douleur, la capacité de marche et la mobilité de la hanche à l'examen clinique. La somme des points des données anamnestiques permet un premier classement de très bien à mauvais; puis, selon le status, le classement est réévalué (une mobilité réduite diminue le score d'une à 2 classes) (cf. tableau III.3.t1).

      

Tableau III.3.t1: Score

selon Merle d'Aubigné.

      Deux méthodes de suivi ont été retenues pour le bassin: le score sur 100 de Majeed 61 et une évaluation proposée par Pohlemann 105, 106, 107, 108.

      Le score de Majeed touche divers domaines d'évaluation surtout anamnestiques (douleur, position assise, marche, rapports sexuels, travail) avec un nombre de points différents pour chaque domaine selon l'importance qui lui est accordée; le maximum de points pouvant être obtenus est de 100 (tableau III.3.t2).

      

Tableau III.3.t2: Score de Majeed.

      Le méthode d'évaluation de Pohlemann comprend 3 groupes d'investigations: clinique (douleur, déficit neurologique, urologique et fonctionnel à la marche), social (travail, loisirs et relations sociales) et finalement radiologique (tableau III.3.t3).

      Résultats cliniques:

      

      

Tableau III.3.t3: Score de Pohlemann.

      D'autre part, nous avons inclus une échelle d'évaluation de santé non spécifique à la pathologie étudiée, le SF-36 147. L'évaluation retenue est exposée en annexe I. Elle comprend une partie anamnestique avec les données épidémiologiques, le traumatisme, la prise en charge puis le questionnaire d'évaluation à long terme. On y évalue des éléments cliniques (douleur, déficit fonctionnel à la marche, problèmes uro-génitaux et neurologiques) et socio-professionnels. Nous avons également proposé aux patients de noter sur 100 leur satisfaction globale et de signaler 3 points positifs et 3 points négatifs.

      Après les données anamnestiques, un examen clinique dirigé et un examen radiologique ont été effectués. Le bilan radiologique comprend un cliché de bassin antéro-postérieur debout, un inlet (30° d'inclinaison crânio-caudale) et un outlet (45° d'inclinaison caudo-crâniale). Pour les patients avec fracture du cotyle, nous avons réalisé en plus les obliques alaire et obturatrice du côté atteint selon Letournel. L'évaluation des radiographies comprend une mesure des déplacements vertical et antéro-postérieur, tels qu'ils ont été décrits initialement par Henderson 39 (figure III.3.f1) et les déplacements symphysaires 22 (figure III.3.f2). On a recherché les atteintes du matériel d'ostéosynthèse et les réactions qu'il aurait engendrées. La coxarthrose et l'ossification ectopique ont été notées.

      

      Rx Bassin Antéro-Postérieur

      

      Rx Bassin Inlet

      

Figure III.3.f1: Mesures radiologiques

      Rx Bassin Outlet

selon Henderson 39.

      

Figure III.3.f2: Mesures des déplacements symphysaires.

      Diverses analyses statistiques ont été réalisées, d'une part pour comparer les résultats entre types de fractures entre eux et d'autre part pour comparer les différentes méthodes de suivi à long terme. Ces analyses ont été effectuées avec l'aide de Mme J. Moret mathématicienne-statisticienne à l'Université de Neuchâtel. Il s'agit de tests exacts de Fischer, de tests non paramétriques de Mann-Whitney et de matrices de corrélation; les données ont été traitées sur le logiciel S-Plus V.4.0. (StatSci MathSoft Inc. Seattle, WDC)


IV. Résultats et discussion.


IV.1. Epidémiologie.


IV.1.a. Epidémiologie du collectif total.


IV.1.a.1. Période 1.1994 à 5.1997.

      Pour la période du premier janvier 1994 au 31 mai 1997, toutes les lettres de sortie de patients hospitalisés plus de 24 heures à l'Hôpital des Cadolles étaient disponibles. Nous avons ainsi pu répertorier tous les cas où était fait mention d'une fracture du bassin ou du cotyle. Nous en avons recensé 43.

      Il nous a semblé important de détailler et de commenter ce collectif. A noter en préambule que ce collectif ne comprend pas tous les patients qui n'ont pas été hospitalisés (traitement ambulatoire, transfert vers un autre centre hospitalier, décès aux urgences, prise en charge dans un autre hôpital de la ville (Providence, Pourtalès)). Il n'y aucun enfant dans le collectif car ils sont pris en charge par le service de pédiatrie d'un autre hôpital de la ville (Pourtalès). Il ne s'agit donc pas d'une étude de l'épidémiologie exhaustive des fractures du bassin et du cotyle enregistrées dans un lieu et pendant une période donnée; mais ce genre de collectifs de patients hospitalisés est utilisé dans beaucoup d'études, ce qui permettra de comparer nos résultats à d'autres.

      La répartition des données épidémiologiques (nombre de cas, sexe et âge) selon le type de fracture (classées selon l'AO) est présentée dans le tableau IV.1.a.t1.

      
type nombre hommes femmes âge moyen âge médian écart-type
bassin uniquement 33 18 15 52 46 24
bassin A 22 7 15 61 70 24
bassin B 5 5 0 35 42 14
bassin C 6 6 0 34 30 10
bassin et cotyle 4 4 0 45 47 18
bassin B 1 1 0 48 48  
bassin C 3 3 0 44 46 21
total bassin 37 22 15 51 46 24
cotyle uniquement 6 4 2 50 54 16
total général 43 26 17 51 48 22

      Le graphique IV.1.a.g1 montre que les fractures de type A représentent 60% des cas, le type B 16% et le type C 24%. Dans la littérature 27, 105, 133, 135, 142, les proportions sont de 51-58 % pour le type A, 22-28 % pour le type B et 20-35% pour le type C. Les fractures du cotyle isolées représentent dans notre collectif 14% des cas, alors que dans la littérature ce chiffre est de 21-22% 27, 105, 142. La proportion de fracture du bassin associée à une fracture du cotyle est de 11% (4 sur 37) comparable aux 9.3 à 18% des études 27, 105, 142. D'autres études 39, 42, 58, 71, 72, 112, 138 donnent le pourcentage de fractures instables du bassin (soit type B et C) associées à une fracture du cotyle qui est de l'ordre de 19 à 41 % et qui englobe les 27% (4 sur 15) de notre collectif.

      

Graphique IV.1.a.g1: Nombre de cas par type d'atteinte, période 1.94 à 5.97.

      La répartition selon les sexes pour les fractures du bassin est de 60% d'hommes et de 40% de femmes ce que l'on trouve dans la littérature. Il est frappant de constater que si l'on considère uniquement les types A, le rapport s'inverse avec 32% d'hommes et 68% de femmes. Ceci est à corréler avec l'âge moyen pour ce type de fracture qui est nettement plus élevé que pour les autres types. Pour l'âge lors de la fracture, si l'on considère le graphique IV.1.a.g2, on retrouve ce qui est décrit dans la littérature 142, avec un premier pic de fréquence vers 20 à 30 ans, puis chez les hommes un second pic entre 45 et 50 ans et chez les femmes vers 80 à 85 ans. Une autre façon d'illustrer cette relation entre type de fracture, âge à l'accident et sexe est donnée dans le graphique IV.1.a.g3.

      

Graphique IV.1.a.g2: Nombre de cas en fonction de l'âge et du sexe, période 1.94 à 5.97.

      

Graphique IV.1.a.g3: Répartition par âge et sexe selon le type d'atteinte, période 1.94 à 5.97


IV.1.a.2. Période 1977 - 1993.

      Le recrutement des cas par l'intermédiaire des protocoles opératoires pour la période début 1977 à fin 1993 a permis de retrouver un premier cas le 28.10.1977 ayant été victime d'une fracture du cotyle opérée. Le cas suivant date de 4 ans plus tard soit en 1981. Il est clair que ce mode de recrutement amène à un collectif particulier. D'une part sont retrouvés tous les patients qui ont été opérés de leur fracture, mais s'ajoutent également les patients opérés d'autres lésions mais qui présentaient une fracture pelvienne qui a été traitée de manière conservatrice. Ce collectif est donc dans une certaine mesure inhomogène et il lui manque tout un groupe de patients traités conservativement.


IV.1.b. Epidémiologie du collectif non revu.

      Sur les 51 cas d'intérêt pour notre étude, 35 ont pu être interrogés, soit 69%; 34 ont été revus, 1 a été interrogé par téléphone.

      16 patients n'ont donc pas pu être suivis.

      2 patients ont refusé l'entretien: 1 pour des problèmes de santé non liés à la fracture du bassin (tumeur de la vessie, sclérodermie systémique) qui l'empêchaient de se déplacer; 1 qui avait du supporter l'ensemble de la charge financière de son accident et qui refusait d'avoir de nouveaux contacts pour cet événement.

      1 patient a été convoqué à 2 occasions et il ne s'est pas présenté sans que l'on parvienne à l'atteindre par la suite.

      1 patient, lors du suivi, n'a pas pu se présenter car il venait de subir une opération dans un autre hôpital pour une ostéomyélite au niveau de l'ostéosynthèse de sa fracture du cotyle. Selon les documents transmis, ce patient présentait, 10 mois après son opération initiale, une boiterie et des douleurs persistantes. Les radiographies montraient que sa fracture du mûr postérieur du cotyle gauche était consolidée avec un interligne articulaire réduit. Au vu de l'importance de paramètres inflammatoires élevés, une scintigraphie, un CT-scan et une IRM ont été effectués, ne démontrant pas d'ostéomyélite claire. A l'opération, une collection purulente a été mise en évidence. Nous n'avons pas de renseignements ultérieurs.

      Les adresses des 12 autres patients n'ont pas pu être retrouvées malgré l'emploi d'annuaires électroniques et ils n'ont pas pu être contactés.

      

Tableau IV.1.b.t1: Comparaison des collectifs total, revu et non revu.

      Le tableau IV.1.b.t1 donne une comparaison du collectif total d'intérêt, du collectif des patients qui n'ont pas pu être suivis et de ceux qui ont pu l'être. On constate que le taux de patients revus pour les fractures isolées du cotyle est inférieur à celui pour les fractures du bassins associées ou non à une fracture du cotyle, où pratiquement les ¾ des patients ont été revus. La plupart des études des fractures du bassin ne s'intéressent que peu aux fractures du cotyle isolé, allant jusqu'à exclure de leur collectif les fractures du bassin avec atteinte du cotyle. Ces deux types de fractures sont effectivement à considérer comme des entités distinctes. Nous avons choisi de suivre les fractures du cotyle, mais en mettant l'accent sur les fractures du bassin et la proportion moindre de patients revus pour les cotyles est de ce fait quelque peu moins gênante.

      Pour tous les types de fractures on constate que: toutes les femmes ont été revues; l'âge des patients non revus est en moyenne plus jeune que les patients revus. Il est possible que ces constatations proviennent du fait que les femmes et les personnes plus âgées ont une plus grande stabilité de logement et sont ainsi plus faciles à retrouver.


IV.1.c. Epidémiologie du collectif revu.


IV.1.c.1. Classification selon les sous-types.

      

Tableau IV.1.c.t1: Classification par sous-types des patients suivis.

      Le tableau IV.1.c.t1 donne la répartition selon les sous-types de fracture d'après la classification AO (cf. point III.2.). Nous sommes conscients du fait que notre collectif est très réduit (35 cas), mais cela devient encore plus frappant si nous considérons les sous-types avec un maximum de 3 patients pour le même sous-type. La plupart des sous-types ne compte qu'un seul cas (20 fois sur 25 sous-types, soit dans 80% des cas). Cette observation met encore plus en évidence la complexité (nécessaire) des classifications, la diversité des atteintes et l'hétérogénéité du collectif.

      Dans 3 cas de fracture du cotyle nous n'avons pas assez d'éléments d'imagerie pour définir précisément le type d'atteinte.

      1 fracture du bassin est de type ouverte, soit 7% (1 sur 14) des fractures du bassin seul ou 4% (1 sur 23) des fractures du bassin associées ou non à une fracture du cotyle. Ces chiffres correspondent aux données de la littérature qui sont de 3 à 9% pour les fractures instables (types B et C) 6, 36, 53, 71, 72, 91, 103, 145.


IV.1.c.2. Sexe, âge à l'accident.

      Le tableau IV.1.c.t2 donne la répartition des sexes et des âges selon le type de fracture. Ces données correspondent globalement à celles de la littérature.

      

Tableau IV.1.c.t2: Sexes et âges lors de l'accident selon les types.

      De plus amples considérations ont été faites sur le collectif total (cf. point IV.1.1.a.).


IV.1.c.3. Type d'accident.

      
Tableau IV.1.c.t3:. Circonstances de l'accident
  genre d'accident circonstance de l'accident influence de l'alcool ?
  nbre   fréquence en % nbre   fréquence en % nbre / fréquence en %
bassin seul              
B 1 voiture   5 vie courante   3
6 2 motos   1 armée   50
  3 chutes          
C 1 voiture   4 vie courante   2
8 2 motos   2 travail   25
  1 vélo   2 sport    
  2 chutes          
  2 écrasements          
total 2 voitures 14 9 vie courante 65 5
14 4 motos 29 2 travail 14 36
  1 vélo 7 2 sport 14  
  5 chutes 36 1 armée 7  
  2 écrasements 14        
bassin et cotyle              
A 1 voiture   1 vie courante   1
1             100
B 3 voitures   2 vie courante   2
4 1 chute   2 travail   50
C 2 voitures   3 vie courante   1
4 1 moto   1 travail   25
  1 chute          
total 6 voitures 67 6 vie courante 67 4
9 1 moto 11 3 travail 33 44
  2 chutes 22        
tous les bassins              
A 1 voiture   1 vie courante   1
1             100
B 4 voitures   7 vie courante   5
10 2 motos   2 travail   50
  4 chutes   1 armée    
C 3 voitures   7 vie courante   3
12 3 motos   3 travail   25
  1 vélo   2 sport    
  3 chutes          
  2 écrasements          
total 8 voitures 35 15 vie courante 65 9
23 5 motos 22 5 travail 22 39
  1 vélo 4 2 sport 9  
  7 chutes 30 1 armée 4  
  2 écrasements 9        
cotyle seul              
A 5 voitures   5 vie courante   1
6 1 chute   1 travail   17
B 2 voitures   3 vie courante   0
3 1 chute         0
? 2 voitures   3 vie courante   0
3 1 moto         0
total 9 voitures 75 11 vie courante 92 1
12 1 moto 8 1 travail 8 8
  2 chutes 17        
collectif revu              
35 17 voitures 48 26 vie courante 73 10
  6 motos 17 6 travail 17 29
  1 vélo 2 2 sport 7  
  9 chutes 25 1 armée 3  
  2 écrasements 8        

      Le tableau IV.1.c.t3 donne quelques éléments sur le type d'accident en cause.

      Les accidents de la circulation sont nettement en tête dans 50 à 83% des cas selon les groupes; ces chiffres sont même un peu inférieurs aux données retrouvées qui sont de 60 à 95% 8, 21, 42, 65, 78, 80, 124, 132, 145. Si l'on détaille les chiffres de la littérature, la voiture vient en premier avec 13 à 88%, puis les piétons (8 à 48%) et les motos (5 à 27%). Etonnamment, nous n'avons aucun cas d'accident de piéton dans notre étude. Après les accidents de la route, les chutes (habituellement d'un lieu élevé) sont à considérer. Les 17 à 50% selon les types dans notre étude sont supérieurs aux 3 à 29% des références; est-ce lié à la géographie du Jura neuchâtelois ? Nos 8 à 25% d'écrasement (sous un tronc d'arbre, un camion en réparation par exemple) sont compris dans les 4 à 36% des études.

      Dans l'optique d'un suivi à long terme avec les aspects psychologiques que cela comporte, la question a été posée au patient de savoir s'il avait consommé de l'alcool lors de l'accident. 29% avouent avoir eu leur accident sous l'emprise de l'alcool. Un chiffre retrouvé dans la littérature 36 concerne un collectif de 48 cas où '69% étaient intoxiqués au moment de l'accident' sans que la nature de l'intoxication soit précisée.

      Un élément important de biomécanique concernant la direction des forces lors de l'accident n'a pu être retrouvé que dans peu de cas. Il n'a donc pas été mentionné.


IV.1.c.4. Sévérité du traumatisme et lésions associées.

      Le tableau IV.1.c.t4 présente quelques paramètres concernant la sévérité du traumatisme. L'ISS (Injury Severity Score) est un des scores de sévérité les plus employés: il s'agit de la somme des carrés d'un score (allant de 0 à 5) attribué aux 3 atteintes principales (amenant à un total maximum de 75) 3, 16. Plus le score est élevé, plus le risque de décès est grand. On constate que ce score est plus élevé dans les fractures de bassin type C que B; il est également plus élevé lorsqu'elles sont associées à une fracture du cotyle. Pour les fractures isolées du cotyle, qui, comme nous verrons, sont moins souvent associées à des polytraumatismes, ce score est plus bas. Selon les tests statistiques, ces différences ne sont cependant pas significatives. Ces chiffres correspondent à ceux de la littérature avec par exemple un ISS moyen dans les fractures instables du bassin (B et C) allant de 17 à 36% 6, 10, 33, 36, 42, 78, 93, 110, 145, 153 et de 13 à 21% pour les fractures du cotyle 15, 38. Les mêmes constatations sont valables pour les autres paramètres relevés, à savoir: la tension artérielle systolique à l'arrivée avec le nombre d'hypotension à moins de 100mmHg, la fréquence cardiaque à l'arrivée avec le nombre de tachycardie, le nombre de culots érythrocytaires dans les 24 premières heures et sur l'hospitalisation totale et la prise en charge aux soins intensifs. Dans la littérature, pour les fractures de bassin instables, des signes d'hypovolémie sont retrouvés dans 5 à 41% 10, 42, 115, 145, les patients ont reçu 4 +/- 8 culots érythrocytaires dans les 24 premières heures 6, et 5,9 à 13.1 au total 6, 10, 33, 78, 110, 145.

      

Tableau IV.1.c.t4: Sévérité du traumatisme.

      
  1 région > ; 1 région autres régions Minf Msup rachis thorax dig-abd urol vasc SN péri SNC
nbre de patient moyenne du nbre par patient nbre de patients victimes de telles lésions associées
fréquence en % écart-type fréquence en %
      fréquences retrouvées dans la littérature en %
bassin seul                        
B 3 3 1.5 3 2 1 0 0 1 0 0 2
6 50 50 1.8 50 33 17 0 0 17 0 0 33
      littérature: 46 à 48 26 à 29 3 à 55 30 14 16     43
C 8 7 3.1 4 1 4 4 2 2 0 3 5
8 100 88 1.3 50 13 50 50 25 25 0 38 63
      littérature: 44 à 67 22 à 52 16 à 71 28 à 44 20 à 47 42 à 51 8 à 11 7 à 38 19 à 48
tot 11 10 2.4 7 3 5 4 2 3 0 3 7
14 79 71 1.7 50 21 36 29 14 21 0 21 50
      littérature: 23 à 67 9 à 33 3 à 23 8 à 41 4 à 32 0 à 28 2 à 8 3 à 32 4 à 66
max; min     5; 0                  
bas. + cot.                        
A 1 1 3 1 1 0 0 0 0 0 0 1
1 100 100   100 100 0 0 0 0 0 0 100
B 4 2 2.0 1 2 1 0 1 1 0 0 3
4 100 50 1.2 25 50 25 0 25 25 0 0 75
C 3 3 2.8 3 1 0 1 1 1 0 0 3
4 75 75 1.9 75 25 0 25 25 25 0 0 75
tot 8 6 2.4 5 4 1 1 2 2 0 0 7
9 89 67 1.4 56 44 11 11 22 22 0 0 78
max; min     4; 0                  
tous les bas                        
A 1 1 3 1 1 0 0 0 0 0 0 1
1 100 100   100 100 0 0 0 0 0 0 100
B 7 5 1.7 4 4 2 0 1 2 0 0 5
10 70 50 1.5 40 40 20 0 10 20 0 0 50
C 11 10 3.0 7 2 4 5 3 3 0 3 8
12 92 83 1.5 58 17 33 42 25 25 0 25 67
tot 19 16 2.4 12 7 6 5 4 5 0 3 14
23 83 70 1.6 52 30 26 22 17 22 00 13 61
max; min     5; 0                  
cotyle seul                        
A 6 3 2.0 2 3 0 4 1 0 0 0 2
6 100 50 1.3 33 50 0 67 17 0 0 0 33
B 2 1 1.3 0 0 0 2 0 0 0 1 1
3 67 33 1.5 0 0 0 67 0 0 0 33 33
? 2 2 2.0 2 2 0 0 0 0 0 1 1
3 67 67 1.7 67 67 0 0 0 0 0 33 33
tot 10 6 1.8 4 5 0 6 1 0 0 2 4
12 83 50 1.3 33 42 0 50 8 0 0 17 33
max; min     4; 0 littérature: 3 14   3 à 17 5 à 38 31
collect revu                        
35 29 22 2.2 16 12 6 11 6 5 0 5 18
  83 63 1.5 46 34 17 31 17 14 0 14 51
max; min     5; 0                  

      Le tableau IV.1.c.t5 détaille les lésions associées, en donnant le nombre de cas avec au moins 1 autre lésion et plus d'une lésion (>1), le nombre moyen d'autres régions atteintes et le nombre par région. Dans notre étude, le nombre de cas avec au moins une autre atteinte est à peu près identique entre les différents types (80-90%), mais on retrouve la différence entre bassin et cotyle si l'on considère les cas avec plus d'une autre atteinte. La littérature donne des chiffres semblables pour les polytraumatisme avec 61 à 96% de polytraumatisme lors d'atteinte du bassin (50 à 88% selon les types dans notre étude) et 41 à 78% lors d'atteinte du cotyle (33 à 67% chez nous).

      Pour le nombre d'atteinte par région, énormément d'études de la littérature relèvent des chiffres mais les pourcentages d'atteintes varient beaucoup (parfois de 1 à 30%). Cela provient certainement d'une définition variable des lésions prises en compte qui ne sont en général pas précisées. Dans notre étude, seul le nombre de patient a été comptabilisé et cela qu'il y ait une ou plusieurs atteintes de la région (par exemple une fracture du fémur et une fracture du calcanéum chez le même patient n'ont été comptabilisées qu'une fois pour la région 'membre inférieur'). Les lésions du rachis concernent les fractures de la colonne vertébrale sans prendre en compte le sacrum et le coccyx. Les lésions du thorax concernent les fractures costales et les contusions pulmonaires. Pour les lésions abdominales, on a considéré les atteintes de tout organe plein ou creux intraabdominal ou de leur méso, à l'exception des lésions touchant les reins, les uretères et la vessie qui, avec les lésions urétrales, sont comptabilisées dans le domaine urologique. Les atteintes vasculaires concernent les gros vaisseaux à savoir l'aorte, la veine cave, les iliaques primitives. Pour le système nerveux central sont pris en compte les commotions et les contusions cérébrales, ainsi que les fractures crâniennes. Les données de la littérature sont insérées dans le tableau pour comparaison et nos pourcentages sont en général compris dans les intervalles de référence.

      Le classement par fréquence des atteintes associées selon les régions pour le bassin est le suivant: 1) système nerveux central, 2) membres inférieurs, 3) rachis, 4) thorax, 5) membres supérieurs, 6) urologique, 7) système nerveux périphérique, 8) abdominal; pour le cotyle: 1) thorax, 2) membre supérieur, 3) membre inférieur, 4) système nerveux central, 5) système nerveux périphérique, 6) abdominal.


IV.1.c.5. Type de traitement.

      
Tableau IV.1.c.t5: Lésions associées (autres régions du corps atteintes, nombre).
  opération ? délai acc-op type d'op. voie d'abord op conjointe anesthésie peau-peau CE per-op
fréquence en % moyenne en j type   durée mne en h:min nbre moyen
de...à...j       de...à...h:min de...à...
bassin seul                
B 6 op 1.3 5 plaque + vis; 1 fix ext (B 2) seul 5 horizontales au niveau du pubis; 1 direct 1 hernie traumatique;2 os 1:56 0:48 0
6 100 de 0 à 3 1:05 à 3:55 0:40 à ? 0
           
C 2 cons; 6 op 7.8 6 fix ext dont 1 seulement fix ext; 3 plaque + vis sur symphyse; 2 vis SI; 1 plaque post 3 horizontales au niveau du pubis; 4 directs 1 uro-dig; 1 os 4:10 3:37 1.8
8 25; 75 de 0 à 23   2:15 à 4:00 1:30 à ? 0 à 5
             
               
               
               
tot 2cons;12 op 4.3 8 plaque + vis symphyse; 7 fix ext; 2 vis SI; 1 plaque post 5 3:16 2:25 0.9
14 14; 86 de 0 à 23   1:05 à 4:00 0:40 à 2:50 de 0 à 5
bassin et cotyle              
A 1 cons       0      
1 100              
B 1 cons; 3 op 9.3 3 plaque + vis symphyse et cotyle 1'ilio-inguinal'; 1Kocher-Langenbeck; 1Judet-Letournel; 1horizontale pubis 0 5:13 4:18 3.0
4 25; 75 de 8 à 11   5:00 à 5:30 3:50 à 4:55 de 2 à 4
             
               
C 4 op 9.5 4 plaque + vis symphyse et cotyle 1Judet-Letournel; 1Moore; 1iliaque prolongée inguinale; 1horiz pubis; 1direct 0 3:50 2:53 2.3
4 100 de 2 à 20   3:00 à 4:50 2:15 à 3:50 de 0 à 4
             
               
tot 2 cons; 7 op 9.4 7 plaque + vis symphyse et cotyle 0 4:25 3:30 2.6
9 22; 78 de 2 à 20       3:00 à 5:30 2:15 à 4:55 de 0 à 4
cotyle seul                
A 3 cons; 3 op 6.0 3 vis 3 Moore 0 1:55 1:11 1.0
6 50; 50 de 3 à 8       1:40 à 2:10 1:05 à 1:15 de 0 à 2
B 3 op 7.0 1 vis (1 vis avec boulon !); 2 plaque + vis 1Moore; 2 ilio-inguinales 0 3:03 2:23 2.0
3 100 de 1 à 14   2:25 à 3:45 1:55 à 3:00 de 0 à 4
               
? 3 op 6.7 2 vis; 1 plaque + vis 3 Moore 0 2:56 2:03 2.0
3 100 de 5 à 10     2:35 à 3:10 1:45 à 2:15 de 0 à 4
tot 3 cons; 9 op 6.6 6 vis; 3 plaque + vis 0 2:43 1:52 1.7
12 25; 75 de 1 à 14       1:40 à 3:45 1:05 à 3:00 de 0 à 4
max; min               4; 0
collectif revu              
35 7cons; 28op 6.3     5 3:25 2:32 1.6
  20; 80 de 0 à 23       1:05 à 5:30 0:40 à 4:55 de 0 à 5

      délai acc-op = délai entre l'accident et l'opération; CE per-op = nombre de culots érythrocytaires durant l'opération.

      Le tableau IV.1.c.t6 rend compte de la prise en charge opératoire ou conservatrice. Le pourcentage de cas opérés ne peut pas vraiment être considéré dans notre étude étant donné que le collectif a été retrouvé pour la majeure partie par les protocoles opératoires. Rappelons que les cas traités conservativement sont soit tirés du collectif 1994 à 1997 recherchés par lettre de sortie, soit des cas ayant subi une autre opération avec mention de la fracture du bassin ou du cotyle. Dans la littérature le pourcentage de cas opérés varie en fonction du temps avec une proportion plus importante ces dernières années; de moins de 20% dans les années 70, il est passé à plus de 60% dans les années 90 4, 27, 105, 142, 145, 146.

      Le délai entre l'accident et l'opération retrouvé dans les études est de 9 jours en moyenne (0 à 31 jours) pour le type C 111, 2,5 à 14 jours de moyenne pour les bassins instables (B + C) 72, 93, 113 et 5 à 12 jours de moyenne pour les cotyles 15, 47, 150. Les chiffres de notre étude sont compris dans ces valeurs. Le délai le plus court se trouve dans le cadre des fractures de bassin type B où, comme présenté précédemment avec l'ISS, la gravité du polytraumatisme est moindre. La stabilité des fonctions vitales est obtenue plus rapidement et l'opération peut être réalisée plus tôt. Ces opérations sont également les plus brèves et celles demandant le moins de transfusions. Pour les autres atteintes, le délai plus important est lié au fait que les patients sont souvent trop instables sur le plan des fonctions vitales pour être opérés. La tendance actuelle est cependant une prise en charge opératoire la plus précoce possible. Nous ne détaillerons pas les voies d'abord, ni les types d'opérations et de matériels utilisés, mais le tableau montre la grande diversité des techniques employées qui couvre l'ensemble des techniques habituellement reconnues.


IV.1.c.6. Complications immédiates.

      Le tableau IV.1.c.t7 énumère les complications immédiates retrouvées dans notre étude et celles données par la littérature 4, 39, 78, 84, 107, 114, 132, 142. Les complications thromboemboliques de type thromboses veineuses profondes (TVP) et embolies pulmonaires sont les complications les plus fréquentes. La variation de prévalence pour la TVP est importante entre les études: de 3 et 61%. Cela s'explique: soit on ne fait que constater cette complication lorsqu'elle est plus ou moins évidente, soit on la recherche activement même s'il n'y a pas de traduction clinique. Nos chiffres sont faibles mais une recherche active n'a pas été menée. Nous n'avons pas constaté d'embolie pulmonaire dans le collectif suivi, mais 2 des 3 cas décédés des suites de leur fracture sont morts d'une embolie pulmonaire massive sur table. Les problèmes infectieux sont le deuxième problème soit lié à l'intervention, soit à l'immobilisation prolongée. Nos chiffres sont compris dans ceux retrouvés dans la littérature 4, 39, 78, 84, 107, 114, 132, 142.

      
Tableau IV.1.c.t6: Type de traitement.
    complication fréquence en %     complication fréquence
nb type par rapport au nbre nb type par rapport au nbre
    de complication de cas du groupe     de complication de cas du groupe
bassin seul     cotyle seul    
B 3 complications 100   A 2 complications 100  
6 3 patients   50 6 2 patients   67
  1 infection de cicatrice 33 17   2 infections urinaires 100 67
  1 infection pulmonaire 33 17 B 0 complication 0  
  1 infection urinaire 33 17 3       0
C 5 complications 100   ? 1 complication 100  
8 3 patients   38 3 1 patient   33
  1 infection du fixateur externe 20 13   1 thrombose veineuse prof. 100 33
  1 infection de cicatrice abdo 20 13 tot 3 complications 100  
  2 infections urinaires 40 25 12 3 patients   25
  1 dépression 20 13   1 thrombose veineuse prof. 33 8
tot 8 complications 100     2 infections urinaires 67 17
14 6 patients   43 collectif revu
  2 infections de cicatrice 25 14 35 18 complications 100  
  1 infection du fixateur externe 13 7   14 patients   40
  1 infection pulmonaire 13 7   2 thromboses veineuses prof. 11 6
  3 infections urinaires 37 21   1 crush syndrome 6 3
  1 dépression 13 7   1 susp. d'embolie graisseuse 6 3
bassin et cotyle       2 troubles neurologiques 11 6
A 1 0 complication   0   2 infections de cicatrice 11 6
B 2 complications 100     1 infection du fixateur externe 6 3
4 2 patients   50   2 infections pulmonaires 11 6
  1 susp. d'embolie graisseuse 50 25   6 infections urinaires 33 17
  1 infection urinaire 50 25   1 dépression 6 3
C 5 complications 100            
4 3 patients   75 littérature fréquence en % (de - à)
  1 thrombose veineuse prof. 20 25       par nbre de cas
  1 crush syndrome 20 25     thrombose veineuse prof. 3 61
  2 troubles neurologiques 40 50     embolie pulmonaire 0 22
  1 infection pulmonaire 20 25     troubles neurologiques 4  
tot 7 complications 100       infections de cicatrice 2 14
9 5 patients   56     infection du fixateur externe 0 33
  1 thrombose veineuse prof. 14 11     infections pulmonaires 2 23
  1 crush syndrome 14 11     infections urinaires 38 46
  1 susp. embolie graisseuse 14 11     dépression 8  
  2 troubles neurologiques 28 22          
  1 infection pulmonaire 14 11          
  1 infection urinaire 14 11          
                   


IV.1.c.7. Prise en charge hospitalière.

      Le tableau IV.1.c.t8 présente diverses durées de prise en charge. La littérature apporte très peu de chiffre et les rares études 6, 21, 36, 39, 110, 114, 120 donnent des durées plus brèves de séjour hospitalier que dans la nôtre. Notons que la durée de séjour a été significativement plus longue pour les fractures de type C que de type B que ce soit pour des fractures de bassin seul ou pour les fractures du bassin associées au cotyle. Notons également que la durée de décharge a été plus longue pour les fractures du cotyle qui sont intraarticulaires et la durée du séjour total plus longue pour les fractures du bassin probablement également lié aux autres lésions plus fréquentes.

      
Tableau IV.1.c.t7: Complications immédiates.
  alitement décharge séjour aux Cadolles séjour 'hospitalier' total arrêt de travail
durée moyenne en semaine en mois
bassin seul        
B6 2 4 5 6 5
C8 5 9 11 12 9
tot14 4 7 9 9 7
min; max 1; 12 2; 12 2; 22 2; 22 1; 14
bassin et cotyle        
A1 3 5 7 7 3
B4 4 9 4 7 7
C4 5 10 8 11 6
tot9 4 9 6 9 6
min; max 3; 6 3; 13 2; 10 5; 15 3; 9
cotyle seul        
A6 2 10 4 4 5
B3 5 13 10 10 9
?3 5 7 6 7 10
tot12 4 10 6 6 7
min; max 1; 8 2; 20 1; 14 1; 14 2; 12
collectif revu        
35 4 9 7 8 7
min; max 1; 12 2; 20 1; 22 1; 22 1; 14


IV.2. Résultats du suivi à long terme.


IV.2.a. Durée du suivi.

      Le tableau IV.2.t1 donne le détail par type de fracture de la durée du suivi à savoir le temps écoulé entre la date de l'accident et la date du contrôle clinique et radiologique.

      
Tableau IV.1.c.t8: Durée de prise en charge.
  durée suivi durée suivi     durée suivi durée suivi
moyenne en mois moyenne en années     moyenne en mois moyenne en années
   
bassin seul       cotyle seul    
B6 45 3.7   A6 65 5.4
 
C8 41 3.4   B3 96 8.0
 
tot14 42 3.5   ?3 168 14.0
 
min; max 8.5; 155 0.7; 12.9   tot12 98 8.2
bassin et cotyle      
A 1 131 11.0   min; max 10.5; 242 0.9; 20
B4 100 8.3   collectif revu    
  35 71 5.9
C4 41 3.4  
  min; max 8.5; 242 0.7; 14.1
tot9 77 6.4        
       
min; max 27; 170 2.2; 14.1        
tous les bassins            
A 1 131 11.0        
B10 67 5.6        
       
C12 41 3.4        
       
tot23 56 4.7        
       
min; max 9; 170 0.7; 14.1        

      La moyenne du collectif est de 5.88 ans soit 5 ans et 11 mois. La médiane se situe à 38 mois, soit 3 ans et 2 mois, et le percentile 25 est à 21 mois signifiant que ¾ du collectif a été revu à plus de 21 mois. 1 cas de 'bassin seul' a été revu à 8.5 mois et 2 cas de 'cotyle seul' ont été revus à 10.5 mois. Tous les autres cas ont été revus à plus de 1 an. Une discussion sur les durées de suivi dans la littérature et le délai minimum recommandé sera faite au point V.1.a (page 79).


IV.2.b. Symptômes cliniques.


IV.2.b.1. Douleur.

      La douleur est un symptôme primordial. C'est également un des premiers paramètres à avoir été étudié dans les études de suivi à long terme. Ce symptôme si commun est cependant difficile à évaluer du fait qu'il est purement subjectif. Nous avons cherché à déterminer le nombre de patients présentant des douleurs, l'intensité des douleurs en utilisant plusieurs échelles et scores et leur localisation. Le tableau IV.2.t2 présente les résultats obtenus.

      Pour la fréquence des douleurs, la littérature donne des fourchettes de valeurs très étendues par exemple de 11 à 87% pour les types B 4, 21, 87, 106, 108, 114, 130, 138, de 16 à 78% pour le type C 4, 21, 83, 87, 106, 108, 111, 114, 120, 124, 130, 140, 144, de 13 à 86% pour toutes les fractures du bassin 39, 40, 106, 130, 142. Nous pouvons certainement trouver plusieurs explications à cette grande dispersion. Premièrement, le nombre d'études qui prennent ce critère en compte est grand. Par exemple, pour les fractures du cotyle, nos valeurs de références seraient beaucoup plus restreintes, de 59 à 83%, mais sur 2 études seulement 23, 108. Deuxièmement, les collectifs de ces études sont souvent assez restreints (discuté au point V.1.a), et, comme la nôtre, une variation d'une seule unité sur 3 à 8 patients selon les sous-types amène à des variations considérables dans la fréquence (p.ex. 1 sur 6 = 17%, 2 sur 6 = 33%, 3 sur 6 = 50% !). Un autre problème de taille est celui de la définition: si la présence ou l'absence de douleur semble assez simple et claire, comment les différents observateurs auront classifié le patient répondant à leur question par un 'presque jamais' ? et si on a considéré la douleur comme positive dans ce cas, comment la comparer à celle d'un patient souffrant de douleurs intenses, journalières et invalidantes ? Les scores définis par Pohlemann et Merle d'Aubigné (plus le score est élevé, moins il y a de douleur, détails cf. Annexe I) permettent une stratification et une distinction plus fines avec des indications sur l'intensité, la fréquence et les circonstances d'apparition et le traitement nécessaire. Le tableau IV.2.t3 donne le détail pour chaque catégorie. Il est intéressant de constater p.ex. que, si les patients avec fractures du bassin de type C associées à une fracture du cotyle ont tous des douleurs, elles sont légères dans tous les cas. Pour l'intensité, nous avons également utilisé des scores 'notés sur 100': d'une part les patients ont du quantifier subjectivement leur douleur entre 0 (= aucune douleur) et 100 (= douleurs atroces, intolérables), d'autre part nous avons utilisé une échelle 'VAS' (Visual Analytic Score). Ces deux modes donnent des valeurs qui sont corrélées avec un coefficient de corrélation à p < 0.05. Le VAS est systématiquement un peu plus élevé.

      
Tableau IV.2.t1: Durée du suivi.
  nombre de patients subjectif / 100 visual / 100 nb localisation   score A score P
mne c/o doul mne sur tous les patients mne c/o doul     fréquence c/opat avec doul moyenne, max 6 moyenne, max 4
fréquence
bassin seul                  
B 1 15 3 6 35 1 plaque+périnée 100 5.8 3.8
6 17      
C 5 36 23 26 42 2 sacro-iliaques 40 4.6 3.1
8 63 2 lombaires bas 40
            1 aine 20    
tot 6 33 14 18 41 2 sacro-iliaques 33 5.1 3.4
14 43 2 lombaires bas 33
            1 plaque+périnée 17    
  min; max 15; 90 0;90 0; 95 20; 95 1 aine 17 3; 6 2; 4
bassin et cotyle                
A 0 0 0 0 0 0     6 4
1 0      
B 3 20 15 18 23 2 hanche face lat. 67 4.5 3.25
4 75 1 fesse 33
            1 lombaire bas 33    
            1 inguinal 33    
C 4 36 36.25 38 38 2 lombaire bas 50 4.8 3.0
4 100 1 hanche face lat 25
            1 inguinal 25    
            1 L5 25    
tot 7 29 23 25 32 3 hanche face lat 43 4.8 3.2
9 78 3 lombaire bas 43
            2 inguinal 29    
  min; max 15; 40 0; 40 0; 40 15; 40 1 fesse 14 3; 6 3; 4
tous les bassins                
A 0 0 0 0 0       6 4
1 0      
B 4 19 8 11 26       5.3 3.7
10 40      
C 9 36 27 30 40       4.7 3.5
12 75      
tot 13 30 17 20 36       5.0 3.6
23 52      
  min; max 15; 90 0; 90 0; 95 15; 95       3; 6 2; 4
cotyle seul                
A 3 30 18 20 39 3 face lat hanche 100 5.3 3.3
6 50 2 fesse 67
            1 aine 33    
B 0   0 0   0     6.0 4.0
3 0      
? 2 58 38 40 60 2 lombaire basse 100 4.7 2.7
3 67 1 fesse 50
            1 cuisse 50    
tot 5 44 18 20 48 3 face lat hanche 60 5.3 3.3
12 42 3 fesse 60
            1 aine 20    
  min; max 20; 70 0; 70 0; 75 30; 75 1 cuisse 20 3; 6 1; 4
collectif revu                
35 18 34 18 20 39       5.1 3.3
  51      
  min; max 15; 90 0; 90 0; 95 15; 95       3; 6 1; 4

      score A = score selon Merle d'Aubigné (cf. p. 31) (max 6 = bon); score P = score selon Pohlemann (cf. p. 33) (max 4 = bon)

      Les analyses statistiques (test non paramétrique de Man-Whitney) révèlent une différence statistiquement significative entre les bassins seuls de type B et les bassins seuls de type C et entre les bassins seuls de type B et les bassins de type B avec fracture du cotyle associée pour le score sur 100, les scores de Merle d'Aubigné et de Pohlemann, entre les bassins seuls et les bassins associés à un cotyle pour le type C et entre le collectif des bassins seuls et les bassins avec cotyle pour le score sur 100 et entre les bassins avec cotyle de type B et C pour le score sur 100.

      Les localisations notées correspondent aux données de la littérature avec des douleurs lombaires basses principalement pour les fractures du bassin (liées au complexe sacro-iliaque) et aux faces latérales, antérieures et postérieures de la hanche pour le cotyle.

      
Tableau IV.2.t2: Douleur.
  douleur, score A douleur, score P
6 5 4 3 4 3 2 1
fréquence en % fréquence en %
bassin seul                
B 5 1 0 0 5 1 0 0
6 83 17 0 0 83 17 0 0
littérature 108         0.41 0.38 0.18 0.04
C 3 2 0 3 3 3 2 0
8 38 25 0 38 38 38 25 0
littérature 113 / 108 36 44 2 18 27 42 33 3
tot 8 3 0 3 8 4 2 0
14 57 21 0 21 57 29 14 0
littérature 106         59 19 21 1
bassin et cotyle                
A 1 0 0 0 1 0 0 0
1 100 0 0 0 100 0 0 0
B 1 1 1 1 1 3 0 0
4 25 25 25 25 25 75 0 0
C 0 3 1 0 0 4 0 0
4 0 75 25 0 0 100 0 0
tot 2 4 2 1 2 7 0 0
9 22 44 22 11 22 78 0 0
tous les bassins                
A 1 0 0 0 1 0 0 0
1 100 0 0 0 100 0 0 0
B 6 2 1 1 6 4 0 0
10 60 20 10 10 60 40 0 0
C 3 5 1 3 3 7 2 0
12 25 42 8 25 25 58 17 0
tot 10 7 2 4 10 11 2 0
23 43 30 9 17 43 48 9 0
cotyle seul                
A 3 2 1 0 3 2 1 0
6 50 33 17 0 50 33 17 0
B 3 0 0 0 3 0 0 0
3 100 0 0 0 100 0 0 0
? 1 1 0 1 1 1 0 1
3 33 33 0 33 33 33 0 33
tot 7 3 1 1 7 3 1 1
12 58 25 8 8 58 25 8 8
littérature 23 / 108 41 37 ? ? 17 45 28 8
collectif revu                
35 17 10 3 5 17 14 3 1
  49 29 09 14 49 40 9 3

      score A = score selon Merle d'Aubigné (cf. p. 31) (max 6 = bon); score P = score selon Pohlemann (cf. p. 33) (max 4 = bon)

      Une étude intéressante de Henderson 39 relativise l'importance de ce symptôme: premièrement si 85% des patients ont eu des douleurs 31% en avaient auparavant; deuxièmement une comparaison entre les patients après fractures pelviennes et 200 individus 'sains' montre une différence nette mais non significative pour la fréquence des douleurs lombaires basses intenses, mais pas de différence en ce qui concerne le recours au médecin et le nombre d'hospitalisation (les patients après fracture connaissaient-ils mieux l'origine de la douleur ne nécessitant pas un avis médical ? avaient-ils déjà passé trop de temps à l'hôpital ? ces questions pourraient expliquer cette absence de différence ?!).


IV.2.b.2. Problèmes uro-génitaux.

      Les problèmes uro-génitaux touchent une sphère particulière avec d'une part un besoin primaire, la miction, et, d'autre part, l'activité sexuelle. Dans notre étude (tableaux IV.2.t4 et t5), seuls 3 patients sont touchés: 2 bassins de type C: 1 cas avec une incontinence souffrant de fuites nocturnes et une diminution de l'érection suite à une fracture ouverte avec déchirure de l'urètre et du rectum; 1 cas avec des douleurs testiculaires gauches; 1 bassin de type B avec diminution de l'érection déjà présente mais qui s'est aggravée chez un patient alcoolique. Le score de Pohlemann montre que les 3 cas souffrent d'atteintes subjectivement gênantes.

      Il est extrêmement intéressant de constater que sur les 5 patients ayant eu des lésions urogénitales lors de l'accident seul 1 cas, celui avec la fracture ouverte et la déchirure de l'urètre présente des séquelles à long terme. Les 4 autres, à savoir 2 déchirures de l'urètre, 1 rupture vésicale et 1 hématome paravésical important, n'ont pas de plaintes à long terme.

      La littérature donne les chiffres suivants: 1.1 à 25% dans les bassins de type B 21, 22, 106, 142, 1.9 à 37% dans les types C 14, 21, 22, 106, 111, 120, 142, 144, 2.5 à 21% pour tous les types 4, 6, 108, 130, 146. Les fractures du cotyle isolées n'amènent en général pas de troubles urogénitaux ce qui est le cas dans notre étude.

      Nous n'avons pas constaté de troubles ano-rectaux (sphincter, ténesme). Ces troubles concernent 1.9 à 7% selon la littérature 120, 142.

      
Tableau IV.2.t3: Douleur 'stratifiée'.
  prob uro-gén score P prob neurol score P prob marche score A score P
nb de patients moyenne, max 4 nb de patients moyenne, max 4 nb de patients moyenne, max 6 moyenne, max 4
fréquence % fréquence % fréquence %
bassin seul          
B 0 4 0 4 0 6 4
6 0 0 0
C 2 3.3 5 2.8 3 5.5 3.5
8 25 63 38
tot 2 3.6 5 3.3 3 5.7 3.7
14 14 36 21
min; max   1; 4   1; 4   4; 6 2; 4
bassin et cotyle          
A 0 4 0 4 0 6 4
1 0 0 0
B 1 3.3 2 3.5 1 5.8 3.8
4 25 50 25
C 0 4 1 3.0 2 5.3 3.3
4 0 25 50
tot 1 3.7 3 3.3 3 5.6 3.6
9 11 33 33
min; max   1; 4   1; 4   4; 6 2; 4
tous les bassins          
A 0 4 0 4 0 6 4
1 0 0 0
B 1 3.7 2 3.8 1 5.9 3.9
10 10 20 10
C 2 3.5 6 2.8 5 5.4 3.4
12 17 50 42
tot 3 3.6 8 3.3 6 5.7 3.7
23 13 35 26
min; max   1; 4   1; 4   4; 6 2; 4
cotyle seul          
A 0 4 0 4 1 5.8 3.8
6 0 0 17
B 0 4 2 2.7 2 4.7 2.7
3 0 67 67
? 0 4 0 3.7 1 5.7 3.7
3 0 0 33
tot 0 4 2 3.6 4 5.5 3.5
12 0 17 33
min; max   4; 4   1; 4   4; 6 2; 4
collectif revu          
35 3 3.7 10 3.4 10 5.6 3.6
  9 29 29
min; max   1; 4   1; 4   4; 6 2; 4

      score A = score selon Merle d'Aubigné (cf. p. 31) (max 6 = bon); score P = score selon Pohlemann (cf. p. 33) (max 4 = bon)


IV.2.b.3. Problèmes neurologiques. (tableaux IV.2.t4 et t5)

      Dans la littérature, les pourcentages d'atteintes neurologiques montrent également une grande dispersion allant de 5 à 57% 21, 22, 39, 40, 83, 91, 105, 106, 111, 112, 120, 124, 130, 140, 142, 146. Encore une fois, les critères et le degré de sévérité varient et expliquent en partie cette dispersion.

      
Tableau IV.2.t4: Problèmes uro-génitaux, neurologiques et de marche.
  uro-génital neurologique marche
4 3 2 1 4 3 2 1 4 3 2
nombre
fréquence en %
bassin seul                      
B 6 0 0 0 6 0 0 0 6 0 0
6 100 0 0 0 100 0 0 0 100 0 0
C 6 0 0 2 3 2 2 1 5 2 1
8 75 0 0 25 38 25 25 12 63 25 12
tot 12 0 0 2 9 2 2 1 11 2 1
14 86 0 0 14 64 14 14 8 79 14 7
bassin et cotyle                      
A 1 0 0 0 1 0 0 0 1 0 0
1 100 0 0 0 100 0 0 0 100 0 0
B 3 0 0 1 2 2 0 0 3 1 0
4 75 0 0 25 50 50 0 0 75 25 0
C 4 0 0 0 3 0 0 1 2 1 1
4 100 0 0 0 75 0 0 25 50 25 25
tot 8 0 0 1 6 2 0 1 6 2 1
9 89 0 0 11 67 22 0 11 67 22 11
tous les bassins                      
A 1 0 0 0 1 0 0 0 1 0 0
1 100 0 0 0 100 0 0 0 100 0 0
B 9 0 0 1 8 2 0 0 9 1 0
10 90 0 0 10 80 20 0 0 90 10 0
C 10 0 0 2 6 2 2 2 7 3 2
12 83 0 0 17 50 17 17 17 58 25 17
tot 20 0 0 3 15 4 2 2 17 4 2
23 87 0 0 13 65 17 9 9 74 17 9
cotyle seul                      
A 6 0 0 0 6 0 0 0 5 1 0
6 100 0 0 0 100 0 0 0 83 17 0
B 3 0 0 0 1 1 0 1 1 0 2
3 100 0 0 0 33 33 0 33 33 0 67
? 3 0 0 0 3 0 0 0 2 1 0
3 100 0 0 0 100 0 0 0 67 33 0
tot 12 0 0 0 10 1 0 1 8 2 2
12 100 0 0 0 83 8 0 8 67 17 17
collectif revu                      
35 32 0 0 3 25 5 2 3 25 6 4
  91 0 0 9 71 14 6 90 71 17 12

      score P = score selon Pohlemann (cf. p. 33) (max 4 = bon)

      L'origine des lésions neurologiques est double: liée à l'accident et iatrogène. Il est donc très important, dans la mesure du possible, d'avoir effectué une bonne anamnèse et un bon status neurologique à l'entrée; un bon contrôle postopératoire est également nécessaire.

      Dans notre étude, les 4 patients présentant des atteintes neurologiques dès leur admission gardent des séquelles à long terme. Il s'agit de 3 cas de fractures du bassin de type C, 1 déficit sensitivo-moteur de S1, 1 déficit sensitivo-moteur de S1 à S4 et déficit sensitif de L2-L3. 1 cas de fracture de cotyle de type B souffre d'une contusion du nerf sciatique. Ces 4 patients présentent des séquelles importantes notées 1 (dans 3 cas) ou 2 (dans 1 cas) au score de Pohlemann ( 1= handicap moteur et/ou déficit sensitif avec perte de la sensibilité protectrice, 2= déficit moteur sans handicap et/ou déficit sensitif sans perte de la sensibilité protectrice). Il n'y a donc pas eu de rémission comme cela peut arriver après 2 ans dans 0 à 85% des cas 142. Ces atteintes primaires sont souvent le témoin du type de fracture, comme Denis 20 l'a montré pour le sacrum par exemple. Si ces atteintes primaires, pour lesquelles les traitements sont limités, semblent peu accessibles à une influence par le corps médical, les atteintes iatrogènes devraient être évitées au maximum. Dans notre collectif, nous en dénombrons 6. Dans 5 cas, il s'agit de 'déficit léger, subjectivement non gênant' (score de Pohlemann = 3) sur des atteintes du nerf cutané latéral de la cuisse (n. cutaneus femoris lateralis) lié à la voie d'abord chirurgical antérieure. Ces 14% d'atteintes (5 sur 35) entrent dans les 9 à 38% décrits dans les diverses études 22, 38, 48, 54, 69, 70, 75, 146. Dans le 6ème cas, l'atteinte est nettement plus handicapante: il s'agit d'un patient victime d'une fracture associant une fracture de bassin de type C avec une fracture du cotyle; traité dans un premier temps de manière conservatrice, il a été opéré 15 jours après l'accident, suite à un déplacement secondaire. Il n'avait aucun déficit neurologique préopératoire et dès son réveil il s'est plaint d'une anesthésie du territoire L5 avec un pied tombant du côté de la fracture. Durant l'opération la réduction s'est avérée très difficile avec de longues et pénibles manoeuvres de traction. Ce patient a récupéré une bonne partie de la sensibilité, mais il persiste un steppage malgré une récupération de sa force qu'il estime à 40%. Les atteintes iatrogènes sont d'une part déterminée par le type de fracture, mais bien évidemment surtout par le type de traitement, à savoir la voie d'abord, la facilité de réduction et le type de fixation. Par exemple, la réduction fermée avec fixation percutanée de la sacro-iliaque 116 est une technique très élégante, mais avec des risques au vu de la proximité des structures nerveuses 128. Un mode de monitoring peropératoire, surtout répandu pour la surveillance du nerf sciatique dans le traitement des fractures du cotyle depuis le début des années 90, consiste dans les 'potentiels évoqués somato-sensoriels' 11.


IV.2.b.4. Problèmes à la marche. (tableaux IV.2.t4 et t5)

      La marche a été très tôt prise en compte dans l'évaluation des fractures du bassin. Dans le score de Merle-d'Aubigné 81, c'est le 2ème critère anamnestique considéré. La marche est typiquement un élément à long terme, les patients étant bien souvent en décharge les premiers temps après la fracture. L'étude de la marche comprend des éléments subjectifs, mais également objectifs: on pourra analyser la douleur à la marche, l'impression de boiterie confirmée ou non à l'examen clinique, la nécessité de moyens auxiliaires; des 'mesures' de la longueur du pas, de la vitesse de marche, de la distance maximale ont été proposées dans certaines études; dans notre étude l'aspect anamnestique de ces données a été considéré. La marche est une fonction assez complexe, multifactorielle, intégrant plusieurs systèmes: ostéoarticulaire, musculaire, neurologique moteur et sensitif. Les atteintes du bassin ne sont de loin pas les seules à provoquer des troubles de la marche et il est parfois difficile de savoir à quelle atteinte est dû le trouble. Ceci est d'autant plus important si les fractures du bassin font fréquemment partie d'un polytraumatisme avec des atteintes des membres inférieurs dans 23 à 67% soit 1/4 à 2/3.

      Dans notre étude 10 patients présentent des problèmes à la marche. Dans 3 cas, il n'y a pas de problèmes neurologiques associés et il s'agit à chaque fois uniquement de boiterie légère. Dans les 7 cas restant, il existait des problèmes neurologiques. Les 2 cas où les problèmes neurologiques étaient importants, les troubles de la marche le sont également (2 steppages). Dans 2 autres cas, les troubles de la marches sont importants: il s'agit du patient avec fracture ouverte du bassin et d'une patiente obèse avec un BMI à 32 kg/m2 avec une fracture du cotyle.

      Il est intéressant de constater que les scores de Pohlemann et de Merle-d'Aubigné ont toujours des scores équivalents malgré quelques différences de critères. Aucun patient n'a reçu un score 1 selon Pohlemann ou 3 et inférieur pour le score de Merle-d'Aubigné. Tous les patients peuvent donc marcher, sans moyens auxiliaires de manière permanente, certains s'en aidant pour augmenter leur durée de marche.

      A nouveau, les études donnent des fourchettes extrêmement larges pour le pourcentage d'atteinte de la marche allant pratiquement de 0 à 60% 21, 22, 23, 39, 40, 111, 113, 114, 120, 124, 125, 130, 138, 140, 144.


IV.2.c. Atteintes de la vie sociale. (tableaux IV.2.t6 et t7)


IV.2.c.1. Capacité à travailler.

      Le travail revêt une grande importance dans la vie sociale. Il donne un status social, il permet d'assurer une indépendance financière. Le retour au travail est un des buts économiques fixés au service de la santé. Ce retour peut être total, partiel ou impossible. Bien évidemment, le travail antérieur peut être plus ou moins astreignant sur le plan physique et une réorientation peut être nécessaire.

      L'aspect psychologique joue un rôle important. Par exemple sur les 9 cas ayant des problèmes de travail environ 3 (= 1/3) sont probablement à mettre sur le compte des problèmes psychologiques découlant de l'accident ou préexistants.

      Dans 2 cas, un retour au travail a été impossible. Le premier, un instituteur, avait le nombre d'années de service nécessaire pour bénéficier de la retraite, cependant il aurait désiré poursuivre son activité quelques années. Le second, un bûcheron, est actuellement toujours en arrêt de travail après un suivi de 15 mois, probablement trop court pour ce paramètre.

      7 cas sont limités dans leurs activités professionnelles comprenant 1 réorientation, 3 chômeurs dont 2 avant l'accident et 1 licencié 20 ans après. 3 travailleurs bénéficient d'une rente AI (assurance invalidité) partielle, 1 est en cours de demande.

      Les études donnent à nouveau des chiffres très variables allant de 20 à 60% de problèmes de travail 14, 21, 22, 36, 39, 82, 100, 111, 119, 134, 138, 140 avec un arrêt total du travail (soit un score de 1 selon Pohlemann) de 3 à 33%. Notre étude montre globalement 26% de problème et 6% d'arrêt.


IV.2.c.2. Activités sportives.

      Les loisirs prennent actuellement de plus en plus de place dans notre société et l'importance qu'ils revêtent dépasse parfois le travail pour certains individus. Là encore, le niveau antérieur à l'accident importe beaucoup. Il est certain que, pour notre hockeyeur au niveau national rêvant d'une carrière sportive, le fait de pouvoir à nouveau patiner même pour arbitrer des matchs n'est pas suffisant, même si cela dépasse de beaucoup l'activité sportive de bien des personnes.

      Il est intéressant de constater que le score de Pohlemann pour le sport est toujours plus bas (pour tous les types) que le score pour le travail. Les gens accepteraient-ils plus facilement une limitation et s'en plaindraient-ils moins pour le travail qui est une activité lucrative, 'obligatoire'? se plaindraient-ils plus d'une limitation dans leurs loisirs qui sont là pour le plaisir ? A noter que les 2 patients ayant subi un accident de sport ont vu leur activités modérément diminuées.

      
Tableau IV.2.t5: Stratifications des problèmes uro-génitaux, neurologique et de marche.
(score de Pohlemann)
  problèmede travail travailscore P AI sportscore P vie socialescore P
 
nbre de patients moyenne, max 3 nbre de patients moyenne, max 3 moyenne, max 3
fréquence en % fréquence en %
bassin seul          
B 0 3 0 2.5 3
6 0 0
C 2 2.6 2 2.3 2.9
8 25 25
tot 2 2.8 2 2.4 2.9
14 14 14
bassin et cotyle          
A 0 3 0 3 3
1 0 0
B 2 2.5 1 2.5 3
4 50 25
C 1 2.8 0 2.8 3
4 25 0
tot 3 2.7 1 2.7 3
9 33 11
tous les bassins          
A 0 3 0 3 3
1 0 0
B 2 2.8 1 2.5 3
10 42 10
C 3 2.7 2 2.4 2.9
12 25 17
tot 5 2.7 3 2.5 3.0
23 22 13
cotyle seul          
A 0 2.8 0 2.8 3
6 0 0
B 1 2.3 0 2.3 3
3 33 0
? 2 2.5 1 1.7 3
3 66 33
tot 3 2.6 1 2.4 3
12 25 8
collectif revu          
35 8 2.7 4 2.4 3.0
  23 11

      score P = score selon Pohlemann (cf. p. 33) (max 3 = bon)


V. Discussion générale et conclusion.


V.1. Analyse des études de suivi dans la littérature.


V.1.a. Nombre d'études et type de collectifs.

      Le graphique V.1.g1 présente le nombre d'études par an qui traitent du suivi à long terme des fractures du bassin. Sur les 53 études répertoriées, rares sont celles datant d'avant les années 1960. Le nombre est croissant par la suite et la recherche des études n'est probablement pas exhaustive pour 1997. Pour les fractures du cotyle nous n'avons pas voulu retrouver toutes les études, étant donné que ce type de fracture est plutôt pris comme point de comparaison. Nous ne présenterons donc pas le nombre d'étude par an pour le cotyle qui serait trop incomplet.

      

Graphique V.1.g1: Nombres d'étude en fonction des années

      Nous nous sommes également intéressés à la grandeur des collectifs pour ces fractures qui sont peu fréquentes. Le tableau V.1.t1 montre la répartition du nombre d'étude selon le nombre de cas suivis. Environ ¼ a plus de 100 patients avec un collectif maximal de 486 patients réunis sur 2 ans par 10 centres allemands 108. Les études traitant des fractures du cotyle semblent globalement bénéficier de collectifs plus étendus que celles du bassin.

      
nbre de patients plus de 100 50 à 99 30 à 49 moins de 30
nbre d'études 10 9 12 11
% - age 24 21 29 26

      Le nombre d'années pour constituer le collectif varie considérablement entre 1 et 25 ans 22, 58, 93, 144.

      Les types de fractures réunies dans chaque étude varient également beaucoup, certaines études ne s'intéressant qu'à un seul sous-type de fracture, d'autres incluant les fractures du cotyle.

      Le type de traitement varie également: parfois une seule méthode est employée, parfois, comme dans notre étude, toute une gamme de traitement a été utilisée.

      La majorité des études ont un taux de suivi de 70 à 80% de patients qui ont pu être revus, ce qui est le cas de la nôtre.

      La durée du suivi à long terme est très variable s'échelonnant de 5 mois à 26 ans 14, 144. La plupart des études n'acceptent qu'une durée minimale de 1 an, certaines exigeant 5 ans de suivi 39, 82. Même si des modifications continuent à se produire, il faudrait déterminer après quel laps de temps, on peut considérer que les atteintes constatées sont encore dues à la phase précoce du suivi. Majeed a revu son collectif à 6, 12, 18 et 24 mois et il constate qu'il faut s'attendre à des améliorations jusqu'à 18 mois 62. Pohlemann est d'avis qu'une durée minimum de 1 à 2 ans est nécessaire 142. Pour le cotyle, une étude française présente une courbe d'évolution avec une période de 1 à 4 ans où surviennent les premières complications (nécrose, arthrose sur défaut de réduction), suivie d'une période de bons résultats qui dure jusqu'à 11 à 15 ans avec ensuite une période de dégradation 23. Il est évident que des périodes de suivi aussi longues sont un frein au développement de nouvelles techniques de prise en charge, mais elles sont nécessaires pour évaluer et valider ces techniques.


V.1.b. Types de suivi.

      Historiquement, l'étude du suivi à long terme des fractures du bassin a débuté par la collection de différents symptômes. La douleur, la boiterie ont été les premiers investigués, puis les troubles uro-génitaux et neurologiques. Très rapidement un résultat plus global tel que la capacité à reprendre le travail a été pris en compte.

      Dès les années 1970, des critères radiologiques ont été introduits 87.

      Müller-Farber distingue alors 3 niveaux: le résultat subjectif concernant la douleur, le résultat fonctionnel qui comprend la mobilité et l'inégalité de longueur des membres inférieurs, et le résultat radiologique 87. Les critères radiologiques sont alors relativement flous. Pohlemann l'exprime différemment par 3 questions avec pour chacune un score: 1) dans quelle mesure le but chirurgical d'atteindre une réduction anatomique a été obtenu? (étudié par le score radiologique); 2) dans quelle proportion le patient est-il limité par les séquelles de sa lésion pelvienne? (score clinique); 3) comment l'atteinte influence-t-elle la vie du patient? (score social) 106, 107, 108.

      Dès la fin des années 80, plusieurs scores ont été développés pour tenter de chiffrer l'évolution à long terme 71. A partir du milieu des années 90, plusieurs études ont proposé des scores de santé générale, de qualité de vie, non spécifiques de l'atteinte, les associant ou non à une étude spécifique. Pour les fractures du bassin nous avons trouvé 13 scores différents sur 17 études 6, 14, 36, 61, 62, 71, 82, 91, 106, 108, 111, 113, 114, 127, 130, 142, 146, 10 scores plus ou moins spécifiques du bassin et 3 de santé globale. Pour le cotyle, les 3 scores sur les 14 études considérées sont soit le score de Merle-d'Aubigné, soit une modification de ce score 1, 9, 15, 23, 35, 55, 64, 66, 69, 70, 74, 100, 119, 121.

      Les scores pour le bassin sont soit 'sommatifs' (10 scores), soit 'péjoratifs' (2 scores). Les scores sommatifs additionnent un certain nombre de points obtenus pour certains items avec parfois une pondération selon l'importance de l'item, alors que les scores péjoratifs attribuent, pour un groupe d'items, la valeur la plus basse obtenue. En faveur des scores péjoratifs, on peut dire que certaines conséquences d'un accident sont plus ou moins importantes et handicapantes, et la perte d'une seule fonction amène parfois à un résultat catastrophique. Dans notre score subjectif de satisfaction générale noté sur 100 et dans la mention des éléments négatifs, on constate que la plupart des mauvais résultats proviennent d'une plainte prédominante et non de l'addition de plusieurs petites atteintes. A l'opposé, certains patients présentent une bonne satisfaction alors que certains items seraient très bas amenant à de mauvais scores péjoratifs, mais à un score sommatif où cet item serait compensé par d'autres. Il est intéressant de constater que, en dehors de quelques exceptions, ces scores 'construits' différemment amènent à des résultats semblables d'après les corrélations statistiques.

      Un élément important pour l'état après un traumatisme est celui dans lequel était le patient avant cet événement. Il semble évident que les conséquences pour une personne retraitée sont différentes que pour un sportif d'élite. Or il n'est pas souvent facile d'avoir des indications précises de l'état antérieur tant pour les éléments objectifs du status que pour les éléments subjectifs tel que la présence de douleurs lombaires basses très fréquentes dans une population générale.

      Il est important de réaliser que les résultats 'visés' par le médecin et le patient ne sont parfois pas strictement identiques. Il est clair que tous deux désirent que le patient souffre du moins de séquelles possibles, mais le médecin, et peut être encore plus s'il est opérateur, désire avant tout rétablir une anatomie, et par là, une fonction les plus proches de l'état normal, dans la mesure du possible. Cependant, et le patient n'est probablement pas toujours conscient ou informé de cela, certaines atteintes ne sont pas 'réparables' par le médecin, tel, par exemple, la plupart des lésions neurologiques 71. Or, comme le montre Templemann 127, la présence ou l'absence d'une atteinte neurologique amène à un score à long terme statistiquement différent. Il faut donc, dans l'évaluation du suivi à long terme dont un des buts est de valider des méthodes de traitements, se rappeler que certaines atteintes n'ont pas pu vraiment bénéficier de traitement. Dans le même ordre d'idée, l'importance des lésions initiales, même à l'intérieur d'un même type ou sous-type de fracture, est déterminant. Semba 120 en revoyant 30 patients victimes d'une 'fracture de Malgaigne' constate que le déplacement initial est corrélé aux séquelles à long terme. Le déplacement osseux est également un reflet indirect des atteintes des tissus mous environnants.


V.1.c. Proposition de suivi.

      Une approche serait celle des 'niveaux concentriques': tout d'abord le problème osseux pur avec la fracture elle-même, puis les lésions ligamentaires, les lésions des parties molles environnantes, ensuite les organes de voisinages, les atteintes associées lors du traumatisme qui est souvent un polytraumatisme, et finalement les répercussions sur l'image de soi, sur le fonctionnement socio-professionnel et les aspects psychologiques liés à un accident souvent grave. Il est extrêmement important de réaliser que tous ces niveaux sont liés les uns aux autres avec une influence directe les uns sur les autres. Il est cependant certain que les moyens d'investiguer ces divers aspects sont différents. Il s'agira de trouver des moyens adaptés pour répondre à des questions précises et à des moments adéquats, en sachant si l'on s'intéresse à la 'réparation' des lésions par le médecin ou au résultat global pour le patient.

      L'utilité d'études à long terme est de connaître l'évolution d'une fracture, selon son type, chez un patient ayant bénéficié d'un traitement donné qui ne se limite pas à un acte opératoire, mais qui comprend également les aspects de rééducation et de soutien. Les résultats des études permettront de guider les modifications de méthodes de traitement; des types de traitements différents pourront être comparés. L'ambition de telles études peut être beaucoup plus modeste et se limiter, comme c'est le cas pour la nôtre, à avoir une meilleure information sur le travail effectué et ses résultats.

      Suite à cette présente étude et à la revue de la littérature, nous sommes en mesure de proposer quelques 'pistes' pour pouvoir tirer le plus de renseignements possible d'une étude de suivi à long terme de fractures de bassin. Elle devrait être prospective avec le suivi d'un collectif suffisamment grand, le plus homogène possible, rassemblé sur une période brève. L'évaluation initiale est capitale: elle comportera des éléments anamnestiques avec si possible une mention de la direction des forces lors de l'accident, un status détaillé, particulièrement sur le plan neurologique, une imagerie complète et qui puisse être facilement accessible pour une consultation ultérieure. Le type de fracture sera bien entendu codifié selon les classifications en vigueur. Les lésions associées seront répertoriées. Des éléments sur l'état avant le traumatisme devront être collectées à ce moment déjà, de même que les données psychosociales. Le traitement entrepris se basera sur un protocole préétabli (avec éventuellement une randomisation s'il s'agit de comparer plusieurs méthodes thérapeutiques). Tous les éléments marquants de la phase hospitalière seront notifiés (opération, délai et type, alitement, décharge, complications, traitements des lésions associées, ...) Les patients seront revus à intervalles définis en recherchant un taux de suivi le plus élevé possible (adresse exacte à la sortie de l'hôpital, adresses de proches 'fixes', formulaires à renvoyer en cas de changement d'adresse, sensibilisation du médecin traitant). Un suivi à 3, 6 mois, 1, 2, 3, 5 et 10 ans semble nécessaire pour distinguer les séquelles à court et à long terme et suivre l'évolution dans le temps des critères cliniques et d'imagerie. Les protocoles de suivi à long terme comporteront une partie anamnestique, de status et de contrôle radiologique identiques à chaque étape. Un groupe d'expert devrait se réunir pour établir des scores de suivi admis par le plus grand nombre à l'image de ce qui a été fait pour les classifications des fractures par l'AO. Il me semble important de donner le détail de chaque item. Rappelons que pour la radiologie, il n'existe pas, après la disparition des berges du trait de fracture, de mesure facilement réalisable et suffisamment précise. On se basera donc sur les mesures faites sur les clichés du début de l'évolution et sur les aspects qualitatifs par la suite. Un score de qualité de vie, non spécifique de l'atteinte, est certainement intéressant à adjoindre, mais il ne devra pas être le seul score pris en compte; il faudra s'efforcer de prendre un score répandu, validé et d'emploi aisé.


Conclusion.

      Cette étude a permis de revoir à long terme un collectif de patients ayant été victime de fracture du bassin et/ou du cotyle durant une vingtaine d'années pris en charge à l'Hôpital des Cadolles à Neuchâtel sous la direction du Professeur P. Tschantz. Ce collectif est restreint et inhomogène. Cependant, les résultats obtenus sont compris dans les intervalles présentées dans la littérature et sont souvent proches de ceux des grandes études récentes.

      La revue de la littérature concernant le suivi à long terme montre l'absence de consensus pour les fractures du bassin. Il faut cependant se rappeler que ce domaine de la médecine est récent, que son expansion est rapide et que les années à venir devraient voir apparaître encore beaucoup d'études. Il sera donc important d'établir des lignes directives pour unifier ces études.


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