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1. Introduction


1.1 Cadre et but de la recherche


- Le climat - une préoccupation mondiale

      La relation entre les êtres vivants et le climat a toujours été essentielle, puisque l'existence même de la vie sur Terre est liée à un ensemble des transformations et d'équilibres physico-chimiques entre l'atmosphère et les océans. Par ailleurs, le climat joue un rôle prépondérant dans l'équilibre économique et géopolitique de nos sociétés modernes.

      Aujourd'hui, en relation avec l'apparent réchauffement global du climat, de nombreux chercheurs et chercheuses travaillent sur l'interaction entre les phénomènes d'«effet de serre», augmentés par les activités humaines, et les variations climatiques 'naturelles'. Cet effort international vise à prévoir les changements climatiques futurs. Dans cette perspective, la connaissance des climats passés est essentielle. Elle permet de confronter les projections et les modèles futuristes avec l'évolution réelle des systèmes naturels. Dans cette logique, les climats Pleistocène et Holocène permettent une excellente comparaison, car les processus géologiques et la chimie de l'atmosphère de ces périodes étaient analogues à ceux d'aujourd'hui.

      Il est difficile d'appréhender les changements climatiques à cause de leur variabilité géographique : les effets d'une même cause peuvent engendrer des tendances climatiques inverses à différents endroits de la planète. Pour cette raison, il est nécessaire de compléter les connaissances climatiques que nous avons des océans avec des données continentales.


- Les lacs comme archives des changements climatiques

      Sur les continents, de nombreux agents érodent et redistribuent les dépôts, et en général seuls les lacs ou les marais contiennent des archives sédimentaires continues. Cette 'mémoire' sédimentaire possède des qualités qui dépendent des caractéristiques du plan d'eau : plus un lac et son bassin versant sont petits, plus l'enregistrement sédimentaire est sensible à de faibles changements et représente l'évolution locale du climat. A l'inverse, l'histoire d'un grand lac, et par extension celle d'un grand bassin versant, correspond à une image régionale et synthétique du climat dont seules les grandes tendances sont enregistrées. A ce titre, la zone des Hauts-Monts, fait partie de deux systèmes interconnectés : le lac Léman qui reflète les changements climatiques d'un bassin versant important (6'185 km2) ; et son sous-bassin occidental, le Petit-Lac, qui a une signature sédimentaire plus locale (cf. Chap. 1.2).

      La sédimentation d'un lac est déterminée par des processus internes et externes. Les rivières, les précipitations, les vents, l'activité des glaciers et la production autochtone font varier la qualité et la quantité des apports. Ces dépôts peuvent être redistribués dans le bassin grâce à l'effet des vagues, des courants, des variations du niveau lacustre et des remaniements gravitaires. A l'exception des remaniements gravitaires, dont les causes peuvent être sismiques, la totalité de ces agents ont une origine climatique et sont interdépendants.


- But et concept de la recherche

      Le but de ce travail est de reconstruire l'histoire sédimentaire et climatique de la zone des Hauts-Monts de la déglaciation à nos jours.

      Les recherches climatiques sont souvent effectuées grâce à l'analyse de paramètres physico-chimiques d'un seul sondage. Cette méthode a l'avantage de générer des courbes quantitatives de nombreux paramètres, qui permettent d'interpréter et de quantifier les changements environnementaux au cours du temps. Malheureusement, les processus qui ont mis en place cette séquence sédimentaire, ainsi que sa position dans le bassin, sont parfois occultés. Ces éléments sont pourtant essentiels à la formation d'une séquence sédimentaire et à sa 'signature' environnementale.

      En respect de ces considérations, et face à la complexité sédimentaire du Petit-Lac (cf. Chap. 1.4), nous avons choisi de résoudre l'histoire du bassin en faisant de la notion tridimensionnelle l'outil principal de notre étude.


- Organisation de la recherche

      La première partie de ce travail est une compilation des données limnologiques du Petit-Lac (Chap. 1.2), ainsi qu'un résumé des connaissances sur le climat Quaternaire et les sédiments de la zone des Hauts-Monts (Chap. 1.3 et 1.4). Un bref exposé présente les limites de la sismique réflexion en géologie (Chap. 1.5).

      Les profils sismiques, acquis avec de multiples sources (échosondeur, canon-à-air, sparker et marteau) sont décrits et interprétés au chapitre 2. Une chronologie sismo-stratigraphique du remplissage sédimentaire et de ses remaniements gravitaires principaux est exposée. Les différentes techniques sismiques sont comparées et évaluées.

      Le chapitre 3 décrit l'enregistrement sédimentaire de la zone des Hauts-Monts à travers l'étude des paramètres physiques (lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau, granulométrie) d'une vingtaine de carottes. Plusieurs processus sédimentaires sont identifiés dans les différents compartiments du bassin lacustre. Les traces de gaz dans le sédiment sont mises en relation avec les zones «sourdes» de l'enregistrement sismique et avec la présence de réflecteurs sismiques.

      La datation des séquences sismo-stratigraphiques est abordée au chapitre 4. Plusieurs méthodes bio- et chrono-stratigraphiques (palynologie, activité du 137Cs, datation 14C AMS) sont utilisées. L'âge des séquences non-datées est estimé grâce à l'intersection avec les données sismiques de la zone de la Promenthouse (Baster, en prép.) et à la compilations de données palynologiques antérieures.

      Les cartes bathymétriques (isohypses) et les cartes d'épaisseur (isopaques) des séquences, ainsi qu'un modèle digital tridimensionnel, permettent le reconstitution de l'histoire du remplissage sédimentaire (Chap. 5). Le bilan volumique du site, ainsi que le calcul du taux de sédimentation moyen apportent des éléments quantitatifs supplémentaires.

      Au chapitre 6, les résultats de cette étude sont résumés et discutés. Des perspectives de recherche sont proposées.

      Les méthodes, ainsi que les résultats palynologiques apparaissent dans les annexes A et B.


1.2 Généralités sur le Petit-Lac et sa région


1.2.1 Géographie et limnologie Lémanique

      Le lac Léman est le plus grand bassin d'eau douce d'Europe occidentale. Il se situe sur les territoires suisse et français, à l'extrémité sud-ouest du Plateau Suisse et occupe une cuvette creusée dans le bassin molassique (Wildi & Pugin, 1998). Depuis 1884, le niveau du lac est régulé artificiellement à l'altitude de 372.05 m et son amplitude annuelle (marnage) est de 60 à 80 cm. Le Léman est un lac méso-eutrophe de type monomictique chaud, compartimenté en deux bassins très distincts : le 'Grand-Lac' large et profond, de type tropical et le 'Petit-Lac', allongé et peu profond de type tempéré (Fig. 1.1).

      

Fig. 1.1 : Situation géographique et cadre géologique du bassin Lémanique.

      Au niveau hydrologique et sédimentologique, on peut même les considérer comme deux lacs différents, tant leurs caractéristiques intrinsèques diffèrent (Tabl. 1.1).

      
Tabl. 1.1 : Principales caractéristiques physiques du Léman.
  Grand-Lac Petit-Lac
Surface du plan d'eau 498.90 km2 86 % 81.2 km2 14 %
Surface de la zone 0-12 m 24.47 km2 56 % 19.23 km2 44 %
Volume 86 km3 96 % 3 km3 4 %
Profondeur maximale 309.7 m - 76 m -
Profondeur moyenne 172 m - 41 m -
Longueur de l'axe 49 km - 23.3 km -

(CIPEL, 1999)

      Il arrive que le brassage des eaux profondes du Grand-Lac avec les eaux de surfaces ne soit pas assuré lors d'hivers aux températures trop douces, dans ce cas il devient méromictique (CIPEL, 1997). Les apports sédimentaires et hydrologiques actuels du Grand-Lac proviennent à 80% du Rhône et de la Dranse (Meybeck, 1970) dont les régimes d'écoulement (glacio-nival alpin et nival alpin) et les sédiments transportés ont une signature alpine et préalpine.

      Lorsqu'on considère les caractéristiques géographiques du Petit-Lac, il faut se projeter dans un cadre limnologique différent de celui du Grand-Lac. La faible profondeur de ce bassin (prof. moyenne 41 m) permet une oxygénation annuelle des eaux profondes grâce à la disparition de la thermocline en hiver (CIPEL, 1997). Les températures moyennes de l'eau varient au cours de l'année d'environ 5°C à 20°C (Blanc et al., 1996) et la précipitation des carbonates est estimée à 328 g/m2/an.

      Les rivières qui alimentent le Petit-Lac (Fig. 1.2) sont de tailles modestes et ne forment qu'une part réduite (5 %) des apports totaux au Léman. De plus, leurs bassins versants sont influencés par des natures pétrographiques et des régimes hydrologiques différents de ceux du Grand-Lac. Il s'agit du régime nivo-pluvial jurassien pour la Promenthouse, l'Asse, le Boiron et la Versoix et pluvial pour l'Hermance (Département de l'Intérieur, 1998). Les formations géologiques traversées par ces rivières sont des moraines, alluvions, marnes et calcaires.

      

Fig. 1.2 : Rivières du Petit-Lac et bassin versant de la Versoix.

(d'après la Carte Topographique Nationale au 1/50'000, OFT et d'après Département de l'Intérieur, 1998).

      Les cours d'eau du Petit-Lac ont été passablement modifiés par les activités humaines au cours du temps.

      La Versoix possède plusieurs dérivations 1  artificielles qui alimentent des ruisseaux parallèles, et des captages en eau potable (Département de l'Intérieur, 1996). Ainsi, l'actuel débit médian à l'exutoire, estimé à 3.0 m3/s, ne reflète pas l'activité deltaïque naturelle, et on peut estimer qu'une petite partie du sédiment transporté par la Versoix est dévié en amont vers les deltas des ruisseaux. Toutefois son lit est en majorité conservé à l'état naturel, sauf dans sa portion avale où elle est canalisée. En période d'étiage, le débit élevé de la Versoix suggère que le bassin versant souterrain de la rivière est plus étendu que le bassin versant topographique (Département de l'Intérieur, 1996). La Versoix traverse principalement des formations Tertiaire (Molasse gréseuse inférieure) et Quaternaire (moraines et dépôts fluvio-glaciaires). Actuellement les zones les plus soumises à l'érosion sont les abords de la rivière (Walter, 1993) et le matériel charrié provient en majeure partie de ces formations. Les cartes établies de 1828 à aujourd'hui ne permettent pas de mettre en évidence de changement majeur dans le cours de cette rivière, sauf l'existence de petites îles dans le delta durant le 19ème siècle (Ulmann, 2000).

      L'Hermance naît principalement des eaux de ruissellement de surface. En été elle connaît des débits très faibles, voire nuls, en partie dus aux réseaux de drainage urbains. Bien que son débit médian, estimé à 0.11 m3/s, soit faible, elle peut avoir des crues d'orage à l'exutoire similaires à celles de la Versoix (Département de l'Intérieur, 1998).

      L'ensemble de ces caractéristiques influencent la physico-chimie du milieu lacustre et rend difficile la comparaison sédimentaire des deux sous-bassins Lémaniques Grand-Lac et Petit-Lac. C'est la raison pour laquelle nous ne ferons référence à des travaux effectués dans le Grand-Lac que lorsque les processus sédimentaires peuvent être comparés.


1.2.2 Météorologie et courantologie

      La région de Genève, et les pourtours du Léman sont - pour toutes les saisons - en moyenne plus chauds que le reste de la Suisse, au même titre que le sud du Tessin et la région bâloise. A Genève, les températures moyennes les plus basses ont lieu en janvier (0°C), et les plus hautes en juillet (18.5°C). La plus faible insolation (1 h) a lieu en décembre et l'insolation maximum (8-9 h) apparaît en juin et en juillet (Kirchhofer, 1982). La région Lémanique est influencée par de nombreux vents généraux et locaux. Parmi eux, le 'Vent', du sud-ouest, et la Bise qui souffle du nord-est (Bouët, 1985). La rose des vents des mesures de Cointrin pour la période de 1990-1995 montre l'influence dominante, en fréquence et en intensité (vitesse) de ces deux vents majeurs (Fig. 1.3). La répartition statistique montre que 74% des bises les plus fortes (vitesse > 10 m/s) ont lieu pendant les mois de janvier à avril (Bruschin & Falvey, 1975; Bruschin & Schneiter, 1978). Les 'Vent' les plus forts ont également lieu en hiver (Bouët, 1985). Lorsqu'on s'intéresse aux tempêtes, il faut aussi prendre en compte les vents d'orage, brefs mais violents, comme le Joran et le Molan. Le Joran descend du Jura et le Molan souffle depuis la vallée de l'Arve.

      

Fig. 1.3 : Fréquence et intensité des vents à Genève de 1990-1995 selon leur orientation.

(Lehmann, 1997 d'après Institut Suisse de Météorologie - 1996)

      Ces caractéristiques météorologiques, le vent et la radiation solaire, influencent la dynamique des eaux du lac :


Mouvement des vagues :

      Par frottement le vent génère des vagues de surface, qui, lorsqu'elles sont bien développées, ont des périodes de 2-3 s et des longueurs de 15-20 m (Bruschin & Falvey, 1975; Bruschin & Schneiter, 1978; Merzi et al., 1985). Ceci signifie que le niveau de base d'action des vagues peut descendre jusqu'à 10 m de profondeur (Lemmin, 1998). Lors de très fortes Bises (15-20 m/s), la période des vagues peut même atteindre des valeurs de 4.5-6 s dans le Petit-Lac (Bruschin & Schneiter, 1978). Dans les zones du Petit-Lac où le fetch effectif est important 2  (fig. 1.4), la profondeur d'action des vagues atteint donc 16-28 m de profondeur (Girardclos, 1993).

      Les seiches de surface ont des périodes de 73 minutes, et une hauteur maximum de 30 cm (Forel, 1895). Comme ce sont des vagues stationnaires, elles ne mettent que très peu d'eau en mouvement avec de très faibles vitesses de courant (Lemmin, 1998).

      Les 'seiches' internes sont des phénomènes similaires aux seiches de surface, mais se produisent à la profondeur de la thermocline. Elles sont influencées par la force de Coriolis, qui les transforme en une 'onde de Kelvin' d'une période de 3 jours. Près des rives leur amplitude peut atteindre 10 m et générer des déplacements au sein de la masse d'eau d'une vitesse de 35 cm/s durant 5-6 h. (Lemmin, 1998).

      

Fig. 1.4 : Carte du fetch effectif dans la partie littorale au sud du Petit-Lac pour la Bise et le Vent.

(d'après Lehmann, 1997)

Transport à grande échelle :

      Le vent ne génère pas seulement des vagues, il produit aussi un mouvement d'eau à grande échelle. Des mesures durant l'hiver 1987-88 à l'entrée du Petit-Lac ont montré que les courants de surface ont la même direction que celle du vent, mais que près du fond, ils ont un sens opposé. A 52 m de profondeur, les courants atteignent facilement la vitesse de 30 cm/s (Lemmin, 1998). Dans la zone des Hauts-Monts, des résultats similaires ont été décrits : à -46 m de profondeur, un Vent de 5-10 m/s produit un courant contraire de vitesse 5-20 cm/s. En temps de Bise (5-10 m/s), ces courants contraires (5-19 cm/s) peuvent être plus rapides que ceux en surface (5-12 cm/s). Le changement d'orientation du courant se fait vers -16 m de profondeur et cette inversion de direction se met en place dans un mouvement hélicoïdal (Ulmann, 2000).


Mélange à petite échelle :

      Les mouvements à petite échelle, comme les mélanges verticaux et horizontaux, sont dus à l'effet de turbulence des transports à grande échelle. Dans le Grand-Lac, le mélange vertical 'forcé' par le vent peut pénétrer jusqu'à 90 m de profondeur (Michalski & Lemmin, 1995). Ce même phénomène est observé dans le lac de Neuchâtel. L'intensité et la localisation de la resuspension sont fonction de l'état de stratification thermique. Les courants de fond, par transport horizontal et vertical, remettent en hiver le sédiment en suspension. Durant la période stratifiée, un transport latéral s'effectue des rives vers le large (Lambert, 1999). Les courants de densité dus aux eaux en provenance des rivières ainsi que le refroidissement le long des berges du lac semblent également jouer un grand rôle dans le transport d'eau froide vers les couches profondes. En mars 2000, un courant de densité (12 cm/s), dû à l'arrivée des eaux de la Versoix dans le bassin, a été observé à -36 m de profondeur après une précipitation de 14 mm la veille (Ulmann, 2000).


1.3 Géologie et climat quaternaires

      Les dates 14C BP expriment les résultats d'analyses radiocarbones non calibrées. Les âges 'BP' sous-entendent qu'ils ont été corrigés en années solaires, et les dates 'AD' et 'BC' sont exprimées selon le calendrier grégorien.


1.3.1 Un phénomène global

      Il y a plus de 100 ans, les études d'Agassiz (1840), ainsi que celles de Penck et Brückner (1909), ont posé les bases de la théorie des glaciations et des variations du climat durant le Quaternaire. Fort de nombreux résultats géophysiques et géologiques, le débat sur les variations climatiques s'est profondément complexifié durant la deuxième moitié du 20ème siècle.

      Parmi les étapes les plus marquantes de cette exploration, les études de Milankovitch (1941) sur les variations de l'insolation ont établi le lien entre l'énergie solaire et le climat pour les 600'000 dernières années. Puis les grandes campagnes océanographiques des années 1970-1980 ont eu pour résultat les courbes de stratigraphie isotopique issues de longues carottes de sédiment du Pacifique et de l'Océan Indien, ou de calottes glaciaires au Groenland (Dansgaard et al., 1984) et en Antarctique (Lorius et al., 1988; Petit et al., 1997; Petit et al., 1999). Parallèlement à ces travaux sédimentologiques et géochimiques, les recherches théoriques de Berger sur le climat en fonction des cycles astronomiques (Berger, 1988; Berger, 1992) ont complété les connaissances générales sur le climat mondial au cours du Quaternaire. La chronologie du 14C a été calibrée à l'aide de nombreuses recherches (Bard et al., 1990a; Bard et al., 1990b; Stuiver & Reimer, 1993) et permet la corrélation temporelle entre les événements sédimentaires témoins des changements du climat.

      L'ensemble des recherches climatiques et sédimentologiques de ce siècle, ainsi que les recherches palynologiques régionales (Ammann et al., 1996; Ammann & Lotter, 1989; Welten, 1982) ont participé à la définition de la chronologie du Tardiglaciaire et de l'Holocène pour le Plateau Suisse (Tabl. 1.2).

      Les sédiments marins et les glaces polaires sont de bons indicateurs du climat général, mais pour connaître les variations climatiques locales, il a fallu utiliser des dépôts continentaux : les tourbes, les sédiments glaciaires et lacustres.


1.3.2 Le dernier maximum glaciaire (LGM)

      Dans la région du Petit-Lac, les anciens cycles glaciaires ont laissé des gorges étroites remplies de sédiments (Amberger, 1978; Wegmüller et al., 1995) que l'on peut également observer sur les profils sismiques du Petit-Lac (Wildi & Pugin, 1998). Toutefois la majeure partie de ces sédiments anciens a été érodée par le surcreusement du substrat rocheux durant la dernière extension maximale des glaciers au Würm. Par exemple, la séquence lithostratigraphique de la Rade de Genève (Moscariello, 1996; Moscariello et al., 1998) représente un seul cycle de progression et de retrait glaciaire.

      Durant le dernier maximum glaciaire (Last Glacial Maximum, LGM) les glaces s'étendaient pratiquement sur tout le territoire de la Suisse, elles dépassaient largement le bassin genevois et recouvraient une grande partie des Alpes du Sud (Florineth & Schlüchter, 1998). Ce maximum glaciaire est situé entre 25'000 ans 14C BP (Arn, 1984) et 18'940 ans 14C BP (Moscariello, 1996). A l'est des Alpes, van Husen (1997) situe la dernière avancée glaciaire vers 21'000 ans 14C BP et selon les données des phases de déglaciation, cette position maximale a duré 3'000-4'000 ans. A cette époque le niveau des mers était 120 m en dessous du niveau actuel (Bard et al., 1990b; Chappell & Shackleton, 1986; Fairbanks, 1989). Dans la région genevoise, les dépôts glaciaires de 'sandur' et de 'till' d'âge Würmien ont été décrit par de nombreux auteurs (Amberger, 1978; Amberger, 1993; Jayet, 1967; Lombard & Cuénod, 1965; Moscariello, 1996).

      

Tabl. 1.2 : Chronologie 14C en fonction de différentes échelles stratigraphiques.

*«Pollen Assemblage Zone» (modifié d'après Ohlendorf, 1999)

1.3.3 La déglaciation et le Tardiglaciaire

      La déglaciation s'est amorcée par étapes, en étant interrompue à plusieurs reprises (stades). Selon les recherches sur les coraux des Barbades (Bard et al., 1990a; Blanchon & Shaw, 1995), la déglaciation mondiale commence vers 19'000 ans 230Th BP puis deux accélérations de la remontée du niveau des eaux ('meltwater pulse') se produisent vers 14'000 ans BP et vers 11'300 ans BP et durent environ 500 ans chacune. Atkinson et al. (1987) ont également observé - à l'aide des coléoptères de Grande-Bretagne - deux phases rapides de réchauffement du climat vers 13'300 - 12'500 ans 14C BP et vers 10'000 ans 14C BP, ainsi qu'un pic de froid vers 10'500 ans 14C BP. Le premier réchauffement autour de 12'700 ans 14C BP est très brusque : la température estivale grimpe d'environ 15°C en moins d'un siècle vers le niveau actuel. La végétation arborée n'évolue pas aussi rapidement que les températures et on ne peut observer ce changement pollinique qu'à partir de l'Allerød. Durant le Bølling, le bouleau domine les pins, puis durant Allerød, le rapport s'inverse. Enfin, lors du fort refroidissement du Dryas récent, le paysage s'ouvre à nouveau avec l'augmentation d'herbes héliophiles (Ammann et al., 1996; Le Meur, 1999).

      Dans la région alpine, les informations sismiques et sédimentaires ont mis en évidence les phases de retrait de ce dernier cycle à travers de nombreux types de dépôts, terrestres, fluviatiles et lacustres.

      L'étude des moraines et terrasses actuellement émergées de la région Lémanique a permis de situer l'altitude d'anciens stades et l'âge de ces formations (Chaix, 1981; Gabus et al., 1987; Gallay, 1981; Gallay & Kaenel, 1981; Schoeneich, 1999).

      Les dépôts Tardiglaciaire des lacs du Plateau Suisse ont apporté de nombreuses informations. Dans le lac de Zürich, des boues avec lamines à intercalations sableuses et possédant un faible contenu de calcite ont été observées en dessous de 4 m de dépôts lacustres (Thompson & Kelts, 1974). D'autres recherches (Hsü et al., 1984; Lister, 1984a; Lister, 1984b; Lister, 1988; Lister, 1989) ont permis de déterminer que la déglaciation a commencé avant 15'000 ans 14C BP, et que toute la glace dans le bassin du lac était fondue en 12'800-12'400 ans 14C BP. Le lac de Lugano était libre de glace vers 14'600 ans 14C BP (Niessen & Kelts, 1989) et les vallées alpines de 14'500 ans 14C BP à 12'580 ans 14C BP (Schlüchter, 1988). Les laminations glacio-lacustres du faciès LACNE4 (Schwalb, 1992) du lac de Neuchâtel montrent que le glacier avait libéré le bassin durant le Dryas Ancien et les investigations de Gaillard et Moulin (1989) sur les sédiments littoraux indiquent un niveau du lac à 3-4 m en dessous du niveau actuel pour cette biozone. Dans le lac de Constance, la carotte BO91/23 (Bodensee-Obersee) montre une séquence de lamines 'rhythmites' beige-brune, dont la base (cote 7.7 m) est datée 17'500 ans BP 3  et le sommet (cote 6.6 m) 15'600 ans BP 4 . La séquence suivante, des limons gris-bruns sans lamines, s'arrête à la cote 6.0 m et marque la transition entre le Dryas récent et le Préboréal (Wessels, 1995; Wessels, 1998).

      Les dépôts immergés du lac Léman ont montré, à travers l'étude de séquences sédimentaires relativement continues dans le temps et l'espace, que le retrait du glacier du Rhône à la fin du Würmien s'est fait dans un lac dont le niveau s'abaissait au fur et à mesure que le glacier reculait (Joukowsky, 1920a; Joukowsky, 1920b; Lombard & Cuénod, 1965; Meybeck et al., 1969; Moscariello, 1996; Vernet & Horn, 1971). A ce jour, quatre positions (stades) sont connues dans le bassin genevois : Laconnex, Genève, Coppet, Nyon (Fig. 1.5). Moscariello et al. (1998) ont lié ces stades avec les terrasses situées à 55 m, 30 m, 10 m et 3 m au-dessus du niveau actuel (Burri, 1981). Leur interprétation peut être résumée de la façon suivante :

- Stade de Laconnex ; le «lac de 470 m» : le seuil de ce lac se trouvait vers Fort l'Ecluse.

- Du stade de Laconnex à la ville de Genève ; le «lac de 430 m» : il s'agit du «lac de 55 m» des anciens auteurs.

- Stade Genève ; le «lac de 405 m» : correspondrait au «lac de 30 m». La terrasse de 30 m est datée par Gabus et al.(1987) d'âge Dryas Ancien.

- Stade de Coppet.

- Stade de Nyon.

      Les deux derniers stades correspondent à des formations sédimentaires du Petit-Lac déterminées par des profils sismiques : des sédiments glacio-lacustres laminés encadrent des diamictes ('till tongues').

      E. Chapron (1999) a proposé un stade supplémentaire en amont du Stade de Nyon à la hauteur de Thonon.


1.3.4 L'Holocène

      Au Préboréal les températures remontent et la végétation suit rapidement cette évolution : les bois se densifient. Les pinèdes clairsemées de bouleaux du Préboréal sont suivies de forêts mixtes avec des noisetiers et des chênes durant le Boréal et l'Atlantique ancien (Ammann et al., 1996; Le Meur, 1999). Puis, à 6'000 BP (Atlantique récent), le climat est plus contrasté que le climat actuel : les étés sont environ 2-3°C plus chauds, et les températures d'hiver 2-3°C plus froides (Joussaume & Guiot, 1999). Les forêts mixtes de feuillus passent à des hêtraies sapinières. Au Subboréal les hêtraies sapinières dominent. Au Subatlantique l'anthropisation de la végétation croît. Le charme, le noyer et le châtaignier apparaissent, puis enfin les céréales et le chanvre (Ammann et al., 1996; Le Meur, 1999). Durant le Bas Moyen Age 900-1'200 AD (1'050-750 BP) les températures augmentent d'environ 2°C et la glace arctique recule. La période de 1'400-1'850 AD est considérée comme un 'Petit-Age Glaciaire'.

      

Fig. 1.5 : Extension des stades et des lacs de retrait würmiens dans le bassin genevois et le Petit-Lac.

(de Moscariello et al., 1998)

      Toutefois les études de C. Pfister (1999) ont montré que le climat des 500 derniers ans a beaucoup varié au cours du temps, et que quelques phases de réchauffement ont existé durant cette période :

1496- 1532 AD Les températures étaient plus froides que la période de référence (1901-1960) et les étés plus froids et plus humides.

1533-1566 AD Climat chaud et sec, c'est le 'Petit Age chaud'.

1567-1630 AD Baisse de 1°C pour toutes les saisons sauf l'automne, c'est le vrai 'Petit Age glaciaire'.

1631-1683 AD Période froide et sèche favorable à l'agriculture et aux populations, peu de crues.

1684-1699 AD Chute de 0.8°C de la température annuelle, probablement due au minimum de l'activité solaire (Minimum de Maunder). Etés pluvieux et frais. Famines et guerres.

1700-1733 AD Phase de réchauffement de toutes les saisons, surtout les étés.

1733-1809 AD Toutes les saisons, sauf l'été, sont soumises à une influence continentale : le climat est plus froid et plus sec que celui de la période de référence. Les étés subissent une influence océanique avec des vents d'ouest.

1810-1855 AD Le climat est froid et sec pour toutes les saisons, probablement dû aux éruptions volcaniques et au minimum de l'activité solaire (Minimum de Dalton).

1856-1895 AD Dernière partie du Petit-Age glaciaire, un peu moins froid et très humide.

1896-1987 AD Réchauffement, augmentation des précipitations en hiver et diminution pour les autres saisons.

1988-1997 AD La période la plus chaude depuis 500 ans, les températures sont en moyenne 1.3°C plus chaudes que celles de la période de référence.

      Dans sa monographie, F.-A. Forel (1895) a énuméré les années durant lesquelles les lacs du Plateau Suisse ont gelé, ainsi que celles durant lesquelles la rade de Genève était prise par la glace. Ces années sont à mettre en relation avec les périodes froides décrites par Pfister (ci-dessus).

      Parallèlement à la palynologie et à l'étude des faits historiques, la sédimentologie lacustre a aussi apporté de nombreuses informations sur l'Holocène. Les sédiments du lac de Zürich ont révélé trois unités lithologiques Holocènes : 0-50 cm de varves noires, 50-190 cm de marnes lacustres gris verdâtre avec des laminations floues, 190-390 cm de craie lacustre. A 2.5 m l'analyse palynologique donne un âge de 5'400 ans BP, et les derniers 1.5 m sont datés du Subatlantique (Thompson & Kelts, 1974). Selon G. Lister (1988), la sédimentation lacustre atteint un maximum peu après 3'850 14C BP (= Subboréal). Thompson et Kelts (Thompson & Kelts, 1974) ont également décrit une carotte (7.1 m) du lac de Zug, dont le sommet contient 40 cm de varves non glaciaires similaires à celles du lac de Zürich. Le reste de la carotte est constitué de sédiment fin à lamines, entrecoupé de minces couches de sable grano-classé, interprétées comme des turbidites. La base de la carotte, estimée à 5'500-7'000 ans BP par comptage de varves et détermination palynologique est d'âge Atlantique. Une turbidite, datée à 3'000 ans 14C BP se trouve à 3.8 m.

      Les sédiments de l'Holocène du lac de Constance sont marqués par un premier maximum (9'600 ans BP 5 ) de la teneur en calcite (55%) et un minimum de la teneur en quartz (8-9%) au Préboréal, suivi de deux autres maximums de calcite au Boréal en 8'300 ans BP 6  et durant l'Atlantique ancien en 6'900 ans BP 7 . A partir de 3'700 ans BP 8 , de nombreuses crues sont identifiées à l'aide de lamines gris-foncées épaisses (Wessels, 1995; Wessels, 1998).

      Les sédiments côtiers du lac de Neuchâtel (profondeur -3m), datés par palynologie dans le cadre d'excavations archéologiques (Gaillard & Moulin, 1989), forment une séquence de 1.7-1.5 m d'épaisseur pour la période de l'Holocène.

      Des sédiments du même âge ont été identifiés au fond du lac de Neuchâtel (-40 à -140 m de profondeur) : les séquences du Subatlantique et Subboréal se ressemblent, mais les sédiments déposés durant l'Atlantique présentent des différences, notamment par une chute de la teneur en eau et du pourcentage de carbonates, ainsi que par la présence de lamines dans les sédiments (Schwalb, 1992). D'autre part, l'analyse pollinique des sédiments (Lambert, 1999) a fait apparaître deux phases majeures d'impact anthropique de déforestation à la fin du Haut Moyen Age, vers 600-700 AD, et durant le Moyen Age (1'200-1'500 AD). A partir de la carotte LN01, P. Lambert (1999) a également pu déterminer que le taux de sédimentation du Subboréal (0.05 g/cm2*an) était inférieur à celui du Subatlantique ancien et récent (0.1 g/cm2*an).

      Le lac de Silvaplana (Leemann & Niessen, 1994a; Leemann & Niessen, 1994b) se trouve dans un environnement très différent 9 , mais il présente également un faible taux de sédimentation au début du Subboréal (0.025-0.05 g/cm2*an), puis fort durant le Subatlantique (0.2-0.35 g/cm2*an). Des taux de sédimentation similaires ont également été observés dans le Petit Lac d'Annecy pour le Subatlantique (0.14-0.34 g/cm2*an) (Higgitt et al., 1991).

      Les dépôts du lac de Brienz semblent être passablement différents de la plupart des grands lacs du Plateau Suisse. La sédimentation, d'origine clastique, est dominée par les apports de deux rivières 10  et les processus principaux sont des courants de turbidité ('underflows'), des courants de surface et des 'interflows' (Sturm & Matter, 1978).

      Les sédiments du lac Léman sont présentés au point suivant (Chap. 1.4).


1.4 Présentation de la zone des Hauts-Monts


1.4.1 Structure et morphologie

      La zone d'étude des Hauts-Monts correspond à une portion du Petit-Lac de 15 km2 de surface. En amont elle s'arrête à la hauteur des Crénées (rive droite) et de Chevrens (rive gauche) et en aval à la hauteur de Collonge-Bellerive et un peu avant le Creux-de-Genthod.

      

Fig. 1.6 : Localisation de la zone d'étude.

      Dans cette partie du lac, les beines 11  ont une profondeur maximale de 5 m. En général elles s'étendent sur une largeur de 100-200 m, mais en amont de l'embouchure de la Versoix la beine est beaucoup plus large : 250-600 m. Ce plateau est dû à la Molasse sous-jacente qui affleure à cet endroit (Service cantonal de géologie, 1974)(Fig. 1.7).

      La structure des 'Hauts-Monts' est un promontoire immergé dont le sommet forme une terrasse à 9-14 m de profondeur. F.-A. Forel (1895) utilise déjà cette nomination et décrit la zone comme un «accident intéressant» et un «îlot submergé». Cette 'colline' sous-marine correspond au deuxième resserrement du Petit-Lac et fonctionne comme un goulot d'étranglement. L'essentiel de sa morphologie est due à une dent de Molasse qui a résisté aux érosions glaciaires. La topographie littorale submergée de la baie de Corsier est également héritée de la morphologie des formations morainiques Würmiennes affleurantes ou sub-affleurantes et de la Molasse par endroits (Burrus, 1980; Service cantonal de géologie, 1974)(Fig. 1.7). En face de la plage de la Savonnière, quelques chenaux creusés dans la Molasse ont été détectés par analyse sismique (Burrus, 1980).

      Dans la baie de Corsier, il existe une zone de 'ténevières' à 4-5 m de profondeur. Ce sont des surfaces de galets relativement bien triés qui sont associées à des vestiges archéologiques (Burrus, 1980; Corboud, 2000)(Fig. 1.7).

      

Fig. 1.7 : Zone des Hauts-Monts : géologie des sédiments côtiers et extension du delta de la Versoix.

(d'après différents auteurs)

      Une importante étude par sismique réflexion (Vernet & Horn, 1971) a posé les bases de la connaissance structurale du Petit-Lac. Des cartes isopaques et isohypses des principales unités sismiques ont permis de connaître les épaisseurs et la géométrie approximatives des sédiments. Plusieurs failles et décrochements ont été détectés perpendiculairement à l'axe du Petit-Lac. Ces structures n'ont toutefois pas été reconnues par les auteurs d'études ultérieures (Baster et al., 1999; Chapron, 1999; Girardclos et al., 1999; Moscariello et al., 1998; Wildi et al., 1997; Wildi & Pugin, 1998). L'image sismique de la structure en biseau au pied des Hauts-Monts a été exposée un peu plus tard dans une publication relative à la structure du Léman : ce site est révélateur de la complexité de la géométrie sédimentaire de la zone des Hauts-Monts (Vernet et al., 1974)(Fig. 1.8).

      Suite à une acquisition sismique faite en collaboration avec l'Institut Forel, E. Chapron (1999) a également abordé la structure générale du Petit-Lac et proposé de nouvelles isopaques pour son interprétation géologique.

      

Fig. 1.8 : Biseautage dans les sédiments lacustres au pied des Hauts-Monts.

(de Vernet et al., 1974)

1.4.2 Texture et âge des sédiments

      Une chronologie exhaustive des premiers travaux de stratigraphie des sédiments du Petit-Lac (1892-1969) a été exposée par Vernet et Parent (1970). A cette époque, on ne disposait d'aucune information stratigraphique sur le site des Hauts-Monts. La carte des textures du Petit-Lac (Vernet et al., 1972) a révélé la granulométrie des sédiments de surface de la zone des Hauts-Monts (Fig. 1.9). Puis l'analyse palynologique (Châteauneuf & Fauconnier, 1977) de deux carottes au centre du bassin a montré qu'un minimum de 12-19 m de sédiment s'est déposé depuis le Subboréal dans cette partie du lac.

      

Fig. 1.9 : Carte de la texture des sédiments du Petit-Lac.

(de Vernet et al., 1972)

      Les nombreuses carottes étudiées ultérieurement sur le site des Hauts-Monts proviennent principalement de la partie littorale du lac. Dans la baie de Corsier (Burrus, 1980), les échantillons de surface ont montré une grande variabilité de granulométrie et teneur en calcite, et les quatre carottes Holocènes, datées par palynologie, ont permis de proposer des phases de transgression et régression du lac. Reynaud (1981a) a également travaillé dans la baie de Corsier sur la datation palynologique de carottes Tardiglaciaire et Holocène ; il a aussi proposé un schéma de variations du niveau lacustre en fonction de ces données.

      Les taux de sédimentation actuels du Petit-Lac ont été établis (Vernet et al., 1984) à l'aide de l'activité du 137Cs : supérieur à 0.529 g*cm2/y vers le delta de la Versoix, 0.069-0.113 g*cm2/y au pied des Hauts-Monts, et inférieurs à 0.031 g*cm2/y dans la baie de Corsier.

      En annexe de son travail de thèse, A. Moscariello (1996) a publié l'étude palynologique d'une carotte d'âge palynologique Atlantique à Subaltantique (cf. Fig. 4.4), géographiquement proche du promontoire des Hauts-Monts.

      En relation avec l'étude de la répartition des macrophytes, C. Mirault (1996) a décrit les faciès littoraux du Petit-Lac à l'aide de nombreuses carottes prélevées le long de profils perpendiculaires à la côte.

      L'ensemble de ces travaux a démontré la très grande complexité sédimentaire de la zone littorale et profonde, dont les taux de sédimentation et d'érosion variables ont généré une mosaïque de sédiments juxtaposés, d'âges et de faciès différents.


1.4.3 Dynamique sédimentaire actuelle

      En été, sur la beine de Collonge-Bellerive 12 , durant le maximum de végétation des macrophytes (Fig. 1.10), la surface du sédiment, protégée par les tiges et le système racinaire des plantes, n'est que peu influencée par les tempêtes. Par contre, les fortes bises d'hiver peuvent facilement éroder ou déposer de façon chaotique jusqu'à 5 cm d'épaisseur de sédiment à chaque événement (Girardclos, 1993).

      

Fig. 1.10 : Carte de la végétation submergée (en gris) dans la zone des Hauts-Monts en 1995.

(d'après Lehmann, 1997)

      Le travail de sédimentologie de M. Ulmann (2000) a permis, à l'aide d'analyses de palynofaciès et de mesures granulométriques et géochimiques, de définir la forme et l'extension du delta actuel de la Versoix (Fig. 1.7). Plusieurs processus relatifs aux apports allochtones de la Versoix ont été observés : Le matériel grossier (galets, sable) se dépose à proximité de l'embouchure de la rivière et subit la dérive littorale imposée par les courants de surface. Après de fortes pluies, au printemps et en été, les particules fines sont transportées par des courants de densité vers le centre du bassin. En hiver (période non-stratifiée), c'est la direction des forts vents, et les courants qu'ils provoquent en surface et en profondeur, qui emmènent les particules fines dans le bassin. Ainsi, dans cette zone, les particules sédimentaires sont transportées dans le sens contraire de la direction du vent. Les particules de 296 mm de diamètre parcourent moins de 1 m et celles de 30 mm franchissent 50-80 m. Les grains de 10-13 mm traversent environ 600 m avant de se sédimenter, et ceux de 3 mm peuvent même atteindre une distance de 4-10 km. Ainsi la rivière influence la sédimentation lacustre au-delà de la zone deltaïque au sens stricte.


1.5 De la réalité géologique d'un profil sismique

      La technique de la sismique réflexion marine ou lacustre consiste à générer des ondes sismiques au sein de la masse d'eau afin de traverser les couches géologiques sous-jacentes et de mesurer les temps d'aller-retour de l'onde réfléchie au sein des différentes interfaces (Sheriff & Geldart, 1995). Les données de temps sont ensuite traitées et éditées afin de permettre leur interprétation géologique. Un profil sismique n'est pas la réplique du profil sédimentaire ou géologique au même endroit. Plusieurs facteurs, liés à la physique des ondes, sont à prendre en compte pour interpréter des données sismiques.


1.5.1 Résolution

      La détection d'une interface acoustique entre deux couches est également liée à la fréquence de l'onde utilisée. Une couche d'épaisseur inférieure au quart de la longueur d'onde 13  ne sera pas parfaitement détectée (Sheriff & Geldart, 1995; Yilmaz, 1987). La résolution verticale théorique des profils dépend donc de ce facteur. La résolution horizontale varie en fonction de la largeur de la première zone de Fresnel dont le rayon est défini par r=(lh/2)½ ( 14 ) (Sheriff, 1997; Sheriff & Geldart, 1995; Yilmaz, 1987). Deux points compris à l'intérieur de cette zone sont considérés comme indiscernables, r représente donc la distance minimale de détection. Le tableau 1.3 indique les différentes campagnes d'acquisition et leurs résolutions théoriques estimées d'après l'étude des spectres de vitesses de A. Pugin.

      
Tabl. 1.3 : Comparaison des résolutions sismiques théoriques pour chaque type de données (calculées pour une vitesse moyenne de 1500 m/s dans les sédiments Holocène).
Campagne Fréquence dominante (Hz) Longueur d'onde (m) Résolution verticale (m) Profondeur choisie (m) Résolution horizontale (m)
Sparker 1500 1 0.25 2 - 100 1 - 7.1
Canon à air 600 2.5 0.63 2 - 100 1.6 - 11.2
Echosondeur 1500- 2000 1 - 0.75 0.25 - 0.19 2 - 100 0.86 - 7.1
Marteau 1500 1 0.25 2 - 100 1 - 7.1


1.5.2 Artefacts

      Du 'bruit' lié à la physique des ondes peut apparaître sur les profils sismiques. Il génère des artefacts qui modifient ou oblitèrent l'information acoustique de la géologie (Stoker et al., 1997) :

Multiples : il s'agit de réflecteurs supplémentaires crées par un double, triple, etc. trajet de l'onde au sein de la colonne d'eau, ou plus rarement au sein de deux couches sédimentaires.

Diffraction de l'onde : une surface fortement réflective en discontinuité avec le reste du milieu, des reliefs extrêmement perturbés ou très en pente peuvent générer des images d'onde en forme d'hyperbole ou de demi-hyperbole. L'onde est diffractée dans toutes les directions et les temps de retour mesurés présentent donc des géométries transformées, qui n'ont pas de réalité géologique.

Bruit aléatoire : les vagues, moteurs et autres instruments utilisés à bord peuvent créer des interférences acoustiques qui génèrent un bruit de fond sur le profil sismique et réduit sa lisibilité.

Zone sourde : lorsque qu'une couche réfléchit une partie ou toute l'énergie de l'onde qui la traverse, celle-ci ne peut pas pénétrer dans les couches inférieures et les potentiels réflecteurs acoustiques sous-jacents ne sont donc pas détectés. Cette portion du profil sismique devient 'transparent'. Si des multiples de réflecteurs sont présents, ce bruit incohérent masque les réflecteurs de faible énergie sous-jacents.


1.5.3 Faciès sédimentaire

      Les caractéristiques des profils sismiques dépendent des contrastes d'impédance au sein des différentes couches géologiques. En conséquence les limites lithologiques ne sont détectées que lorsque l'impédance acoustique change suffisamment d'une couche à l'autre (Sheriff & Geldart, 1995; Stoker et al., 1997).

      Certains types de séquence sédimentaire peuvent éventuellement favoriser la création de niveaux sismiques qui ne sont pas le reflet de dépôts synchrones, mais de changements de faciès lithologiques. Dans notre exemple, les réflecteurs sismiques d'une séquence deltaïque progradante, issus des changements de densité liés à la variation longitudinale de la granulométrie, ne dessinent plus la réelle géométrie du corps sédimentaire, mais celle des limites de faciès sédimentaire (Fig. 1.11). Ainsi les réflecteurs sismiques donnent l'image d'une séquence de faible pente qui rétrograde. Il faut toutefois relativiser la fréquence de ce phénomène, car les changements de faciès latéraux sont naturellement progressifs, et donc peu susceptibles de générer de forts contrastes d'impédance.

      

Fig. 1.11 : Schéma théorique de réflecteurs sismiques asynchrones engendrés par la granulométrie changeante d'un delta progradant.

      Selon le même principe de changement de faciès longitudinal, un niveau de gaz, lié à la dégradation de la matière organique contenue dans le sédiment, peut créer un réflecteur sismique qui n'est pas forcément cohérent avec la succession stratigraphique. Ce phénomène de distorsion de la géométrie sismique peut éventuellement être amplifié par la migration du gaz vers des niveaux sédimentaires supérieurs.


2. Stratigraphie sismique de la zone des Hauts-Monts


2.1 Introduction

      Trois questions principales ont guidé l'écriture de ce chapitre :

Q1 : Quelle est la chronologie relative, la géométrie et l'interprétation en deux dimensions des séquences sismiques de la zone des Hauts-Monts ?

Q2 : Une analyse en trois dimensions est-elle nécessaire à l'interprétation des structures sismiques complexes ?

Q3 : Les faciès et structures sismiques sont-ils dépendants de la technique sismique utilisée ? Si oui, dans quelle mesure ?

      Les recherches antérieures à ce travail (cf. Chap. 1.4) ont révélé la très grande variabilité latérale sédimentaire (âge des formations, granulométrie, taux de sédimentation) de la zone des Hauts-Monts. Cette forte hétérogénéité locale permet l'analyse des effets simultanés de nombreux processus sédimentologiques, mais rend difficile la corrélation chronologique et latérale des différentes séquences sédimentaires étudiées. Ces constatations nous ont amenés à effectuer de nombreuses campagnes sismiques afin d'obtenir une image précise de la stratigraphie sédimentaire des Hauts-Monts.


2.1.1 Acquisition et emplacement des profils sismiques

      Une première campagne d'acquisition sismique a été organisée conjointement par le Renard Center of Marine Geology de Gand (RCMG), le Laboratoire de Géodynamique des Chaînes Alpines (LCGA) de l'Université de Savoie et l'Institut Forel en mars 1996. Les six profils 'sparker' couvrant la zone étudiée ont été utilisés pour cette recherche (Fig. 2.1.A) et ont permis une première approche de la structure sédimentaire de ce bassin.

      Nous avons également pu profiter des recherches menées à l'Institut Forel par A. Pugin, qui a enregistré en automne 1996 vingt et un profils sismiques avec une source canon-à-air de 5 in3 (Fig. 2.1.B).

      Les informations déduites de ces campagnes préliminaires nous ont permis d'organiser une troisième campagne sismique en été 1997 (Fig. 2.1.C) à l'aide d'un échosondeur BATHY-1000 15 . 80 km de profils sismiques de très haute résolution ont été acquis avec cette nouvelle technologie sur une grille de 4 x 3.5 km, et avec un espacement de 260 m entre chaque ligne. Au centre de la zone d'étude, sur une surface d'environ 1 km2, l'espacement de la grille a été réduit à 65 m entre chaque profil afin de bénéficier de 26 km de lignes supplémentaires et d'une meilleure densité d'information. L'ensemble des données échosondeur a servi de 'colonne vertébrale' à cette recherche, puisque la stratigraphie sismique et le modèle tri-dimensionnel ont été élaborés à l'aide de ces lignes.

      En automne 1998, nous avons encore acquis six profils sismiques totalisant 8.2 km, à l'aide d'une nouvelle source 'marteau' développée par A. Pugin (Fig. 2.1.D). Cette technologie de résolution verticale et horizontale similaire à celle de l'échosondeur (cf. Chap. 1.5.1) présente l'avantage d'enregistrer l'onde sismique complète alors que le BATHY-1000 n'exploite que l'enveloppe de l'onde sismique. De plus, elle permet l'analyse du faciès sismique car aucun AGC (Automatic Gain Control) n'est utilisé dans le processus d'acquisition, d'enregistrement et de traitement de l'onde (cf. annexe A.3.4.2). Ces profils 'marteau' ont été placés sur le tracé des précédentes lignes sismiques afin de comparer les méthodes et d'améliorer l'interprétation des profils échosondeur.

      La totalité de ces profils sismiques a été positionnée à l'aide de systèmes GPS (Global Positioning System) avec une précision de 0.5 à 100 m selon les équipements et les méthodes (cf. annexes A.1 et A.3 pour plus de détails).


2.1.2 Traitement des différentes données sismiques

      Les données sismiques sparker, canon-à-air et marteau ont été transformées avec des filtres passe-bande pour augmenter la fréquence du signal puis avec une déconvolution prédictive pour éliminer les réverbérations. Un mélange des traces a permis d'améliorer la cohérence du signal pour les données canon-à-air et sparker.

      Pour les données échosondeur, la séquence de traitement a été très différente en raison des caractéristiques mêmes de l'onde digitalisée : comme un AGC interne est appliqué automatiquement à l'onde avant l'enregistrement de son enveloppe, nous n'avons pas pu obtenir la 'vraie' amplitude du signal. En conséquence, nous avons amélioré la lisibilité des réflecteurs profonds avec un AGC supplémentaire.

      Pour une description plus détaillée des caractéristiques d'acquisition, d'enregistrement et de traitement des lignes sismiques, se référer à l'annexe A.3 «Techniques sismiques».

      

Fig. 2.1 : Situation géographique et bathymétrique des profils sismiques en fonction des différentes campagnes d'acquisition : a) sparker, b) canon-à-air, c) échosondeur, d) marteau.


2.1.3 Méthodes d'analyse des profils sismiques

      Les profils sismiques échosondeur et marteau ont été transformés dans le format '*.2ds' à l'aide du logiciel SeisVision 16  puis intégrés dans un fichier d'interprétation sismique géoréférencé. Ainsi les croisements des profils les uns avec les autres ont pu être repérés exactement (Fig. 2.2). A l'aide de ce logiciel, nous avons analysé et interprété les profils sismiques avec un fort 'zoom' et en adaptant le gain en fonction des amplitudes propres à chaque réflecteur. En affichant les fortes amplitudes avec un faible gain, il a été possible de repérer le sommet de l'onde cachée dans une saturation, et à l'inverse, des réflecteurs de faible amplitude mais très continus ont pu être suivis sur tous les profils à l'aide d'un gain d'affichage fort. Cette fonctionnalité nous a permis de compenser en partie les défauts 'hardware' de l'échosondeur 17  que nous n'avions pas pu améliorer par un traitement préliminaire.

      C'est également à l'aide du logiciel SeisVision que nous avons exporté les coordonnées x,y,z (position géographique et profondeur en temps double) dans un fichier de format ASCII ('.txt') afin d'obtenir des surfaces pour chaque réflecteur (cf. Chap. 5 et Annexe A.4.2).

      

Fig. 2.2 : Exemple de réflecteurs sismiques pointés sur un profil échosondeur en coupe. Les croisements avec les autres lignes sont marqués par une croix (+) et l'emplacement des carottes par un trait vertical.

      En raison de la précision insuffisante du positionnement GPS 18  pour les profils sparker et canon-à-air, ces lignes n'ont pas pu être intégrées dans un fichier Seisvision. Les croisements de ces profils, ainsi que leur position géographique ont été déterminés et représentés à l'aide du logiciel Arcview GIS 19 .


2.2 Résultats


2.2.1 Généralités

      Les limites acoustiques de l'échosondeur BATHY-1000 et celles inhérentes au milieu sondé (hauteur de la tranche d'eau, qualité physique du substrat) ont défini la profondeur d'analyse du remplissage sédimentaire de la zone des Hauts-Monts. Les profils sismiques d'épaisseur sédimentaire maximum (0.04-0.045 s TWT, 30-35 m) sont situés dans la partie profonde du lac (-50 m à -75 m). Avec cette technique, il n'a pas été possible d'identifier des réflecteurs sismiques au-delà de 30-35 m sous la surface du sédiment.

      Afin d'optimiser l'analyse de nos profils sismiques haute résolution, nous avons choisi de pointer en détail les réflecteurs sismiques plutôt que de rester à l'échelle grossière de la séquence sismo-stratigraphique.

      Vingt-quatre réflecteurs sismiques continus, de moyenne à forte amplitude, ont été identifiés sur les profils échosondeur et les profils marteau. La séquence de ces réflecteurs a été construite pas-à-pas en partant des réflecteurs principaux ('fond', 5, 6, 7, 8, 10, 14, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23) observés sur la majorité des profils, pour s'étendre à des réflecteurs seulement présents sur une partie de la zone étudiée (3, 4, 9, 11, 12, 13, 15 et la 'roche' encaissante) 20 .

      Les réflecteurs sismiques, continus dans la partie profonde du lac, n'ont pas pu être reconnus sur les bords du bassin à cause de leur caractère chaotique. Ce phénomène est dû à la forte pente (8-20%) qui génère des dépôts sédimentaires aux structures chaotiques, ainsi qu'à la dispersion de l'onde sismique réfléchie sur ces surfaces. Sur les flancs du bassin nous avons toutefois pu reconnaître le sommet de la roche 21  encaissante. Dans la partie supérieure du profil, la faible tranche d'eau génère des réflecteurs multiples. Ces caractéristiques sont présentes sur tous les profils sismiques étudiés.

      Pour appréhender la structure géologique des Hauts-Monts, nous avons choisi de présenter quelques profils sismiques représentatifs des quatre méthodes sismiques utilisées et de la géométrie des séquences sédimentaires. L'interprétation de ces résultats sera exposée au point 2.3.


2.2.2 Profils eb7 et ag4

      Profil échosondeur eb7 :

      Le profil eb7 (Fig. 2.3) est situé au nord de la structure des Hauts-Monts dans la zone profonde du Petit-Lac. Quinze réflecteurs parallèles et continus ont été pointés sur ce profil. La continuité des réflecteurs augmente de la partie inférieure vers le sommet de la séquence sédimentaire.

      Description des unités sismiques :

      Les réflecteurs 23 à 20 forment une unité sismique homogène (unité A) au faciès distinctif : amplitude faible à forte et continuité faible à moyenne. Trois sous-unités sont définies par des alternances de fortes et de faibles amplitudes (A1, A2, A3).

      Ces unités sont surmontées par l'unité B aux amplitudes plus contrastées : de très forts réflecteurs très continus alternent avec des amplitudes très faibles (réflecteurs 20 à 16). La partie nord-ouest de cette unité comporte un faciès chaotique lenticulaire dont les réflecteurs internes sont perturbés mais en partie reconnaissables.

      La base de l'unité C montre de très fortes amplitudes de mauvaise à moyenne continuité sur une épaisseur de 1 ms (environ 0.7 m). Ce signal particulier est reconnaissables sur la majorité des profils sismiques et est situé entre les réflecteurs 16 et 14. Le reste de l'unité C possède un faciès d'amplitude faible à moyenne et de continuité moyenne à bonne.

      Le sommet de la séquence sédimentaire (réflecteurs 8 à 'fond') est définit par l'unité D dont les fortes amplitudes et la bonne continuité tranchent avec l'unité C. Un réflecteur très continu et de très forte amplitude est situé à mi-temps de l'unité C, il s'agit du réflecteur 6.

      

Fig. 2.3 : Coupe sismique eb7 et son interprétation : réflecteurs et unités sismiques.

      Profil canon-à-air ag4 :

      Bien que de résolution verticale inférieure 22 , le profil ag4 présente la même architecture sismo-stratigraphique que le profil échosondeur eb7 discuté ci-dessus (Fig. 2.4). Le nombre de réflecteurs est plus restreint, mais sur la base des changements de faciès, on observe les mêmes unités sismiques (A, B, C, D) que sur le profil eb7.

      Comme le signal sismique du canon-à-air est plus puissant que celui de l'échosondeur BATHY-1000, la structure encaissante du bassin apparaît clairement. Ceci nous permet de vérifier que les limites extérieures (latérales) du profil échosondeur eb7 sont bien dues à un changement de lithologie et non pas seulement à la perte du signal en profondeur.

      Description des unités sismiques :

      Comme pour le profil échosondeur eb7, l'unité sismique A présente un faciès de faible amplitude. Les trois sous-unités (A1, A2, A3) sont difficilement identifiables sur la seule base du changement de faciès, car l'amplitude de l'onde est faible et la continuité des réflecteurs mauvaise. Nous avons reporté les sous-unités sur le profil ag4 à l'aide des croisements avec le profil échosondeur eb7. L'unité A3 est marquée par une discontinuité latérale de faciès : quelques bons réflecteurs (amplitude et continuité moyennes) au centre du bassin (A3b) tranchent avec le faciès général de faible amplitude (A3a).

      L'unité B possède des réflecteurs bien marqués (forte amplitude, bonne continuité) sur toute la largeur du bassin. Au nord-ouest on observe la structure lenticulaire chaotique mentionnée au point précédent (2.2.2), quelques réflecteurs internes ondulés sont présents au sommet de cette structure.

      La base de l'unité C est caractérisée, comme sur le profil eb7, par un réflecteur de forte amplitude et de continuité moyenne. Le reste de l'unité C possède un faciès d'amplitude et de continuité moyennes à faibles.

      Le sommet de la séquence (unité D) possède des réflecteurs de fortes amplitudes très continus.

      

Fig. 2.4 : Coupe sismique ag4 et son interprétation : unités sismiques A-D.


2.2.3 Profils eb3, ad10 et 13

      Les profils eb3, ad10 et 13 sont situés au centre de notre zone d'étude. Ils passent par le promontoire des Hauts-Monts et finissent au sud-est dans la baie de Corsier.

      Profil échosondeur eb3 :

      Le profil eb3 (Fig. 2.5) n'est situé qu'à 1 km de distance du profil eb7 commenté précédemment. Une grande différence de géométrie entre les unités sismiques de ces deux coupes sismiques est pourtant constatée.

      Description des unités sismiques (Fig. 2.5) :

      - Au centre du bassin les unités A1, A2, A3 et B conservent la géométrie sub-parallèle des profils précédents, mais les unités C et D sont discordantes. Par endroits, l'unité D surmonte directement l'unité B. Les réflecteurs 16 et 15, qui forment la base de forte amplitude de l'unité C, sont suivis de trois réflecteurs (r. 14, 10 et 8) progradants qui finissant en 'downlap' sur le réflecteur 15. En miroir, on retrouve une structure similaire de l'autre coté du bassin le long du flanc des Hauts-Monts. La séquence D suit avec le drapage de toute la séquence sédimentaire par les réflecteurs 7, 6, 5 et 'fond'. Le réflecteur 7 repose directement sur le réflecteur 16 car le réflecteur 15 est tronqué à cet endroit. Au nord-ouest du profil, une zone sourde, s'étendant sur 400 m depuis la côte, cache la géométrie des corps sédimentaires. A son sommet, on observe une surface très fortement réflective. Les faciès A1, A2, A3, B et C du profil eb3 sont quasiment identiques à ceux du profil eb7, mais le faciès de l'unité D étant plus dilaté montre une moins grande densité de réflecteurs.

      - Dans la baie de Corsier, les unités A, B, C et D ont une géométrie sub-parallèle, perturbée au sud-est par une unité lenticulaire aux réflecteurs chaotiques. Le faciès de l'unité C est différent de celui observé dans le centre du bassin (ouest des Hauts-Monts) : les réflecteurs sont forts et très continus.

      Profil canon-à-air ad10 :

      Description des unités sismiques (Fig. 2.6) :

      Concernant les unités sismiques (A-D) on remarque la même géométrie que pour le profil échosondeur eb3 (Fig. 2.5), sauf pour la limite du bassin encaissant de la Baie de Corsier : en dessous de l'unité A, apparaît un dépôt de très forte réflectivité différent de la roche encaissante.

      Les faciès sismiques des profils canon-à-air ag4 et ad10 sont similaires et les faciès de leurs unités A1, A2, A3 et B sont identiques. Toutefois, dans le centre du bassin, les réflecteurs de l'unité C sont plus fortement réflectifs et plus continus que sur le profil ag4 (Fig. 2.4). Les réflecteurs de l'unité D sont plus nets et plus précis, probablement à cause de la dilatation en épaisseur de la séquence qui permet une meilleure définition. On peut également observer des réflecteurs finissants en 'downlap' (unité C) et un drapage (unité D) sur tout le bassin, mais avec une résolution inférieure à celle du profil eb3.

      Concernant les faciès des unités A-D de la baie de Corsier, les commentaires relatifs au profil eb3 ne s'appliquent pas : les faciès sismiques sont presque identiques à ceux rencontrés au centre du bassin.

      Profil sparker 13 :

      Description des unités sismiques (Fig. 2.7) :

      Les caractéristiques des unités A-D sont similaires à celles obtenues avec les autres techniques sismiques (voir eb3 et ad10).

      Le traitement sismique a permis de mettre en évidence de nombreux réflecteurs de moyenne à forte amplitude et continus pour les unités B, C et D. Par contre la faible amplitude des unités A1-A3 ne permet pas de détecter la géométrie sub-parallèle des couches inférieures pourtant démontrée par les autres méthodes. (Pour information, nous les avons toutefois reportées sur la coupe sismique.)

      

Fig. 2.5 : Coupe sismique eb3 et son interprétation : réflecteurs et unités sismiques.

      

Fig. 2.6 : Coupe sismique ad10 et son interprétation : unités sismiques A-D.


2.2.4 Zoom sur les profils eb1 et sp6

      Les profils eb1 et sp6 sont situés 500 m en aval des profils eb3, ad10 et 13. Malgré cette proximité, la structure de l'unité C change de façon importante, à la fois dans sa macro- (géométrie de l'unité sismique) et micro-structure (géométrie des réflecteurs).

      Profil échosondeur eb1 :

      La vue rapprochée du profil eb1 permet d'observer la structure interne des unités sismiques.

      Description des unités sismiques (Fig. 2.8, 'Détail de eb1') :

      La structure et le faciès sismique de l'unité B sont similaires à ceux des profils échosondeur précédents : les réflecteurs internes (réflecteurs 20-16) sont sub-parallèles les uns aux autres. Les réflecteurs 15,16 et 17 23  sont tronqués à leur sommet au sud-est.

      L'unité C (réflecteurs 16-8) de ce profil n'est pas constituée, comme pour le profil eb3 (Fig. 2.5), de deux parties pseudo-symétriques en miroir. Elle n'est présente que dans la partie nord-ouest du bassin et est cohérente avec l'unité D qui la surmonte. La vue rapprochée montre que le réflecteur 15 et le réflecteur 16 forment ensemble la base à très forte amplitude de l'unité C. Comme ces réflecteurs sont très proches et possèdent une forte amplitude, ils se confondent presque dans la partie sud-est du profil. Le réflecteur 14 s'avance loin dans le bassin et est tronqué à son sommet ; il est surmonté par la partie supérieure de l'unité D. Cet élément permet de montrer la grande variabilité géographique de cette séquence sismique, puisque le réflecteur 14 finit en 'downlap' 500 m en amont (cf. 2.2.3, eb3). Les réflecteurs 10 et 8 finissent en 'downlap' et 'onlap' respectivement sur le réflecteur 14 et progradent vers le sud-est.

      L'unité D est constituée de réflecteurs progradants (7, 6 et 5) finissant en 'onlap', et le sommet de la séquence (réflecteur 'fond') est érodé dans la partie sud-est du profil.

      

Fig. 2.7 : Coupe sismique 13 et son interprétation : unités sismiques A-D.

      Profil marteau sp6 :

      L'onde complète et la haute résolution de cette technique permettent une analyse très fine de la structure interne des unités sismiques.

      Description des unités sismiques (Fig. 2.8, 'Détail de sp6') :

      Une structure sismique similaire à celle de eb1 peut être observée sur le profil sp6. Toutefois en raison de l'écartement entre les profils (40 m au sud-est) et de la meilleure définition du profil sp6, quelques éléments différents sont exposés ci-dessous:

  • Il existe un dépôt chaotique, au faciès de forte amplitude, entre le réflecteur 14 et le réflecteur 10, qui n'a pas été détecté avec la méthode échosondeur.
  • Trois structures de 'onlap' supplémentaires apparaissent entre les quatre 'onlaps' identifiés par la technique échosondeur. Ceci est dû au plus grand nombre de réflecteurs du profil sp6.
  • Un second réflecteur tronqué apparaît sous le réflecteur 6 et témoigne d'une érosion supplémentaire.
  • Dans la partie sud-est du profil sp6, les réflecteurs 15, 16 et 17 ne sont pas tronqués comme sur le profil eb1. Ceci est dû à la grande variabilité latérale de la géométrie des séquences dans la zone des Hauts-Monts.

      

Fig. 2.8 : Détails des profils eb1 et sp6 : réflecteurs et unités sismiques.


2.2.5 Profils ea5 et ad6

      Les profils ea5 et ad6 sont situés dans la portion sud de la zone d'étude. A cet endroit la profondeur du bassin diminue et la structure du promontoire des Hauts-Monts devient à peine perceptible. Le sous-bassin de la baie de Corsier ne forme plus qu'un léger creux dans les sédiments. L'embouchure de la Versoix est à 500 m de distance de l'extrémité nord-ouest du profil. La géométrie des unités sismiques de ces profils est à nouveau très différente des cas étudiés aux paragraphes précédents, spécialement pour les séquences C et D.

      Profil échosondeur ea5 :

      Description des unités sismiques (Fig. 2.9) :

      La séquence sédimentaire devient plus épaisse surtout pour les unités B, C, et D. En conséquence, la base de l'unité A n'est plus reconnue en raison des limites de détection en profondeur de l'échosondeur. La zone sourde, qui s'étend jusqu'à 500-700 m au large de la côte masque la partie proximale des unités et des réflecteurs sismiques.

      Au contraire des unités sismiques D, C et B, l'unité A3 est moins épaisse dans cette partie du bassin. Seul le sommet de l'unité A2 apparaît.

      Le faciès sismique de l'unité B ressemble à celui des précédents profils échosondeur (eb7 et eb3) mais la séquence est dilatée en épaisseur.

      L'unité C est marquée par une séquence chaotique du côté nord-ouest. C'est peut-être la même structure que celle observée sur le profil marteau sp6 (2.2.4, Fig. 2.8), mais à cet endroit elle est plus épaisse et est coincée entre le réflecteur 12 et le réflecteur 9. L'ensemble des réflecteurs internes de l'unité C (réflecteurs 15, 14, 13, 12, 11, 9) sont sub-parallèles et très continus sur tout le bassin. L'amplitude des réflecteurs est moyenne à forte, ce qui contraste avec le faciès sismique de cette unité sur les profils en amont (eb3 et eb7).

      Le réflecteur 10 ne peut pas être suivi latéralement à cause de la zone sourde. Il n'apparaît donc plus dans la séquence de réflecteurs de ce profil sismique. Quatre réflecteurs internes (réflecteurs 9, 11, 12, 13) remplacent le réflecteur 10. Il est difficile d'établir une chronologie basée sur la géométrie entre ces deux groupes de réflecteurs. Toutefois, en comparant l'épaisseur des séquences, la pente des réflecteurs et la présence de la séquence chaotique, nous proposons de mettre en relation le réflecteur 10 avec le réflecteur 9.

      Comme l'unité D est plus épaisse qu'au nord, un réflecteur (réflecteur 4) supplémentaire a pu être pointé. Toute la séquence drape l'unité C sous-jacente et le faciès sismique possède une amplitude forte à très forte. On a pu reconnaître deux réflecteurs (réflecteurs 8 et 7) au sommet de la structure des Hauts-Monts, mais les dépôts sous-jacents n'ont pas pu être identifiés en raison de leur caractère chaotique.

      Profil canon-à-air ad6 :

      Description des unités sismiques (Fig. 2.10) :

      Des subdivisions et des géométries identiques à celles du profil échosondeur ea5 ont été dessinées pour les unités sismiques du profil ad6. Le signal du canon-à-air a même permis de reconnaître la structure de l'unité A au-delà des limites en profondeur du profil échosondeur ea5. Les faciès sismiques des quatre unités (A, B, C, D) sont pareils à ceux du profil ad10 (Fig.2.6) situés 1 km en amont.

      Le traitement haute fréquence du signal a empêché la reconnaissance de la structure interne des dépôts de faible profondeur à l'extrémité sud-est du profil.

      

Fig. 2.9 : Coupe sismique ea5 et son interprétation : réflecteurs et unités sismiques.

      

Fig. 2.10 : Coupe sismique ad6 et son interprétation : unités sismiques A-D.


2.2.6 Zoom sur le profil échosondeur ec4

      Le profil ec4 croise les lignes eb3, eb1, ea5 et ea4 et dessine en perpendiculaire la géométrie complexe des séquences sédimentaires déjà exposée aux points précédents.

      Description des unités sismiques (Fig. 2.11) :

      Une zone sourde est présente à l'extrémité sud-est du profil ec4 et commence en dessous du réflecteur 8.

      Les réflecteurs 23-20 (unité A) sont sub-parallèles et le faciès sismique de cette unité est continu sur tout le profil.

      L'unité B (réflecteurs 20-16) drape l'unité A et suit sa morphologie. Les réflecteurs sont sub-parallèles, continus, et de moyenne à forte amplitude. Au centre du profil, les réflecteurs 16 et 17 sont tronqués.

      L'unité C est discontinue et est en discordance avec l'unité B. Elle est formée de deux parties différentes au nord-ouest et au sud-est. Au nord-ouest, les réflecteurs 14, 10 et 8 s'avancent vers le sud-est en finissant en 'onlap'. Au sud-est, les réflecteurs 15, 14, 13 et 12 sont tronqués. Ils sont suivis des réflecteurs 11 et 9 en 'onlap' et du réflecteur 8 en 'downlap', qui s'avancent vers le nord-ouest.

      L'unité D est également scindée en deux parties : au nord-ouest les réflecteurs 7, 6 et 5 finissent en 'onlap' en direction du sud-est ; au sud-est ils finissent en 'downlap' dans le sens contraire. Au milieu du profil, l'unité B est tronquée sur une longueur d'environ 650 m.

      

Fig. 2.11 : Détail du profil échosondeur ec4 : réflecteurs et unités sismiques.


2.2.7 Profils eb10 et 11

      Comme le profil ec4, les profils eb10 et 11 sont situés en perpendiculaire des lignes présentées aux points 2.2.2 à 2.2.5 ; ils traversent la baie de Corsier sur plus de 2 km. Sur cette ligne, le fond du lac passe de -60 m au nord-est à -3 m de profondeur au sud-ouest. La rupture de pente entre la beine littorale et la pente du bassin se fait vers 25 ms TWT (env. 18 m de profondeur).

      Profil échosondeur eb10 :

      Ce profil croise les profils échosondeur eb7, eb3 et ea5 (Fig. 2.12).

      Description des unités sismiques (Fig. 2.12) :

      Dans la partie nord-est du profil, les faciès des unités A-D sont ceux décrits au point 2.2.2. Ces séquences s'amincissent au fur et à mesure qu'elles se rapprochent de la côte et de la surface du lac. La géométrie originelle des unités n'est malheureusement pas observable dans la moitié sud-ouest de la coupe car une importante structure chaotique a perturbé les réflecteurs internes des unités A3 à D. Ce faciès est marqué par plusieurs lobes et par une surface supérieure fortement réflective.

      Profil sparker 11 :

      Description des unités sismiques (Fig. 2.13) :

      La géométrie des unités A-D du profil 11 est identique à celle du profil eb10, sauf la base de l'unité A1 qui a pu être dessinée. On observe que les faciès des unités sismiques ne varient pas latéralement, sauf à proximité de la rencontre avec la structure chaotique.

      La limite de la roche et des dépôts encaissants a pu être définie et un objet sismique supplémentaire - situé sous l'unité A1 - apparaît: il possède un faciès chaotique de très forte amplitude et semble finir sous la structure chaotique lobée.

      De même que pour le profil sparker 13 (2.2.3), la configuration interne des dépôts et des soubassements côtiers n'a pas pu être déterminée avec ce type de traitement du signal sismique.


2.2.8 Profil échosondeur ed2

      Le profil ed2 commence dans la partie nord de la zone des Hauts-Monts (sud-ouest) et traverse en longueur le Petit-Lac en direction du nord-est. Il permet de représenter la géométrie des séquences sismiques en amont de la zone des Hauts-Monts.

      Description des unités sismiques (Fig. 2.14) :

      Le profil ed2 ne permet pas de suivre latéralement les unités sismiques A1 et A2 en raison des limites de détection de notre méthode.

      La base de l'unité A3 disparaît à la hauteur de Coppet sous une structure dont les réflecteurs internes, de très faible amplitude, génèrent un faciès transparent. Le réflecteur 21 marque le sommet de cette discordance dans les sédiments. L'épaisseur entre le réflecteur 20 et le réfl. 21 augmente en direction du nord-est.

      L'épaisseur de l'unité B est relativement constante jusqu'à sa portion érodée. Le réflecteur 19 -contrairement au réfl. 18 - peut être suivi tout le long du profil. Au nord-est, les réflecteurs 17 et 16 sont tronqués à leur sommet.

      L'unité C est discordante par rapport aux unités sous-jacentes : les réflecteurs 10 et 8 finissent en 'onlap' et progradent vers le nord-est.

      L'unité D montre une progression similaire à celle de l'unité C : les réflecteurs 7 et 6 finissent aussi en onlap. En raison de la résolution insuffisante, due à la contraction de la séquence sismique, le réflecteur 5 n'a pas pu être suivi dans la portion nord-est du profil. Pour cette même raison, la terminaison du réflecteur de surface (= 'fond') n'a pas pu être déterminée avec certitude, mais il semble être tronqué.


2.2.9 Zoom sur le profil marteau sp5:

      Le profil marteau sp5 est situé à env. 300 m au nord des profils eb7 et ag4 (chap. 2.2.2). La structure sub-parallèles des unités sismiques B, C et D est identique à celle de ces deux profils précédemment décrits (Fig. 2.15).

      Le zoom sur le profil sp5 avec un affichage standard de l'onde permet d'apprécier la très haute résolution de la technique employée (Fig. 2.15, sommet de la figure). Les réflecteurs de l'unité D sont très continus et ont une forte à très forte amplitude. Ceux de l'unité C sont très continus, de moyenne à forte amplitude. Quant aux réflecteurs de l'unité B, ils ont une continuité moyenne à bonne et une amplitude faible à forte.

      

Fig. 2.12 : Coupe sismique eb10 et son interprétation : réflecteurs et unités sismiques.

      

Fig. 2.13 : Coupe sismique 11 et son interprétation : unités sismiques A-D.

      Lorsqu'on fait varier les paramètres instantanés de l'onde, on obtient une image différente du profil sismique. L'amplitude instantanée permet de visualiser l'enveloppe de l'onde (Fig. 2.15, partie centrale). On peut ainsi imiter le signal acquis avec l'échosondeur et obtenir une image sismique similaire car la résolution verticale des techniques échosondeur et marteau sont semblables 24 . Lorsqu'on compare les faciès des unités B, C et D de ce profil synthétique avec ceux de la figure 2.3 (profil eb7), on remarque qu'ils sont pareils.

      Ces constatations nous permettent également de valider la 'réalité' des réflecteurs sismiques obtenus avec l'échosondeur. La comparaison de l'affichage en mode normal avec celui de l'amplitude instantanée permet d'établir que les réflecteurs sismiques de forte à très forte amplitude (mode normal) sont ceux qui génèrent de forts réflecteurs pour l'enveloppe de l'onde. On remarquera toutefois que l'affichage en amplitude instantanée ne permet pas de discriminer autant de réflecteurs que l'affichage de l'onde standard, il y a donc une perte de la résolution apparente.

      L'affichage de la fréquence instantanée du profil sp5 (Fig. 2.15, bas de la figure) fait aussi apparaître la structure sub-parallèle des unités sismiques. Au sein du sédiment, la fréquence instantanée varie fortement, surtout dans l'unité D où le contraste entre fréquence forte et faible est très marqué. Depuis la hauteur du réflecteur 6 et jusqu'à 1 ms en dessous du réflecteur 7, la fréquence instantanée moyenne est très basse. Dans la partie inférieure du profil, le signal est chaotique mais il possède en moyenne une fréquence supérieure à celle de la tranche d'eau.

      Lorsqu'on compare l'amplitude des réflecteurs sismiques en mode standard, avec les niveaux de forte et faible fréquence instantanée, il n'est pas possible d'établir un lien évident entre la variation d'amplitude en mode standard et une variation similaire ou inverse de la fréquence instantanée. Toutefois, là où les réflecteurs sismiques sont bien marqués et continus, la variation de la fréquence instantanée l'est aussi.

      

Fig. 2.14 : Coupe sismique ed2 et son interprétation : réflecteurs et unités sismiques.

      Comme l'objet de notre étude n'est pas le signal sismique lui-même, nous ne développerons pas davantage cet aspect, mais nous faisons toutefois remarquer que le « faciès » de fréquence instantanée des différentes unités B, C et D semble être relativement continu dans l'espace, puisque les autres profils marteau ont un signal similaire pour ce paramètre.

      L'interprétation de ces résultats est discutée au point suivant.

      

Fig. 2.15 : Détails du profil marteau sp5 interprété : comparaison entre affichage normal, amplitude instantanée et fréquence instantanée.


2.3 Interprétation des unités sismiques et discussion

      L'interprétation des unités sismiques permet d'estimer les processus de dépôt et les lithologies qui ont généré le signal sismique observé, et donc de reconstruire les changements de sédimentation du bassin. Cette interprétation nécessitera toutefois une calibration par carottage (cf. Chapitre 3).


2.3.1 Unité A

      L'analyse des profils a montré que la géométrie sub-parallèle de l'unité A est relativement constante sur l'ensemble de la zone des Hauts-Monts. Sa base, sauf dans la baie de Corsier, n'a pas pu être définie avec certitude en raison de la limite de détection verticale de nos mesures. La continuité des réflecteurs (semi-continus à continus) s'améliore vers le haut de la séquence (sous-unités A3) et vers l'aval (sud). Les réflecteurs continus apparaissent à partir du réflecteur 21 (sommet de la sous-unité A3) et sont limités au centre du bassin. L'épaisseur de l'unité A varie de 10 m à environ 20 m de sédiments du sud-ouest vers le nord-est.

      L'unité A est interprétée comme des sédiments glacio-lacustres. Comme ces dépôts sont stratifiés 25 , il ne s'agit pas de diamictes 26 . Les sédiments se sont certainement déposés par décantation dans un lac proglaciaire.

      La variation, géographique et temporelle, du faciès sismique de l'unité A reflète l'influence du glacier encore présent dans le bassin du Petit-Lac. Plus le glacier est proche, et plus les dépôts sont chaotiques, à la fois dans leur stratification et leur texture. La présence de galets lâchés («dropstones»), due à la fonte d'icebergs, peut localement perturber la stratification glacio-lacustre. Des remaniements gravitaires (Dowdeswell et al., 1997; Stein & Syvitski, 1997) ou d' «underflows» (courants sous-aquatiques) (Weirich, 1986) agissent dans le mode de déposition de débris glaciaire (tills) provenant de la base du glacier encore actif. Le mélange de ces processus pro-glaciaires avec des processus lacustres génère en aval des tills stratifiés (Evenson et al., 1977).

      Le passage des unités A1 et A2 (réflecteurs peu continus), aux réflecteurs continus du sommet de l'unité A3, peut être expliqué par le recul progressif du glacier vers le nord et l'influence grandissante des processus de décantation lacustre (milieu de faible énergie) par rapport aux processus glaciaires.

      Sur le profil ed2 (Fig. 2.14), en amont de Coppet, un corps transparent en forme de coin surmonte la sous-unité A2. Cet objet représente un dépôt de type 'diamicte' et est interprété comme étant une «till tongue» (King et al., 1991; Mullins et al., 1996; Stravers & Powell, 1997), c'est-à-dire le résultat d'une réavancée du glacier vers le sud. Cette «till tongue» déjà décrite par Moscariello et al. (1998) - stade de Coppet - et par Chapron (1999), a été interprétée comme un stade de retrait glaciaire (cf. Fig. 1.5). Le stade de retrait suivant - stade de Nyon - est situé hors de notre zone d'étude. Plus bas dans la séquence, la transparence au sommet de l'unité A1 - sud-ouest du profil ed2 - (Fig. 2.14) indique probablement des dépôts de till.

      Il est donc possible de mettre en relation les sous-unités A1, A2 et A3 et les réflecteurs 23-20 du profil ed2 avec les unités décrites par Moscariello et al. (1998) sur le profil sparker longitudinal entre Coppet et Nyon (Fig. 2.16).

      L'analyse basse fréquence du profil canon-à-air ad10 de Pugin (comm. pers.) décrit la structure et la géométrie profonde du profil ad10 selon les unités sismiques suivantes (Fig. 2.17) :

A : Molasse

B : anciennes séquences glaciaires pré-wurmiennes

C : graviers glaciaires

D1,2 : dépôts glacio-lacustres proximaux, intercalations de diamictes et de galets lâchés

D3 : sédiments glacio-lacustres plus ou moins laminés.

E : sédiments lacustres

      A l'aide des profondeurs en temps double, on constate que l'ensemble des sous-unités A1, A2 et A3 de notre interprétation du profil ad10 appartiennent à l'unité D3 du profil communiqué par A. Pugin (Fig. 2.17). A cet endroit, ces sous-unités surmontent donc une épaisse (env. 50 m) séquence de faciès D1,2 reposant sur des graviers glaciaires (unité C). Sur le profil ed2, 2 km en amont, l'unité A1 repose presque directement sur une unité de graviers glaciaires (Fig. 2.16). Cette différence, due au changement longitudinal de faciès, est liée à la proche présence du glacier et démontre que les séquences définies sur la base d'un faciès sismique sont rarement isochrones. Elle montre aussi que les caractéristiques des dépôts glaciaires peuvent changer radicalement sur de petites distances.

      

Fig. 2.16 : Chronologie sismo-sédimentaire du retrait glaciaire dans le Petit-Lac : comparaison entre les unités sismiques du profil ed2 (ce travail) et du profil sparker de Moscariello et al. (1998).

      

Fig. 2.17 : Coupe ad10 et son interprétation (Pugin, comm. pers.) : unités sismiques A-E.


2.3.2 Unité B

      L'unité B possède une stratification sub-parallèle et drape l'unité A, elle hérite ainsi de sa morphologie. Les réflecteurs sont très continus et leurs amplitudes sont faibles à fortes. L'épaisseur de cette séquence augmente du nord-est vers le sud-ouest du bassin, passant d'environ 7 à 14 m de sédiments. Il s'agit donc d'un gradient d'épaisseur inverse à celui de l'unité A.

      Cette séquence stratifiée est interprétée comme représentant des dépôts lacustres. L'influence du glacier, encore décelable dans la sous-unité A3, n'apparaît plus dans les dépôts de l'unité B. Comme l'a montré l'analyse du profil ed2 (Fig. 2.14), les sédiments de cette unité s'étendent en amont du Petit-Lac jusqu'à la hauteur de Nyon et se sont probablement déposés dans un milieu de relativement faible énergie.

      On peut penser que l'unité B correspond à la période du Tardiglaciaire, durant laquelle le réchauffement du climat a déclenché un nouvel état hydrologique, et que les importants dépôts du bassin versant, abandonnés par les glaciers, ont été entraînés vers le lac par de nouvelles rivières. Toutefois, sans les conclusions des chapitres suivants (lithologie, datation et géométrie tri-dimensionelle), cette hypothèse ne peut pas être vérifiée.


2.3.3 Unités C et D

      Les unités sismiques C et D possèdent le même faciès sismique : réflecteurs très continus et amplitude moyenne à forte. L'épaisseur de l'unité C varie d'environ 1 à 5 m, et atteint même 8 m de sédiments dans la partie sud de la zone des Hauts-Monts. L'unité D mesure 1 à 6 m de hauteur.

      Ces deux séquences sont en discordance avec l'unité B sous-jacente. Dans la partie nord des Hauts-Monts (Fig. 2.3 et 2.4) et dans la baie de Corsier (Fig. 2.12 et 2.13), leur géométrie est parallèle et similaire à celle de l'unité B sous-jacente, mais ces séquences deviennent discordantes à la hauteur du promontoire des Hauts-Monts (Fig. 2.5, 2.6, 2.7, 2.8, 2.11). Cette structure complexe de réflecteurs en downlaps et onlaps marque une sédimentation très variable géographiquement et au cours du temps. Dans la partie sud de la zone d'étude, les unités C et D retrouvent une géométrie sub-parallèle (Fig. 2.9 et 2.10).

      Cette séquence représente des dépôts lacustres stratifiés dont la géométrie est modifiée sous l'effet de processus sédimentaires, qui augmentent à la base du promontoire des Hauts-Monts. La géométrie et les variations d'épaisseur des séquences progradantes de l'ouest vers l'est (Fig. 2.5, 2.6, 2.7, 2.8) ressemblent à celle des séquences deltaïques classiques (Badley, 1985) et pourraient représenter le cône deltaïque de la rivière Versoix. Cependant, le profil perpendiculaire ec4 (Fig. 2.11), les dépôts en miroir de l'unité C (Fig. 2.6 et 2.7) ainsi que les troncatures de réflecteurs ne peuvent pas être expliqués par ce modèle.

      De plus, la discordance des unités C et D du profil ed2 (Fig. 2.14), située au centre du bassin entre Coppet et Nyon, ne peut pas non plus être expliquée par une accumulation deltaïque. En conséquence, nous attribuons cette succession d'onlaps, de downlaps et de troncatures à l'effet de courants profonds qui sculptent les dépôts par érosion et par transport (Faugères & Stow, 1993; Hollister, 1993). Cette hypothèse est vérifiée par la similitude géométrique de contourites observées par sismique réflexion dans le lac Malawi (Johnson & Ng'ang'a, 1990; Scholz & Finney, 1994; Scholz & Rosendahl, 1990; Soreghan et al., 1999), la mer Méditerranée (Marani et al., 1993), la mer Baltique (Sviridov & Sivkov, 1992) et l'océan Atlantique (Faugères et al., 1993; Niemi et al., 2000).

      L'enchaînement exact des processus d'érosion et de dépôt au cours du temps ne peut pas être expliqué sans une approche tri-dimensionnelle des séquences sismo-stratigraphiques. Ce point, ainsi que la datation des unités C et D seront abordés aux chapitres suivants.


2.3.4 Zones sourdes

      Le faciès transparent de la zone sourde (Fig. 2.5, 2.6, 2.9, 2.10, 2.11) est attribué à la présence de gaz dans les sédiments superficiels (Badley, 1985; Fader, 1997). Cette transparence des corps sismiques, maximale du côté proximal du bassin, est certainement liée aux apports de la Versoix : la matière organique contenue dans les sédiments est dégradée par l'activité bactérienne et produit du méthane. De telles zones sourdes sont classiques en milieu lacustre et dans la région alpine et plusieurs auteurs les ont observées aux extrémités nord et sud du lac d'Annecy (Van Rensbergen, 1996; Van Rensbergen et al., 1998) et dans le lac du Bourget (Chapron, 1999). Dans sa description des profils sparker du Léman, Chapron (1999) a également décrit les zones à gaz du Petit-Lac, mais il les interprète comme des enrichissements de gaz au sein des unités Tardiglaciaire.

      L'extension géographique de la zone à gaz en relation avec l'âge des couches ainsi que les implications sédimentologiques de ce phénomène seront discutées au chapitre 3.


2.3.5 Remaniements gravitaires

      Les faciès lenticulaires et lobés avec réflecteurs internes perturbés, présents sur de nombreux profils (Fig. 2.3 à 2.10, 2.12 et 2.13), sont interprétés comme des «slumps» 27  (Mulder & Cochonat, 1996). En effet, on observe clairement que la structure interne de ces formes est partiellement conservée, il ne s'agit donc pas de «debris flows» 28  (Dowdeswell et al., 1997; Stein & Syvitski, 1997) ou de courants de turbidité (Hsü & Kelts, 1985).

      Les slumps ont des tailles et des chronologies relatives variées. Sur les pentes du bassin - peu épais mais omniprésents - de petits slumps sont la cause de la mauvaise continuité des réflecteurs à ces endroits. Ces 'mini-slumps' sont présents partout aux extrémités de bassin des unités sismiques A-D (exemple Fig. 2.3).

      Cinq slumps majeurs (Fig. 2.18) ont été décrits dans la partie «Résultats» de ce chapitre :

  • Le profil ec4 a révélé un petit slump (s1)(Fig. 2.8), de 1 à 1.5 m d'épaisseur, situé entre le réflecteur 14 et le réflecteur 10 (unité C). Il s'avance loin vers le centre du bassin en direction du sud-est.
  • Un autre slump (s2), épais d'environ 5 m (Fig. 2.9 et 2.10) est situé entre le réflecteur 11 et le réflecteur 9 (unité C).
  • Un important slump, d'environ 11 m d'épaisseur et 700 m de longueur, est présent dans la baie de Corsier sur plusieurs profils (Fig. 2.5-2.7, 2.12 et 2.13). La coupe longitudinale du profil eb10 montre qu'il s'agit probablement de deux événements différents (s3 et s4), déclenchés au même endroit : le premier (s3) après le réflecteur 20 (début de l'unité B), et le second (s4) entre le réflecteur 14 et 10 (unité C).
  • Dans la partie nord des Hauts-Monts (Fig. 2.3 et 2.4) un slump (s5) d'environ 8 m d'épaisseur s'avance sur 500 m dans le bassin. Il peut être suivi le long de la côte sur plus d'un km et possède donc un volume minimum de 4 millions de m3. Cela représente un cube de sédiment de 160 m de côté ! Il a également été déclenché durant l'unité C, entre les réflecteurs 16 et le réflecteur 14.

      

Fig. 2.18 : Transect nord-sud et chronologie des slumps majeurs de la zone des Hauts-Monts, selon les réflecteurs et unités sismiques.

      Le premier slump majeur (s3) est donc apparu entre le réflecteur 20 et le réflecteur 19, mais les autres ont tous eu lieu durant l'unité C. La chronologie sismique de ces événements, présentée ci-dessus (Fig. 2.18), sera abordée à nouveau dans les chapitres suivants (datation, géométrie tri-dimentionelle).


2.3.6 Interprétation de la fréquence instantanée

      L'interprétation de la fréquence instantanée n'est valable que lorsque le rapport 'signal' sur 'bruit' est grand. Lorsque le signal sismique est faible, la fréquence instantanée de l'onde représente le bruit de fond. De plus, la fréquence instantanée moyenne diminue avec la profondeur car les hautes fréquences sont filtrées par les premières couches de sédiments. Par prudence, nous n'interpréterons donc pas les fréquences situées en dessous du réflecteur 19 (Fig. 2.15).

      Une fréquence instantanée basse est interprétée comme une réponse du gaz, présent dans le sédiment, qui filtre la partie la plus haute du spectre. Ceci signifie que l'unité D serait fortement enrichie en gaz : depuis le réflecteur 6 jusqu'à 1 ms en dessous du réflecteur 7, une épaisse couche de gaz très continue traverse le profil sp5. A la hauteur du réflecteur 5, il y a moins de gaz et surtout il est moins continu. Du gaz serait aussi présent dans l'unité C, mais sous forme de couches moins continues dans l'espace et surtout beaucoup plus fines que celle au centre de l'unité D. Le haut de l'unité B (r. 16-19) contiendrait moins de gaz que les unités C et D.

      Comme les variations de fréquence instantanée sont parallèles aux réflecteurs, et ceci sur tous les profils marteau quelle que soit la géométrie des unités sismiques, nous pensons que le gaz est concordant avec la lithologie sédimentaire, bien qu'il influence certainement la formation des réflecteurs sismiques. Ce gaz serait du méthane, résultat de la dégradation de la matière organique dans le sédiment.

      Ces hypothèses sont abordées à nouveau au chapitre suivant 'Enregistrement sédimentaire' (cf. 3.3.7 et 3.8).


2.3.7 Comparaison avec d'autres données lacustres

      - Lac Léman :

      L'étude structurale du Petit-Lac effectuée par Vernet et Horn (1971) a montré des profils sismiques similaires, mais leur interprétation est toutefois très différente de la notre, puisque nous n'avons observé ni les failles, ni les décrochements décrits par ces auteurs. Cette différence peut être attribuée à l'absence de visualisation informatique de l'époque et aux artefacts générés par une échelle verticale très exagérée. La totalité des séquences sismiques A-D ont été réunies sous une seule dénomination 'sédiments meubles lacustres et glacio-lacustres'.

      - Lacs du Plateau Suisse :

      Les lacs de Zug, Zürich et Neuchâtel ont une succession similaire de faciès sismiques (Finckh et al., 1984; Giovanoli et al., 1984; Kelts, 1978; Schwalb, 1992) mais il est difficile de faire des comparaisons précises puisque seuls quelques profils sont figurés sur de petites images et que le signal acoustique n'a pas été digitalisé. On note toutefois que la signature sismique des slumps des lacs de Zürich et de Zug sont strictement identiques à celle du Petit-lac (Giovanoli et al., 1984; Kelts, 1978).

      Les recherches ultérieures menées par l'Institut Forel (Wildi et al., 1998) ont permis de corréler les données lithostratigraphiques du forage Zübo (Lister, 1984b) avec un profil canon-à-air. Les unités 4 (sédiments glacio-lacustres) et 5 (sédiments lacustres Holocènes) du lac de Zürich correspondent aux unité D3 et E du profil ad10 (Fig. 2.17) et leurs faciès sismiques sont identiques.

      - Lac des Alpes françaises :

      Les remplissages des lac d'Annecy et du Bourget ont été récemment étudiés par sismique réflexion avec une source sparker (Chapron, 1999; Van Rensbergen, 1996; Van Rensbergen et al., 1998). Des faciès et successions similaires à celles du Petit-Lac ont été décrites par ces auteurs : les unités 3 correspondent au faciès A de ce travail, l'unité 4 au faciès B et l'unité 5 aux unités C et D.


2.4 Conclusions

      (Q1) L'analyse sismo-stratigraphique des profils échosondeur, canon-à-air, sparker et marteau de la zone des Hauts-Monts a permis de définir la chronologie relative et la géométrie de quatre unités sismiques :

      L'unité A est constituée de sédiments glacio-lacustres. Bien que la présence du glacier soit encore perceptible, notamment par sa ré-avancée à la hauteur de Coppet - enregistrée sous la forme d'une «till tongue» -, la bonne stratification des dépôts indique que les processus de décantation sont dominants. A la hauteur de Coppet, la base de l'unité A repose presque directement sur des graviers glaciaire, alors que cette unité surmonte 50 m de dépôts glacio-lacustres proximaux (diamictes et galets lâchés) 4 km en aval. Cet élément nous confirme que les dépôts glaciaires peuvent changer radicalement sur de petites distances et que le front du glacier était à la hauteur de Coppet peu avant le réflecteur sismique 21.

      L'influence du glacier disparaît avec les dépôts lacustres de l'unité B, et la source de sédiment semble se déplacer vers l'aval. Le milieu de dépôt est de faible énergie.

      L'unité C et D témoignent de changements dans la dynamique du lac. La géométrie des corps sédimentaires devient très variable et discordante avec les unités sismiques précédentes (A et B). D'importantes érosions dues à des courants profonds apparaissent vers le promontoire immergé des Hauts-Monts.

      (Q2) L'étude des profils sismiques en deux dimensions ne permet pas de comprendre la géométrie complexe en onlap, downlap et troncature des réflecteurs internes des unités C et D. Une analyse tri-dimensionelle, nécessaire a l'interprétation de ces structures, sera présentée au chapitre 5.

      (Q3) De façon générale, on observe la même structure et géométrie sismiques en changeant de technique (échosondeur, canon-à-air, sparker, marteau). Toutefois l'onde complète sans AGC et l'enveloppe de l'onde apportent des renseignements complémentaires : la première permet d'évaluer l'amplitude des faciès sismiques avec justesse, et la seconde 'moyenne' les amplitudes et fait ressortir des tendances peu visibles avec les autres techniques. La combinaison des avantages de plusieurs techniques permet donc d'améliorer l'interprétation des profils.


3. Enregistrement sédimentaire de la zone des Hauts-Monts


3.1 Introduction

      Les sédiments récoltés par carottage permettent de caractériser - à un endroit du bassin - la nature, l'évolution au cours du temps et le mode de dépôt d'une couche. Dans le cadre de notre recherche, la description macroscopique de la lithologie ainsi que des analyses physiques simples (susceptibilité magnétique, teneur en eau, granulométrie) ont permis de répondre à plusieurs questions :

Q1 : Quelles sont les variations lithologiques verticales et latérales des sédiments de la zone des Hauts-Monts ? Comment interpréter l'origine et les modes de dépôts de ces couches ?

Q2 : Quelle est la nature lithologique des unités sismiques ?

Q3 : Quelles sont les traces laissées par le gaz dans le sédiment ? Existe-t-il une relation géographique et/ou temporelle entre la signature du gaz sur les profils sismiques et les traces observées dans les sédiments ?


3.1.1 Emplacement des carottes

      Les travaux antérieurs à notre étude (Chap. 1.4) ainsi que la stratigraphie sismique de la zone des Hauts-Monts (Chap. 2) ont montré la grande complexité sédimentaire de cette partie du Petit-Lac. Au vu de la variété des sédiments juxtaposés, nous avons sondé des milieux différents (zone littorale, zone profonde, delta de la Versoix, baie de Corsier, etc.) afin de comprendre la variation géographique des corps sédimentaires. Les connaissances sismo-stratigraphiques préliminaires (Chap. 2), nous ont permis de prélever des sédiments d'unités sismiques différentes. Il n'a toutefois pas été possible d'échantillonner les sédiments glacio-lacustres de l'unité A, enfouis trop profondément pour notre équipement de carottage.

      Entre février 1997 et novembre 1999, dix-neuf carottes (Fig. 3.1) ont été récoltées avec un carottier Benthos sur la zone de Hauts-Monts, à l'exception de sg1 qui a été carottée avec un système Mackereth (pour plus de détails techniques, cf. Annexe A.2.1 'Echantillonnage des sédiments').

      

Fig. 3.1 : Situation géographique et bathymétrique des carottes de la zone des Hauts-Monts. Lignes 'échosondeur' en clair.

      Les positions géographiques des carottes ont été déterminées par GPS (erreur ± 2-10 m). Elles sont indiquées ci-dessous (Tabl. 3.1) avec la profondeur bathymétrique de l'emplacement et la longueur de la carotte.

      
Tabl. 3.1 : Caractéristiques des sites de carottage : position géographique, longueur de la carotte et profondeur du bassin.
Nom carotte Coord. Est Coord. Nord Prof. m Long. cm
SG1 504665 127639 63 557
SG2 502531 125457 28 84.8
SG3 502704 126442 48 120
SG4 503182 126122 62 120.5
SG5 503610 125878 60 69.5
SG6 504002 125969 24 116
SG7 503886 126334 61 102
SG8 504710 127548 63 109
SG9 504716 125202 28 114
SG10 504498 124852 14 126
SG11 504410 124632 8 58
SG12 503997 124482 13 21
SG13 504060 125060 16 50
SG14 503477 126682 61 125
SG15 503697 125903 59 53
SG16 502923 124596 47 111
SG17 503298 125570 57 117.5
SG18 503207 125609 58 118
SG19 503811 126123 59 95


3.1.2 Echantillonnage et analyse des sédiments

      Avant l'ouverture des carottes, la susceptibilité magnétique a été mesurée tous les cm. La teneur en eau des sédiments, déterminée selon le rapport entre la masse humide et la masse sèche, a été effectuée avec un pas variable de 0.5 à 3 cm.

      Nous avons décrit la lithologie des sédiments selon ses aspects macroscopiques (lamines, bulles de gaz, etc.) ainsi qu'en fonction de la présence d'éventuels bioclastes (débris de feuilles, coquilles, etc.). Les codes de la 'Munsell Soil Color Chart for Gley and Soil' (1994) nous ont permis d'identifier la couleur du sédiment.

      La texture des sédiments a été analysée avec un appareil Coulter LS-100 par diffraction laser. La distribution de la granulométrie est exprimée en unités de volume et a été calculée à l'aide du programme Coulter LS-100/LS130 version 1.44. Nous avons utilisé les nomenclatures standard (Blair & McPherson, 1999; Folk et al., 1970) de la pétrologie sédimentaire.

      Pour plus de détails, se référer à l'annexe A.2 'Méthodes sédimentaires'.

      Les carottes sg15, sg16, sg17, sg18 et sg19 ont été décrites et analysées uniquement d'après leur lithologie macroscopique et leur teneur en eau. Le diagramme de ces analyses se trouve en annexe (Fig. C.3). Les autres carottes sont présentées au cours du chapitre.


3.2 Relation entre la granulométrie et le milieu de sédimentation

      Les 186 analyses granulométriques ont été rassemblées afin d'identifier les signatures granulométriques spécifiques au bassin des Hauts-Monts et de regrouper les carottes selon des milieux sédimentaires semblables.


3.2.1 Résultats

      Pour rappel, le diamètre moyen représente la valeur volumique moyenne du spectre granulométrique. Le mode représente la taille granulométrique la plus fréquente, et l'indice de symétrie «skewness» indique l'asymétrie de la courbe. Une asymétrie positive montre que les particules fines sont mieux triées que les grossières, et inversement. Une courbe symétrique (skewness = 0) indique une répartition unimodale.

      L'indice d'aplatissement «kurtosis» montre le déficit ou l'excès de sédiment aux extrémités du spectre granulométrique. Un indice d'aplatissement négatif est caractéristique d'une courbe platykurtique, c'est-à-dire d'un excès de sédiment aux extrémités de la distribution, alors qu'une courbe leptokurtique (kurtosis > 0) montre un déficit de sédiment aux extrémités de la distribution. Les paramètres de distribution granulométriques sont idéalement utilisés pour des populations unimodales, mais ils peuvent aussi mettre en évidence la plurimodalité des échantillons.

      Selon la classification de Shepard (1954), les sédiments sont représentés à l'aide d'un diagramme ternaire (Fig. 3.2, a.) en fonction des pourcentages volumétriques de trois populations : les argiles (< 4 mm), les silts (> 4 mm et < 63 mm) et les sables (> 63 mm). Les échantillons des Hauts-Monts sont principalement constitués de silt (20-85 %), avec parfois du sable (0-75 %) et peu d'argile (0-50 %). La carotte qui possède la plus grande quantité d'argile est la sg9, celle qui en a le moins est la sg2. Les cinq carottes les plus sableuses sont sg11, sg10, sg6, sg2 et sg3.

      La figure «asymétrie et aplatissement» (Fig. 3.2, c.) montre que les échantillons des carottes appartiennent à deux familles granulométriques distinctes (groupe A et groupe B) et que deux carottes, présentes à la fois dans les groupes A et B, font partie de l'expression intermédiaire entre ces deux pôles (groupe C). Les échantillons des carottes sg5 et sg11 se retrouvent dans tous les groupes.

      
Groupe A sg1, sg4, sg9, sg12, sg13, sg14
Groupe B sg2, sg6, sg10
Groupe C sg3, sg7

      C'est principalement le paramètre d'asymétrie qui détermine les groupes A et B, car seulement 20 échantillons sur 186 (= 10.7 %) ont une distribution leptokurtique (aplatissement > 0).

      La figure «logarithme du diamètre moyen et aplatissement» (Fig. 3.2, d.) permet également de réunir les échantillons selon les mêmes groupes A, B et C. L'image en miroir du graphique montre la relation inverse qui lie le logarithme du diamètre moyen et le paramètre d'asymétrie (Fig. 3.2, e.). Plus le logarithme du diamètre moyen est important, plus l'asymétrie devient négative, ceci signifie que plus les particules sont grossières, plus elles sont mieux triées que les particules fines, et inversement. La limite entre asymétrie positive et asymétrie négative se situe en moyenne autour d'un diamètre moyen de 16 mm (silt fin / silt moyen).

      En conclusion, la granulométrie du groupe A est dominée par une population de silts fins généralement mélangée avec une ou plusieurs populations plus grossières moins bien triées, et le groupe B est inversement dominé par une population grossière mélangée à une ou des populations plus fines et moins bien triées que la population grossière.

      La représentation du mode et de l'aplatissement de la courbe granulométrique (Fig. 3.2, b.) fait apparaître trois groupes d'échantillons de sédiment dont la population principale est dominée :

  • par des argiles (mode ~ 4 mm),
  • par des silts fins et moyens,
  • par des silts grossiers et des sables fins.

      Le premier groupe (argiles) est principalement représenté par les échantillons des carottes sg1, sg9, sg12 et sg14. Le second (silts fins et moyens) est représenté par les carottes sg1, sg4 et sg13 et le dernier groupe (silts grossiers et sables fins) par sg2, sg5 et sg6. Plusieurs carottes sont présentes dans tous les groupes : sg3, sg7, sg10 et sg11. Cela signifie qu'elles n'ont pas une texture homogène sur toute leur longueur. On constate aussi que le paramètre d'aplatissement (kurtosis) de la courbe granulométrique n'est pas corrélé avec le mode principal.

      L'ensemble de ces informations permet de regrouper les carottes selon le tableau 3.2 :

      

Fig. 3.2 : Représentation des paramètres granulométriques des échantillons de sédiment.

  1. Diagramme ternaire silt-sable-argile %,
  2. Logarithme mode / aplatissement,
  3. Asymétrie / aplatissement,
  4. Logarithme diamètre moyen / aplatissement,
  5. Logarithme diamètre moyen / asymétrie

      Les groupes A, B et C (cf. Chap. 3.2.1) n'ont pas été reportés sur les figures a., b. et e. car ils ne définissent pas de champs précis pour ces paramètres.

      
Tabl. 3.2 : Mode granulométrique et teneur en argile des sédiments des Hauts-Monts.
Mode granulométrique Teneur en argile (granulométrie < ; 4 mm)
0-15 % 15-35 % 35-50 %
argile   sg1, sg12, sg14 sg9
silt fin- silt moyen   sg1, sg4, sg13  
silt grossier - sable fin sg2, sg6 sg5  
mixte (tous les groupes) sg10 sg3, sg7, sg11  


3.2.2 Interprétation

      Les informations granulométriques du point précédent permettent d'évaluer le niveau d'énergie du milieu de dépôt. Les carottes, placées selon leur appartenance aux groupes A, B et C et selon l'accroissement général de la taille moyenne des particules, montrent une intra-variabilité 29  changeante et une inter-variabilité 30  importante. A l'extrémité gauche de la figure, le milieu est de faible énergie, soumis aux processus hémi-pélagiques de décantation, et à l'extrémité droite, le milieu est d'influence côtière avec une forte énergie.

      

Fig. 3.3 : Classement des carottes de la zone des Hauts-Monts selon l'énergie et l'influence dominante du milieu de dépôt.

      Les parties sommitales des carottes sg11, sg12, sg13 et sg14 n'appartiennent pas à cette logique : elles témoignent d'une dynamique de dépôt différente de celle des échantillons inférieurs, et sont donc certainement d'âge différent.

      De plus, les données de diamètre moyen, affichées en fonction de la bathymétrie des carottes (Fig. 3.4), montrent que le niveau d'énergie du milieu n'est pas en relation directe avec la bathymétrie actuelle. En effet, sg2 et sg9 ont également une position bathymétrique identique, mais elles présentent des profils granulométriques dont les diamètres moyens sont complètement différents. Ceci est dû à leur position dans le bassin : sg2 est influencée par l'exutoire de la Versoix et sg9 par une sédimentation tranquille dans la baie de Corsier. Cette question est développée aux points 3.3.7 et 3.6.3 de ce chapitre.

      En outre, pour des profondeurs et des emplacements géographiques similaires, les signatures granulométriques de sg12, sg13, sg10 et sg11 ne se ressemblent pas. On devine donc que ces carottes appartiennent à des formations sédimentaires d'âges différents. Ce sujet est abordé dans la suite de ce chapitre.

      Toutefois, la bathymétrie actuelle semble être le facteur limitant du diamètre moyen maximum des sédiments puisqu'aucun échantillon n'est présent dans la partie grisée de la figure (Fig. 3.4).

      

Fig. 3.4 : Carottes de la zone des Hauts-Monts : bathymétrie et diamètre moyen des échantillons de sédiment.


3.3 Sédiments des carottes du groupe A

      Les sédiments des carottes du groupe A correspondent à des dépôts de milieux de faible énergie (cf. Chap. 3.2.2). Les premières carottes décrites dans ce chapitre sont sg1, sg14 et sg4, situées de 61 à 63 m de profondeur dans la partie centrale du bassin. Puis celles de la baie de Corsier sont exposées. Sg9 est à -28 m, sg13 et sg12 sont proches de la rive gauche à -16 m et -13 m de profondeur. Pour la légende des symboles lithologiques, se référer à la figure dépliante 3.22 (p. 76), et pour les détails relatifs à la méthodologie des analyses, voir l'annexe A.2.


3.3.1 Carotte sg1 (longueur 557 cm, Fig. 3.5)

      Les 5.57 m de sédiment de la carotte sg1 ont été prélevés en une pièce, mais pour les stocker, il a fallu couper la carotte en trois tronçons d'environ 2 m de long.

      Lithologie macroscopique :

      La lithologie de la carotte sg1 est remarquablement régulière. Le sédiment est constitué de silt gris-vert, alternant avec quelques niveaux silteux gris-vert foncé. Les traces de bulles de gaz sont surtout présentes entre les cotes 140 et 270 cm. Dix cm de silt noir verdâtre marquent le sommet de la carotte. Quelques fines couches et tâches gris foncé et noires sont présentes dans les premiers 2.5 m.

      Susceptibilité magnétique :

      La courbe de susceptibilité magnétique varie entre 4 et 5 10-5 SI. Au sommet de la carotte, les valeurs forment un pic à 11 10-5 SI, et aux endroits coupés du tube, elles avoisinent 7 10-5 SI.

      Teneur en eau :

      Le sommet de la carotte est saturé à 60-70% d'eau. La courbe peut être subdivisée en quatre parties de tendances différentes. De 10 à 140 cm, la teneur en eau diminue vers le bas de la carotte, avec des valeurs passant de 60 à 50% d'eau. De 140 à 280 cm, les valeurs oscillent jusqu'à 4 % autour de 55, mais la tendance est constante. De 280 à 557 cm, la teneur en eau, avec une valeur de 55%, est quasiment constante. A partir de 510 cm les valeurs chutent vers 45%.

      Granulométrie :

      Les analyses de granulométrie confirment la régularité lithologique exceptionnelle de la carotte sg1. La signature granulométrique est presque constante sur toute la longueur de la carotte avec 65% de silt, 30% d'argile et 5% de sable. Toutefois, la teneur en sable augmente légèrement à partir de 3 m et vers le bas. Le diagramme ternaire (Fig. 3.5) reflète aussi cette monotonie granulométrique, puisque tous les échantillons sont concentrés sur une petite surface du diagramme.

      Radiographies :

      Les radiographies (rayons x) de la carotte sg1 (Fig. C.2, Annexe C) ont permis de repérer l'emplacement vide des anciens niveaux de gaz avant l'ouverture de la carotte. En effet, après l'extraction de la carotte, la colonne sédimentaire s'est décomprimée. Le gaz occupant plus de volume a formé des espaces vides au sein de la carotte, dont l'épaisseur totale mesure environ 25 cm (= 4.5 % longueur). L'épaisseur in-situ de la carotte mesurait donc au maximum 532 cm.

      La description qualitative de ce phénomène peut être résumée en quatre parties : pas de traces de gaz de 0 à 135 cm, des niveaux épais et continus de 135 à 308 cm, des niveaux fins et discontinus de 308 à 540 cm, et à partir de 540 cm presque pas de traces de gaz. Les niveaux épais de 135 à 308 cm sont liés aux nombreuses traces de bulles gaz dans le sédiment de 140 à 270 cm (cf. 'lithologie').


3.3.2 Carotte sg14 (longueur 125 cm, Fig. 2.6)

      Lithologie macroscopique :

      La carotte sg14 est constituée de silt fin gris-vert, avec des parties plus foncées et noires verdâtres. Dans la partie inférieure de la carotte, 20 cm de sédiment sont brun olive et brun olive clair. On remarque aussi quelques lamines floues de 1-5 mm d'épaisseur. Un débris de bois a été trouvé à 120 cm. Le sommet est marqué par 5 cm de silt noir verdâtre. Quelques fines couches et tâches gris foncé et noires sont présentes sur toute la longueur de la carotte.

      Teneur en eau :

      Le sommet de la carotte est saturé à 60-80% d'eau. La teneur en eau du reste de la carotte est relativement constante autour de 50%, avec des variations de ± 5%.

      Granulométrie :

      Le petit nombre de mesures granulométriques effectuées sur cette carotte ne permet pas de connaître la véritable variabilité de la granulométrie de sg14. Toutefois, on constate que les valeurs (25-30% argile, 65-80% silt, 0-10% sable) sont semblables à celles de la carotte sg1 et que le sommet de la carotte montre une baisse de la teneur en argile et une légère augmentation de sables fins.


3.3.3 Carotte sg4 (longueur 120.5 cm, Fig. 2.7)

      Lithologie macroscopique :

      La lithologie de la carotte sg4 est régulière et ressemble au sommet de la carotte sg1 : le limon silteux gris-vert alterne avec quelques niveaux gris-vert foncé et noirs verdâtres. De rares traces de bulles de gaz sont dispersées sur toute la longueur de la carotte. Le sommet est constitué de 5 cm de sédiment silteux noir verdâtre. Quelques fines couches et tâches gris foncé et noires sont présentes sur toute la longueur de la carotte.

      Susceptibilité magnétique :

      La courbe de susceptibilité magnétique est relativement constante : les valeurs avoisinent 5 10-5 SI, et vers 90 cm de profondeur elles forment un léger pic d'environ 8 10-5 SI.

      Teneur en eau :

      Comme pour les carottes sg1 et sg14, le sommet de la carotte sg4 est saturé à 60-80% d'eau. La teneur en eau du reste de la carotte est relativement constante autour de 55%, avec des variations de ± 5%.

      Granulométrie :

      La signature granulométrique est régulière sur toute la longueur de la carotte avec 15-30% d'argile, 60-80% de silt, et 0-10% de sable. Elle est toutefois moins monotone que celle de la carotte sg1 : les points du diagramme ternaire sont plus dispersés. La granulométrie de la carotte sg4 ressemble beaucoup à celle de sg1 et sg14, mais en moyenne elle contient plus de sable.


3.3.4 Carotte sg9 (longueur 114 cm, Fig. 2.8)

      Lithologie macroscopique :

      Le sommet de la carotte sg9 est un dépôt coquillier et sableux à base érosive, qui repose sur un limon silteux gris-vert tirant sur le gris-vert clair (4-63 cm) avec des passées brunâtres. Cinq niveaux fins sableux ou coquilliers supplémentaires peuvent être observés en profondeur. A partir de 63 cm et vers le bas, la teinte du sédiment devient brun olive clair et brun olive. Le sommet n'est pas marqué par du silt noir verdâtre. Sg9 ne possède pas non plus de fines couches et tâches gris foncé et noires comme la plupart des carottes du Petit-Lac.

      Susceptibilité magnétique :

      La courbe est constante et les valeurs avoisinent zéro. Seul le sommet de la carotte est très légèrement magnétique (3 10-5 SI).

      Teneur en eau :

      Contrairement aux carottes précédentes, le sommet de la carotte sg9 est sous-saturé en eau (50-55%). Le reste de la courbe est remarquablement constant avec de très faibles variations (0-5%) autour d'une forte teneur en eau de 60%.

      Granulométrie :

      La taille des grains diminue (plus d'argile, moins de sable) du bas vers le haut. La granulométrie de la carotte sg9 ressemble à celle de la carotte sg1, mais elle contient plus d'argile en moyenne. Les valeurs sont comprises entre 30-50% d'argile, 50-70% de silt et 0-20% de sable.

      

Fig. 3.5 : Carotte sg1 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

Fig. 3.6 : Carotte sg14 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

Fig. 3.7 : Carotte sg4 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

Fig. 3.8 : Carotte sg9 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.


3.3.5 Carotte sg13 (longueur 50 cm, Fig. 2.9)

      Lithologie macroscopique :

      Les trois premiers cm de la carotte sg13, formés de débris coquilliers dont le sommet est noir verdâtre et la base est érosive, sont entièrement différents du reste de la carotte : 47 cm de glaise compacte gris foncé, sans lamines ni variation de couleur.

      Susceptibilité magnétique :

      La susceptibilité moyenne de cette carotte est forte avec des valeurs minimums de 10 à 15 10-5 SI. Un pic de 27 10-5 SI est situé dans la partie coquillière et un second de 23 10-5 SI à 27 cm de profondeur.

      Teneur en eau :

      Le sommet de la carotte est saturé en eau avec des valeurs de 50-60%. Le reste de la carotte, avec des valeurs très faibles de 25-35% d'eau, est très compact : c'est pour cette raison que le carottier n'a prélevé que 50 cm de sédiment.

      Granulométrie :

      Le spectre granulométrique des trois premiers cm et celui du reste de la carotte sont très différents : le sommet est constitué de 30-40% de sable, alors que le reste de la carotte (0-20% de sable, 60-70% de silt, 15-40% d'argile) contient beaucoup moins de sable. La granulométrie de sg13 ressemble à celle de sg9, les échantillons de 0-3 cm exceptés.


3.3.6 Carotte sg12 (longueur 21 cm, Fig. 3.10)

      Lithologie macroscopique :

      Le sédiment de la carotte sg12 est une glaise gris foncé très compacte sans lamines ni variation de couleur.

      Susceptibilité magnétique :

      Comme la carotte sg13, la susceptibilité magnétique de sg12 est forte. Les valeurs sont comprises entre 12 et 16 10-5 SI, avec un pic de 21 10-5 SI à 6 cm.

      Teneur en eau :

      La teneur en eau, très constante, varie de 25 à 30% vers le haut. Ce sont les mêmes valeurs que celles de la carotte sg13. Le sédiment, très compact, n'a pas pu être carotté plus profondément.

      Granulométrie :

      Le sédiment est constitué de 20-35% d'argile, de 60-70% de silt et de 0-20% de sable. Ce classement ressemble à ceux des carottes sg9 et sg13. Toutefois, au sommet de la carotte sg2, la teneur en sable atteint 35%, avec même des particules dont le diamètre est supérieur à 500 µm.

      

Fig. 3.9 : Carotte sg13 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

Fig. 3.10 : Carotte sg12 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.


3.3.7 Interprétation des sédiments du groupe A

      Carotte sg1 :

      La lithologie, et surtout la granulométrie silteuse extraordinairement régulière du sondage sg1, indiquent que les modes de dépôts et les types d'apports sédimentaires ont été constants au cours de la sédimentation des 5.57 mètres de sédiment. Ces informations valident l'interprétation d'un milieu de faible énergie à influence hémi-pélagique, c'est-à-dire dominé par les processus de décantation.

      Les tâches et les fines couches noirâtres représentent des niveaux riches en sulfures (FeS). Ces occurrences, particulièrement à l'interface eau/sédiment, sont fréquentes dans les sédiments récents des lacs suisses (Kelts, 1978; Lister, 1984b; Müller, 1966; Niessen & Kelts, 1989; Sturm & Matter, 1972).

      La faible valeur de susceptibilité magnétique indique que cette carotte contient peu de minéraux ferro-magnésiens. Ce résultat n'est pas surprenant, car les roches qui fournissent de tels minéraux en grande quantité (granit, gneiss, etc.) sont situés dans les Alpes et les Préalpes. Le bassin versant de cette partie du Petit-Lac, avec des roches calcaires, des alluvions, des marnes et des moraines (cf. Chap. 1.2.1), est plus pauvre en minéraux ferro-magnésiens.

      Les pics positifs de susceptibilité magnétique sont probablement dus à la diminution de la teneur en eau aux mêmes endroits : comme la mesure de la susceptibilité magnétique est un paramètre volumique, si le sédiment est plus dense, il contient proportionnellement plus d'éléments ferro-magnésiens. Ceci n'explique toutefois pas le premier pic au sommet de la carotte. Comme il est situé dans la partie noire verdâtre saturée en eau, il s'agit peut-être de l'influence de sulfures (FeS) transformés en greigite (Fe3S4). En effet, ce minéral authigène peut provoquer de forts pics de susceptibilité magnétique (Ariztegui, 1993; Ariztegui & Dobson, 1996).

      La saturation en eau (60-70%) des sédiments superficiels est un phénomène classique : dans les premiers centimètres les sédiments sont peu compactés et gorgés d'eau. La diminution de la teneur en eau de 130-150 cm, de 260-280 cm et de 420-440 cm est certainement augmentée par la troncature de la carotte à ces endroits et par l'eau qui a pu s'évaporer lors du stockage du sondage.

      Les autres variations de la teneur en eau sont difficiles à interpréter car la très grande régularité de la granulométrie ne peut pas expliquer la variabilité de la courbe dans les trois premiers mètres de la carotte, suivi de la grande constance des 2.5 m suivants. Il s'agit peut-être d'un phénomène lié au gaz dans les sédiments in-situ, qui s'échappe après le carottage et crée des micro-variations de densité dans le sédiment, permettant à l'eau de se redistribuer de manière différentielle dans la carotte. Cette idée est soutenue par l'observation des traces de gaz dans la lithologie ainsi que sur les radiographies de sg1. De plus, l'interprétation du chapitre précédent (cf. Chap. 2.3.6), concernant la variation de la fréquence instantanée de l'onde sismique, défend l'hypothèse que des couches de gaz, parallèles à la lithologie, sont présentes aux mêmes hauteurs (unité D).

      Cette approche nous a amené à comparer la lithologie et la teneur en eau de la carotte sg1 31  avec la trace sismique la plus proche de l'emplacement du sondage afin de comprendre la cause des réflecteurs sismiques. Le profil échosondeur ed2 passe à 16 m du sondage sg1. Nous constatons, que malgré la granulométrie presque constante du sédiment, de nombreux réflecteurs apparaissent 32  (Fig. 3.11). Ces pics sismiques sont plus marqués, et plus nombreux dans les zones où les valeurs de la teneur en eau varient, et particulièrement entre le réflecteur 6 et le réflecteur 7, portion équivalente de la carotte où de nombreuses traces de gaz ont été observées dans la lithologie.

      En conclusion, les paramètres sédimentaires étudiés nous ont permis de constater la très grande régularité sédimentaire du sondage sg1 et de constater que le principal mode de dépôt de ce site est la décantation. Malgré cette régularité lithologique, plusieurs réflecteurs sismiques apparaissent sur les profils sismiques adjacents. Ces réflecteurs semblent être dus à l'interaction entre la présence de gaz et d'eau mêlés au sédiment in-situ. Comme ces variations sont parallèles à la lithologie et proches de la surface du sédiment, elles sont certainement la conséquence de la production de méthane (Rehder et al., 1998) due à la dégradation de la matière organique en quantité variable dans le sédiment.

      

Fig. 3.11 : Comparaison entre les caractéristiques sédimentaires de la carotte sg1 et la signature sismique du profil échosondeur ed2.

      Carottes sg14 et sg4 :

      Les sondages sg14 et sg4 se ressemblent : leur granulométrie - dominée par les silts et avec 15 à 30% d'argile - indique comme pour la carotte sg1 un milieu de déposition tranquille. Les valeurs de teneur en eau, très stables, confortent cette idée.

      La susceptibilité magnétique de la carotte sg4 est similaire à celle de la carotte sg1, et les mêmes conclusions peuvent être tirées concernant l'origine pétrologique des sédiments. Les valeurs de susceptibilité magnétique sont trop stables pour être utilisées comme des niveaux marqueurs.

      Les bulles de gaz (Reineck & Singh, 1986) de la carotte sg4 de 35-110 cm suggèrent que ce sédiment contient plus de matière organique que celui de la carotte sg14 et de sg1 aux mêmes cotes. Ce phénomène est peut-être dû à la plus grande proximité avec l'embouchure de la Versoix qui transporte les restes de la matière organique terrestre (Ulmann, 2000). La teneur en sable de sg4, supérieure à celles de sg14 et sg1, confirme l'influence plus forte du delta de la Versoix sur la granulométrie.

      La couleur brunâtre des sédiments du bas de la carotte sg14, n'apparaît pas dans sg1 ou sg4. Il s'agit certainement d'un mélange de sédiments lacustres avec des sédiments allochtones terrestres (sols, etc.). Toutefois l'absence de cette couleur dans les carottes sg4 et sg1 ne permet pas de tirer de conclusion pour tout le bassin, ni de faire de corrélation basée sur la lithologie.

      Carotte sg9 :

      Les caractéristiques du sommet de la carotte sg9 (lithologie, teneur en eau) indiquent que la carotte comporte un hiatus sédimentaire. Le mélange de coquilles brisées avec du sable, bien que sg9 soit à -28 m de profondeur, représente un dépôt de haute énergie, probablement dû à une tempête (Girardclos, 1993; Lemmin, 1998; Ulmann, 2000). Les sédiments sous-jacents, en raison de leur forte et régulière teneur en eau et en argile, semblent avoir été déposés dans un milieu généralement plus tranquille que la situation actuelle. Toutefois, les fins niveaux coquilliers indiquent d'anciens événements de haute énergie, ainsi qu'un milieu productif de coquillages.

      La couleur brunâtre du sondage sg9 ne ressemble pas au gris-vert standard de la majorité de nos carottes, il s'agit certainement d'apports terrestres côtiers mélangés aux sédiments lacustres. Ceci peut être expliqué par un accroissement du ruissellement dans le bassin versant qui aurait entraîné plus d'éléments terrigènes dans la baie.

      La susceptibilité magnétique très faible des sédiments indique l'absence d'apports en minéraux magnétiques dans la baie de Corsier à l'époque de ces dépôts, et confirme que la sédimentation de la baie a été soumise à des apports sédimentaires différents de ceux du bassin central.

      L'interprétation du profil échosondeur eb11 confirme que le sommet de la séquence de sg9 comporte un hiatus sédimentaire, puisque le sondage n'appartient qu'à l'unité sismique C. Il est situé entre les réflecteurs 10 et 15 et l'unité D a été érodée à cet endroit (Fig. 3.16).

      Carottes sg13 et sg12 :

      Comme sg9, le sommet du sondage sg13 comporte une discordance sédimentaire entre le dépôt de haute énergie du sommet (sable et débris coquilliers) et le reste de la carotte (silt et argile). N'étant qu'à -16 m de profondeur, le site de sg13 est actuellement régulièrement soumis aux vagues et courants dus aux tempêtes de vent (Girardclos, 1993; Lemmin, 1998; Ulmann, 2000). Le site de sg12, à -13 m de profondeur, paraît encore plus soumis à l'énergie des vagues et des courants, car son sommet est complètement érodé et la glaise compacte est directement affleurante.

      La glaise de sg13 et sg12 a certainement une origine glaciaire car elle est très compacte, ne contient pas de trace animale ou végétale et ne possède pas de lamines. De plus, elle montre de forts pics de susceptibilité magnétique témoins d'apports minéralogiques lointains. On devine que cette glaise est d'un temps complètement différent du sédiment des sondages sg1, sg14 et sg4. Il s'agit probablement de la moraine würmienne que le Service cantonal de Géologie (1974) a cartographiée à proximité (cf. Chap. 1, Fig. 1.7).

      La faible teneur en eau des carottes sg12 et sg13 témoigne d'une pression antérieure sur ces sédiments, probablement due à des sédiments supérieurs aujourd'hui disparus par érosion. A moins qu'ils proviennent d'un précédent cycle glaciaire et qu'ils aient été compactés par le glacier Würmien.

      Les détails des profils échosondeur ec1 et eb12 montrent que les sédiments des carottes sg13 et sg12 sont issus de séquences sédimentaires situées sous les unités A-D et qu'ils sont donc antérieurs à la phase lacustre et glacio-lacustre du bassin. Avec la Molasse, ils forment la 'roche' encaissante qui affleure au niveau du promontoire des Hauts-Monts (Fig. 3.12).

      

Fig. 3.12 : Emplacement des carottes sg13 et sg12 sur les profils échosondeur ec1 et eb12.


3.4 Sédiments 33  des carottes du groupe B

      Les sédiments des carottes du groupe B correspondent à des dépôts de milieux de forte énergie et d'influence 'côtière' (cf. Chap. 3.2.2 et Fig. 3.3). Sg10 est située dans la baie de Corsier à -14 m de profondeur. Sg6 est localisée au centre au bassin, sur la pente du promontoire des Hauts-Monts, à 24 m sous la surface du lac. Sg2 est proche de l'exutoire de la Versoix à -28 m de profondeur.


3.4.1 Carotte sg10 (longueur 126 cm, Fig. 3.13)

      Lithologie macroscopique :

      La carotte sg10 est constituée de silt fin gris-vert, avec des niveaux plus clairs à partir de 55 cm et jusqu'à la base. Des lamines floues de 1-5 mm d'épaisseur sont observées dans la partie inférieure de la carotte (55-126 cm). Trois épaisses (2-8 cm) couches sableuses et un épais niveau de coquilles entières et brisées s'échelonnent dans la partie supérieure de la carotte (5-53 cm). Quatre minces couches sableuses et coquillières sont également présentes sur toute la carotte. Le sommet est marqué par 2 cm de silt noir verdâtre. Quelques rares bulles de gaz apparaissent ici et là.

      Susceptibilité magnétique :

      La courbe est constante et les valeurs avoisinent zéro. Seul le sommet de la carotte est légèrement magnétique (8 10-5 SI).

      - Teneur en eau :

      Le sommet de la carotte sg10 n'est pas très saturé en eau (50%). De 0 à 40 cm la courbe varie entre 35 et 50%. Le reste de la courbe (40-126 cm) est plus constant avec de faibles variations (0-7%) autour d'une teneur en eau moyenne de 50%.

      Granulométrie :

      La granulométrie de la carotte sg10, peu argileuse et souvent très sableuse, est très irrégulière. Les valeurs sont comprises entre 5-20% d'argile, 25-65% de silt et 20-65% de sable.


3.4.2 Carotte sg6 (longueur 116 cm, Fig. 3.14)

      Lithologie macroscopique :

      Le limon silteux gris-vert de la carotte sg6 alterne avec quelques fines couches sableuses et/ou de débris de coquilles, surtout vers le haut (5-45 cm) et vers le bas de la carotte (70-105 cm). Trois niveaux de débris coquilliers contiennent aussi des coquilles de gastéropodes entières. Vers le haut et vers le bas de la carotte des couches d'épaisseur variable (0.5-4 cm) sont gris-vert foncé et noires verdâtres, et quelques bulles de gaz apparaissent. Le sommet n'est pas marqué par un niveau de silt noir verdâtre.

      Susceptibilité magnétique :

      De 0-57 cm la susceptibilité magnétique est très faible et constante (3 10-5 SI), et elle disparaît de 57 à 116 cm. Seul le sommet forme un pic à 12 10-5 SI.

      Teneur en eau :

      Le sommet de la carotte sg6 n'est pas très saturé en eau (55%). Le reste de la courbe est assez variable (40-55%) autour d'une teneur en eau moyenne de 45%.

      Granulométrie :

      La carotte sg6 est d'une granulométrie peu argileuse et souvent très sableuse. Elle est irrégulière, avec des valeurs comprises entre 5-20% d'argile, 35-70% de silt et 20-60% de sable, mais elle est moins chaotique que la granulométrie de la carotte sg10.


3.4.3 Carotte sg2 (longueur 84.8 cm, Fig. 3.15)

      Lithologie macroscopique :

      La lithologie de la carotte sg2 est extrêmement variable : le sédiment, avec des niveaux de sable, de débris de coquilles et des fragments de feuilles, est noir verdâtre, gris-vert et brun olive clair. De nombreuses traces de bulles de gaz sont présentes sur toute la hauteur de la carotte. Un niveau de petits galets est situé à 52 cm.

      Susceptibilité magnétique :

      La susceptibilité magnétique est très variable : de 2 à 7 10-5 SI vers le haut (0-47 cm), de 47 à 83 cm elle augmente vers des valeurs de 10 à 15 10-5 SI.

      Teneur en eau :

      Le sommet de la carotte sg2 n'est pas très saturé en eau (55%). Le reste de la courbe est très variable, avec des valeurs de 40 à 60%.

      Granulométrie :

      La carotte sg2 est encore moins argileuse que sg10 et sg6 et est très sableuse. Sa granulométrie est variable, avec des valeurs comprises entre 0-10% d'argile, 35-70% de silt et 20-60% de sable, mais elle est moins chaotique que celle de la carotte sg10.

      

Fig. 3.13 : Carotte sg10 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

Fig. 3.14 : Carotte sg6 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

Fig. 3.15 : Carotte sg2 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.


3.4.4 Interprétation des sédiments du groupe B

      Carotte sg10 :

      Les sédiments de la carotte sg10, avec 20-65% de sable, peu d'argile et une teneur en eau variable, correspondent à des dépôts de haute énergie. Ce sondage, situé à moins de 500 m de la côte et à -14 m de profondeur, est régulièrement soumis à l'action des vagues de tempête (Girardclos, 1993). La section supérieure de sg10 (0-55 cm), avec ses niveaux de sable et de débris coquilliers, représente une succession de dépôts de tempêtes. La partie inférieure de la carotte (55-126 cm) est beaucoup plus claire avec des lamines floues et contient en moyenne plus d'argile et moins de sable grossier que la partie supérieure. Elle vient d'un contexte plus tranquille que le sommet de la carotte, peut-être dû à un niveau du lac plus haut qu'aujourd'hui, et d'une zone de production de calcite autochtone, attestée par les couches claires, généralement nommées «craie lacustre» (Corboud, 2001; Lister, 1984b; Magny, 1992b; Schöttle & Mueller, 1968; Weiss, 1979).

      La susceptibilité magnétique est nulle, comme celle de la carotte sg9, bien que leurs sédiments soient de lithologies très différentes. Ceci confirme l'absence d'apport de minéraux magnétiques dans la baie de Corsier, en contraste avec les carottes du bassin central.

      La géométrie du profil échosondeur eb11 démontre que les carottes sg9 et sg10 sont d'âges différents : sg9 est située entre les réflecteurs 10 et 15 (cf. Chap. 3.3.7) et sg10 entre les réflecteurs - 5, 6 ou 7 - et le réflecteur 10. De l'extrémité nord-est du profil vers la carotte sg9, l'érosion des séquences sismiques semble augmenter au fur et à mesure que la profondeur diminue. Toutefois, à la hauteur de sg10, les sédiments de l'unité D sont épargnés par l'érosion, comme si ce phénomène disparaissait. Puis au sud-ouest, le réflecteur 8 et le réflecteur 15 sont à nouveau tronqués. Il s'agit certainement de deux processus érosifs différents. La diachronie de sg9 et sg10 et ces phénomènes expliquent la grande disparité sédimentologique des deux sondages.

      

Fig. 3.16 : Emplacement des carottes sg9 et sg10 par rapport aux unités sismiques du profil échosondeur eb11 interprété.

      Carotte sg6 :

      La carotte sg6 montre des similitudes avec les carottes qui viennent de sites côtiers (sg2 et sg10) et représente un dépôt sédimentaire de haute énergie (forte teneur en sable, faible teneur en argile, niveaux sableux et niveaux de débris coquilliers). Située sur le flanc des Hauts-Monts, le sondage recoupe une accumulation de dépôts de pente, dont la source sédimentaire est vraisemblablement le sommet du promontoire.

      La variation de la susceptibilité magnétique est le reflet de changements dans les apports sédimentaires. Dans la partie inférieure (57-116 cm) la susceptibilité est nulle comme pour les carottes sg9, sg10 et sg11, ce qui tend à prouver que ces sédiments sont issus de la baie de Corsier. Puis elle augmente très légèrement de 57 à 5 cm vers une valeur de 3 10-5 SI. Ceci indique certainement un mélange avec d'autres sédiments à forte teneur en minéraux magnétiques, par exemple la glaise affleurante au sommet du promontoire qui a des valeurs de 10-25 10-5 SI (cf. sg13 et sg12). Mais il peut aussi s'agir de greigite (Fe3S4) authigène magnétique (Ariztegui, 1993; Ariztegui & Dobson, 1996). Des informations pétrologiques seraient nécessaires à la démonstration de cette hypothèse. Le sommet de sg6 est marqué par un pic à 12 10-5 SI. Vu son caractère sableux, il peut s'agir d'une 'pollution' magnétique due aux scories remaniées des bateaux à vapeur du 19ème siècle (P. Corboud, comm. pers.).

      Carotte sg2 :

      Avec une lithologie très variable, une granulométrie riche en sable, et de nombreux débris de feuilles, la carotte sg2 est caractérisée par l'influence de l'exutoire de la Versoix situé à 300 m à l'ouest (Ulmann, 2000). Les sédiments peuvent avoir été déposés sous l'effet d'«interflows» (Giovanoli, 1990) ou avoir été remaniés par des courants côtiers liés aux tempêtes de vent (Lemmin, 1998). Les niveaux de sable, de galets (à 52 cm) et de feuilles sont certainement des couches liées aux crues de la Versoix (Ulmann, 2000; Walter, 1993). Les nombreuses traces de gaz indiquent une forte teneur en matière organique (Reineck & Singh, 1986). Les niveaux de limons brunâtres ainsi que la forte susceptibilité magnétique montrent l'influence des apports de matériels érodés à terre.


3.5 Sédiments des carottes du groupe C

      Les sédiments des carottes du groupe C représentent une sorte d'intersection entre les échantillons du groupe A et ceux du groupe B. Ils correspondent à des dépôts de milieu intermédiaire, d'énergie moyenne (cf. Chap. 3.2.2). La carotte sg3 est proche de la rive droite (600 m) et est située à -48 m de profondeur. Sg7 (-61 m) est localisée dans la partie centrale du bassin, au pied des Hauts-Monts. Pour la légende des symboles graphiques de la lithologie, se référer à la figure dépliante 3.22 (p. 76), et pour les détails relatifs à la méthodologie des analyses, voir l'Annexe A.2.


3.5.1 Carotte sg3 (longueur 120 cm, Fig. 3.17)

      Lithologie macroscopique :

      La lithologie de la carotte sg3 est assez régulière et ressemble à la carotte sg4 : le limon silteux gris-vert alterne avec quelques niveaux gris-vert foncé et noirs verdâtres. Des traces de bulles de gaz sont dispersées sur toute la longueur de la carotte. Le sommet est constitué de 3 cm de sédiment silteux noir verdâtre. Deux couches de sable, de 1 cm et de 6 cm d'épaisseur, sont situées à 10 cm et à 32 cm respectivement.

      Susceptibilité magnétique :

      La courbe de susceptibilité magnétique est relativement constante, et comme pour la carotte sg4, les valeurs avoisinent 5 10-5 SI.

      Teneur en eau :

      Le sommet de la carotte sg3 est saturé à 60-80% d'eau. La teneur en eau du reste de la carotte est relativement constante autour de 55%, avec des variations de ± 5%.

      Granulométrie :

      La granulométrie de la carotte sg3 est variable, avec des valeurs comprises entre 10-30% d'argile, 35-75% de silt et 5-55% de sable. Cette carotte a une signature granulométrique intermédiaire entre la carotte sg4 et la carotte la sg6. C'est surtout la quantité de sable qui varie, avec parfois des particules dont le diamètre est supérieur à > 500 µm (28-36 cm).


3.5.2 Carotte sg7 (longueur 102 cm, Fig. 3.18)

      Lithologie macroscopique :

      La lithologie de la carotte sg7 est régulière : le limon silteux gris-vert alterne avec quelques niveaux fins gris-vert foncé et noirs verdâtres. De 53 à 70 cm, des lamines floues brunâtres sont intercalées avec des niveaux noirs et gris. Cette couche brunâtre caractéristique apparaît également sur les carottes sg5, sg15 et sg19. Le sommet du sondage sg7 est marqué par 2.5 cm de sédiment silteux noir verdâtre.

      Susceptibilité magnétique :

      La susceptibilité magnétique est forte, avec des valeurs de base autour de 8 10-5 SI. A 10 cm, la courbe augmente jusqu'à 10 10-5 SI, puis elle forme deux pics, à 32 cm et à 53 cm, de 16-17 10-5 SI.

      Teneur en eau :

      Le sommet de la carotte sg7 est saturé à 60-70% d'eau. Le reste de la courbe est assez variable (40-55%), autour d'une teneur en eau moyenne de 50% qui diminue légèrement vers le bas de la carotte. Ce profil de teneur en eau ressemble à celui de la carotte sg6.

      Granulométrie :

      La granulométrie de la carotte sg7 est variable, avec des valeurs comprises entre 15-35% d'argile, 55-80% de silt et 5-35% de sable. Comme pour la carotte sg3, sa signature granulométrique est intermédiaire entre la carotte sg4 et sg6, mais elle contient proportionnellement moins de sable, et du sable plus fin que celui la sg3.


3.5.3 Interprétation des sédiments du groupe C

      Carotte sg3 :

      La carotte sg3 ressemble à la carotte sg4 mais elle contient plus de sable et sa teneur en eau est moins régulière. Elle est caractéristique d'un milieu de dépôt intermédiaire entre celui de forte énergie de sg2 et sg6 (influence forte des processus côtiers) et de faible énergie de sg4 et sg14.

      Mis à part la présence de deux niveaux sableux, qui sont interprétés comme des petites turbidites (Bouma, 2000; Hsü & Kelts, 1985; Lister, 1984b; Niessen & Kelts, 1989; Span et al., 1992; Sturm & Matter, 1972; Sturm & Matter, 1978), la signature sédimentaire de sg3, avec une susceptibilité magnétique de 5 10-5 SI, est celle du bassin central. Les bulles de gaz, plus nombreuses que dans le sondage sg4, indiquent probablement une plus forte teneur en matière organique (Reineck & Singh, 1986). La grande stabilité de la susceptibilité magnétique n'a pas permis de corréler sg3 avec une autre séquence sédimentaire.

      Carotte sg7 :

      Comme sg3, la carotte sg7 est caractéristique d'un milieu de dépôt intermédiaire entre forte et faible énergie. Sa signature granulométrique se situe entre celles de sg4 et de sg6 avec 15-35% d'argile et 5-35% de sable.

      En conséquence de cette granulométrie, la teneur en eau de sg7, avec une valeur moyenne de 50%, se situe aussi entre sg4 (55%) et sg6 (45%). Le sommet saturé en eau correspond à un dépôt récent, et sa couleur noirâtre est attribuée à la formation de sulfures (Kelts, 1978; Lister, 1984b; Müller, 1966; Niessen & Kelts, 1989; Sturm & Matter, 1972).

      La présence de deux forts pics de susceptibilité magnétique est mystérieuse et n'est pas liée à des couches de granulométries plus grossières, ni à un changement apparent de la lithologie. Il n'est pas non plus possible de corréler ces valeurs avec les courbes de susceptibilité magnétiques des carottes environnantes. En conséquence, nous attribuons ces valeurs à la probable formation de greigite (Fe3S4) authigène (Ariztegui, 1993; Ariztegui & Dobson, 1996). Une analyse pétrologique serait toutefois nécessaire à sa détermination.

      L'élément distinctif de la carotte sg7 est la couche à lamines floues brunâtres de 16 cm d'épaisseur qui apparaît également dans la lithologie de trois autres carottes : sg19, sg15 et sg5 (Fig. 3.19). Il est étonnant de constater que cette lithologie disparaît hors de la région couverte par ces carottes. Elles sont toutes situées au pied de la pente formée par les Hauts-Monts. La granulométrie de sg7 et de

      

Fig. 3.17 : Carotte sg3 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

Fig. 3.18 : Carotte sg7 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      sg5 34  nous montre que cette couche est formée d'éléments fins (20% d'argile, moins de 7% de sable et pas de particules excédant 125 µm de diamètre) dont la signature ressemble à celles des carottes sg4 et sg14. La valeur de la susceptibilité magnétique de cette couche mesure environ 13 10-5 SI, c'est-à-dire qu'elle est bien supérieure à la susceptibilité environnante moyenne du bassin central (5 10-5 SI). D'après la taille des particules, il ne peut pas s'agir d'un dépôt de haute énergie, mais plutôt de sédiments déposés par décantation. Vu la couleur brunâtre particulière de ce niveau et sa forte susceptibilité magnétique, il doit s'agir d'apports terrestres fins, en provenance du delta de la Versoix (Ulmann, 2000), qui ont été triés puis apportés par des courants d' «interflows» (Giovanoli, 1990) jusqu'au pied des Hauts-Monts. Cette couche caractéristique, limitée dans le temps et dans l'espace, témoigne donc d'un processus sédimentaire particulier de déviation des apports de la Versoix, et dont l'occurrence rare indique que seul une période de sédimentation tranquille et sans érosion a pu en conserver la trace.

      

Fig. 3.19 : Couche brunâtre à lamines floues des carottes sg7, sg19, sg15 et sg5.


3.6 Sédiments des carottes sg5 et sg11

      La granulométrie des carottes sg5 et sg11 étant atypique (cf. Chap. 3.2), ces deux carottes n'ont pas pu être insérées dans les groupes A, B et C. Sg5 vient du centre du bassin dans la zone érodée à -60 m de profondeur et contient deux séquences sédimentaires complètement différentes. Le sondage sg11 vient de la baie de Corsier, à 250 m de la côte et à -8 m de profondeur.

      Pour la légende des symboles graphiques de la lithologie, se référer à la figure dépliante 3.22 (p. 76), et pour les détails relatifs à la méthodologie des analyses, voir l'Annexe A.2.


3.6.1 Carotte sg5 (longueur 69.5 cm, Fig. 3.20)

      Lithologie macroscopique :

      Le sondage sg5 peut être subdivisé en deux parties à la cote de 37 cm. Le sommet de la carotte est marqué par une couche de silt noir verdâtre comme la majorité des carottes. De 0 à 32 cm, le sédiment est silteux gris-vert clair et foncé avec des lamines floues et des niveaux de gris-vert foncé à noir verdâtre. De 32 à 37 cm il est sans lamines et de couleur uniforme gris-vert. Une couche brunâtre, similaire à celle des carottes sg7, sg19 et sg15 (cf. Fig. 3.19) s'étend de 26 à 32 cm.

      Une transition par un contact érosif se fait à 37 cm avec un changement de texture important : le sédiment silteux est beaucoup plus dense. Des lamines nettes (1-5 mm) et fines stratifient le sédiment jaunâtre dans des tons intermédiaires entre le jaune, le beige et le gris-vert foncé.

      Susceptibilité magnétique :

      Comme pour la lithologie, la courbe de susceptibilité magnétique peut être partagée en deux parties. De 0-37 cm, les valeurs sont moyennes (5-15 10-5 SI). A partir de 37 cm, elles forment un plateau régulier à 20 10-5 SI.

      Teneur en eau :

      La courbe de teneur en eau est marquée par la rupture à 36-37 cm entre deux tendances très différentes. De 0-36 cm les valeurs, relativement stables, sont comprises entre 40-50%, et de 37-69.5 cm elles forment un plateau autour de 25%, ce qui correspond à la valeur des sédiments des sondages sg12 et sg13. Le sommet de la carotte sg5 n'est pas saturé en eau.

      Granulométrie :

      Contrairement aux paramètres précédents, la signature granulométrique ne permet pas de discriminer les sédiments des parties supérieures (0-37 cm) et inférieures (37-69.5 cm). La granulométrie de sg5 est variable, comprise entre 10-40% d'argile, 60-80% de silt et 1-30% de sable, ce qui place sg5 entre la granulométrie de la carotte sg7 et celle de la partie inférieure de sg13. La couche brunâtre a la même signature que celle de la carotte sg7 : 20% d'argile, moins de 7% de sable et pas de particules excédant 125 µm de diamètre.


3.6.2 Carotte sg11 (longueur 58 cm, Fig. 3.21)

      Lithologie macroscopique :

      Le sommet de la carotte sg11 est une couche de sable noir verdâtre en discordance avec le silt gris-vert sous-jacent. Le sable contient des scories métalliques de 0.5 à 2 mm de diamètre. De 38 à 58 cm, le sédiment est marqué par des lamines floues, et de 38 à 52 cm, le sédiment est gris-vert foncé. A 40 cm, un fin niveau de sable semble en discordance avec la séquence supérieure.

      Susceptibilité magnétique :

      La courbe de la susceptibilité magnétique de sg11 a une valeur à zéro, sauf au sommet de la carotte où un pic, certainement dû aux scories métalliques trouvées dans le sédiment, monte à 95 10-5 SI !

      Teneur en eau :

      La teneur en eau est constante autour de 45%. Sauf au sommet de la carotte et à 41 cm, où elle chute entre 25 et 30%.

      Granulométrie :

      La granulométrie de la carotte sg11 peut être séparée entre deux types bien différents :

      Une matrice sédimentaire, dominée par les silts (2-20% de sable, 55-70% de silt, 15-40% d'argile), qui ressemble à la granulométrie de sg7 et sg4. Et des niveaux plus grossiers - au sommet de la carotte et à 40-41 cm - dominés par les sables (50-75% de sable, 20-40% de silt, 5-15% d'argile). Ces échantillons de sable sont les échantillons les plus grossiers que nous avons analysés parmi les carottes de la zone des Hauts-Monts.

      

Fig. 3.20 : Carotte sg5 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

Fig. 3.21 : Carotte sg11 : lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau et granulométrie.

      Légende graphique : voir Fig. 3.22.

      

      

Fig. 3.22 : Légende graphique des profils lithographiques.


3.6.3 Interprétation des sédiments de sg5 et sg11

      Carotte sg5 :

      La partie supérieure de la carotte sg5 (0-37 cm) montre les mêmes caractéristiques lithologiques, granulométriques, de teneur en eau et de susceptibilité magnétique que la carotte sg7, elle provient donc du même type de milieu de dépôt. La couche caractéristique de couleur brunâtre à lamines floues est la signature de processus sédimentaires qui dévient les particules terrigènes apportées par la Versoix (Ulmann, 2000) vers le pied des Hauts-Monts (cf. Chap. 3.5.3 et Fig. 3.19).

      Cette couche brunâtre qui contient 40% d'argile nous indique que l'érosion au pied des Hauts-Monts n'est pas active en permanence, puisque des sédiments fins ont pu se déposer.

      Les lamines nettes, cette teinte jaune, ainsi que la forte susceptibilité magnétique indique que ces sédiments ont une origine et un âge entièrement différents de la séquence supérieure de la carotte (0-37 cm). Leur faible teneur en eau indique qu'ils ont certainement été compactés par une séquence sédimentaire aujourd'hui érodée.

      L'ensemble de ces éléments nous permet d'attribuer les couches de 37-69.5 cm à des dépôts de loess, qui sont parfois en alternance et parfois mélangés à des dépôts de silt gris foncé d'origine glaciaire. Ces niveaux ne sont pas des varves au sens de de Geer (1912) car ils ne sont pas des rythmites claires/foncées comme celles que l'on trouve dans les lacs de Zürich, de Constance et de Lugano (Niessen & Kelts, 1989; Niessen et al., 1992; Niessen & Sturm, 1987; Wessels, 1998; Wick, 1989). Toutefois, ces niveaux ressemblent à la description des rythmites diffuses qui succèdent aux varves dans le lac de Zürich (Niessen et al., 1992; Wessels, 1998).

      Il s'agit certainement de sédiments d'âge Tardiglaciaire (Bølling ?) qui reflètent un environnement aride et de forts vents, avec un lac dont la surface n'est généralement pas gelée en hiver (absence de varves).

      La diachronie des sédiments supérieurs et inférieurs de la carotte est confirmée par la géométrie du profil sismique eb1 (Fig. 3.23). En effet, la partie supérieure de la carotte sg5 appartient à l'unité D, et la partie inférieure au sommet de l'unité B (entre les réflecteurs 16 et 17). L'âge et les implications climatiques de cette séquence seront discutés au chapitre suivant (Chap. 4).

      Carotte sg11 :

      Le sommet de la carotte sg11, comme ceux des carottes sg13 et sg9, est un dépôt de très haute énergie, vraisemblablement lié à l'action des vagues et des courants de tempêtes (Girardclos, 1993). Les scories des bateaux à vapeur du 19ème siècle (P. Corboud, comm. pers.) qui sont mêlées au sable nous indiquent qu'il s'agit de dépôts récents.

      Les sédiments sous-jacents sont en discordance avec ce sommet. Ils ont certainement subi une érosion antérieure, car malgré la forte teneur en argile des sédiments - similaire à celle de sg9 - la teneur en eau moyenne n'est que de 45%, contre 60% pour sg9. La susceptibilité magnétique nulle, comparable à celle de sg9 et sg10, montre la signature caractéristique des sédiments de la baie de Corsier.

      Le niveau sableux à 40 cm est le témoin d'un événement ponctuel de haute énergie probablement érosif, il s'agit certainement d'une petite turbidite.

      Les sédiments de sg11 sont plus jaunes que les sédiments gris-vert des carottes du bassin central. Ceci indique probablement un mélange des dépôts silteux gris-vert avec des dépôts de loess beige jaune. Bien que ces sédiments ne soient pas stratifiés sous forme de lamines nettes comme ceux de la partie inférieure de sg5, il est possible qu'ils soient d'âge Tardiglaciaire (Allerød, Dryas Récent). L'âge et les implications climatiques de cette séquence seront discutés au chapitre suivant (Chap. 4).

      

Fig. 3.23 : Emplacement des carottes sg3, sg4 et sg5 par rapport aux unités sismiques du profil échosondeur eb1 interprété.


3.7 Enregistrement sédimentaire et sismo-stratigraphie -- Discussion

      La corrélation de la sismo-stratigraphie 35  avec l'enregistrement sédimentaire de la zone des Hauts-Monts permet de confirmer les interprétations temporelles déduites de l'analyse sédimentaire des carottes.

      Sur la figure 3.25, les réflecteurs des unités B, C et D ont été dessinés 36  à la même échelle que les carottes 37  de la zone des Hauts-Monts. Les carottes sg2 et sg6, situées sur de fortes pentes, n'ont pas été représentées sur cette figure car il n'a pas été possible de pointer de réflecteurs sismiques à leur emplacement.

      On constate que la majorité des carottes (sg1, sg14, sg4, sg3, sg18, sg17, sg16, sg7 et sg19) et que les parties supérieures de sg5 et de sg15 appartiennent à l'unité sismique D. L'unité C n'est présente que dans le bas de la carotte sg1. Une partie de l'unité B est représentée par les portions inférieures des carottes sg5 et sg15 (Fig. 3.25).

      Les carottes de la baie de Corsier 38  appartiennent à des unités sismiques différentes :

      - Unité D :

      L'étude des carottes a permis d'appréhender la variation spatiale des changements sédimentaires du sommet de l'unité D (réflecteur 'fond' à réflecteur 6). Il a été démontré que la teneur en sable du sédiment augmente et que la quantité d'argile diminue de la carotte sg1 vers la carotte sg3. Il s'agit de l'influence grandissante des apports de la Versoix. Les traces de bulles de gaz augmentent également en direction de sg3, soit de l'embouchure de la rivière ; elles atteignent un maximum à la hauteur de la carotte sg2, où elles sont accompagnées de débris de végétaux et de dépôts terrigènes. Ce gradient géographique pourrait confirmer que le gaz coïncide avec un accroissement de la matière organique dans le sédiment.

      Dans cette logique, les bulles de gaz de la carotte sg1, qui sont maximum entre le réflecteur 6 et le réflecteur 7, indiqueraient que la teneur en matière organique était supérieure à cette époque, et qu'elle était moindre entre le réflecteur 7 et le réflecteur 8.

      La répartition géographique du gaz dans les carottes confirme que la zone sourde, reconnue sur les profils sismiques, est due à une accumulation de gaz autour du delta de la Versoix.

      A la hauteur du réflecteur 6 et au pied des Hauts-Monts (carottes sg7, sg19, sg5 et sg15), la sédimentation est influencée par le transport de sédiments terrigènes en provenance de la Versoix (couche de lamines floues brunâtres).

      La séquence sédimentaire de l'unité D diminue d'épaisseur vers le centre du bassin (Fig. 3.25). Au niveau des carottes sg5 et sg15, l'enregistrement de ce phénomène est maximum : l'unité B affleure sous quelques centimètres de sédiments.

      Dans la baie de Corsier, à faible profondeur (carotte sg10), l'unité D est formée d'une succession de dépôts de haute énergie et d'une grande quantité de débris coquilliers.

      - Unité C :

      La description sédimentaire de l'unité C n'est pas spatiale et est lacunaire verticalement.

      Les 80 derniers cm de la carotte sg1 indiquent qu'il n'y a pas de rupture lithologique ou granulométrique entre la fin de l'unité C et le début de l'unité D dans cette partie du bassin, et que les conditions de dépôt semblent donc similaires.

      Dans la baie de Corsier, l'unité C est moins épaisse que dans le bassin central. La carotte sg9 représente une portion plus ancienne de la séquence sédimentaire 39 . La forte teneur en argile indique un milieu de faible énergie, avec parfois des événements ponctuels de tempête (niveaux coquilliers grossiers). La couleur brunâtre du sédiment, différente de la couleur claire de la carotte sg10 (située à 400 m de distance), implique un apport accru en matériel terrigène côtier, peut-être dû à l'accroissement du ruissellement.

      - Unité B :

      Le sommet de l'unité B est représenté par les carottes sg5 et sg15.

      Le sommet de la partie inférieure de sg5 (37 cm) est situé sous le réflecteur 16, et le bas de la carotte (63 cm) est à la hauteur du réflecteur 17. Sg15 est placée stratigraphiquement sous la carotte sg5, puisqu'elle représente 29 cm de la section comprise entre les réflecteurs 17 et 18. Ensemble, les parties inférieures des carottes sg5 et sg15 constituent 62 cm de sédiments fins à lamines nettes jaunâtres à gris-vert foncé, attribués à des dépôts de loess mélangés à des dépôts issus de sédiments glaciaires contenant peu de matière organique. Leur faible teneur en eau indique qu'ils ont certainement été compactés par une séquence sédimentaire aujourd'hui érodée.

      On constate une différence entre les carottes sg15 et sg5 : le sondage sg15 (Fig. 3.24 et Fig. C.3) contient dans sa partie inférieure quelques successions de rhytmites très fines jaunes et gris foncé parmi les niveaux mélangés dans les tons jaunâtre et gris. Ces bi-couches sont interprétées comme des lamines annuelles dues à un phénomène climatique. Dans la perspective du travail approfondi de Niessen et al. (1992) au sujet de telles séquences dans les lacs de Constance, de Zürich et de Lugano, nous pensons que le Petit-Lac était donc parfois entièrement gelé en hiver et pendant plusieurs années de suite. Lors de ces hivers, le flux de sédiment glaciaire (silt gris) apportés dans le bassin par les eaux de fonte était stoppé complètement. Le loess transporté par de forts vents se déposait sur le glace ou la neige accumulée à la surface du lac, et n'était amené dans le bassin qu'au printemps lorsque le lac était libre de glace. Les eaux de fonte glaciaire s'écoulaient en été et en automne, emmenant le silt gris dans le bassin après que la couche de loess se soit déposée par décantation sur le fond du lac. Cette situation froide avec le gel du lac alternait avec une série d'années plus chaudes où les sédiments silteux gris et le loess se mélangeaient dans le bassin lacustre en conséquence de l'absence de gel prolongé.

      La carotte sg5, avec la disparition de telles rythmites jaunes/grises, indiqueraient que le Petit-Lac n'a plus gelé complètement à partir du réflecteur 17, même si les sources sédimentaires sont restées les mêmes (silt gris issu des sédiments glaciaires et loess apportés par de fort vents).

      

Fig. 3.24 : Photographie noir-blanc des lamines de tons intermédiaires et des rythmites jaunes/gris foncé de la carotte sg15 (Echelle = 1 cm).

      La carotte sg11 est difficile à situer dans la séquence sismo-stratigraphique car elle est à 40 m de la ligne sismique la plus proche, ce qui est considérable vu la pente des réflecteurs dans cette région. Mais par projection, nous pensons qu'elle se situe quelque part entre les réflecteurs 15 et 16.

      Les sédiments de sg11 ont certainement subi une érosion antérieure et la signature de la susceptibilité magnétique est caractéristique des sédiments de la baie de Corsier. Un niveau sableux à 40 cm est le témoin d'un événement ponctuel de haute énergie. La teinte légèrement jaunâtre, se rapproche de la couleur des parties inférieures des carottes sg5 et sg15 et indique probablement un mélange de silt gris-vert avec des dépôts de loess en petites quantités.

      

Fig. 3.25 : Carottes et réflecteurs sismiques de la zone des Hauts-Monts : dynamique du bassin central en fonction de différents processus sédimentaires.


3.8 Conclusions

      (Q1) La lithologie des carottes de la zone des Hauts-Monts est géographiquement très variable. Les sondages de la baie de Corsier et ceux du bassin central font partie de deux systèmes sédimentaires différents.

      - Baie de Corsier :

      Les dépôts proviennent de la production autochtone et du ruissellement, et possèdent une susceptibilité magnétique nulle. Les sédiments affleurants, à faible profondeur et au centre de la baie de Corsier, témoignent d'importants phénomènes érosifs, passés et actuels. Globalement, la granulométrie des sondages indique à la fois un milieu de dépôt très tranquille, et des niveaux de haute énergie liés à des courants et des vagues de tempêtes. Les scories des bateaux du 19ème siècle, remaniées par des événements de haute énergie, ainsi que les anciens dépôts de glaise glaciaire (sg12 et sg13) sont les seuls forts niveaux de susceptibilité magnétique des carottes de la baie de Corsier.

      - Bassin central :

      L'analyse des paramètres physiques des sédiments (granulométrie, teneur en eau, susceptibilité magnétique) a permis de déterminer la répartition et l'influence de trois processus sédimentaires : la décantation hémi-pélagique, l'activité deltaïque de la Versoix et l'effet des courants profonds. Les influences hémi-pélagiques et deltaïques sont opposées, et dépendent principalement de la distance à l'embouchure de la Versoix. Toutefois, l'influence des courants profonds, maximum au pied des Hauts-Monts, a perturbé la régularité des séquences sédimentaires par le transport de particules fines («interflows») et par l'érosion de sédiments déjà en place.

      L'ensemble des interprétations de l'enregistrement sédimentaire sera utilisé pour établir l'histoire climatique et sédimentologique du bassin (cf. Chap. 5).

      (Q2) Les phénomènes sédimentaires déduits de l'analyse sismique sont en accord avec les indications obtenues par l'analyse des sondages. Les niveaux sismiques tronqués sont attestés par des anomalies lithologiques, granulométriques et de teneur en eau des sédiments. L'influence de l'activité deltaïque de la Versoix sur les sédiments profonds, détectée préalablement sur les profils sismiques, est prouvée par le gradient de granulométrie et la variation des traces de gaz (Reineck & Singh, 1986) dans les carottes.

      (Q3) Le gaz contenu in-situ dans le sédiment laisse des traces sous forme de bulles ou de couches vides dans les sondages. Le gradient géographique positif de ce phénomène correspond au déploiement de la zone sourde sur les profils sismiques et au rapprochement de l'embouchure de la Versoix. Ces effets de gaz sont certainement la conséquence de la production de méthane (Rehder et al., 1998), issu de la matière organique terrestre apportée par la rivière (Ulmann, 2000).

      La présence de traces de gaz dans la carotte sg1 est quantitativement similaire aux variations de gaz déduites de l'analyse du profil marteau sp5 (cf. Chap. 2.3.6). Dans le contexte granulométrique monotone de ce sondage, ces traces peuvent expliquer la variation de teneur en eau du sédiment et la formation des réflecteurs sismiques à cet endroit.


4. Datation des séquences sédimentaires et sismiques


4.1 Introduction

      Les analyses bio- et chrono-stratigraphiques effectuées sur les sédiments de la zone des Hauts-Monts ont été motivées par les questions suivantes :

Q1 : Quel est l'âge et le paléo-environnement végétal des séquences sédimentaires que nous avons sondées ?

Q2 : La chronologie sédimentaire permet-elle de dater les unités et les réflecteurs sismiques ?

      Nous avons utilisé plusieurs techniques pour répondre à ces questions : la palynologie, la mesure de l'activité du 137Cs et la datation 14C AMS («Accelerator Mass Spectrometry»). L'âge maximum des carottes sg1 à sg13 a été déterminé à l'aide d'analyses palynologiques à la base des sondages. Dans le cas de sg1, de sg5 et de sg10, des échantillons intermédiaires sont venus améliorer la datation. L'analyse de l'activité du 137Cs au sommet des carottes sg1 à sg13 a permis de déterminer si les premiers cm de sédiments étaient actuels ou anciens. Seul un débris de bois a pu être daté par la méthode 14C AMS.


4.2 Chronostratigraphie


4.2.1 Datation du sommet des carottes (activité du 137Cs)

      Le 137Cs est un isotope radioactif (t1/2 = 30.1 ans) introduit artificiellement dans l'environnement dès les années 1950 suite aux essais nucléaires atmosphériques. Cette pollution radioactive a culminé en 1963-1964 et lors de l'accident nucléaire de Tchernobyl en 1986. A l'aide de l'analyse de l'activité de cet élément et lorsque le sédiment n'est pas perturbé, il est possible de mesurer ces deux maximums et de calculer un taux de sédimentation moyen pour la deuxième moitié du 20ème siècle. Pour nos échantillons, nous avons utilisé la méthode standard de mesure et d'analyse sur sédiment sec utilisée à l'Institut Forel (Dominik et al., 1987; Dominik et al., 1981; Dominik & Span, 1992; Loizeau, 1998; Loizeau et al., 1997; Vernet et al., 1975; Vernet et al., 1984; Vernet & Favarger, 1982). Le sommet des carottes a été échantillonné par tranches de 0.5 cm, et les mesures ont été faites jusqu'à la disparition du signal du 137Cs pour sg1, sg10 et sg13.

      - Résultats et interprétation :

      Malgré un court délai entre la date de carottage et celle de l'analyse du signal radio-isotopique (de 31 à 68 jours), nous n'avons pas détecté de trace de l'activité de l'élément 7Be (t1/2 = 53.3 jours) dans nos échantillons (Krishnaswami et al., 1980). Ceci indique qu'une certaine quantité de sédiments superficiels a disparu lors du carottage ou que les particules résident trop longtemps dans la tranche d'eau. Comme nous n'avons jamais observé le fin niveau beige typique du sommet oxydé des carottes du Petit-Lac, nous penchons pour l'explication de la lacune sédimentaire due au carottage. En conséquence, alors que les valeurs de l'activité du 137Cs sont usuellement utilisées comme marqueur précis du temps 40 , nous avons seulement pu définir l'appartenance des sédiments à la deuxième moitié du 20ème siècle.

      Toutes les carottes contiennent du 137Cs à leur sommet, sauf sg5 et sg12 (Tabl. 4.1). Cette information nous confirme que la glaise compacte de sg12, située à 13 m sous l'eau, est dans une zone de non-déposition, voire d'érosion. Elle nous suggère aussi que sg5 a subi une érosion ou une non-déposition lors de la deuxième moitié du 20ème siècle, bien qu'elle soit située au centre du bassin et à 60 m de profondeur.

      
Tabl. 4.1 : Résultats de l'activité du 137Cs pour les carottes sg2 à sg13.
Carotte Profondeur Date Date Activité 137Cs Erreur 1 s
  (cm) de prélèvement de mesure (mBq/g) (mBq/g)
Sg1 Voir Annexe C.1
Sg2 0.25 01/10/97 05/11/97 22.03 2.41
Sg3 0.5 01/10/97 24/11/97 84.24 3.51
Sg4 0.25 01/10/97 22/11/97 83.76 4.35
Sg5 0.5 01/10/97 08/12/97 0.00 -
Sg6 0.25 01/10/97 25/11/97 37.78 4.72
  0.75 01/10/97 11/02/98 11.43 2.13
  1.25 01/10/97 15/02/98 4.41 0.95
  1.75 01/10/97 16/02/98 0.00 -
  2.25 01/10/97 17/02/98 2.79 1.60
Sg7 0.5 01/10/97 27/11/97 78.91 7.94
Sg8 0.25 01/10/97 01/11/97 263.29 12.17
Sg9 0.25 01/10/97 29/11/97 7.02 3.69
Sg10 0.25 01/10/97 01/12/97 7.01 4.01
  0.75 01/10/97 19/01/98 7.65 2.39
  1.25 01/10/97 26/01/98 4.25 0.95
  1.75 01/10/97 29/01/98 3.80 1.09
  2.25 01/10/97 01/02/98 1.77 0.56
  2.75 01/10/97 05/02/98 0.00 -
  3.5 01/10/97 09/02/98 0.00 -
Sg11 0.25 01/10/97 04/12/97 5.18 0.95
Sg12 0.5 01/10/97 05/12/97 0.00 -
Sg13 0.25 01/10/97 02/12/97 55.59 4.68
  0.75 01/10/97 11/12/97 55.23 4.62
  1.25 01/10/97 12/12/97 39.56 3.88
  1.75 01/10/97 14/12/97 7.18 1.14
  2.25 01/10/97 15/12/97 0.00 -
  2.75 01/10/97 16/12/97 0.00 -

      Les sommets des sondages sg9, sg10 et sg11, situés dans la baie de Corsier, montrent une très faible activité du 137Cs, qui disparaît sous la cote 2.5 cm pour sg10. Ceci nous confirme que les dépôts superficiels de ces carottes contiennent des sédiments récents (deuxième moitié du 20ème siècle). L'analyse sédimentaire du sommet de ces carottes nous a révélé qu'il s'agit de dépôts dus à des événements de haute énergie (cf. Chap. 3). Dans le cas de sg11, les événements de haute énergie sont associés à des scories du 19ème siècle et du sédiment du 20ème siècle dans le même échantillon.

      Les dépôt de sg10 situés sous 2.5 cm de sédiment sont antérieurs aux années 1950.

      Le dépôt coquillier de haute énergie du sommet de la carotte sg13 révèle également la présence de 137Cs sur 2 cm. Les valeurs de forte activité du 137Cs (39.56 à 55.59 mBq/g), de 0-1.5 cm, suggèrent que ce niveau est principalement constitué de sédiments récents, au contraire de ceux de sg9, sg10 et sg11 cités précédemment.

      La carotte sg6, interprétée comme une succession de dépôts de haute énergie (cf. Chap. 3), contient du 137Cs dans ses premiers 2.5 cm. Il s'agit probablement, comme pour sg11, d'un mélange sédimentaire, puisque la susceptibilité magnétique indique également la trace de scories de bateaux à vapeur du 19ème siècle.

      Les onze premiers cm du sondage sg1 (Fig. 4.1) indiquent un taux de sédimentation moyen minimum de 2.4 mm/an. Toutefois, l'absence des deux pics d'activité relatifs à l'accident de Tchernobyl (1986) et aux essais nucléaires (1963-64) nous empêche d'établir une chronologie précise. Nous sommes vraisemblablement en présence de sédiments mélangés par la bioturbation et/ou d'une séquence sédimentaire tronquée par le carottage. En conséquence de ce phénomène, il est impossible de tirer plus d'information sur le taux de sédimentation du site à partir de cette courbe. De fait, nous avons aussi renoncé à analyser l'activité du 210Pb. Toutefois, les résultats de précédentes études sur les taux de sédimentation du lac Léman (Vernet et al., 1984; Vernet & Favarger, 1982) montrent que le taux de sédimentation minimum de sg1 est proche de celui de la carotte n. 516 (3 mm/an ou 0.069 g/cm2*an), située à environ 2 km en aval de notre sondage.

      

Fig. 4.1 : Courbe de l'activité du 137Cs selon la profondeur des sédiments de la carotte sg1.


4.2.2 Datation par 14C AMS

      Un débris de bois (n. ETH-20299) provenant de la carotte sg14 et situé à 120 cm de profondeur a été daté par 14C AMS à l'ETHZ (Eidgenössische Technische Hochschule Zürich). L'âge de ce morceau est estimé à 1'045 ± 50 ans BP. Calibré à l'aide du programme CalibETH (Niklaus et al., 1992), il est situé entre les années 888 AD et1'052 AD avec une probabilité de 92%. Nous ne disposons pas d'une autre datation pour cette carotte, mais cet âge sera discuté lors de la datation des réflecteurs sismiques (cf. Chap. 4.5).

      Les 4 autres échantillons que nous avons envoyés à l'ETHZ (sg1 et sg5) n'ont pas pu être datés en raison de la trop petite quantité de matière organique dans le sédiment (I. Hajdas, comm. pers.).


4.3 Etude palynologique


4.3.1 Introduction

      L'analyse palynologique de 43 échantillons de sédiment a été effectuée par Anne-Marie Rachoud-Schneider. L'âge maximum des carottes sg1 à sg13 a été déterminé à l'aide d'analyses palynologiques à la base des sondages. Des échantillons intermédiaires ont été ajoutés lorsque cela était nécessaire à l'amélioration globale de la datation des sédiments.

      La méthodologie est décrite au point A.2.2 g. de l'annexe A.


4.3.2 Résultats - Description des zones polliniques locales ou LPZ («Local Pollen Zone»)

      La description des profils palynologiques accompagnés des diagrammes sont exposés dans l'annexe B.1 «Palynologie». Les carottes sg12 et sg13 n'ont pas pu être datées car les rares pollens rencontrés étaient trop corrodés.


4.3.3 Interprétation - Insertion chronologique des zones polliniques locales

      - Généralités :

      Les Zones Polliniques Locales (Tabl. 4.2) ont été rattachées aux zones polliniques régionales ou biozones définies sur le Plateau suisse (Ammann, 1989).

      
Tabl. 4.2 : Développement de la végétation et évolution climatique depuis le dernier âge glaciaire dans le bassin Lémanique.
Biozones
(Ammann & Lotter, 1989)
Dates 14C BP
Non calibrées
(* dates estimées)
Zones Polli-niques Locales Brève description de la végétation Climat Stades glaciaires Périodes archéolo-giques
X
Subatlantique
récent
 

Ge - 11c2

Ge - 11c1
Développement des exotiques,
apparition d'Ambrosia
forte anthropisation de la végétation ; expansion du noyer, du châtaignier, des céréales, seigle y compris, du chanvre; recul de la hêtraie-sapinière
 

Petit
Age glaciaire

Subactuel
Temps Modernes
Moyen Age
  * 1 300-1 000          
IX
Subatlantique
ancien
  Ge -11b



Ge 11a
Anthropisation croissante de la végétation; apparition du charme, du noyer et du châtaignier, essor des chênaies   Göschenen 2

Göschenen 1
Haut
Moyen Age
Epoque romaine
Age du Fer
  * 2 800-2 500          
VIII
Subboréal
 
Ge - 10
Etablissement de la hêtraie-sapinière; chute définitive de l'orme; épicéa
prend de l'importance
  Löbben
Rotmoos 2
Piora
Age du Bronze
Néolithique récent et final
  * 5 000-4 800          
VII
Atlantique
récent
 
Ge - 9
Passage des forêts mixtes de feuillus
à la hêtraie sapinière
  Rotmoos 1
Piora
Néolithique moyen
  * 6 000          
VI
Atlantique
ancien
 

Ge - 8
Augmentation des forêts de feuillus (chêne, orme, tilleul et frêne); recul probable du noisetier
immigration du sapin, puis du hêtre
  Frosnitz
Misox
 
  * 9 000-8 000          
V
Boréal
  Ge - 7
Ge - 6
Expansion des forêts de feuillus;
rôle important du noisetier
  Venediger  
  * 9 500-9 000          
IV
Préboréal
  Ge - 5


Ge -4
Forêts denses de bouleau et de pin; immigration de feuillus mésothermophiles, tels que le noisetier, l'orme et le tilleul hausse des températures    
  * 10 000          
III
Dryas récent
  Ge - 3 Éclaircissement dans les forêts
de pin et de bouleau
net refroidis-sement Egesen  
  10 800          
II
Allerød
 
Ge - 2
2-forêts denses de pin et de bouleau
1-immigration du pin dans les forêts de bouleau
     
  12 000          
Ibc
Bølling
 
Phase de reforestation:
2-forêts de bouleau arborescent
1-important développement du
genévrier et de l'argousier
hausse des températures    
  12 600          
Ia
Dryas ancien
inférieur
 
Ge - 1
Végétation sans arbres:
2-lande à arbrisseaux nains, tels que le bouleau nain, le genévrier et l'argousier
1-steppe riche en espèces pionnières
hausse
probable des
températures
   
  19 000-15 000          

(Etabli par A.-M. Rachoud-Schneider)

      Pour l'Holocène moyen et supérieur, en l'absence de données radiométriques plus fiables, la biozonation établie par Ammann & Lotter (1989), par Amman et al. (1996), par van der Knaap & Ammann (1997) et par Lotter (1999) ainsi que les dates estimées de Ammann (1989) ont été utilisées. Pour la partie supérieure du Subatlantique récent, nous nous sommes inspirés des travaux récents de van der Knaap et al. (2000). La corrélation avec les sondages de la rade de Genève (Rachoud-Schneider, 1999) est indiquée lorsque cela est possible.

      Les échantillons, sauf ceux de sg12 et sg13 qui n'ont pas pu être datés, ont été rassemblés en fonction de leur âge palynologique croissant. Les figures appelées correspondent aux diagrammes de l'Annexe B.

      - Le Tardiglaciaire :

      Seuls les sondages sg5 et sg11 ont livré en tout et pour tout quatre spectres polliniques isolés attribués au Tardiglaciaire. L'absence de séquence ne permet pas d'obtenir des datations palynologiques très détaillées.

      L'échantillon sg11 à 54 cm (Fig. B.16) correspond vraisemblablement à la LPZ à Pinus et Betula attribuée à la seconde partie de l'Allerød (12'000 à 10'800 14C ans BP). Mais il convient de se rappeler que lorsque les palynozones à Pinus et à Betula ne sont pas suivies par des spectres caractéristiques du Dryas récent, elles devraient être attribuées au complexe Allerød-Dryas récent-Préboréal (Rachoud-Schneider, 1997).

      La partie inférieure du sondage sg5 (Fig. B.8, B.9, B.10 et B.11), de 69 à 45 cm, est attribuée globalement au Tardiglaciaire, bien que l'association de hauts pourcentages de Juniperus, associés à la présence de Hippophae et de Betula, rappellent la biozone du Bølling. Les taux trop élevés de pollens corrodés, plus de 100%, interdisent une datation palynologique trop catégorique.

      - L'Holocène :

      L'échantillon isolé du sondage sg9 prélevé à 113 cm de profondeur (Fig. B.13) est attribué à la biozone du Boréal. En effet, Corylus n'atteint pas des pourcentages aussi élevés avant cette période. La présence simultanée de hauts pourcentages de Pinus est attribuée à la meilleure flottaison des pollens vésiculés en zone littorale (Hopkins, 1950) et indique vraisemblablement que ce sédiment a été soumis à l'action des vagues.

      L'échantillon isolé du sondage sg6 prélevé à la profondeur de 113 cm est attribué au passage de l'Atlantique récent au Subboréal (Fig. B.12). Les expansions de Fagus, d'Abies et d'Alnus, couplées au déclin presque achevé du Quercetum mixtum sont des traits caractéristiques de la fin de l'Atlantique récent (VII) ou du début du Subboréal (VIII). Les signes de l'influence humaine sont encore peu marqués.

      L'échantillon inférieur du sondage sg10 prélevé à 125 cm (Fig. B.14 et B.15) est quant à lui attribué à la biozone du Subboréal (VIII). Les développements importants de Fagus et d'Alnus combinés à de très faibles valeurs d'Ulmus, de Tilia et de Fraxinus sont des caractéristiques essentielles de cette période. L'impact humain est encore relativement faible.

      L'échantillon médian du sondage sg10 situé à 59.5 cm (Fig. B.14 et B.15) est attribué à la biozone du Subatlantique ancien (IX). Les valeurs importantes de Fagus, Quercus et Alnus, associées au déclin du Quercetum mixtum et à des occurrences encore faibles de Juglans, de Carpinus, de Picea et de Pinus sont des traits caractéristiques de cette période dans le bassin Lémanique (Rachoud-Schneider, 1999).

      - Le Subatlantique récent ou zone X (Fig. B.1, B.2, B.3, B.4, B.5, B.6, B.7, B.14 et B.15) :

      Rappelons tout d'abord que le Subatlantique récent englobe la plus grande partie du Moyen Age de circa 1300 ans 14C BP à 500 ans 14C BP, et les Temps Modernes de circa 500 ans 14C BP à nos jours.

      Le sondage sg1 est attribué dans sa totalité à la biozone du Subatlantique récent ou zone X . En effet, les pollens marqueurs types du Subatlantique pour le Plateau suisse sont immédiatement présents : le noyer, le charme, le châtaignier, ainsi que le seigle et le chanvre. En comparant avec le diagramme R2 de la rade de Genève (Rachoud-Schneider 1999), nous pouvons affiner la datation en précisant Subatlantique récent : en effet, seule cette biozone a livré des valeurs aussi basses pour le hêtre, même si celles-ci ont tendance à remonter dans les niveaux supérieurs. De plus les évolutions du sapin blanc, de l'épicéa et du pin sont, elles aussi, similaires. Les comportements du noyer, du châtaignier, du charme et du buis, entre autres, peuvent également être rapprochés. Malheureusement le sondage de la rade R2 s'interrompt abruptement aux alentours de 500 ans 14C BP et la comparaison s'évanouit, alors que la sédimentation du sondage sg1 de Versoix s'est poursuivie jusqu'à nos jours. Ce sondage de 5.50 m nous a donc livré une séquence pollinique unique en son genre dans le bassin Lémanique, extrêmement bien détaillée pour cette période encore mal documentée.

      Les zones polliniques locales (LPZ) Ver- 1a (555.5 - 321.5 cm) et Ver- 1b (291.5 - 170.5 cm) de Versoix correspondent à la LPZ Ge- 11c1 du sondage R2 de la rade de Genève. Le dernier changement majeur dans le développement de la végétation, à savoir le recul impressionnant de la hêtraie-sapinière sous la pression anthropique croissante, a déjà eu lieu. Les aulnaies riveraines ont aussi déjà régressé. Cette séquence débute en conséquence vraisemblablement au cours du Bas Moyen Age. En Ver-1a, l'influence humaine bien que plus faiblement enregistrée qu'en Ver-1b, est néanmoins clairement appréhendée. Les céréales, le seigle et peut-être le chanvre sont déjà cultivés. Les plantations de noyer semblent plus développées que celles de châtaignier. En Ver-1b, le paysage s'ouvre quelque peu. Les cultures de céréales, de seigle et de chanvre sont plus régulièrement attestées. Les pâturages boisés (taux de Juniperus) semblent s'étendre légèrement, ainsi que les chênaies-charmaies, forêts exploitées par l'homme.

      La LPZ Ver- 1c (140.5 - 49.5 cm) correspond à la LPZ Ge- 11c2 lors du dernier déclin du sapin et d'une extension des plantations de noyer et de châtaignier, ainsi que d'une augmentation des surfaces cultivées de céréales, de seigle et de chanvre. On note aussi un accroissement des surfaces pâturées.

      La LPZ Ver- 1d (19.5 - 5.5 cm) débute vraisemblablement après les années 1900 (van der Knaap et al. 2000), puisque les pics de Humulus/Cannabis T. ne se rencontrent plus dès 19.5 cm. Le chanvre n'est pratiquement plus cultivé lors de l'avènement du coton en Europe. Le seigle lui aussi se raréfie. L'ouverture du paysage reste cependant importante et les cultures de céréales et de chanvre semblent même reprendre de l'importance. Dans un premier temps, l'épicéa et le pin s'étendent massivement, le sapin blanc aussi, bien que dans une moindre mesure ; il s'agit certainement du reflet de l'extension des reboisements de résineux effectués dès le 19ème siècle. Dans le même temps les plantations de noyers et de châtaigniers se maintiennent. Dès 13.5 cm la présence du pollen d'Ambrosia permet d'attribuer un âge déterminé aux niveaux supérieurs En effet, Ambrosia est une mauvaise herbe d'origine américaine introduite récemment chez nous. Les premières occurrences de ces pollens ont été régulièrement datées dans de nombreuses séquences à travers toute la Suisse aux environs de 1950 AD (van der Knaap et al., 2000). Des changements considérables surviennent dans le dernier épisode de ce diagramme. Les essences de résineux diminuent, alors que la plupart des feuillus, sauf le noyer et le châtaignier, amorcent une remontée appréciable. Des taxons plus exotiques, tels que le cèdre, le platane et le marronnier d'introduction récente, probablement cultivés dans des parcs publics ou des jardins, se développent. L'influence humaine est nettement plus marquée ; le plantain lancéolé, le plantain moyen, Rumex et l'ortie atteignent des taux plus élevés qu'auparavant. La chute drastique des Cyperacées fait penser à un recul des roselières. Le développement de l'algue Pediastrum est probablement le reflet de l'accroissement de l'eutrophisation dans le lac Léman.

      L'échantillon supérieur du sondage sg10 situé à 9.5 cm (Fig. B.14 et B.15), ainsi que les spectres isolés des sondages sg2, sg3, sg4, sg7 et sg8 (Fig. B.6 et B.7) sont également attribués à la biozone du Subatlantique récent (X). Les déclins de Fagus et d'Alnus associés à l'ascension de Juglans, de Castanea, de Pinus sont caractéristiques de cette époque dans le bassin Lémanique (Rachoud-Schneider, 1999). Les fortes valeurs de Humulus/Cannabis T., de Cerealia T. et/ou de Secale ne sont pas antérieures à cette période. Elles sont généralement rapportées à la période du Bas Moyen Age (Ammann & Lotter, 1989; van der Knaap et al., 2000). L'échantillon sg2 à 82 cm est corrélé de manière plus précise, principalement grâce à ses taux de Pediastrum et à l'occurrence des Oleaceae indet., à la partie supérieure du sondage sg1, entre 16.5 et 5.5 cm. Il n'est donc vraisemblablement pas antérieur à 1950 AD. Ceci sous-entend un taux de sédimentation moyen minimum d'environ 1.8 cm/an, c'est-à-dire d'au moins 7 fois supérieur à celui établi pour la carotte sg1 (2.4 mm/an). Comme sg2 est située à proximité de l'embouchure de la Versoix et qu'elle fait partie intégrante de son delta, cette valeur semble crédible.


4.4 Synthèse des datations et discussion

      Les résultats des datations par 137Cs, par 14C AMS et palynologiques ont permis d'identifier l'âge des sédiments en provenance des sondages de la zone des Hauts-Monts (Fig. 4.2). Seuls les sondages sg12 et sg13, aux pollens très rares et corrodés, n'ont pas pu être déterminés.

      

Fig. 4.2 : Compilation des datations 137Cs, 14C AMS et palynologiques des carottes de la zone des Hauts-Monts. Les points d'interrogations représentent les incertitudes de datation palynologique et dans le cas de sg6, l'absence d'échantillon intermédiaire.

      - le Tardiglaciaire :

      L'assemblage pollinique du bas de la carotte sg5 est attribué au Tardiglaciaire et ressemble au spectre palynologique du Bølling. Le sédiment ne contient malheureusement pas le fort pic de susceptibilité (Wessels, 1998) typique du niveau LST («Laacher See Tephra»), daté à 11'000±50 ans 14C BP (Bogaard & Schmincke, 1985). La présence de cette couche nous aurait permis de dater plus précisément le sondage sg5. Toutefois, les rythmites diffuses et jaunâtres de la partie inférieure de sg5 (cf. Chap. 3.6.1 et 3.6.3) ressemblent à celles du lac de Zürich dont la fin est datée autour de 12'400 ans 14C BP, c'est-à-dire de la première moitié du Bølling (Niessen et al., 1992; Wessels, 1998). En partant du principe qu'il existe une relative synchronicité entre ces lithologies, nous attribuons le bas de la carotte sg5 au début du Bølling.

      Selon la palynologie, le sondage sg11 correspond vraisemblablement à l'Allerød et avec certitude à la période «Allerød-Dryas récent-Préboréal». Il n'a pas été possible d'améliorer cette datation à partir de la description lithologique des séquences de la rade de Genève (Moscariello, 1996) car la lithologie macroscopique des sédiments de ces trois biozones est similaire. La carotte sg11 ne contient pas de lamines ou de rythmites diffuses, mais son sédiment, gris-vert tirant légèrement sur le jaune, rappelle la teinte des dépôts de loess. Il se peut que d'anciens dépôts terrestres de loess aient été emmenés dans le bassin lacustre et mélangé par décantation aux sédiments lacustres autochtones.

      - l'Holocène :

      Le sondage sg9 est situé dans la biozone du Boréal. La teinte brun-olive et brun-olive clair du sédiment, ainsi que les passées brunâtres, indiquent que des apports terrestres ont été mélangés aux sédiments lacustres (cf. Chap. 3.3.7). De telles intercalations de débris terrestres ont également été observées par Moscariello (1996) dans les sédiments d'âge Boréal de la rade de Genève. Cet auteur les a interprétés comme du matériel terrestre littoral resédimenté dans le bassin sous forme d'une turbidite. Il a aussi proposé une remobilisation du sédiment due à une petite fluctuation du niveau du lac, dans la suite des phases successives d'abaissement entamées au Tardiglaciaire et au début de l'Holocène (Favre, 1935; Gabus et al., 1987). Vu la granulométrie très fine des sédiments de sg9, nous penchons plutôt vers cette deuxième hypothèse. L'augmentation du ruissellement dans le bassin versant, suivie d'une décantation lacustre est aussi vraisemblable. Les débris de coquilles de la carotte sg9 confirment que le climat Boréal a permis la production de calcite autochtone en grande quantité.

      Le bas de la carotte sg6 représente le passage de l'Atlantique récent au Subboréal. Ce sondage, d'une lithologie à caractère sableux, est situé sur le flanc des Hauts-Monts et est exposé aux événements de haute énergie (Chap. 3.4.1). Il s'agit donc d'une accumulation de dépôts de pente plutôt que d'une séquence régulière et continue dans le temps. Son utilisation pour une interprétation générale de la sédimentologie bassin n'est pas recommandée.

      La séquence sédimentaire de la carotte sg10 est la plus étendue dans le temps (Subboréal-Subatlantique récent). Comme pour sg6, l'exposition du site aux événements de haute énergie et le caractère sableux du sondage (Chap. 3.4.1) suggèrent que la séquence n'est pas continue dans le temps. On remarque que les sédiments du Subatlantique ancien et du Subboréal sont plus clairs (plus de calcite autochtone ?), moins sableux et plus laminés que ceux du Subatlantique récent : il s'agit certainement d'une diminution des événements de haute énergie à cet endroit et d'une augmentation des processus de décantation. Ces dépôts sont peut-être témoins des niveaux lacustres +3 m de l'époque romaine (0-100 AD) et du Bronze moyen-Hallstatt (1500-500 ans av. JC) (Corboud, 2001; Gallay & Kaenel, 1981), mais en l'absence de datation plus précise, il est impossible de vérifier cette hypothèse.

      La plupart des carottes (sg1, sg14, sg4, sg3, sg2, sg7, sg8) appartiennent à la biozone du Subatlantique récent. La séquence palynologique du sondage sg1, unique dans le bassin Lémanique, montre en détail la variation du couvert végétal du Bas Moyen Age à nos jours. La pression anthropique sur la végétation est présente dès le bas de la carotte et s'intensifie vers le haut (de 5.5 m à 1.6-1.5 m de profondeur) avec l'ouverture du paysage, l'augmentation des cultures de céréales, de seigle et de chanvre ainsi que des chênaies-charmaies exploitées par l'homme. Les surfaces cultivées pâturées, ainsi que la plantation de noyers et châtaigniers augmentent de 1.4 m à 0.5 m, alors que le nombre de sapins diminue. Le sommet de la carotte (0-20 cm) est marqué par les nombreuses influences anthropiques du 20ème siècle : le reboisement des résineux, la plantation d'arbre exotiques, l'apparition de la mauvaise herbe Ambrosia (profondeur 13.5 cm) aux environs de 1950 AD et de l'algue Pediastrum suite à l'eutrophisation du lac. Cette datation palynologique à l'aide d'Ambrosia est en accord avec la datation 137Cs du sommet de sg1, puisque l'année 1950 a été située vers 11 cm de profondeur (cf. 4.2.1). De même, le pic de l'algue Pediastrum indique certainement l'eutrophisation maximum du lac Léman durant les années 1975-1980 (Blanc et al., 1996). L'enregistrement de cette forte valeur de Pediastrum à 5.5 cm de profondeur est en accord 41  avec le taux de sédimentation minimum de 2.4 mm/an que nous avons établi pour la deuxième moitié du 20ème siècle (cf. 4.2.1).

      En conséquence, des processus de haute énergie (cf. Chap. 3), des sédiments anciens affleurent sous quelques cm de sédiments dans la baie de Corsier (sg9, sg11), autour des Hauts-Monts (sg6) et au fond du bassin central (sg5). Ces carottes, à l'exception de sg5, sont drapées à leur sommet par des sédiments récents (19ème-20ème siècles) issus d'événements de tempêtes. Il est vraisemblable que cette fine pellicule sédimentaire de haute énergie soit remaniée régulièrement au gré des tempêtes de vent (Bise et Vent), comme de précédentes études sur les sédiments côtiers l'ont démontré (Girardclos, 1993). Il s'agirait donc de dépôts provisoires, qui transitent le long des côtes du Petit-Lac pour finir dans la rade de Genève. Dans ces zones de haute énergie, les analyses chronostratigraphiques du taux de sédimentation actuel ne donnent pas le véritable bilan sédimentaire du site mais seulement une image ponctuelle de la sédimentation.


4.5 Corrélation avec la sismo-stratigraphie

      A partir des datations effectuées sur le sédiment des carottes (cf. Chap. 4.4 et Fig. 4.2), il est possible de déterminer l'âge de plusieurs unités sismiques 42  (Fig. 4.3).

      Il s'agit de l'unité D (réflecteurs 'fond' à 8), comprise dans la biozone du Subatlantique récent (X), du réflecteur 15 (fin de l'unité C) situé dans la biozone de l'Allerød, et du réflecteur 17 (début de l'unité B) qui appartient au début du Bølling.

      Le long profil échosondeur ed2 (cf. Chap. 2, Fig. 2.14) a permis d'améliorer cette chronologie grâce au pointage des réflecteurs sismiques communs à la zone des Hauts-Monts et à la zone de la Promenthouse (Fig. 4.3, ci-contre).

      La datation palynologique du réflecteur B1 (Baster, en préparation), permet de rattacher le réflecteur R16 (limite entre les unités B et C) à la biozone du Bølling et de placer le réflecteur R19 (fin de l'unité B) dans la biozone du Dryas ancien.

      Le réflecteur R20 (limite entre les unités A et B) correspond vraisemblablement au réflecteur B5 (Baster, en préparation) qui marque la fin du stade de Nyon. Quand au réflecteur R21, il est situé sous le réflecteur B6 puisqu'il marque le sommet du stade Coppet.

      

Fig. 4.3 : Comparaison entre les réflecteurs sismiques de la zone des Hauts-Monts et de la Promenthouse (Baster, en prép.) aux emplacements des carottes sg1 et bi18. Les réflecteurs indiqués par des flèches sont communs aux deux zones.

      Grâce à la stratigraphie sismique (cf. Chap. 3, Fig. 3.25), on peut montrer que l'âge du morceau de bois de sg14 est certainement antérieur de plusieurs centaines d'années au dépôt sédimentaire. En effet, le bas de la carotte sg14, est situé à la hauteur du réflecteur 6 (= environ milieu du Subatlantique récent) et la date de 1'045±50 ans 14C BP correspond à la fin du Subatlantique récent.

      Comme nous n'avons pas sondé les sédiments de l'unité C (réflecteurs 9 à 14) et ni ceux de l'unité A (r. 20 à r. 23), nous ne disposons pas de datation pour ces séquences. L'âge palynologique des réflecteurs 9-14 de l'unité C peut être supposé à partir des données acquises par de précédents auteurs (Burrus, 1980; Châteauneuf & Fauconnier, 1977; Lüdi, 1939; Moscariello, 1996; Reynaud, 1981b). En effet, onze carottes proches de la zone des Hauts-Monts ont été étudiées de 1939 à 1996. La synthèse et la ré-interprétation des anciennes données palynologiques du Léman par Gaillard et al. (1981) nous a permis de rassembler ces sondages en fonction de leur âge palynologique, de leur épaisseur et de leur position géographique (Fig. 4.4). Puisque l'emplacement de ces sondages est très approximatif (erreur > 100 m), il ne nous a pas été possible de projeter directement les niveaux palynologiques sur les réflecteurs sismiques. Cette information a tout de même été très utile pour définir les proportions relatives de chaque biozone, à l'intérieur même d'une séquence, et au sein des différentes parties du bassin. Ainsi, par essais et éliminations successives, les biozones de l'unité C 43  ont été définies dans le respect des connaissances palynologiques préalables (Fig. 4.5).

      - Estimation de l'âge de l'unité A :

      L'unité sismique A, également non datée, correspond à la phase de déglaciation (cf. Chap. 2.3.1), il est donc possible de définir une chronologie relative basée sur les repères sismo-géologiques des stades de retrait glaciaires du Petit-Lac (stades de Coppet et de Nyon). Nous avons situé les réflecteurs 20-23 et les stades correspondant entre 18'000 et 16'000 ans 14C BP (Fig. 4.5).

      Il s'agit d'une estimation très approximative, qui se rapporte aux rares datations que nous avons à disposition pour cette époque. En utilisant l'âge minimum de 18'940±210 ans 14C BP pour la présence du glacier en retrait dans la rade de Genève (Moscariello, 1996), il est possible d'affirmer que le stade de Coppet ne peut être situé qu'après cette date.

      A l'opposé, la limite temporelle inférieure correspond au moment de la complète déglaciation du lac Léman, lorsque le front du glacier a déjà atteint la vallée du Rhône. Malheureusement, il n'existe pas de date irréfutable pour de cette période. Freymond (1971) a établi la présence d'un lac à l'altitude 380-390 m dans la vallée du Rhône, attestée par des dépôts lacustres trouvés en aval de Saint-Maurice jusqu'à cette altitude, mais ces sédiments n'ont pas été datés. Plusieurs sondages de la vallée du Rhône ont révélé un niveau de limons tourbeux à 20-30 m de profondeur sous la surface actuelle, en amont de Saint-Maurice (Riddes, 10'390±190 ans 14C BP et La Grande Brèche, 10'150 ±170 ans 14C BP) et en aval (Monthey, 10'250±140 ans 14C BP), mais ces âges, correspondant au Dryas récent, sont trop récents pour nous apporter des éléments décisifs à la question de la déglaciation du Léman (Finger & Weidmann, 1987).

      L'existence de la molaire (14'000±300 ans 14C BP )(Delibrias et al., 1969) et de l'os de mammouth (13'967±937 ans 14C BP)(Blavoux, 1988) dans les terrasses de kame de Thonon implique un âge plus récent de la présence du glacier dans le Grand-Lac. Ces datations sont en contradiction avec la chronologie que nous proposons. Mais l'absence de relevés précis de la position in-situ des échantillons, ainsi que leurs modes de préparation et d'analyse, limitent la validité de ces datations (Schoeneich, 1998).

      Par contre, la datation de la terrasse de 30 m sur le site de l'EPFL (Lausanne) et dans des sédiments lacustres ou palustres donne un âge de 13'210±180 ans 14C BP (Gabus et al., 1987). Elle confirme la datation de cette terrasse lacustre sur le site d'Allamand 13'090±160 ans 14C BP (Arn, 1984) et indique donc l'âge minimum du lac post-glaciaire.

      D'autres arguments défendent notre proposition selon laquelle le lac Léman était déjà libre de glace avant 14'500 ans 14C BP. En effet, le profil paléomagnétique des sédiments du lac inférieur de Constance débute avec l'oscillation P de déclinaison ouest, vers 14'600 ans 14C BP (Niessen et al., 1992) et celui du lac supérieur de Constance commence vers 14'200 ans 14C BP (Wessels, 1995). De plus, un morceau de bois du forage 'Zübo' a permis de montrer que le lac de Zürich était déjà libre de glace vers 14'600 ans 14C BP (Lister, 1988).

      Les marges glaciaires des étapes de la déglaciation du glacier du Rhin, définies et cartographiées par plusieurs auteurs (de Graaff & de Jong, 1995; Keller & Krayss, 1980; Keller & Krayss, 1993), permettent de situer le LGM (Schaffhouse/Feuerthalen) entre 20'000 et 18'000 ans 14C BP, et les deux stades de retrait (Stein-am-Rhein et Konstanz) entre 18'000 et 15'000 ans 14C BP. Cette chronologie est similaire à celle que nous proposons pour le lac Léman.

      La chronologie des stades glaciaires des Alpes orientales ne permet pas d'éclairer notre débat puisqu'ils semblent être plus jeunes que ceux du Petit-lac : les stades de Gschnitz et de Steinach ont été estimé à 14'000 ans BP 44  et 16'000 ans BP 45  respectivement (van Husen, 1997).

      

Fig. 4.4 : Situation géographique et âges palynologiques des sondages du Petit-Lac selon différents auteurs. Les cercles clairs indiquent la position des carottes de ce travail.

(Burrus, 1980; Châteauneuf & Fauconnier, 1977; Lüdi, 1939; Moscariello, 1996; Reynaud, 1981b)

      

Fig. 4.5 : Proposition de chronologie des unités et des réflecteurs sismiques de la zone des Hauts-Monts, à partir des datations effectives et de la compilation de données palynologiques antérieures.

      Par ailleurs, de nombreuses preuves du réchauffement du climat en Europe à partir de 15'000 ans 14C BP (Walker, 1995) renforcent notre hypothèse sur la déglaciation du Petit-Lac. Dans les Pyrénées et dans le Massif Central, l'apparition d'Artemisia et d'autres plantes steppiques a été datée autour de 15'000 ans 14C BP (Beaulieu de, 1982; Beaulieu de et al., 1982; Jalut et al., 1992; Reille & Lowe, 1993). Dans les Pyrénées, la phase de déglaciation définitive a débuté à partir de 26'000-24'000 ans 14C BP et au sud de Toulouse, des loess se sont déposés dès 24'000 ans 14C BP (Andrieu et al., 1988). En Grande-Bretagne, la colonisation par les plantes et les coléoptères a commencé autour de 14'500 ans 14C BP (Shotton & Williams, 1971; Atkinson et al., 1987).

      La comparaison avec l'enregistrement du réchauffement climatique en milieu marin est plus délicate car les glaces du Groenland, du point de vue isotopique (Dansgaard et al., 1989), selon les taux d'accumulation de la neige (Alley et al., 1993), ainsi que d'après les concentrations en poussières (Taylor et al., 1993), ne démontrent un fort et rapide réchauffement qu'à partir de 13'000 ans 14C BP. D'ailleurs, Walker et al. (1999) ont daté le début de l'interstade du Groenland GI-1 vers 14'700 ans BP (début du Bølling). Ce réchauffement a été précédé de l'événement de Heinrich H-1 (Broecker, 1994; Broecker et al., 1992), lorsque d'importants volumes d'icebergs et d'eau de fonte ont été relâchés par la calotte glaciaire arctique («Laurentide ice sheet») dans l'océan Atlantique Nord, formant des accumulations de débris («Ice Rafted Debris» ou IRD). Cet événement est situé entre 14'560±105 ans 14C BP et 13'185±190 ans 14C BP pour Andrews & Tedesco (1992) et entre 14'590±230 ans 14C BP et 13'490±220 ans 14C BP pour Bond et al.(1992). Parmi les nombreux auteurs qui ont essayé d'expliquer ce phénomène, Bond et al. (1993) décrivent les événements de Heinrich comme la culmination de cycles froids, suivis de transitions rapides vers un climat plus chaud. Plus récemment Blanchon & Shaw (1995) ont suggéré que l'écroulement de H-1 a été déclenché par le déversement de grands volumes d'eau de fonte glaciaire.

      Ainsi, même si on observe plusieurs étapes de 'réchauffement' dans les sous-stades glaciaires du GRIP (Walker et al., 1999), il n'est pas encore possible de pleinement comprendre l'interaction entre l'enregistrement du climat par la glace arctique et par le continent européen.

      En conclusion, l'état des connaissances actuelles sur le Léman et son bassin versant, ainsi que sur les changements climatiques globaux autorisent notre hypothèse d'un âge de 18'000 à 16'000 ans 14C BP pour les stades de déglaciation du Petit-Lac, mais ne permettent toutefois pas de le confirmer avec certitude.


4.6 Conclusions

      (Q1) Les séquences sédimentaires que nous avons carottées appartiennent aux biozones palynologiques du Tardiglaciaire et de l'Holocène :

      L'analyse palynologique de la partie inférieure 46  de sg5 et la comparaison avec les dépôts similaires d'autres lacs suisses a permis de la situer au début du Bølling (Ibc), lorsque la végétation est en phase de reforestation. Le bas de sg11 est daté de la seconde partie de l'Allerød (II) avec un spectre pollinique représentant un environnement de forêts de pins et de bouleaux.

      Les sédiments lacustres 47  de la carotte sg9, appartiennent à la biozone du Boréal (V), caractérisée par l'expansion de la forêt de feuillus et le rôle important du noisetier. Ces dépôts sont similaires à ceux décrits par Moscariello (1996) dans la rade de Genève ; ils semblent indiquer que le niveau du lac a baissé et/ou que le ruissellement dans le bassin versant a augmenté.

      Le sondage sg6 est situé sur la pente des Hauts-Monts et représente une accumulation de dépôts de haute énergie dont le bas est daté autour du passage de l'Atlantique récent au Subboréal (environ 5'000 ans 14C BP).

      Sg10 couvre la période du Subboréal au Subatlantique récent. L'exposition du site aux événements de haute énergie suggère que la séquence n'est pas continue dans le temps. Les variations lithologiques du sédiment indiquent que les niveaux du Subboréal et du Subatlantique ancien sont issus de milieux de dépôt plus tranquilles que celui du Subatlantique récent. Ces couches sont peut-être les témoins des niveaux lacustres +3 m de l'époque romaine et du Bronze moyen-Hallstat (Corboud, 2001; Gallay & Kaenel, 1981).

      La plupart des sédiments sondés 48  se sont déposés durant le Subatlantique récent (X). La carotte sg1 montre une variation du couvert végétal du Bas Moyen Age à nos jours unique dans le bassin Lémanique. La pression et l'influence anthropique, présentes dès le bas de la carotte, s'intensifient vers le haut. Les derniers 20 cm de sg1 appartiennent au 20ème siècle et les témoins polliniques (arbres exotiques, Ambrosia, Pediastrum) sont en accord avec le taux de sédimentation moyen minimum de 2.44 mm/an obtenu par l'analyse de l'activité du 137Cs.

      Les carottes de la baie de Corsier (sg9, sg10, sg11 et sg13), ainsi que sg6, sont drapées par des sédiments récents (19ème - 20ème siècles) issus d'événements de tempêtes. Ces fines pellicules sédimentaires semblent être des dépôts provisoires, de haute énergie, remaniés régulièrement au gré des tempêtes de vent (Girardclos, 1993).

      (Q2) Comme les dépôts que nous avons carottés ne représentent qu'une partie du remplissage sédimentaire, seuls les réflecteurs 5, 6, 7, 8, 15 et 17 ont pu être datés grâce à nos sondages.

      L'intersection de nos analyses sismo-stratigraphiques avec celles de Baster (en prép.) a permis de rattacher le réflecteur 16 à la biozone du Bølling, et le réflecteur 19 à celle du Dryas ancien.

      L'âge de réflecteurs 9 à 14 a été supposé à partir de la compilation des données palynologiques du Petit-Lac (cf. Fig. 4.4 et 4.5).

      La phase de déglaciation (unité A) est définie selon les repères sismo-géologiques des stades de retrait glaciaire du Petit-Lac (Coppet et Nyon). L'état actuel des connaissances pour cette période des changements climatiques regionaux et globaux autorise un âge de 18'000 à 16'000 ans 14C BP mais ne permet pas de le confirmer.


5. Structure en 3D et histoire du remplissage sédimentaire


5.1 Introduction

      L'analyse en 2 dimensions de la sismo-stratigraphie des profils échosondeur a permis de caractériser 22 réflecteurs et 4 unités sismiques dans la zone des Hauts-Monts (Chap. 2). Ce remplissage sédimentaire s'est mis en place depuis l'époque du retrait du glaciaire jusqu'à nos jours (Chap. 2 et 4) et reflète l'influence de processus glacio-lacustres et lacustres variés (Chap. 2 et 3). Ce cinquième chapitre aborde la structure tridimensionnelle des corps sédimentaires, guidé par deux questions principales :

Q1 : Quelle est la géométrie du sommet (isohypses) et de l'épaisseur (isopaques) des séquences sédimentaires ? Comment interpréter ces informations ?

Q2 : Quel est le volume de sédiments déposé de la déglaciation à nos jours dans la zone des Hauts-Monts ? Comment varie le taux de sédimentation moyen au cours du temps ?


5.1.1 Conversion des coordonnées x, y, z en cartes de profondeurs (isohypses)

      Les coordonnées x, y, z (position géographique et profondeur en temps double) exportées depuis le logiciel Seisvision 49  en un fichier digital de format ASCII ('.txt'), ont été converties en profondeurs (m) selon un modèle de vitesses subdivisé en trois niveaux :

Vitesse du son dans l'eau : 1430 m/s

Vitesse du son dans les sédiments superficiels (réflecteurs 'fond' à 14) : 1490 m/s

Vitesse du son dans les sédiments profonds (réflecteurs 15 à 23) : 1700 m/s

      Pour le détail des calculs liés à ces vitesses, se reporter à l'Annexe A.4.1.

      Ces données ont ensuite été transformées en surfaces sur une grille de 91 lignes x 111 colonnes avec le logiciel Surfer 50 . La limite de résolution du pixel est de 49.5 m de côté. L'interpolation des données (création de la grille) a été réalisée à l'aide d'une fonction «Radial Basis» respectant les valeurs d'origine.


5.1.2 Calcul des cartes d'épaisseurs (isopaques) et des volumes de sédiment

      La réalisation des cartes d'isopaques pour les couches situées entre chaque réflecteur sismique a été rendue complexe par l'irrégularité de la structure sédimentaire de la zone des Hauts-Monts (cf. Chap. 2). En effet, lorsque la géométrie est plane, il est possible de simplement soustraire les profondeurs pour connaître l'épaisseur des niveaux sédimentaires. C'est le cas pour une partie des réflecteurs sismiques de notre étude : 3, 4, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23. Pour les autres réflecteurs (réfl. 5 à 14), il a fallu créer des grilles composites pour délimiter la base des couches sismiques.

      La figure 5.1 montre une géométrie imaginaire du genre des structures en 'downlap' rencontrées dans la zone des Hauts-Monts : l'épaisseur de la première couche sismique (limitée à son sommet par le réflecteur 1) doit être calculée en 3 étapes intermédiaires (= 'grilles partielles') : la zone A (soustraction du réfl. 1 et du réfl. 2), la zone B (soustraction du r.1 et du r.3) et la zone C (soustraction du r.1 et du r.4). L'addition de ces 'grilles partielles' produit la 'grille composite' (= base de la couche 1) nécessaire au calcul de son épaisseur.

      Les volumes entre deux niveaux sédimentaires ont été calculés avec le logiciel Surfer à partir des grilles isohypses.

      Pour le détail des séquences de transformation des données sismiques en cartes isohypses et en cartes isopaques, voir les Annexes A.4.2. et A.4.3.

      

Fig. 5.1 : Schéma de la géométrie complexe de quatre réflecteurs sismiques imaginaires.


5.1.3 Représentation des volumes sédimentaires en 3D

      Les grilles générées par Surfer ont été intersectées par Raphaël Mayoraz avec le logiciel graphique EarthVision 51  pour interpoler un modèle en trois dimensions. Ce logiciel permet de représenter la géométrie de structures géologiques complexes en 3D (Mayoraz, 1993a; Mayoraz, 1993b).

      Comme nous n'avons pas détecté la géométrie profonde de la roche encaissante du bassin, il a fallu définir une limite inférieure plane pour le modèle 3D qui n'a pas de réalité géologique.


5.2 Bathymétrie de la zone des Hauts-Monts

      Grâce aux coordonnées x, y, z de la surface des sédiments, une nouvelle bathymétrie du bassin actuel de la zone des Hauts-Monts a pu être établie (Fig. 5.2 a.). Nous avons extrait ces informations de nos données échosondeur, et pour la zone des beines (0-12 m de profondeur) nous avons ajouté des points supplémentaires en provenance du relevé bathymétrique 52  des rives genevoises de Lehmann (1997).

      La carte bathymétrique montre des contours réguliers, avec des valeurs de 0-75 m de profondeur. Le bassin est départagé entre deux zones relativement planes de 0 à 10 m et de 45 à 75 m. Elles sont reliées par de fortes pentes entre 10 et 45 m de profondeur. La morphologie du promontoire immergé des Hauts-Monts apparaît avec plus de détails et quelques différences par rapport à la carte bathymétrique au 1/25'000ème de l'Office Fédéral de Topographie (Fig. 5.2 b.) : l'axe qui relie la colline immergée avec la côte n'est pas orienté nord-est/sud-ouest comme sur la carte officielle, mais nord/sud. Quelques artefacts, dus à la méthode d'interpolation que nous avons utilisée et à la forte pente apparaissent le long de la beine au nord-ouest de la zone étudiée. Il s'agit d'ondulations, parallèles à la pente, qui n'ont pas de réalité physique (Fig. 5.2 a.). Le modelé de ces artefacts est encore plus visible lorsqu'on représente la carte bathymétrique en 3 dimensions (Fig. 5.3 a. et b.).

      

Fig. 5.2 : Comparaison de la carte des isohypses du fond du lac (a.) avec les contours bathymétriques issus de la carte topographique au 1/25'000ème de l'Office Fédéral de Topographie (b.).

      

Fig. 5.3 : Vue en 3D du bassin actuel de la zone des Hauts-Monts depuis le sud-ouest (a.) et depuis le nord-est (b.). Ecartement des lignes bathymétriques 0.5 m. Exagération verticale 15x.


5.3 Cartes des isohypses et des isopaques de l'unité sismique A

      - Avertissement pour la lecture des cartes d'isohypses :

      Les structures de remaniements gravitaires sont en général postérieures à la sédimentation des dépôts perturbés. Les «traces de remaniement gravitaire» indiquées sur les cartes d'isohypses n'indiquent donc pas l'occurrence du processus lui-même, mais les traces de la perturbation que la lithologie originelle a subi au niveau sédimentaire concerné. La chronologie des principaux remaniements gravitaires a été abordée au chapitre 2.3.5 et décrite à la figure 2.18.

      Des 'effets de bord' autour du promontoire des Hauts-Monts et le long de la côte peuvent être induits par l'interpolation et l'imprécision de profondeur que sous-entend le pointage des réflecteurs sismiques sur une grande pente. Dans ces zones, il faut donc faire attention à ne pas interpréter des artefacts dus à l'interpolation.

      Les pourtours extérieurs des surfaces bathymétriques sont en général limités par les pentes du bassin et du promontoire des Hauts-Monts. Lorsque d'autres causes limitent l'extension du réflecteur (zone sourde, limite tronquée ou en 'downlap' et en 'onlap', remaniements gravitaires) elles sont indiquées sur la carte.

      Les directions principales des apports sédimentaires sont marquées par des flèches.


5.3.1 Réflecteur 23

      Le réflecteur 23 est la surface la plus profonde que nous avons pu pointer sur les profils échosondeur. Son extension géographique réduite, due à une importante 'zone sourde', est dans ce cas la conséquence des limites de détection de notre matériel échosondeur. Le point le plus profond du réflecteur 23 se situe à environ 100 m sous la surface du niveau actuel du lac (environ 25 m sous la surface du sédiment). Sur les profils sismiques en 2D (cf. Chap. 2), des réflecteurs chaotiques, dont les emplacements sont reportés sur la carte (Fig. 5.4), montrent des slumps ou des glissements le long des Hauts-Monts.

      Au nord de la zone, une structure en dôme allongé suit la direction de l'actuelle 'vallée' formée par la côte ouest et la péninsule des Hauts-Monts. Cette morphologie est probablement héritée de formations géologiques antérieures et sous-jacentes.

      Comme le réflecteur 23 représente la base sédimentaire de nos observations, nous n'avons pas de carte isopaque pour ce réflecteur sismique.


5.3.2 Réflecteur 22

      La carte bathymétrique (Fig. 5.5 a.) montre que le réflecteur 22 est présent de -37 m à -97 m de profondeur. La surface du réflecteur s'élève dans la baie de Corsier avec une pente constante. Au nord-ouest de la zone, les traces d'un slump apparaissent sur les profils 2D. Sur la carte des isopaques, on observe aussi cette structure sous la forme d'une surépaisseur en bas de pente (Fig. 5.5 b.). Les isohypses suivent l'actuelle morphologie bathymétrique du bassin, sauf pour la structure en dôme allongé déjà mentionnée au point précédent (cf. Chap. 5.3.1).

      La carte des isopaques est lacunaire en raison de la petite surface du réflecteur sous-jacent (cf. Fig. 5.4). Les grandes tendances apparaissent tout de même : au sud, les épaisseurs varient de 4 à 5.5 m et au nord, de 5.5 m à 7m. Les valeurs augmentent également vers la côte ouest du bassin.

      Ces informations peuvent être interprétées de la façon suivante : la source de sédiment est située au nord, mais des apports côtiers ultérieurs 53  (slumps) ont épaissi la séquence sédimentaire vers l'ouest. A l'est de la zone, le dôme sédimentaire circulaire, dont les valeurs sont 1.5 m supérieures à la moyenne environnante, est inexpliqué. Il peut s'agir d'un 'paquet' de sédiments déposé brusquement

      suite à la fonte d'un iceberg ou d'une structure formée par des courants profonds de type 'underflows'. Ces hypothèses sont discutées au point suivant (cf. Chap. 5.3.3).


5.3.3 Réflecteur 21

      La carte des isohypses du réflecteur 21 (Fig. 5.6 a.) est très similaire à celle du réflecteur 22 (Fig. 5.5 a.). Sur les profils sismiques on observe un slump au nord-ouest et des remaniements gravitaires autour des Hauts-Monts postérieurs au moment de dépôt. La carte bathymétrique montre une rupture de pente en bas de talus avec une morphologie similaire à l'actuelle (cf. Fig. 5.2). A l'époque du réflecteur 21, cette limite était toutefois 200 m plus à l'est qu'aujourd'hui, et environ 25 m plus bas en altitude.

      En moyenne, le sédiment mesure 4 à 5.5 m d'épaisseur au sud et 5.5 à 7 m au nord. L'apport sédimentaire général semble venir du nord. La carte des épaisseurs montre que la sédimentation tend à remplir lentement les 'vallons' bordant la structure en dôme du nord-ouest. D'étranges monticules en 'paquets', comme celui décrit au point précédent (cf. Chap. 5.3.2), sont présents au nord. Ils ont pu être créés par différents processus : la fonte d'icebergs chargés de sédiments ou une érosion due à des courants profonds s'écoulant de part et d'autre des Hauts-Monts vers de le sud. Comme le dôme situé à l'est est au même emplacement que celui du réflecteur 22, nous privilégions l'hypothèse de l'action de courants profonds, probablement dus aux dépôts d' 'underflows' en provenance de la base du glacier.

      

Fig. 5.4 : Cartes des isohypses du réflecteur 23.

      

Fig. 5.5 : Cartes des isohypses du réflecteur 22 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 22 et 23 (b.).

      

Fig. 5.6 : Cartes des isohypses du réflecteur 21 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 21 et 22 (b.).


5.3.4 Réflecteur 20

      La zone sourde de la carte bathymétrique du réflecteur 20 est importante (Fig. 5.7 a.). Les mêmes observations générales que pour la carte bathymétrique du réflecteur 21 s'appliquent (cf. Chap. 5.3.3).

      La carte des épaisseurs (Fig. 5.7 b.) a des contours plus réguliers que les cartes des réflecteurs précédents. Les épaisseurs moyennes varient de 2 à 4 m avec un gradient positif en direction du nord-est, ce qui semble indiquer que la source de sédiment est toujours située à l'amont du bassin, comme pour les autres séquences de l'unité A (cf. Chap. 5.3.1, 5.3.2 et 5.3.3). Le slump, observé au nord-ouest de la zone sur les profils sismiques 2D, apparaît sur la carte d'isopaques avec 1 à 1.5 m d'épaisseur supplémentaire en bas de pente.


5.4 Cartes des isohypses et des isopaques de l'unité sismique B


5.4.1 Réflecteur 19

      La zone sourde de la carte bathymétrique du réflecteur 19 diminue (Fig. 5.8 a.). La structure générale des courbes isohypses reste similaire aux précédentes, mais le dôme allongé et ses 'vallons' adjacents commencent à se résorber par le remplissage sédimentaire. On observe de nombreux réflecteurs perturbés (remaniements gravitaires) le long des pentes des Hauts-Monts et une importante structure de slump au nord-ouest. Ce slump mesure au minimum 1 km de large, mais il est probable qu'il se prolonge hors de la zone étudiée en direction du nord.

      Sur la carte des épaisseurs (Fig. 5.8 b.), on note une dépression à l'endroit de ce slump. Ceci est expliqué par le fait que le réflecteur 19 est situé à la base de ce glissement, et qu'une partie du sédiment correspondant à cette couche a probablement été arrachée lors du glissement lui-même. Cette 'érosion' apparente serait donc postérieure au moment de dépôt du sédiment.

      La tendance générale des gradients d'épaisseurs de la couche 19 est complètement différente de celle des cartes d'épaisseurs précédentes. En effet, les épaisseurs les plus importantes sont situées au sud (5.5 à 7 m) et vers le nord-est (5.5 à 6 m), pour des valeurs moyennes de 4 à 5 m au centre du bassin. Il existe donc une complète inversion dans l'importance des sources sédimentaires, qui sont en moyenne 1.2 à 1.4 fois plus fortes dans ces régions que dans le bassin central.

      Ces dépôts indiquent certainement l'apparition de nouvelles sources de sédiment. Il s'agit probablement des apports de rivières, telles qu'une «paléo-Versoix» et qu'une «paléo-Hermance». Cette constatation a d'importantes conséquences au niveau de l'interprétation paléoclimatique, elle signifie une augmentation du ruissellement dans le bassin versant. On peut en déduire qu'il était donc dégelé au moins pendant une partie de l'année.


5.4.2 Réflecteur 18

      La morphologie du réflecteur 18 ne montre plus que des traces de la structure en dôme allongé héritées des couches inférieures (Fig. 5.9 a.). Les courbes isohypses suivent une morphologie générale semblable à celle de la bathymétrie actuelle mais située 10 à 15 m (moyenne) en dessous de la surface du sédiment actuel.

      La carte des épaisseurs indique que la plus importante source de sédiment se trouve vers le site de l'embouchure actuelle de la Versoix (Fig. 5.9 b.). En effet les valeurs d'isopaques de la partie sud du bassin diminuent en s'éloignant de la côte : elles semblent former un cône autour de l'embouchure de cette rivière avec des épaisseurs de 1.6 à 2 fois supérieures à celles du bassin central. Ce dépôt est interprété comme étant le résultat d'une augmentation de l'activité d'une rivière «paléo-Versoix».

      La source de sédiment du nord-est, observée au point précédent (cf. Chap. 5.4.1), n'apparaît pas sur la carte des isopaques du réflecteur 18. Au contraire, c'est au nord-ouest que l'épaisseur sédimentaire est de 1 à 3 m supérieure à la moyenne du bassin. Ce dépôt est certainement attribuable à la structure de slump observée en coupe sur les profils sismiques.

      

Fig. 5.7 : Cartes des isohypses du réflecteur 20 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 20 et 21 (b.).

      

Fig. 5.8 : Cartes des isohypses du réflecteur 19 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 19 et 20 (b.).

      

Fig. 5.9 : Cartes des isohypses du réflecteur 18 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 18 et 19 (b.).


5.4.3 Réflecteur 17

      La géométrie générale des isohypses du réflecteur 17 (Fig. 5.10 a.) est identique à celle du réflecteur 18 (cf. Fig. 5.9 a.). L'étude des profils sismiques a montré de nombreux mini-slumps et glissements autour des Hauts-Monts dans presque toutes les directions.

      Sur les profils sismiques, le réflecteur 17 est tronqué à une profondeur actuelle de -57 à -51 m, le long de la face ouest de la péninsule des Hauts-Monts. La surface érodée mesure environ 33'300 m2. Elle est certainement le résultat de l'action de courants profonds, probablement postérieurs au moment de sédimentation.

      Comme pour la séquence sédimentaire précédente, de 0.5 à 1 m supplémentaires de sédiments sont situés autour de l'embouchure actuelle de la Versoix et au nord-ouest du bassin. Ces épaisseurs sont 1.5 à 2 fois supérieures aux valeurs moyennes du bassin central. Cette proportion des épaisseurs de sédiment, est similaire à celle du réflecteur 18 (cf. Chap. 5.4.2), et indique que le rapport entre les apports de la rivière et ceux du bassin central a été semblable pour ces deux périodes de temps.

      Une couronne de lobes sédimentaires, perpendiculaires à la pente, entoure le promontoire des Hauts-Monts. Ces reliefs résultent certainement de la re-déposition de sédiments situés préalablement au sommet des Hauts-Monts. Cet élément peut être interprété comme une augmentation de l'énergie du milieu, probablement due à l'abaissement du niveau de base d'action des vagues. Ceci implique que le niveau du lac a baissé et/ou que des événements tempêtueux de haute énergie ont eu lieu à cette époque.


5.4.4 Réflecteur 16

      Le réflecteur 16 est très continu et il couvre la presque totalité de la surface étudiée. Contrairement aux autres réflecteurs, il a pu être suivi sur le sommet des Hauts-Monts (Fig. 5.11 a.). Les courbes bathymétriques du réflecteur 16 suivent la morphologie actuelle du bassin. Leurs caractéristiques sont semblables à celles du réflecteur 17 (cf. Chap. 5.4.3).

      Comme le réflecteur 17, le réflecteur 16 est tronqué le long de la face ouest du relief des Hauts-Monts, à des profondeurs actuelles de -56 à -65 m. Cette surface érodée est arquée et s'étend sur 146'000 m2 en direction du sillon le plus profond du bassin. Nous attribuons cette morphologie à l'action de courants profonds postérieurs au moment de dépôt.

      La carte des épaisseurs montre une sédimentation relativement uniforme sur toute la région étudiée (Fig. 5.11 b.). La surépaisseur de sédiments au sud est attribuée, comme pour le réflecteur 17, à l'activité de la Versoix. On observe également l'influence de remaniements gravitaires sur la pente nord des Hauts-Monts, à l'est de la baie de Corsier et au nord-ouest sur la rive droite du lac.


5.5 Cartes des isohypses et des isopaques de l'unité sismique C


5.5.1 Réflecteur 15

      La carte des isohypses du réflecteur 15 est caractérisée par un très long périmètre érodé dans sa partie nord et nord-est (Fig. 5.12 a.). En conséquence ce réflecteur n'est observable que dans le cadran sud-ouest du bassin. Le réflecteur 15 est tronqué au nord par la structure de slump reconnaissable sur les cartes bathymétrique des réflecteurs 16, 17, 18 et 19 (Fig. 5.8 a. à 5.11 a.). On peut ainsi se demander si le pourtour érodé de ce réflecteur n'est pas le fruit de deux phénomènes différents : au nord la troncature de la couche serait due au déclenchement du slump 's5' observé sur les profils sismiques (cf. Chap. 2.3.5), à l'est elle serait la conséquence de l'influence érosive de courants profonds. Cette interprétation permet d'expliquer l'étrange forme en 'pointe' dans la zone nord du réflecteur qui n'offre pas d'autre signification que la rencontre entre ces deux processus sédimentaires différents. Si cette hypothèse est juste, l'extension géographique originelle du réflecteur 15 serait semblable à celle du réflecteur 14 (cf. Fig. 5.13 a.) et le sédiment érodé de la couche 15, estimé à 545'000 m2, se retrouverait dans l'intervalle sédimentaire suivant (couche 14). Cette interprétation de la carte des isopaques permet aussi de situer plus précisément l'âge du slump 's5' entre les réflecteurs 15 et 14 (cf. Fig. 2.18).

      Puisque les isopaques du réflecteur 15 ne couvrent qu'une petite surface, ils sont difficiles à déchiffrer. Toutefois, la sédimentation semble légèrement plus épaisse en direction du sud que dans la partie nord du bassin, et comme pour les réflecteurs 16 et 17 (cf. Chap. 5.4.3 et 5.4.4), cette morphologie est interprétée comme étant le résultat de l'influence d'une 'paléo-Versoix'.

      

Fig. 5.10 : Cartes des isohypses du réflecteur 17 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 17 et 18 (b.).

      

Fig. 5.11 : Cartes des isohypses du réflecteur 16 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 16 et 17 (b.).

      

Fig. 5.12 : Cartes des isohypses du réflecteur 15 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 15 et 16 (b.).


5.5.2 Réflecteur 14

      La carte du sommet de la couche 14 est continue sur l'ensemble de la zone étudiée et suit la morphologie actuelle du bassin. Sur les profils sismiques, on reconnaît de nombreux petits slumps ou glissements autour de la baie de Corsier et au sud des Hauts-Monts (Fig. 5.13 a.). Le réflecteur 14 forme le sommet de l'important slump au nord-ouest mentionné aux points précédents (cf. Chap. 5.4.1-5.4.4 et 5.5.1). Un second slump est situé 500 m au sud du premier. Ces glissements se sont probablement déclenchés entre les réflecteurs 15 et 14 (cf. Chap. 5.5.1).

      L'ensemble du versant ouest du bassin est occupé par la 'zone sourde'. Dans sa partie sud, elle dessine une avancée en forme de langue. Il est possible que ce soit l'image d'un panache de sédiment provenant de la Versoix : les sédiments allochtones peuvent contenir une importante quantité de matière organique. Ce sédiment riche en matière organique dégradée produit du méthane, qui - présent sous forme de bulles dans le sédiment - oblitère le signal sismique (cf. Chap. 2.3.4).

      La surface de non-déposition (838'300 m2) est bordée par 2 types de limites : au nord les sédiments finissent en 'downlap', alors qu'au sud ils sont tronqués. Cette dissymétrie autour de la zone de non-déposition représente probablement un gradient de vitesse des courants croissant en direction du sud : les courants empêchant la sédimentation au nord auraient créé une figure de 'downlap' qui serait l'image de l'action grandissante des courants en ce point plutôt que le manque d'apport sédimentaire. A l'inverse, la limite sud de la zone de non-déposition marque une érosion au sens stricte et peut-être postérieure au moment de sédimentation. Cette interprétation est confirmée par la similitude géométrique de contourites observées par sismique réflexion dans le lac Malawi (Johnson & Ng'ang'a, 1990; Scholz & Finney, 1994; Scholz & Rosendahl, 1990; Soreghan et al., 1999), la mer Méditerranée (Marani et al., 1993), la mer Baltique (Sviridov & Sivkov, 1992) et l'océan Atlantique (Faugères et al., 1993; Niemi et al., 2000).

      La carte des isopaques du réflecteur 14 est atypique : les épaisseurs les plus fortes sont au centre de la zone étudiée. Ainsi que nous l'avons déjà vu au point précédant (cf. Chap. 5.5.1), les sédiments formant originellement l'interface du réflecteur 15 ont été probablement emportés par le slump déclenché au temps du réflecteur 14. En conséquence, ils ont certainement été redistribués, à la fois dans la structure du slump elle-même, mais aussi sous la forme distale d'une homogénite à travers le lac. Ainsi, ces reliefs positifs représenteraient l'addition du relief neutre du réflecteur 14 avec les sédiments arrachés au réflecteur 15 lors de l'événement du slump 's5'.


5.5.3 Réflecteurs 13, 12 et 11

      Les réflecteurs 13 à 11, situés dans la partie sud du bassin, sont placés stratigraphiquement entre les réflecteurs 14 et 10,9. Ils forment une séquence d'une épaisseur totale de 0 à 3.75 m.

      Les réflecteurs 13 à 11 présentent de forts réflecteurs et des structures géométriques indépendantes les unes des autres ; c'est la raison pour laquelle chaque réflecteur a été pointé séparément. Deux éléments sont présents sur les trois cartes bathymétriques (Fig. 5.14 a., 5.15 a. et 5.16 a.). Il s'agit de la zone sourde, dont l'importance diminue avec le temps, et des remaniements gravitaires détectés sur les profils sismiques le long de la face ouest des Hauts-Monts. La diminution de la surface de la zone sourde en direction de la côte peut être mise en relation avec une diminution de la matière organique dans le sédiment (cf. Chap. 2.3.4). Sur les profils sismiques en 2D, on observe une limite tronquée pour le réflecteur 13, alors que les réflecteurs 11 et 12 finissent en 'downlap'.

      Comme le réflecteur suivant (réfl. 9) est également tronqué et qu'il ne recouvre pas la limite du réflecteur 13, il existe deux interprétations possibles pour expliquer la géométrie de ces séquences : le pouvoir érosif des courants a augmenté à deux reprises (à la fin du dépôt de la couche 13 et du dépôt de la couche 9), ou il s'agit d'un unique événement érosif à la fin du dépôt de la couche 9. Rien ne permet de départager ces deux hypothèses.

      L'épaisseur moyenne des couches 13 à 11 a varié au cours du temps : 0.5-1.5 m pour la couche 13, 0.5-1.25 m pour la couche 12 et 0.5-1 m pour la couche 11 (Fig. 5.14 b., 5.15 b. et 5.16 b.). Nous avons placé des points d'interrogation au nord du bassin, car il semble peu crédible que lors du dépôt des couches 13 à 11 la sédimentation aie été nulle à cet endroit . Comme dans le cas du réflecteur 15 (cf. Chap. 5.5.1), il est probable que la couche supérieure (réfl.10,9) soit surévaluée dans la partie nord, et qu'elle contienne en réalité une fine couche de sédiments contemporaine des réflecteurs 13 à 11. Seule une résolution sismique supérieure permettrait de confirmer notre hypothèse. En outre, la petite surface des réflecteurs 13 à 11 ne permet pas d'autre interprétation.

      

Fig. 5.13 : Cartes des isohypses du réflecteur 14 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 14 et 15,16 (b.).

      

Fig. 5.14 : Cartes des isohypses du réflecteur 13 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 13 et 14 (b.).

      

Fig. 5.15 : Cartes des isohypses du réflecteur 12 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 12 et 13 (b.).

      

Fig. 5.16 : Cartes des isohypses du réflecteur 11 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 11 et 12 (b.).


5.5.4 Réflecteurs 10 et 9

      Les réflecteurs 9 et 10, pointés séparément sur les profils sismiques 2D à cause de la zone sourde, ont été rassemblés sur la même surface sismique car leurs niveaux correspondent (Fig. 5.17 a.). Les lignes de la bathymétrie des réflecteurs 10 et 9 suivent la morphologie actuelle. De nombreux petits remaniements gravitaires sont présents le long des pentes des Hauts-Monts et de la baie de Corsier.

      La surface de non-déposition est très importante (674'750 m2). Sa taille est proche de celle du réflecteur 14 (cf. Fig. 5.13 a.) mais elle est transposée 200 m en direction du sud. Cette surface, comme celle du réflecteur 14 (cf. Chap. 5.5.2), est limitée au nord par des figures de 'downlap' (réfl. 10), et au sud par la troncature du réflecteur 9. Par analogie, nous supposons que les courants qui ont affecté le réflecteur 10,9 sont d'intensité et de direction semblables (mais déplacées 200 m vers le sud) à celles des courants qui ont érodé le réflecteur 14.

      La couche 10 est épaisse de 0 à 3.5 m (dominance 1.25 m) au nord, et la couche 9 de 1 à 2 m au sud, c'est-à-dire que pour ce niveau sismique, les apports sont équivalents dans ces deux parties du bassin. Toutefois, si nous nous référons à la discussion du point précédent (cf. Chap. 5.5.3), il est possible que la partie nord du bassin contienne une partie des sédiments déposés lors des réflecteurs 13,12, et 11 et que cette épaisseur soit donc surévaluée.

      Si on envisage le rapport global des épaisseurs des couches 13 à 9 additionnées, la partie sud (2.5-5.75 m) est en moyenne presque 2 fois plus épaisse que la partie nord (0-3.5 m). Ce rapport, similaire à celui établi pour les réflecteurs 18 et 17 (cf. Chap. 5.4.2 et 5.4.3), indique qu'au cours de l'ensemble de cette séquence temporelle (13 à 9), l'influence proportionnelle de la 'paléo-Versoix' a été - en moyenne - semblable à celle de l'époque du dépôt des couches 17 et 18.


5.6 Cartes des isohypses et des isopaques de l'unité sismique D


5.6.1 Réflecteur 8

      La carte du sommet de la couche 8 est continue sur l'ensemble de la zone étudiée et suit la morphologie actuelle du bassin. De nombreux petits slumps ou glissements sont situés autour de la baie de Corsier et au sud des Hauts-Monts (Fig. 5.18 a.).

      La surface de non-déposition (393'900 m2) est plus petite que celle des réflecteurs précédents et est limitée par une séquence en 'downlap'. Il n'y a donc pas d'érosion apparente des sédiments. Ces éléments indiquent que les courants profonds au temps du réflecteur 8 avaient une action moins intense sur le fond du lac que lors des réflecteurs 14-9.

      La carte des isopaques du réflecteur 8 est régulière, et la sédimentation (épaisseur 0-2 m) entre le nord et le sud de la zone étudiée est équilibrée (Fig. 5.18 b.). Au pied des Hauts-Monts 2 à 4 m de dépôts ponctuels représentent des remaniements gravitaires, dus à un ou plusieurs événements de haute énergie (tempêtes) ou/et à un abaissement momentané du niveau du lac. Les sédiments forment un cône sédimentaire perpendiculaire à l'axe de l'embouchure de la Versoix.


5.6.2 Réflecteur 7

      La carte du sommet de la couche 7 est proche de la morphologie actuelle du bassin et la trace du dôme allongé n'est presque plus lisible dans les contours des isohypses. Comme sur la carte bathymétrique du réflecteur 8, de nombreux petits slumps ou glissements sont situés autour de la baie de Corsier et au sud des Hauts-Monts (Fig. 5.19 a.).

      La surface de non-déposition (309'100 m2) est légèrement plus petite que celle du réflecteur 8, et est également limitée par une séquence en 'downlap'. L'effet des courants profonds diminue donc encore par rapport aux séquences précédentes.

      Dans la baie de Corsier, le réflecteur 7 est tronqué autour du promontoire des Hauts-Monts. Cette troncature est probablement liée à l'action postérieure des courants (cf. Chap. 5.6.3 et 5.6.4).

      La couche 7 est plus épaisse dans la partie nord du bassin (1-3 m) que dans la partie sud, où les dépôts ne dépassent pas 1 m (Fig. 5.19 b.). C'est un changement important dans la distribution des masses de sédiments par rapport à la séquence précédente (cf. Chap. 5.6.1). La plus grande quantité de sédiments est située au nord-ouest, il s'agit certainement des apports fins de la Versoix déposés dans un axe différent de celui observé aux points précédents. Les raisons de cette déviation peuvent

      

Fig. 5.17 : Cartes des isohypses des réflecteurs 10 et 9 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 10,9 et ceux en dessous (b.).

      

Fig. 5.18 : Cartes des isohypses du réflecteur 8 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 8 et 10,9 (b.).

      

Fig. 5.19 : Cartes des isohypses du réflecteur 7 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 7 et 8 (b.).

      (suite du Chap. 5.6.2 'Réflecteur 7')

      être multiples : changement de la stratification thermique du lac, de la densité des eaux de la rivière, etc. Toutefois nous penchons pour l'hypothèse qu'un changement du régime des vents dominants a influencé cette répartition des sédiments à travers la modification des courants d' 'interflows' et profonds.

      Autour du promontoire des Hauts-Monts, 2 à 3 m de dépôts ponctuels représentent des remaniements gravitaires. Ils sont certainement dus, comme ceux de la couche 8, à un événement de haute énergie et/ou à un abaissement momentané du niveau du lac.

      Le point marqué «erreur» sur la carte des épaisseurs est une anomalie négative due à une faute de pointage sur les profils échosondeur 2D (elle apparaît en symétrie positive sur la carte des isopaques du réflecteur 6).


5.6.3 Réflecteur 6

      La bathymétrie de la couche 6 ressemble à la morphologie actuelle du bassin. De nombreux petits remaniements gravitaires sont situés autour de la baie de Corsier et au sud des Hauts-Monts (Fig. 5.20 a.).

      La surface de non-déposition (194'700 m2) est inférieure à celles des réflecteurs 8 et 7. Elle est aussi limitée par une séquence en 'downlap'. L'effet des courants profonds continue donc encore de diminuer par rapport aux séquences précédentes.

      Comme pour le réflecteur 7, dans la baie de Corsier le réflecteur 6 est tronqué autour du promontoire des Hauts-Monts. Il s'agit probablement du même événement érosif, lié à l'action des courants (cf. Chap. 5.6.4).

      La couche 6 est légèrement plus épaisse dans la partie nord du bassin que dans la partie sud (+ 0.25 m) (Fig. 5.20 b.), mais le contraste entre les deux zones est moins marqué que pour le réflecteur 7 (cf. Chap. 5.6.2). Comme au point précédent, les dépôts maximum semblent provenir des apports déviés de la Versoix. L'avancée de ce lobe sédimentaire vers le nord est moins forte que celle du réflecteur 7, et reflète certainement une diminution de l'activité du delta par rapport à la production autochtone.

      Au nord-ouest, un deuxième lobe est probablement la marque d'un remaniement gravitaire en provenance de la rive droite.

      Le point marqué «erreur» sur la carte des épaisseurs est une anomalie positive due à une faute de pointage sur les profils échosondeur 2D (elle apparaît en symétrie négative sur la carte des isopaques du réflecteur 7).


5.6.4 Réflecteur 5

      La carte bathymétrique du réflecteur 5 est similaire aux deux cartes précédentes (réfl. 6 et 7) et à la morphologie actuelle du bassin lacustre. De nombreux petits remaniements gravitaires sont situés au nord de la baie de Corsier et au sud des Hauts-Monts (Fig. 5.21 a.).

      La surface de non-déposition (147'000 m2), limitée par une séquence en 'downlap', est encore inférieure à celle du réflecteur 6. Elle est le témoin que l'effet des courants profonds a diminué progressivement du réflecteur 8 au réflecteur 5.

      Dans la baie de Corsier, le réflecteur 5 est tronqué de la même manière que le sont les réflecteurs 7 et 6. Les limites de ces trois réflecteurs sont juxtaposées. Elles sont le résultat d'une ou plusieurs actions érosives des courants, probablement postérieures au dépôt de la couche 5. Cette affirmation est confirmée par l'observation directe des sédiments superficiels qui a permis de prouver l'occurrence de tels processus durant la deuxième moitié du 20ème siècle (cf. Chap. 3).

      La répartition des épaisseurs (0-1.25 m) de la couche 5 est relativement uniforme dans tout le bassin, à l'exception de deux lobes à l'ouest (Fig. 5.21 b.). Comme ceux des réflecteurs 7 et 6, ils représentent l'extension deltaïque profonde des apports en provenance de la Versoix.

      

Fig. 5.20 : Cartes des isohypses du réflecteur 6 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 6 et 7 (b.).

      

Fig. 5.21 : Cartes des isohypses du réflecteur 5 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 5 et 6 (b.).


5.6.5 Réflecteurs 4 et 3

      Les réflecteurs 4 et 3 n'apparaissent que dans la partie sud du bassin. En raison de leur limite tronquée et de la zone sourde, il n'a pas été possible de suivre ces niveaux dans le reste du bassin. Toutefois, à l'image des réflecteurs 13 à 11, il est probable que ces niveaux sédimentaires soient compris dans la séquence suivante, entre le réflecteur 5 et le réflecteur 'fond'. Pour cette raison, nous avons placé des points d'interrogation dans la partie nord. De nombreux petits remaniements gravitaires sont situés au sud des Hauts-Monts (Fig. 5.22 a. et 5.23 a.).

      Du réflecteur 4 au réflecteur 3, le front tronqué recule vers le sud. Il est donc possible qu'un seul événement, postérieur au dépôt du réflecteur 3, ait érodé les deux niveaux en même temps. Pour ces deux réflecteurs, la limite nord-est de ces troncatures est située légèrement plus au sud. Cette inflexion est suivie d'une légère 'vallée' sur la carte bathymétrique, qui suit le bas de pente des Hauts-Monts vers l'aval. Cette morphologie est certainement la trace du chemin que parcourent les courants profonds à cet endroit. Le changement important entre la zone de non-déposition du réflecteur 5 (petite surface, limite en downlap) avec la troncature des réflecteurs 4 et 3, ne peut être expliqué que par une augmentation importante de l'effet des courants profonds sur le fond. Il s'agit certainement de l'action conjuguée d'une augmentation de vitesses de courants et peut-être d'un déplacement du phénomène courantologique 700 m vers le sud.

      La répartition des épaisseurs (0-1.25 m) de la couche 4 et de la couche 3 indique que les apports viennent de la Versoix et représente l'extension profonde du delta. Mais la petite surface de ces cartes isopaques, ne permet pas d'obtenir plus de renseignements sur ces niveaux (Fig. 5.22 b. et 5.23 b.).


5.7 Représentation en 3D et synthèse de l'histoire du remplissage sédimentaire

      La représentation tridimensionnelle permet de visualiser, selon leur structure actuelle, les volumes et la juxtaposition complexe des séquences sédimentaires de la zone des Hauts-Monts.

      - Avertissement pour la lecture du modèle 3D :

      La construction d'un modèle 3D implique que les zones sans information doivent être remplacées par des valeurs interpolées et projetées à l'aide des valeurs voisines. Cette représentation en volume est donc une étape interprétative supplémentaire par rapport aux cartes isohypses et isopaques. En ce sens, le modèle 3D n'est pas strictement identique aux valeurs des cartes isohypses et isopaques, puisqu'il comporte des valeurs supplémentaires, dans les zones sourdes de fortes pentes ou dans la partie profonde du bassin notamment.

      Pour rappel, la base 'sismique' de notre étude est représentée par le réflecteur 23 (sommet de la couche de couleur vert pomme, Fig. 5.24). Les couches situées sous ce réflecteur sont une base artificielle définie pour le modèle 3D. De même, les limites encaissantes du bassin («basin base») n'ont pu être clairement définies à partir des profils sismiques que dans certaines parties du bassin : autour du promontoire des Hauts-Monts et au nord-est de la zone (Fig. 5.25). Hors de ces zones, il s'agit d'une pente imaginaire obtenue par une projection mathématique.

      Sur les représentations du modèle en trois dimensions (Fig. 5.24), le volume de couleur jaune signale l'extension de la zone sourde, dans laquelle nous n'avons pas pu suivre les réflecteurs (cf. Chap. 2). Grâce aux calculs d'intersection des réflecteurs, ainsi qu'à la projection mathématique des surfaces en 3D (cf. Chap. 5.1.3), il a été possible de calculer la profondeur des réflecteurs au-delà des strictes limites que nous avons pointées sur les lignes échosondeur 54 . Ceci a eu pour conséquence d'augmenter la surface et la 'visibilité' des réflecteurs et de limiter la zone sourde à la zone profonde.

      Ainsi que nous l'avons déjà discuté aux chapitres 2 et 3, cette oblitération du signal sismique est attribuée à la présence de gaz dans le sédiment. Toutefois, l'étendue de la zone sourde ne représente pas un volume équivalent de gaz ! La présence de gaz est probablement restreinte à la surface supérieure de ce volume.

      

Fig. 5.22 : Cartes des isohypses du réflecteur 4 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 4 et 5 (b.).

      

Fig. 5.23 : Cartes des isohypses du réflecteur 3 (a.) et des isopaques des sédiments compris entre les réflecteurs 3 et 4 (b.).

      

Fig. 5.24 : Représentation en 3D du remplissage sédimentaire pour les réflecteurs 23 à 3 selon une exagération verticale de 5x (partie supérieure), et sans exagération verticale (partie inférieure).

      

Fig. 5.25 : Cartes des isohypses du réflecteur 'bassin encaissant'.

      Le mode d'affichage du modèle 3D modifie fortement notre perception de la topographie. Il peut être affiché avec des exagérations verticales variées, par exemple avec une exagération verticale de 5x (Fig. 5.24, partie supérieure) et avec une échelle 'réelle' (Fig. 5.24, partie inférieure).

      Les points suivants présentent une synthèse de l'histoire du remplissage sédimentaire avec une représentation tridimensionnelle du modèle pour illustration (exagération verticale 10x).


5.7.1 Période de la déglaciation (unité A)

      Le modèle 3D de la zone des Hauts-Monts, du réflecteur 23 au réflecteur 20, montre les importants volumes de sédiments (épaisseur 10 à 20 m) déposés pendant la période de la déglaciation (Fig. 5.26, a. à d.). La surface chaotique du remplissage, héritée de la topographie sous-jacente, apparaît clairement dans la partie nord-est du bassin. Le sud du bassin est plan et régulier car il s'agit d'une projection mathématique des couches à cet endroit. La morphologie du bassin encaissant ainsi que le remplissage progressif de la baie de Corsier ressortent clairement.

      D'après les profils sismiques (Chap. 2), le front du glacier a réavancé pour former la 'till tongue' de Coppet (cf. Chap. 2.3.1 et Fig. 2.16) entre la période du réflecteur 22 et du réflecteur 21. Malgré la présence du front glaciaire à proximité (quelques km), la stratification des sédiments indique qu'ils se sont déposés par décantation dans un lac proglaciaire (Chap. 2.3.1). Puis le glacier a fait une dernière oscillation entre les réflecteurs 21 et 20 (stade de Nyon) (cf. Chap. 4.5) avant de quitter définitivement le Petit-Lac.

      Au cours de la période de l'unité A, les apports sédimentaires sont arrivés par le nord/nord-est, comme en témoignent les cartes isopaques de l'unité A (Fig. 5.5 b., 5.6 b. et 5.7 b.). La présence de plusieurs monticules de sédiments (cf. Chap. 5.3.2 et 5.3.3) indique un probable effet de courants profonds, peut-être créés suite à l'arrivée d' «underflows» à la base du glacier (en amont de la zone des Hauts-Monts). Ce phénomène disparaît après le réflecteur 21 et reflète certainement la diminution de l'influence des processus glaciaires. L'âge de ces étapes de déglaciation a été estimé autour de 18'000 à 16'000 ans 14C BP (cf. Chap. 4.5).


5.7.2 Le dégel du bassin versant du Dryas ancien au Bølling (unité B)

      Le modèle 3D de la zone des Hauts-Monts, du réflecteur 20 au réflecteur 16, montre d'importantes différences avec l'unité précédente. Le remplissage sédimentaire progresse, jusqu'à relier le bassin central avec celui de la baie de Corsier à partir du réflecteur 17 (Fig. 5.26 a. à d.). Le gradient d'épaisseur est en sens opposé à celui de l'unité A : les 7-14 m de sédiments se sont déposés préférentiellement au sud-ouest (cf. Fig. 5.8 b., 5.9 b., 5.10 b. et 5.11 b.). La surface chaotique du remplissage de la partie nord-est du bassin, héritée de la topographie sous-jacente, a tendance à se résorber. (Le sud du bassin est plan et régulier car il s'agit d'une projection mathématique des couches.)

      Le modèle 3D (Fig. 5.26 a.) et la carte des isopaques du réflecteur 19 (cf. Fig. 5.8 b.) montrent qu'une 'paléo-Versoix' et une 'paléo-Hermance' apportaient des sédiments dans le lac. Ceci signifie qu'à cette époque, le bassin versant et le lac étaient donc dégelés au moins pendant une partie de l'année. Une corrélation avec la sismo-stratigraphie de la zone de la Promenthouse (Baster, in prep.) a permis de placer le réflecteur 19 dans la biozone du Dryas ancien (Chap. 4.5).

      Durant cette période, le premier grand slump ('s3'), déclenché dans le baie de Corsier, a probablement également été favorisé par le dégel des dépôts abandonnés par le glacier et par l'apparition de ruissellement dans le bassin (cf. Chap. 2.3.5). Il est possible qu'un événement sismique régional ait déclenché ce remaniement gravitaire, mais dans l'état des connaissances actuelles, il est impossible de vérifier cette hypothèse.

      A partir du réflecteur 18, l'activité de la 'paléo-Versoix' prend de l'importance, avec des dépôts 1.6-2 fois plus épais qu'au centre du bassin (Fig. 5.27 b.). Cette tendance perdure durant l'époque du réflecteur 17 (Fig. 5.27 c. et cf. Chap. 5.4.2 et 5.4.3), situé dans la biozone du Bølling (cf. Chap. 4.3.3). Les sédiments de cet âge sont attribués à des dépôts de loess mélangés à des dépôts lacustres. Les lobes sédimentaires qui entourent le promontoire des Hauts-Monts indiquent une redistribution des sédiments préalablement déposés au sommet de cette 'colline', probablement due à l'abaissement du niveau de base d'action des vagues (cf. Chap. 5.4.3). Cette hypothèse implique une augmentation de l'énergie du milieu, due à des vagues de forts vents sur un lac dégelé, ou suite à un abaissement du niveau du lac. Peu avant le temps du réflecteur 17, le lac était parfois entièrement gelé en hiver plusieurs années de suite. D'après nos observations sédimentaires dans la zone des Hauts-Monts, le

      Petit-Lac n'a plus gelé entièrement à partir du temps du réflecteur 17 (cf. Chap. 3.7).

      Le remplissage sédimentaire au temps du réflecteur 16 ressemble à celui du réflecteur 17 : il couvre la presque totalité du bassin et est plus épais du côté de l'embouchure de la Versoix que dans la partie centrale du bassin (Fig. 5.27 d. et 5.10 b.). Par corrélation sismo-stratigraphique avec la zone de la Promenthouse, le réflecteur 16 a été situé dans la biozone du Bølling (cf. Chap. 4.5). La troncation des sédiments des couches 16 et 17 est attribuée à l'effet de courants profonds. Mais comme les formes des surfaces d'érosion sont parfaitement imbriquées (Fig. 5.27 c. et d.), ces courants sont probablement postérieurs au moment de dépôt des couches 16 et 17. Ils auraient érodé les différentes couches proportionnellement à leur profondeur dans la séquence sédimentaire (voir aussi Chap. 5.7.3).


5.7.3 Un lac soumis à l'influence érosive de courants profonds (unité C)

      La figure 5.28 montre la grande complexité de la géométrie des séquences sédimentaires de l'unité C. (Le sud du bassin est plan et régulier car il s'agit d'une projection mathématique des couches 15 à 9.)

      La compilation des données palynologiques antérieures a permis d'attribuer le réflecteur 15 à la biozone de l'Allerød (Chap. 4.5 et Fig. 4.5). La géométrie du réflecteur 15 est caractérisée par un très long périmètre érodé (cf. Chap. 5.5.1). La limite nord-est de cette érosion (Fig. 5.28 a. et 5.10 b.) est située à proximité du slump 's5' (cf. Chap. 2.3.5), déclenché entre les moments de dépôt des réflecteurs 15 et 14 (Chap. 5.5.1). Dans la baie de Corsier, un second slump 's4' semble être contemporain de 's5' (cf. Chap. 4.5 et Fig. 4.5). Il est possible qu'un événement sismique régional ait déclenché ces remaniements gravitaires et/ou qu'ils correspondent à un abaissement du niveau du lac par rapport au niveau au temps du réflecteur 15. Dans l'état des connaissances actuelles, il est impossible de vérifier ces deux hypothèses.

      La géométrie et les épaisseurs de cette séquence indiquent que les conditions de dépôt au temps du réflecteur 15 ressemblaient probablement à celles de l'époque des réflecteurs 16 et 17. La troncation du réflecteur 15 (côté ouest du bassin central) est attribuée à l'effet de courants profonds (cf. Chap. 5.5.1). Comme cette limite est parfaitement imbriquée avec celles des réflecteurs 17, 16 et 14 (Fig. 5.28 b.), elle est interprétée comme étant le résultat de l'effet de courants profonds postérieurs au temps du réflecteur 14, lui-même situé au début du Préboréal (cf. Chap. 4.5 et Fig. 4.5).

      Ainsi l'apparition des courants profonds, incarnés par la limite en 'downlap' au nord du bassin central (Fig. 5.13 a.), serait contemporaine du dépôt de la couche 14 (Dryas récent ?). Ce changement de la circulation dans le lac semble avoir été plutôt brusque, car la surface de non-déposition (838'300 m2) couvre une grande surface dès le début du phénomène. La limite tronquée du réflecteur 14 (Fig. 5.13 a.), probablement postérieure au moment de dépôt de ce réflecteur, représente l'évolution grandissante du pouvoir érosif des courants profonds. Le moment de cette érosion a pu avoir lieu juste après le dépôt du réflecteur 14 (au Préboréal ou Boréal ?), ou après le réflecteur 13, estimé au début de l'Atlantique ancien (cf. Chap. 4.5 et Fig. 4.5). La couleur brunâtre des sédiments d'âge Boréal de la carotte sg9 dans la baie de Corsier indique probablement un accroissement du ruissellement et un abaissement du plan d'eau à cette époque (cf. Chap. 3.7), il n'est donc pas impossible qu'il existe un lien entre un éventuel abaissement du plan d'eau au Boréal et une augmentation du pouvoir érosif des courants.

      Les limites en 'downlap' des réflecteurs 12 et 11 (Fig. 5.15 a. et 5.16 a.) indiquent certainement une diminution du pouvoir érosif des courants profonds, de la seconde moitié de l'Atlantique ancien à l'Atlantique récent (cf. estimation de l'âge palynologique Chap. 4.5). D'après la limite tronquée du réflecteur 10,9 (Fig. 5.17 a.), cette action érosive a augmenté au Subboréal ou au Subatlantique ancien (cf. Chap. 4.5 et Fig. 4.5 pour l'estimation de la datation), pour diminuer au Subatlantique récent (cf. chapitre suivant). Par analogie avec les variations de surface de la zone de non-déposition, nous supposons que les courants qui ont influencé le réflecteur 10,9 étaient d'intensité et de direction semblables (mais déplacées 200 m vers le sud) à celles des courants qui ont érodé le réflecteur 14.

      Les variations de l'action des courants profonds au cours du temps sont accompagnées de changements dans la forme de la zone sourde : l'apparition des courants au temps du réflecteur 14 est contemporaine de l'avancée des lobes de gaz dans le sud du bassin central qui indiquent une augmentation de la teneur en matière organique dans le sédiment d'origine (cf. Chap. 5.5.2). Ces deux phénomènes associés sont peut-être le signe que les courants profonds se sont mis en place suite au réchauffement climatique amorcé au début de l'Holocène.

      

Fig. 5.26 : Représentation en 3D du volume des réflecteurs 23 à 20 (unité sismique A). Les limites encaissantes du bassin sont figurées en gris et l'extension de la zone sourde en jaune. Exagération verticale 10x. a.) Réflecteur 23 ; b.) Réflecteur 22 ; c.) Réflecteur 21 ; d.) Réflecteur 20.

      

Fig. 5.27 : Représentation en 3D du volume des réflecteurs 19 à 16 (unité sismique B). Les limites encaissantes du bassin sont figurées en gris et l'extension de la zone sourde en jaune. Exagération verticale 10x. a.) Réflecteur 19 ; b.) Réflecteur 18 ; c.) Réflecteur 17 ; d.) Réflecteur 16.

      Au temps des réflecteurs 13, 12 et 11 (Fig. 5.14 a., 5.15 a. et 5.16 a.) la zone sourde a progressé en direction du centre du bassin, puis elle a reculé vers l'embouchure de la Versoix au temps du réflecteur 10,9. Ceci indique probablement un accroissement puis une diminution relative de la matière organique dans les apports de la Versoix et dans les sédiments autochtones à ces périodes (estimation Atlantique ancien et Atlantique récent).

      Globalement, pour la période de l'unité C, le taux de sédimentation au sud du bassin a été deux fois plus important que dans la partie nord (cf. Chap. 5.5.4). Cet élément reflète l'importance des apports de la Versoix par rapport aux sédiments autochtones dans cette partie de la zone des Hauts-Monts.

      

Fig. 5.28 : Représentation en 3D du volume des réflecteurs 15 à 9 (unité sismique C). Les limites encaissantes du bassin sont figurées en gris et l'extension de la zone sourde en jaune. Exagération verticale 10x. a.) Réflecteur 15 ; b.) Réflecteur 14 ; c.) Réflecteurs 13,12 et 11 ; d.) Réflecteurs 10 et 9.


5.7.4 Variation de l'effet des courants profonds au Subatlantique récent (unité D)

      L'évolution géométrique des séquences sédimentaires des réflecteurs 8 à 'fond' est caractérisée par trois tendances : la disparition de l'érosion des couches dans la partie centrale du bassin, la diminution graduelle de la surface de non-déposition et le recul de la zone sourde (Fig. 5.29 a. à d.) jusqu'au réflecteur 5. Des troncatures réapparaissent postérieurement au réflecteur 4 et/ou au réflecteur 3.

      Cette évolution marque certainement la diminution du pouvoir érosif des courants jusqu'au temps du réflecteur 4 ou 3 et leur réapparition par la suite.

      En parallèle de ces changements, la quantité de matière organique dans la partie sud du bassin semble avoir diminué localement. Cet effet est probablement dû à un changement du régime des vents dominants, car on observe, à partir de la couche 7 (Fig. 5.19 b.), une modification dans la direction de répartition des sédiments apportés par la Versoix (cf. Chap. 5.6.2). Cette interprétation est en concordance avec les sédiments de la carotte sg1 qui montrent, contrairement à la partie sud du bassin, une augmentation locale de gaz dans la couche 6 (réfl. 7 à 6) (cf. Chap. 3.7).

      Au temps du réflecteur 6, du matériel terrigène (couches de lamines floues brunâtres) en provenance de la Versoix est amené jusqu'au pied des Hauts-Monts et témoigne de l'existence de puissants 'interflows' à cette époque. Le recul du lobe sédimentaire dévié vers le nord (cf. Chap. 5.6.3), reflète une diminution de l'activité du delta par rapport à la production autochtone.

      

Fig. 5.29 : Représentation en 3D du volume des réflecteurs 8 à 'fond' (unité sismique D). Les limites encaissantes du bassin sont figurées en gris et l'extension de la zone sourde en jaune. Exagération verticale 10x. a.) Réflecteur 8 ; b.) Réflecteur 7 ; c.) Réflecteur 6 ; d.) Réflecteur 5 ; e.) Réflecteurs 4 et 3 ; f.) Réflecteur 'fond'.

      A partir du réflecteur 8 les séquences sédimentaires sont érodées par endroits autour du promontoire des Hauts-Monts, et dans la baie de Corsier jusqu'à -40 m de profondeur sous la surface actuelle du lac (cf. Fig. 5.18 a., 5.19 a., 5.20 a. et 5.21. a.). Il est difficile de situer chronologiquement cette érosion, mais au vu de l'imbrication des limites tronquées (cf. Fig. 5.29), nous penchons pour une occurrence postérieure au réflecteur 5. Cette forte érosion est probablement contemporaine de celle observée dans les couches 4 et 3 du bassin central.

      De nombreux remaniements gravitaires affectent les sédiments de l'unité D, mais vu leur petite taille et le manque de datation absolue, il est difficile d'expliquer leur existence (événements sismiques et/ou abaissement du niveau du lac ?).

      L'ensemble des réflecteurs de l'unité D sont situés dans la biozone du Subatlantique récent (cf. Chap. 4.5 et Fig. 4.5).


5.7.5 Bilan volumique du remplissage sédimentaire

      A partir des grilles d'isohypses (cf. Chap. 5.1.1 et Chap. 5.3, 5.4, 5.5 et 5.6) et à l'aide du logiciel Surfer 55 , il a été possible d'estimer le volume des sédiments compris entre chaque réflecteur (Tabl. 5.1). Cette estimation de la quantité de sédiment (volume sédimentaire) dépend de la surface de la zone sourde : en effet, plus cette surface est grande, plus notre estimation sous-estime le volume réel de sédiment. Nous avons donc aussi calculé l'épaisseur moyenne des couches (volume/superficie du réflecteur) pour chaque intervalle de temps, afin de compenser les effets dus aux limites de détection des méthodes sismique et aux surfaces de non-déposition situées au centre du bassin (Tabl. 5.1).

      
Tabl. 5.1 : Valeurs calculées de la surface, du volume, de l'épaisseur moyenne et du taux de sédimentation moyen pour chaque intervalle sismo-stratigraphique de la zone des Hauts-Monts.
Intervalle sédimentaire Surface (km2) Volume (km3) Epaisseur moyenne (m) Taux de sédimentation moyen approx. (mm/an)
réfl. 'fond' - réfl. 5 6.022936 0.0067 1.11 ­
réfl.5 - réfl.6 5.521644 0.0032 0.59  
réfl.6 - réfl.7 6.004639 0.0070 1.17 5.03
réfl.7 - réfl.8 5.759592 0.0096 1.66 ¯
réfl.8 - réfl.10 et 9 5.328370 0.0080 1.50 0.31
réfl.10, 9 - réfl. 14 4.383358 0.0076 1.74 0.32
réfl.14 - réfl.16 4.560004 0.0063 1.37 0.47
réfl.16 - réfl.17 5.663395 0.0077 1.37 2.28
réfl.17 - réfl.18 5.561596 0.0063 1.12 2.25
réfl.18 - réfl.19 5.375399 0.0121 2.25 1.41
réfl.19 - réfl.20 5.243014 0.0261 4.97 2.39
réfl.20 - réfl.21 5.111944 0.0176 3.44 9.33
réfl.21 - réfl.22 4.594027 0.0265 5.77 6.71
réfl.22 - réfl.23 1.997361 0.0132 6.60 4.78

      L'épaisseur moyenne de la totalité des séquences que nous avons étudiées - du réflecteur 23 à la surface actuelle 'fond' - équivaut à environ 31 m de sédiments pour une surface moyenne de 5 km2. Ce volume de sédiment représente un cube de 918 m de côté !

      A partir des estimations et des datations palynologiques de l'âge des sédiments (cf. Chap. 4.5 et Fig. 4.5), les réflecteurs sismiques 23 à 'fond' ont été placés sur une échelle de temps en années BP calibrées (Stuiver & Reimer, 1993). Sur la figure 5.30, les volumes sont représentés par une surface de couleur grise proportionnelle à la quantité de sédiment. Un taux de sédimentation moyen approximatif a également été calculé à partir de l'épaisseur moyenne et des âges estimés (Fig. 5.30).

      Les valeurs du taux de sédimentation moyen pour la zone des Hauts-Monts évoluent selon des tendances similaires à celles du volume de sédiments déposés. Par rapport à la courbe du taux de sédimentation moyen de la zone, on peut constater que les volumes de sédiments de l'unité A sont sous-estimés, particulièrement pour la séquence sédimentaire la plus profonde (réfl. 23-22). Les forts taux de sédimentation de la déglaciation (unité A) reflètent l'énorme quantité de sédiments qui sont arrivés dans le bassin à cette époque. Selon nos valeurs, il semble que le taux de sédimentation se soit accéléré vers la fin du processus de déglaciation du Petit-Lac. Toutefois, il faut garder à l'esprit que les séquences de l'unité A n'ont pas été datées (cf. Chap. 4.5), et qu'en conséquence, les taux de sédimentation de cette unité sismique sont une proposition.

      

Fig. 5.30 : Volume, épaisseur moyenne et taux de sédimentation moyen approximatif des séquences sédimentaires de la zone des Hauts-Monts au cours du temps (âges estimés, cf. Chap. 4.5).

      Les épaisseurs, les volumes et le taux de sédimentation de l'unité B diminuent par rapport à ceux de l'unité A. Suite au réchauffement général du climat qui a lieu durant l'unité B (dégel du bassin versant, activité des rivières, cf. Chap. 5.7.2) de grandes quantités de sédiments sont arrivées dans le lac, mais ces volumes sont moins importants que ceux qui ont été générés par l'activité du glacier würmien en retrait.

      Les taux de sédimentation moyens de l'unité C sont très faibles (0.31-0.47 mm/an) et cela malgré une probable augmentation de la production autochtone du lac due au réchauffement climatique de l'Holocène. Ce phénomène est certainement lié à l'importante activité des courants profonds qui ont érodé et transporté les sédiments hors de la zone, ainsi qu'à une réduction importante des apports allochtones engendrée par le développement du couvert forestier dès l'Allerød (cf. Tabl. 4.2). Cet argument est renforcé par l'importance que la Versoix semble avoir eue sur la sédimentation durant cette époque (cf. Chap. 5.7.3). Comme les âges palynologiques des réflecteurs 14 à 10,9 sont estimés (cf. Chap. 4.5), les taux de sédimentation relatifs à ces réflecteurs sont indicatifs et ne permettent pas une interprétation fiable. La période de l'unité C doit donc être considérée en bloc.

      Les taux de sédimentation de l'unité D sont indiscutablement beaucoup plus hauts que ceux de l'unité C, et ceci malgré les incertitudes liées à l'estimation de l'âge des sédiments de l'unité C (cf. Chap. 4.5). Nous interprétons cette augmentation de la sédimentation comme étant la conséquence de l'influence conjuguée de trois processus :

      L'effet érosif des courants profonds a en moyenne diminué pour cette période.

      A partir du temps du réflecteur 7, les apports de la Versoix ont été déviés vers le nord, ils ont donc augmenté le bilan sédimentaire du site.

      Durant le Subatlantique récent, l'influence des activités humaines de déforestation, liées à la vie économique et à l'agriculture, a certainement été déterminante dans l'augmentation des apports allochtones.

      Le taux de sédimentation moyen de l'unité D (5.03 mm/an) est le double de celui que nous avons établi pour le sommet de la carotte sg1 (2.44 mm/an, cf. Chap. 4.2.1). Mais cette différence est expliquée par le fait que la valeur du taux de sédimentation moyen, au contraire de celle de sg1, est représentative de l'ensemble de la zone étudiée, qui comprend la région des apports de la Versoix. De plus, le taux de sédimentation obtenu à partir de la mesure de l'activité du 137Cs des sédiments de la carotte sg1 est un taux minimum (cf. Chap. 4.2.1), et il concerne un laps de temps beaucoup plus court que le taux de sédimentation moyen de l'unité D. Il faut ajouter que la limite temporelle que nous avons fixée pour le réflecteur 8 (900 ans BP) est une proposition et que seule une datation absolue permettrait de confirmer cette valeur.


5.8 Conclusions

      (Q1) Les cartes isohypses (bathymétrie) et isopaques (épaisseur), ainsi que la représentation du modèle digital en 3D, exposent et quantifient avec précision la géométrie des séquences sismo-stratigraphiques (réflecteur 23 à réflecteur 'fond') que nous avons définies à l'aide des coordonnées x, y, z issues des profils échosondeur. Ces informations nous ont permis d'élaborer un scénario interprétatif pour la zone de Hauts-Monts :

      La période de la déglaciation (unité A) est caractérisée par des apports sédimentaires en provenance du nord/nord-est, déposés par décantation dans un lac proglaciaire. Ces sédiments ont été produits par le glacier en retrait et ses réavancées dans le Petit-Lac (stades de Coppet, de Nyon I, de Nyon II)(cf. Chap. 2). Des irrégularités, en forme de monticules, témoignent de sédiments lâchés par des icebergs ou, plus probablement, de courants profonds induits par des 'underflows' glaciaires en amont du bassin lacustre.

      A partir du début de l'unité B, le bassin lacustre a été marqué par d'importants changements sédimentaires liés au dégel du bassin versant. En effet, le gradient d'épaisseur inverse indique que la principale source d'apports était située vers l'embouchure de l'actuelle rivière de la Versoix. Durant cette période, le premier 'slump' d'envergure ('s3') a été déclenché dans la baie de Corsier. Puis entre les réflecteurs 18 et 17, le niveau d'action de vagues s'est abaissé, suite à une augmentation de l'intensité des vents et/ou à un abaissement du niveau du lac.

      L'unité C a été marquée par le déclenchement de plusieurs slumps ('s1', 's2', 's4' et 's5') et par les effets de courants profonds sur la sédimentation du bassin central. Les premiers courants, qui ont généré une importante surface de non-déposition (838'300 m2), étaient contemporains de la couche 14 (Dryas récent ?), et semblent être apparus brusquement. Ils ont été suivis, après le réflecteur 14 ou le réflecteur 13, par des courants dont le pouvoir érosif a augmenté, peut-être suite à un abaissement du plan d'eau au Boréal (cf. Chap. 3.7). Durant le dépôt des couches 12 et 11, les effets érosifs des courants profonds ont diminué, puis ré-augmenté durant la séquence du réflecteur 10,9. Au cours de cette période, la zone sourde s'est avancée (couches 13, 12 et 11) dans le bassin central sous forme de lobes, probablement suite à une augmentation des apports en matière organique. Globalement, le taux de sédimentation de la partie sud du bassin central a été le double de celui de la partie nord.

      Pendant le Subatlantique récent (unité D), l'effet des courants profonds a beaucoup diminué jusqu'au réflecteur 5. Cette action des courants a réaugmenté fortement après le réflecteur 4 et/ou le réflecteur 3, dans la partie centrale et jusqu'à -40 m de profondeur dans la baie de Corsier. A partir du réflecteur 7, on observe une modification de la direction de répartition des sédiments apportés par la Versoix qui indique certainement un changement du régime des vents. Au temps du réflecteur 6, l'activité du delta semble avoir diminué par rapport à la production autochtone du lac, mais la présence de matériel terrigène dans l'enregistrement sédimentaire (cf. Chap. 3 et Fig. 3.19) indique l'existence de forts 'interflows' à cette époque.

      (Q2) Les surfaces interpolées des réflecteurs sismiques 23 à 'fond' de la zone des Hauts-Monts ont permis de quantifier les volumes minimums de sédiments déposés de la déglaciation à nos jours. La totalité de la séquence sédimentaire étudiée représente un volume de 0.775 km3. Les apports les plus importants ont eu lieu au cours de l'unité sismo-stratigraphique A, c'est-à-dire durant la phase de déglaciation du Petit-Lac, et en moindre mesure pendant l'unité B qui correspond au dégel du bassin versant et au démarrage de l'activité des rivières.

      Les taux de sédimentation moyens de l'unité C sont très faibles (0.31-0.47 mm/an) et cela malgré une probable augmentation de la production autochtone du lac due au réchauffement climatique de l'Holocène. Ce phénomène est peut être expliqué grâce à l'importante activité des courants profonds qui ont érodé et transporté les sédiments hors de la zone, ainsi qu'à une réduction importante des apports allochtones engendrée par le développement du couvert forestier dès l'Allerød (cf. Tabl. 4.2).

      Durant le Subatlantique récent (unité D), le taux de sédimentation moyen est indiscutablement beaucoup plus haut que celui de l'unité C (estimation 5.03 mm/an), et ceci malgré les incertitudes liées à la datation de l'âge des sédiments. Trois processus permettent d'expliquer ce changement radical :


6. Conclusions


6.1 Synthèse des résultats

      La reconstruction de l'histoire sédimentaire et climatique de la zone des Hauts-Monts, de la déglaciation à nos jours, a été effectuée à partir de plus de 200 km de profils sismiques acquis avec plusieurs types de sources (échosondeur, canon-à-air, sparker, marteau), et à l'aide de l'analyse des sédiments de 19 sondages (lithologie, susceptibilité magnétique, teneur en eau, granulométrie). Plusieurs techniques ont permis de dater les sédiments : la palynologie, la mesure de l'activité du 137Cs et la datation 14C AMS. L'analyse et la représentation tridimensionnelle des séquences sismo-stratigraphiques a permis d'établir le scénario de l'évolution du bassin (Fig. 6.1).

      En premier lieu, les quatre unités sismo-stratigraphiques (A-D) du bassin ont été définies sur la base des profils sismiques. L'unité A, interprétée comme une séquence de sédiments glacio-lacustres, a été principalement influencée par les processus de décantation. La présence du glacier würmien en retrait est toutefois encore perceptible, lors de ses ré-avancées (stades) à la hauteur de Nyon et de Coppet, enregistrées sous la forme de «till tongues». Avec l'unité B, l'influence du glacier disparaît, et la source de sédiment se déplace vers l'aval avec une stratification de type lacustre. Les unités C et D témoignent de changements dans la dynamique interne du lac. La géométrie des corps sédimentaires devient très variable et discordante avec les unités sismiques précédentes. A proximité du promontoire des Hauts-Monts, d'importantes érosions sont dues à des courants profonds.

      Le deuxième volet de cette recherche a permis l'étude sédimentaire de 19 sondages dans la baie de Corsier et dans le bassin central. Les dépôts lacustres de la baie de Corsier proviennent de la production autochtone du bassin et du ruissellement, et témoignent d'importants phénomènes érosifs, passés et actuels. La granulométrie générale des sondages indique un milieu de déposition très tranquille, entrecoupé de niveaux sédimentaires de haute énergie liés à des courants et des vagues de tempêtes. Les scories des bateaux du 19ème siècle, ainsi que d'anciens dépôts de glaise glaciaire sont les seuls forts niveaux de susceptibilité magnétique de la baie. Les paramètres physiques des sédiments du bassin central ont, quand à eux, permis de déterminer la répartition géographique et l'influence de trois processus sédimentaires différents : la décantation hémi-pélagique, l'activité deltaïque de la Versoix et l'effet des courants profonds. Les influences hémi-pélagiques et deltaïques sont opposées, et dépendent principalement de la distance à l'embouchure de la Versoix. Toutefois, l'influence des courants profonds, maximum au pied des Hauts-Monts, a perturbé la régularité des séquences sédimentaires par l'érosion de sédiments déjà en place et par le transport de particules fines («interflows») vers cette zone. La zone 'sourde' des profils sismiques semble être la conséquence de la production de méthane issu de la matière organique terrestre apportée par la Versoix. Dans le contexte granulométrique monotone du sondage sg1, la présence de traces de gaz peut aussi expliquer la variation de teneur en eau du sédiment et la formation des réflecteurs sismiques à cet endroit.

      L'âge des unités sismo-stratigraphiques (A-D) a été défini dans la troisième partie du travail. Les séquences sédimentaires que nous avons carottées appartiennent aux biozones palynologiques du Tardiglaciaire et de l'Holocène, et la plupart des sédiments sondés se sont déposés durant le Subatlantique récent (X). La carotte sg1 montre une variation du couvert végétal du Bas Moyen Age à nos jours unique dans le Bassin Lémanique. La pression et l'influence anthropique, présentes dès le bas de la carotte, s'intensifient vers le haut. Les derniers 20 cm appartiennent au 20ème siècle et les témoins polliniques (arbres exotiques, Ambrosia, Pediastrum) sont en accord avec le taux de sédimentation moyen minimum de 2.44 mm/an obtenu par l'analyse de l'activité du 137Cs. Les carottes de la baie de Corsier sont drapées par des sédiments récents (19ème - 20ème siècles) issus d'événements de tempêtes. Ces fines pellicules sédimentaires sont des dépôts de haute énergie provisoires, remaniés régulièrement au gré des tempêtes de vent (Girardclos, 1993). Les niveaux du Subboréal et du Subatlantique ancien de la carotte sg10 indiquent un milieu de dépôt plus tranquille que celui du Subatlantique récent. Ces couches sont peut-être les témoins des niveaux lacustres +3 m de l'époque romaine et du Bronze moyen-Hallstat (Corboud, 2001; Gallay & Kaenel, 1981).

      Comme les sédiments carottés ne représentent qu'une partie du remplissage sédimentaire défini par la sismo-stratigraphie, seuls quelques réflecteurs des unités B et D ont pu être datés grâce à nos sondages. L'intersection de nos analyses sismo-stratigraphiques avec celles de Baster (en prép.) a permis d'améliorer la datation des réflecteurs de l'unité B. L'âge des réflecteurs de l'unité C a été supposé à partir de la compilation des données palynologiques du Petit-Lac. La chronologie de la phase de déglaciation (unité A) est définie selon les stades de retrait glaciaire du Petit-Lac (Coppet et Nyon ). L'état actuel des connaissances autorise un âge de 18'000 à 16'000 ans 14C BP pour cette unité mais ne permet pas de le confirmer. Pour le détail de la chronologie des réflecteurs, se rapporter à la figure 4.5.

      

Fig. 6.1 : Représentation schématique de l'évolution climatique et sédimentologique de la zone des Hauts-Monts de la déglaciation à nos jours.

      Enfin, dans la dernière partie du travail, les cartes isohypses (bathymétrie) et isopaques (épaisseur), ainsi que la représentation du modèle digital en 3D ont permis d'élaborer un scénario interprétatif pour la zone de Hauts-Monts. La période de la déglaciation (unité A) est caractérisée par des apports sédimentaires en provenance du nord/nord-est, déposés par décantation dans un lac proglaciaire. Ces sédiments ont été produits par le glacier würmien en retrait et par ses ré-avancées dans le Petit-Lac (stades de Coppet et de Nyon). Des irrégularités, en forme de monticules, témoignent de sédiments lâchés par des icebergs ou, plus probablement, de courants profonds induits par des «underflows» glaciaires en amont du bassin lacustre.

      A partir du début de l'unité B, le bassin lacustre a été marqué par d'importants changements sédimentaires liés au dégel du bassin versant. En effet, un gradient d'épaisseur inverse indique que la principale source d'apports était située vers l'embouchure de l'actuelle rivière de la Versoix. Durant cette période, le premier 'slump' d'envergure ('s3') a été déclenché dans la baie de Corsier. Puis, entre les réflecteurs 18 et 17, le niveau d'action de vagues s'est abaissé, suite à une augmentation de l'intensité des vents et/ou à un abaissement du niveau du lac.

      L'unité C a été marquée par le déclenchement de plusieurs slumps ('s1', 's2', 's4' et 's5') et par les importants effets de courants profonds sur la sédimentation du bassin central. Les premiers courants, qui ont généré une importante surface de non-déposition (838'300 m2), étaient contemporains de la couche 14 (Dryas récent ?), et semblent être apparus brusquement. Ils ont été suivis, après le réflecteur 14 ou le réflecteur 13, par des courants dont le pouvoir érosif a augmenté, peut-être suite à un abaissement du plan d'eau au Boréal. Durant le dépôt des couches 12 et 11, les effets érosifs des courants profonds ont diminué, puis ré-augmenté durant la séquence du réflecteur 10,9. Au cours de cette période, la zone sourde s'est avancée (couches 13, 12 et 11) dans le bassin central sous forme de lobes, probablement suite à une augmentation des apports en matière organique. Globalement, le taux de sédimentation de la partie sud du bassin central a été le double de celui de la partie nord.

      Pendant le Subatlantique récent (unité D), l'effet des courants profonds a beaucoup diminué jusqu'au réflecteur 5. Cette action des courants a ré-augmenté fortement après le réflecteur 4 et/ou le réflecteur 3, dans la partie centrale du bassin et jusqu'à -40 m de profondeur dans la baie de Corsier. A partir du réflecteur 8, on observe également une modification de la direction de répartition des sédiments apportés par la Versoix qui indique certainement un changement du régime des vents. Au temps du réflecteur 6, l'activité du delta semble avoir diminué par rapport à la production autochtone du lac, mais la présence de matériel terrigène dans l'enregistrement sédimentaire indique l'existence de forts «interflows» à cette époque.

      Les volumes (minimums) de sédiments déposés dans la zone des Hauts-Monts ont été quantifiés pour la période de la déglaciation à nos jours et représentent un total de 0.775 km3. Les apports les plus importants ont eu lieu durant la phase de déglaciation du Petit-Lac (unité A), et en moindre mesure suite au dégel du bassin versant et au démarrage de l'activité des rivières (unité B). Les taux de sédimentation moyens de l'unité C sont très faibles (0.31-0.47 mm/an) et cela malgré une probable augmentation de la production autochtone du lac due au réchauffement climatique de l'Holocène. Ce phénomène est expliqué grâce à l'importante activité des courants profonds qui ont érodé et transporté les sédiments hors de la zone, ainsi qu'à une réduction importante des apports allochtones engendrée par le développement du couvert forestier dès l'Allerød. Durant le Subatlantique récent (unité D), le taux de sédimentation moyen redevient important (estimation 5.03 mm/an). Trois processus permettent d'expliquer ce changement radical :

  1. L'effet érosif des courants a globalement diminué durant l'unité D.
  2. A partir du réflecteur 8, la déviation des dépôts de la Versoix vers le nord a accru le bilan sédimentaire du site.
  3. Les apports de la Versoix ont considérablement augmenté au cours de cette période suite à l'intensification de l'utilisation du sol engendrée par les activités humaines (déforestation, agriculture, etc.).

6.2 Discussion et comparaison avec l'enregistrement sédimentaire d'autres sites

      Comme les différentes étapes interprétatives de ce travail ont été commentées au sein des chapitres précédents 56 , nous ne discutons ici que des résultats liés à l'histoire du remplissage sédimentaire et au taux de sédimentation du bassin (cf. Chap. 5.7). Des points particuliers liés aux limites d'interprétation des phénomènes d'érosion et des courants sont aussi abordés.


6.2.1 Variations du taux de sédimentation de la déglaciation à nos jours

      De nombreux auteurs ont publié des courbes du taux de sédimentations de lacs en Suisse et en Autriche pour le Tardiglaciaire et l'Holocène.

      Vernet et Favarger (1982) ont proposé pour le lac Léman des taux de sédimentation Holocène (0.3-0.5 mm/an) similaires à nos résultats, mais le manque de précision dans la datation des séquences incite à relativiser ces résultats.

      Le lac de Zürich (Lister, 1988; Lister, 1989), comme la zone des Hauts-Monts, montre d'importantes variations du taux de sédimentation : de 15'000 à 14'000 ans 14C BP les valeurs passent de 10 à 7 mm/an 57  et elles tombent vers 1.4 mm/an au Dryas ancien. Durant l'Holocène, les apports sont plus faibles, avec des valeurs de 0.2 mm/an pour le Tardiglaciaire, le Préboréal et le Boréal, et de 0.4-0.6 mm/an pour le reste de la période.

      Les sédiments Holocène des lacs de Zug et de Zürich ont montré des taux de sédimentation moyens de 0.2-0.7 mm/an et de 0.25-0.4 mm/an respectivement (Kelts, 1978).

      Dans le lac de Thoune, les taux de sédimentation moyens de 1714 AD à aujourd'hui ont été calculés pour les différents compartiments lacustres : ils atteignent 7.8 mm/an près du delta de la Kander, 4-6 mm/an dans la plaine centrale et 1.7-4.8 mm/an sur les terrasses littorales. La distribution des sédiments dans le bassin est liée à la formation d' «underflows» par les eaux denses de la rivière (Sturm & Matter, 1972).

      Les sédiments du lac de Lugano (Niessen & Kelts, 1989) montrent une augmentation régulière des taux depuis le Bølling jusqu'à aujourd'hui. Pour la période du Préboréal à l'Atlantique, les taux (0.4-0.5 mm/an) ressemblent à ceux que nous avons établis. Par contre, l'augmentation du taux de sédimentation commence déjà à partir de 3'500 ans 14C BP (1.2 mm/an). Les taux maximums ont lieu durant le Subatlantique avec une valeur de 2.6 mm/an.

      Le lac Längsee, situé à 548 m d'altitude en Carinthie (Autriche), a également révélé des taux de sédimentation plus bas pour le Préboréal et le Boréal (0.18 mm/an) que pour la moyenne de l'ensemble de la période Holocène (0.3 mm/an). Durant la période de colonisation du site à l'âge du Bronze (Subboréal), le taux de sédimentation est monté à 0.84 mm/an pendant une période de 600 ans (Schmidt et al., 1998).

      Les sédiments du lac proglaciaire de Silvaplana (Haute Engadine, 1'791 m d'alt.) montrent un faible taux de sédimentation durant l'Atlantique (env. 0.02-0.04 g/cm2), qui augmente progressivement du Subboréal au Subatlantique récent, pour atteindre des valeurs 10 fois plus fortes (0.35 g/cm2). Au contraire de celui des lacs du Plateau Suisse, le taux de sédimentation du début du Boréal (0.15 g/cm2) est plus important que celui de l'Atlantique. Ces variations sont directement liées aux variations de l'activité des glaciers (Leemann & Niessen, 1994a). Dans le bassin adjacent du lac de Champfér, la brusque diminution du taux de sédimentation vers 9'350 ans 14C BP (début du Boréal) est attribuée à une cessation de l'arrivée des eaux de fonte glaciaires (Ohlendorf, 1999). En aval, le lac St Moritz (1'768 m d'alt.) montre des taux plutôt bas pour les périodes du Boréal et de l'Atlantique (0.4-0.5 mm/an) et une augmentation régulière du Subboréal au Subatlantique récent (0.7-1.7 mm/an) (Ariztegui, 1993). Toutefois, en raison de la différence de contexte environnemental et géographique de ces lacs avec celui du Léman, il est difficile de comparer ces taux de sédimentation.

      En conclusion, on constate que la plupart des grands lacs du Plateau suisse ont enregistré un bas taux de sédimentation pour les périodes du Préboréal et du Boréal et de l'Atlantique. Mais contrairement aux résultats de ce travail, les importants taux de sédimentation au Subatlantique des autres lacs ont toujours été précédés d'une augmentation moindre au Subboréal. De plus, la valeur du taux de sédimentation de la zone des Hauts-Monts pour le Subatlantique récent est bien supérieure à celle des autres bassins. Cette différence peut être en partie expliquée par la mauvaise résolution temporelle de notre unité C, et en conséquence, il n'est pas impossible que la zone des Hauts-Monts aie en réalité également enregistré une augmentation des dépôts dès le Subboréal. Toutefois, les forts taux du Subatlantique récent sont certainement liés à la hydrodynamique particulière de la zone des Hauts-Monts, ainsi qu'à une forte influence anthropique locale.


6.2.2 Interprétation des érosions

      Il est difficile de comprendre l'exacte signification des traces d'érosion ou de non-déposition dans un bassin, car les indices ont disparu ou sont absents. Dans ces circonstances, les chercheurs sont obligés d'interpréter un hiatus, c'est-à-dire un manque.

      Classiquement, en bordure de bassin et à faible profondeur, les phénomènes d'érosion sont interprétés comme des phases de régression. De nombreux auteurs ont basé leur courbe de fluctuations du niveau lacustre sur de tels phénomènes (Abbott et al., 1997; Gaillard & Moulin, 1989; Magny, 1992a; Magny, 1993; Magny & Olive, 1981; Magny & Richoz, 1998; Moore et al., 1994).

      Cependant, le contexte sédimentaire de la zone des Hauts-Monts montre à quel point ce type d'interprétation est sujet à caution : une non-déposition à -60 m de profondeur dans le bassin central et une érosion à -40 m dans la baie de Corsier ne peuvent pas être expliquées à l'aide d'une énorme fluctuation lacustre, surtout qu'il s'agit de l'érosion de séquences sédimentaires appartenant à la période historique du Subatlantique récent. En effet, il n'existe pas de traces écrites d'un tel phénomène pour les dernières 1000 années. Il faut donc se limiter à mentionner l'occurrence de l'érosion et les éventuelles causes de la variation du niveau d'énergie du milieu, car un abaissement du niveau lacustre de quelques mètres ne suffit pas à expliquer ce cas.

      En outre, il est difficile de savoir si l'érosion avérée d'une couche est l'effet d'un événement catastrophique ponctuel (tempête, événement sismique, rupture de barrage) ou de processus continus dans le temps (augmentation statistique de la vitesse du vent, abaissement moyen du plan d'eau).

      Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes donc restreints à la description des changements d'intensité de l'érosion, sans essayer de caractériser les mouvements d'eau générés sur le fond (origine, direction, fréquence, etc.), et encore moins les processus qui les ont créés.

      Une meilleure datation des séquences sédimentaires de ce travail permettrait toutefois d'attribuer éventuellement plusieurs érosions à des événements catastrophiques, comme par exemple celui du Tauredunum en l'an 563 AD (Beres et al., 2000), ou comme les vidanges glaciaires de type 'Jökulhlaups' (Waitt, 1980; Waitt, 1984). Il serait aussi possible de faire des corrélations avec des événements sédimentaires d'autres sites comme les 'slumps' et les homogénites du lac de Lucerne (Siegenthaler et al., 1987) et l'enregistrement sismo-techonique du Lac d'Annecy (Beck et al., 1996). Dans cette optique, le slump 's3' de cette recherche pourrait être mis en relation avec la perturbation majeure de l'unité 4R à la transition Tardiglaciaire-Holocène du lac du Bourget (Chapron, 1999). Mais sans calage temporel précis, ces idées restent de pures hypothèses.


6.2.3 Interprétation de la direction des courants

      Malgré les nouvelles informations que le travail de Maud Ulmann (2000) a apportées sur les courants de la zone des Haurs-Monts (cf. Chap. 1.2.2), il est difficile d'interpréter les changements avérés de direction de la répartition des sédiments de la Versoix (cf. Chap. 5.6.2), car il faudrait déterminer si ces apports sont le résultat d' «overflows» ou d' «interflows» deltaïques. Dans le cas de sédiments transportés en surface («overflows»), on peut penser que cette déviation représente une augmentation des courants de surfaces générés par le Vent ; et au contraire, si il s'agit de sédiments transportés au sein de la masse d'eau («interflows»), c'est une augmentation des courants profonds induits par la Bise qui produirait ce phénomène. Toutefois, comme la direction de ce dépôt est contraire à l'écoulement principal des eaux du Petit-Lac, et qu'il ne correspond ni à la direction de la pente du bassin à la sortie de l'embouchure, ni à une déviation induite par la force de Coriolis, il est certain que ce phénomène est le reflet d'un changement important de la circulation des eaux du lac. Comme ces séquences sédimentaires sont contemporaines de la diminution des surfaces de non-déposition dans le bassin central, on peut toutefois affirmer qu'il ne s'agit probablement pas d'une augmentation de la vitesse des courants, mais plutôt d'un changement de leur direction.

      Dans la même logique, les «interflows» au temps du réflecteur 6, incarnés par des couches terrigènes au pied des Hauts-Monts, ont été probablement produits durant une période de Bise, puisqu'ils ont été déviés en direction du nord-est. Mais il ne faut pas tirer de conclusion générale sur les conditions de vent de cette époque, car ces niveaux sédimentaires représentent un événement et non un processus continu dans le temps.

      Pourtant, dans le cas d'une meilleure résolution temporelle de nos séquences sédimentaires, plusieurs nouvelles pistes relatives aux tempêtes de vent pourraient apporter des éléments supplémentaires à notre interprétation climatique de l'évolution du bassin :

      Christian Pfister (1999) a étudié la répartition des tempêtes catastrophiques des 500 dernières années qui ont été enregistrées dans les annales historiques de Suisse. Il ressort que 2/3 de ces événements ont eu lieu durant les mois d'hiver. En moyenne, le temps de retour de ces événements est de 15 ans. Toutefois, la fin du 16ème siècle, la fin du 17ème siècle (Minimum de Maunder ?) et le début du 19ème siècle (Minimum de Dalton ?) ont été marqués par des périodes sans tempête de vent. Ces phases, qui correspondent à l'avancée des glaciers alpins et à la période du 'Petit Age Glaciaire', montrent donc que les périodes de refroidissement du Subatlantique récent sont caractérisées par une diminution des tempêtes.

      L'étude historique et statistique des tempêtes hivernales dans la partie nord-est du Plateau suisse a montré une diminution constante des forts vents pour de la période 1881 AD à 1992 AD. Il a aussi été établi que 50% des tempêtes hivernales de cette période sont liées à des situations cycloniques d'ouest (Schiesser et al., 1997a; Schiesser et al., 1997b). A partir de 1940, le nord de l'Europe montre un résultat différent de celui de la Suisse : la fréquence des tempêtes hivernales augmente. Ce phénomène est expliqué par le changement de la position des cyclones ces dernières décennies : depuis 1940 les situations cycloniques de sud-ouest ont diminué au profit des situations cycloniques d'ouest. Ainsi, la Suisse est aujourd'hui généralement située hors de la route des cyclones qui passent plus au nord.

      Dans la perspective d'une meilleure datation des séquences sédimentaires du Subatlantique récent, ces deux travaux pourraient permettre l'interprétation climatique des phénomènes d'érosion récents de la zone des Hauts-Monts, ainsi que la mise au point d'un modèle interprétatif pour les événements passés.


6.3 Perspectives de recherche

      Face à la complexité des phénomènes naturels, les problèmes posés ne sont souvent que partiellement résolus et soulèvent de nombreuses nouvelles questions. Ainsi, les résultats issus de ce travail ont amélioré la connaissance de l'histoire du remplissage sédimentaire de la zone des Hauts-Monts. Mais de nombreux points peuvent être perfectionnés à l'aide d'études supplémentaires. Plusieurs directions de recherche sont à envisager :

  1. Notre étude a permis de révéler l'existence de courants profonds dans la zone des Hauts-Monts. Les causes et les paramètres de leur variation au cours du temps sont encore mystérieuses. Le travail de Maud Ulmann (2000) a montré qu'aujourd'hui de forts vents du sud-ouest et du nord-est génèrent des courants profonds de direction opposée à celle des courants de surface et que la mise en place de ces courants se fait avec un mouvement hélicoïdal. De nombreuses interrogations sur ces mécanismes hydrodynamiques actuels et passés, ainsi que sur leur relation avec les changements climatiques subsistent, et ouvrent un énorme champs de recherches.
  2. Concernant la datation des sédiments récents, l'analyse de l'activité des radio-isotopes (7Be, 137Cs, 210Pb) de quelques sondages, échantillonnés avec un carottier conservant un sommet non-perturbé, permettrait de définir la variation géographique des taux de sédimentation récents. Ces résultats amélioreraient nos connaissances sur l'activité récente du delta de la Versoix. Dans un deuxième temps, une corrélation des changements sédimentaires observés avec les archives climatiques instrumentales (température, précipitation, vent) pourraient éventuellement servir de modèle interprétatif aux séquences plus anciennes.
  3. La datation des unités sismiques B et C est un élément essentiel à l'amélioration de ce travail. Elle peut être facilement améliorée à l'aide d'analyses palynologiques sur de longues carottes. Cette recherche permettrait d'augmenter la résolution temporelle des différents phénomènes décrits dans ce travail (début de l'activité de la Versoix, apparition des courants, déclenchement des slumps, etc.), d'améliorer la précision des taux de sédimentation moyens et de caractériser l'évolution du couvert végétal. En outre, l'analyse pétro-sédimentaire et géochimique des sédiments d'une longue carotte (unité B-C) produirait une définition de l'évolution trophique du lac et des changements environnementaux du bassin versant au cours du temps.
  4. L'acquisition de profils sismiques basse résolution supplémentaires (par exemple : canon-à-air ou sparker) permettrait de compléter le modèle 3D pour les séquences sédimentaires situées sous l'unité A. La géométrie et le volume des séquences glaciaires, ainsi que les limites géographiques du bassin encaissant pourraient ainsi être définies et les bilans volumiques recalculés. L'étude sismique de ce travail pourrait aussi être étendue en direction du nord-est pour rejoindre la zone de la Promenthouse (Baster, en prép.). Cet ajout permettrait d'établir l'exacte géométrie en 3D des dépôts de 'till-tongue' des stades glaciaires de Coppet et de Nyon, et d'achever la cartographie des dépôts Tardiglaciaire et Holocène du Petit-Lac.

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