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1. Introduction

      Le mutisme sélectif n'est pas un trouble fréquent et il reste encore actuellement un trouble intriguant entouré par un certain mystère. Pourquoi un enfant qui est capable de parler dans certaines situations ne le fait pas dans d'autres situations (définition selon le DSM-IV de l'Association Américaine de Psychiatrie 1994, et le CIM-10 de l'Organisation Mondiale de la Santé 1992)? Jusqu'à récemment, la plupart de la littérature médicale s'est occupée de cas isolés et c'est seulement ces dernières années que de plus grandes études ont été élaborées. Ceci s'explique par le fait que ce trouble était considéré comme rare et les critères diagnostiques sont restés longtemps assez mal définis. Plusieurs hypothèses ont été évoquées quant à l'origine et la signification du mutisme : traumatisme psychique ou physique, hérédité familiale, symptôme exprimant une difficulté de séparation, un conflit de loyauté vis à vis des parents ou le pays d'origine et plus récemment, symptôme faisant partie d'autres troubles tel que l'anxiété ou la phobie sociale. Selon où l'accent est mis, les aspects psychodynamiques du trouble ou les aspects plus biologiques sont mis au premier plan. Les traitements préconisés ont aussi été nombreux et variés : traitements psychothérapeutiques divers, traitements orientés vers les familles, traitements comportementaux et plus récemment la pharmacothérapie.

      Ce trouble est dit rare mais les chiffres concernant la prévalence du mutisme sélectif sont controversés avec peu d'études à grandes échelles. Dans leur enquête, Brown et Lloyd (1975) ont envoyé des questionnaires aux parents de 6,072 enfants âgés de plus que 5 ans ayant commencé l'école 8 semaines auparavant et ils ont rapporté une prévalence de 0.69% (42/6,072 enfants). Après 12 mois la prévalence n'était plus que 0,02% (1/6,072 enfants). Cependant, ce chiffre ne concerne que le mutisme dirigé envers les enseignants ainsi que les autres enfants. Sont alors exclus les enfants qui ont commencé à parler à certaines de ces personnes même si le mutisme était maintenu par ailleurs. Il faut également noter que cette étude a été réalisée à Birmingham en Angleterre et que 41% des enfants dit mutique en commençant l'école étaient issus de familles immigrées. Les critères pour le diagnostic n'étaient pas non plus les mêmes qu'actuellement. Il s'agissait plutôt d'une définition large d'enfants ne parlant pas à l'école et ceci en début d'année scolaire. Fundudis et al. (1979) ont étudié une population de 3,300 enfants à Newcastle en Angleterre. En appliquant une définition du trouble beaucoup plus restrictive, ils n'ont trouvé que 2 cas de mutisme sélectif (0.06%), mais ceci ne concernait que des cas persistants au-delà de l'âge de 7 ans. Une autre grande étude a été publiée en 1997 par Kopp et Gillberg. La population incluait pratiquement tous les enfants de 7-15 ans à Göteborg, en Suède. L'incidence du mutisme était de 0.18%. En plus, tous les cas étaient des cas persistants au delà de 2 ans. Si des plus petits enfants avaient été inclus dans cette étude, la prévalence aurait sûrement été encore plus élevée. Selon certains auteurs, il y aurait une prédominance chez les filles (Hayden 1980, Kolvin et Fundudis 1981, Steinhausen et Juzi 1995, Wilkins 1985, Wright 1968) mais d'autres pensent que le trouble se retrouve dans les deux sexes avec une distribution égale (Brown et al 1975, Kolvin et al 1981). La plupart des cas décrits sont diagnostiqués vers l'âge de 6 ou 7 ans (Hayden 1980, Kolvin 1981, Wright 1968). Dans une étude sur 20 cas, Krohn et al (1992) ont trouvé que l'âge moyen au début de la symptomatologie était de 4 ans alors que l'âge moyen au début du traitement était de 6,7 ans, avec une tendance à consulter suite à des difficultés scolaires.

      D'après notre expérience, ce trouble pourrait bien être sous-diagnostiqué. Dans notre service (Service de Guidance Infantile, Genève, devenu actuellement Service de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent), qui se spécialise dans les problèmes de la petite enfance avant l'âge de la scolarité obligatoire (avant l'âge de 6 ans), nous voyons un certain nombre de cas de mutisme sélectif apparaître juste après ou même pendant l'acquisition du langage. Parfois le problème disparaît avant le début de l'école. Souvent les parents consultent pour d'autres motifs et le mutisme est seulement découvert au cours des entretiens d'évaluation. Le petit enfant est souvent décrit comme étant timide en public mais autrement parlant parfaitement bien une fois qu'il se sent plus à l'aise. La situation d'entretien peut être vue comme une situation de stress pour l'enfant pendant un certain temps et le thérapeute se laisse entraîner dans cette idée par les dires de la mère qui a souvent de la peine à admettre le problème étant donné que l'enfant lui parle normalement à la maison. Souvent les membres de la famille, les enseignants, les amis, et même les soignants envers qui le mutisme de l'enfant est dirigé, essaient d'ignorer le problème pour éviter les effets peu rassurants que ce trouble produit. Parfois les parents et ces autres personnes de l'entourage se sentent responsables du comportement de l'enfant et impuissants lorsqu'ils n'arrivent pas à éliciter les réponses verbales adéquates de la part de l'enfant. Souvent le début du trouble se fait si insidieusement que le trouble semble faire partie de la personnalité de l'enfant et devient accepté comme tel et ne motive pas les parents à chercher de l'aide. Tout ceci est également valable pour les enfants d'âge scolaire mais chez l'enfant encore petit chez qui l'apprentissage du langage vient de commencer, la tendance à plutôt attendre avant de chercher de l'aide est encore plus marquée. D'ailleurs les directives CIM-10 concernant l'acquisition du langage disent bien qu'il existe d'importantes variations dans le développement normal du langage. Seulement l'absence d'apparition de mots isolés vers l'âge de 2 ans, et l'absence de production de phrases de deux mots vers l'âge de 3 ans sont significatifs d'un retard. Ces exigences sont néanmoins très faibles vu que la plupart des enfants parlent relativement bien à l'âge de 3 ans mais nous pouvons en déduire que le diagnostic du mutisme sélectif est d'autant plus difficile à poser chez le petit enfant. Le DSM-IV est plus nuancé dans le sens qu'un retard de langage de type expressif est évoqué seulement si les capacités d'expression de l'enfant sont nettement au-dessous de ses capacités intellectuelles non-verbales et de ses capacités réceptives du langage.

      Ces dernières années, nous avons pu constater un intérêt grandissant pour le mutisme sélectif. Le nombre de publications concernant ce trouble a augmenté de manière importante dans les journaux anglophones plus spécifiquement. Non seulement des études concernant des nombres de cas plus importants (Black et Uhde 1995, Kristensen 2000, Steinhausen et Juzi 1996) mais aussi des articles sur les différentes modalités de traitement: psychothérapie psychodynamique, thérapie comportementale et traitement psychopharmacologique (Black et Uhde 1992, 1994, Dow et al 1995, Hayden 1980, Wright et al 1995, Yanof 1996). Entre 1980 et 1994, le mutisme électif a été classifié dans le DSM sous la rubrique 'autres troubles de l'enfance et l'adolescence'. Avec la publication du DSM-IV en 1994, le mutisme 'électif' a été renommé le mutisme 'sélectif' pour mieux souligner son aspect involontaire et dépendant du contexte social, même si des aspects oppositionnels peuvent être présents. Le mutisme fait toujours partie des 'autres troubles de la première enfance, de la deuxième enfance ou de l'adolescence' mais la durée minimum des symptômes a été précisée dans le DSM-IV, (un mois mais pas seulement le premier mois d'école), pour éviter que des cas transitoires et souvent réactionnels soient inclus. La CIM-10 a gardé le terme 'électif' mais ne précise pas une durée minimum des symptômes. Dans cette dernière classification le mutisme se retrouve dans un ensemble de troubles relativement hétérogènes; 'Les troubles du fonctionnement social débutant spécifiquement dans l'enfance ou à l'adolescence'. Dans les deux classifications, l'enfant doit être capable de parler dans certaines situations même si des légers problèmes d'articulation ou de retard de la parole sont présents.

      Le but de toute classification étant de regrouper des constellations de symptômes, certains auteurs pensent que le mutisme sélectif devrait actuellement faire partie des phobies sociales (Black et Uhde 1992 et 1995, Crumley 1990 et 1993) ou des troubles anxieux (Dummit et al 1997), alors que d'autres trouvent des similarités avec les troubles d'opposition (Krohn et al 1992 et 1993). D'autres encore, pensent que le mutisme sélectif mérite toujours sa classification distincte étant donné qu'il s'agit d'un groupe très hétérogène (Cunningham et al 1983). Pour ceux qui ont une orientation plutôt psychodynamique, les conflits intra-psychiques doivent être adressés (Valner & Nemiroff 1995 et Yanof 1996).

      Notre expérience nous montre qu'avec de très jeunes enfants, ni un réductionnisme qui néglige le reste de la personnalité de l'enfant en ne soulignant que les aspects symptomatiques " visibles ", ni une trop grande concentration sur les facteurs étiologiques ne nous aident pas à mieux comprendre pourquoi certains enfants s'expriment par ce symptôme en particulier. Le mutisme sélectif ne nous semble pas être un syndrome mais plutôt un symptôme qui s'inscrit dans des tableaux cliniques très divers. Nous nous intéressons à savoir quels types de psychopathologies sous-jacentes sont présentes chez ces enfants et dans quelles proportions. Nous aimerions aussi pouvoir comparer ces enfants sur le plan de leurs anamnèses et de leurs évolutions qui nous semblent aussi très variables.

      Ceci nous amène à poser les questions suivantes:

  1. Est-ce que le mutisme sélectif est associé à une structure psychopathologique particulière?
  2. Est-ce qu'il existe une co-morbidité entre ce trouble et d'autres manifestations psychopathologiques?
  3. A quel âge est-ce que les symptômes se développent et quand est-ce que l'entourage décide de consulter?
  4. Est-ce que le mutisme sélectif de la petite enfance ressemble au mutisme sélectif chez les enfants d'âge scolaire?
  5. Quel type de relation mère-enfant peut-on retrouver chez ces enfants?
  6. Est-ce que la psychopathologie parentale ou familiale joue un rôle important dans ce trouble?
  7. Quelle est l'évolution de ces enfants?

      Notre hypothèse de base est la suivante : Le mutisme sélectif est un symptôme par lequel des enfants ayant des troubles et des structures très différents expriment leur mal-être. C'est à dire qu'il n'y a pas qu'un mutisme sélectif. D'ailleurs le but des classifications telles que le DSM et la CIM est de regrouper des individus partageant certains symptômes tout en sachant que ces individus sont très probablement très hétérogènes. Nous pensons que seul un diagnostic complet qui reflète la structure sous-jacente et qui prend toute la symptomatologie en compte peut emmener le thérapeute à choisir le traitement qui convient dans un cas particulier et à établir un pronostic. Ceci pour permettre un meilleur espoir de succès dans le traitement de ce trouble déjà connu pour son aspect résistant. Dans notre service à Genève, nous avons adopté la Classification française que nous utilisons de pair avec celle du DSM-IV et plus récemment avec celle de la CIM-10. L'approche diagnostique dynamico-structurelle de la Classification française nous permet d'aller au-delà du symptôme spécifique, qui peut toutefois être rajouté sous l'axe I, pour pouvoir mieux mettre l'accent sur la conflictualité par rapport à laquelle les symptômes prennent un sens (Palacio-Espasa et Dufour 1994). Bien sûr le DSM-IV ainsi que la CIM-10 excluent déjà les cas ayant un trouble psychotique important (trouble envahissant du développement). Néanmoins, nous voyons un certain nombre de cas qui sont plutôt des enfants opposants avec un trouble de la personnalité plus ou moins important ainsi que d'autres cas qui sembleraient se rapprocher d'une phobie sociale plus ou moins transitoire avec une structure sous-jacente de type plutôt névrotique. C'est à partir de l'âge de latence qu'une définition plus précise de la personnalité devient possible mais même chez le tout petit enfant des tendances vers une certaine structuration peuvent être observées et décrites.

      La tendance actuelle est de considérer le mutisme sélectif comme un symptôme plutôt névrotique ou réactionnel et donc de promouvoir des traitements de type cognitivo-comportementale, des interventions sur l'entourage et des traitements pharmacologiques sans trop s'interroger sur la personnalité sous-jacente de l'enfant. Si notre impression clinique est correcte, chez le petit enfant ce symptôme peut souvent être l'expression d'une problématique plus importante. Ceci aurait des implications pour les indications de traitement. Si ces enfants ne sont pas traités de manière satisfaisante pendant la petite enfance, il est toujours possible que certains de ces cas se résolvent spontanément. Mais il est aussi possible que chez un certain nombre de ces cas, le mutisme signale un problème relationnel ou comportemental plus important et la simple disparition du symptôme peut être faussement rassurante. Il existe aussi des cas où le mutisme persiste au-delà de l'âge scolaire. Ces enfants ne devraient pas être confondus avec d'autres cas qui se déclenchent en début de scolarité et qui sont plutôt réactionnels à cette nouvelle période d'adaptation.


2. Revue de la littérature

      Le mutisme sélectif a été décrit pour la première fois en 1877 par Kussmal . Il a nommé ce trouble où les gens savent parler mais choisissent de ne pas parler, " aphasie voluntaria " (Kussmal 1877). En 1927, Sophie Morgenstern a préféré le terme " mutisme psychogène ", mais comme beaucoup d'autres à cette époque, elle semblait penser que le mutisme était surtout l'expression d'une opposition et d'une provocation (Morgenstern 1927). La nomination " mutisme électif " a été donné pour la première fois en 1934 par Moritz Tramer, pionnier de la psychiatrie suisse, pour décrire un syndrome progressif dans lequel l'enfant ne parle pas en dehors de son entourage familial et souffre très probablement d'un trouble grave de la personnalité (Tramer 1934). A ce moment là, les enfants souffrant de psychose grave n'étaient pas exclus du diagnostic et comme l'a remarqué Louise Despert en 1958, le mutisme électif est souvent un des signes précoces de la psychose chez les enfants (Despert 1958).

      Dans les années cinquante, Weber a noté que les enfants souffrant de ce trouble avaient souvent une relation trop proche avec leurs mères (Weber 1950), alors que d'autres ont remarqué l'importance des expériences traumatiques comme facteur déclenchant (Launay et al 1949, Von Misch 1952). Les années soixante ont témoigné d'un plus grand effort pour essayer de comprendre les aspects psychodynamiques de ce trouble. Certaines études de cas cliniques de cette époque évoquent la présence d'une psychopathologie familiale importante (Pustrom et al 1964), ainsi que la présence d'un traumatisme psychologique au moment de l'acquisition du langage (Browne et al 1963). Lebovici et al (1963), réfléchissant sur le rôle du langage dans l'évolution de l'enfant, pensent que chez l'enfant mutique, "...que la provocation soit consciente ou pas, volontaire ou non, elle n'en dénote pas moins une perturbation grave du principe de la réalité. Ne pouvoir entrer en relation avec autrui qu'en se privant de ce mode de relation par excellence qu'est le langage, dénote une altération toujours importante du moi". Ils soulignent la nécessité de prendre ces enfants en charge pendant de longues années, la disparition du mutisme n'étant qu'une étape du traitement et pas nécessairement de bon pronostic pour l'évolution ultérieure. Cependant, le nombre de cas étudié restait encore petit et il s'agissait pour la plupart de descriptions de cas isolés.

      HL Wright a publié une étude sur 24 enfants qui ne parlaient pas à l'école (Wright HL 1968). Malgré le fait qu'il n'y a pas eu d'exclusion de certaines pathologies qui aujourd'hui ne nous permettraient pas de poser le diagnostic d'un mutisme sélectif, l'étude reste très intéressante. Wright a trouvé que dans la plupart des cas, la relation mère-enfant était caractérisée par la dépendance et l'ambivalence ainsi qu'un besoin excessif de contrôle. Le père avait un rôle souvent passif. Ces types de relations se répétaient à l'extérieur de la maison. Bien qu'une partie de ces enfants montrait une amélioration spontanée, Wright pensait qu'une prise en charge rapide avait des plus grandes chances de succès. Il traitait le symptôme directement, s'attardant seulement par la suite sur la psychopathologie sous-jacente. Il ne permettait pas à l'enfant de rester silencieux pendant les premiers entretiens, cherchant à le faire parler même s'il s'agissait de ne le faire prononcer que quelques mots. Il utilisait tous les moyens à sa disposition, même le chantage et les récompenses, pour éviter que le symptôme ne s'instaure pas dans la relation avec le thérapeute. Les mères étaient toujours vues par le thérapeute, et les enseignants participaient au traitement à des moments appropriés. Le fait que l'enfant parlait au thérapeute était ensuite utilisé pour transposer ceci à d'autres situations toujours en compagnie du thérapeute. Les résultats étaient plutôt encourageants.

      En 1981, Kolvin et Fundudis ont étudié 24 enfants avec un mutisme électif en les comparant avec 84 enfants ayant un retard du langage et 102 enfants avec un développement normal. Ils citent une certaine immaturité du développement et plus particulièrement du langage chez les enfants mutiques. Il y aurait également plus de troubles du comportement et des troubles d'énurésie et d'encoprésie chez ces enfants. Une timidité excessive serait présente depuis la toute petite enfance et la prévalence de troubles psychiatriques dans leurs familles serait élevée. Les auteurs soulignent aussi une grande résistance au traitement (Kolvin et Fundudis 1981).

      En 1985, Wright HH et ses collègues ont publié leurs résultats concernant trois enfants âgés de moins de 6 ans traités pour un mutisme électif par des interventions brèves. Leur argument était qu'un diagnostic plus précoce serait important pour permettre une prise en charge efficace avec un meilleur pronostic. Dans leur revue de la littérature, ils soulignent que sur 81 cas rapportés dans 47 publications, l'âge moyen pour le début du trouble était de 4.9 ans tandis que l'âge à la première consultation était de 8.3 ans (Wright HH et al 1985). Ce délai entre le début du trouble et son diagnostic et traitement a aussi été rapporté par Wright HL (1968), Wergland (1979), Hayden (1980) ainsi que Kolvin et Fundudis (1981).

      Paniagua et Saeed (1988), ont proposé de distinguer le mutisme 'électif' du mutisme 'progressif' où l'enfant progressivement ne communique même plus avec ses proches. Cette distinction n'a pas été retenue dans la littérature par la suite probablement parce que les cas en question souffraient vraisemblablement d'un trouble de type autistique que l'introduction de critères plus précis a permis d'exclure par la suite.

      Myriam Lesser-Katz (1988) pensait que le mutisme pouvait être compris comme étant une fixation ou une régression vers le stade du développement où typiquement les enfants montrent des réactions aux personnes étrangères. Elle évoque deux types de mutisme électif : compliant et oppositionnel, et elle décrit différentes approches à utiliser dans ces cas.

      En 1992, une revue de la littérature faite dans le but de faciliter des modifications éventuelles des critères de diagnostic dans le DSM, a été entrepris par Nancy Kaplan Tancer. Elle soulignait que le diagnostic concernait un groupe d'enfants ayant des psychopathologies très variées, que les implications diagnostiques étaient différentes selon la durée des symptômes, (cas persistants versus cas de courte durée), et que la durée des symptômes pour pouvoir poser le diagnostic restait problématique. Elle a conclu que bien que le mutisme électif restait une catégorie assez vague incluant plusieurs sous-groupes d'enfants, il était impossible, vu l'absence d'études contrôlées, de changer la nomenclature. Cependant, elle a conseillé l'introduction de critères concernant la durée minimum des symptômes (Tancer 1992). En effet, ces consignes ont été suivies dans le DSM-IV et une durée minimum d'un mois a été spécifiée. En fait, les années nonante ont vu un intérêt grandissant pour le mutisme avec la création d'une fondation pour le mutisme électif aux Etats-Unis ainsi que des demandes par des groupes de parents pour un changement de nom dans le DSM. C'est ainsi que le mutisme 'électif' du DSM-III-R est devenu le mutisme 'sélectif' dans le DSM-IV pour mieux accentuer l'aspect involontaire du trouble.

      Klin et Volkmar (1993), ont souligné l'importance d'une évaluation du fonctionnement intellectuel chez les enfants mutiques pour pouvoir être rassuré quant à leur compréhension ainsi que leurs capacités non-verbales. Ils s'inquiétaient de la tendance à trop regarder les aspects de 'motivation' chez ces enfants et pensaient que ceci pouvait obscurcir le fait qu'au moins une partie de ces enfants a des difficultés de retard intellectuel. Par la suite, l'association possible du mutisme électif avec des anomalies génétiques tel que le syndrome de l'X-fragile a aussi été soulevée (Hagerman 1999, Simons 1997).

      En 1995, les premières recommandations pour l'évaluation et traitement du mutisme sélectif ont été élaborées (Dow et al 1995). Pour ces auteurs, le mutisme sélectif est à conceptualiser comme un trouble anxieux de l'enfance, l'équivalent de la phobie sociale chez l'adulte avec l'accent plutôt sur les aspects dit 'biologiques' tel que le tempérament, l'inhibition, la timidité et l'anxiété, que des facteurs psychosociaux et psychodynamiques, bien que ceux-ci soient également évoqués. L'évaluation devrait également pouvoir identifier la présence d'autres symptômes nécessitant un traitement, par exemple des troubles du langage. Une approche pluridisciplinaire, incluant les enseignants et la famille, avec des interventions non seulement à la clinique ambulatoire mais aussi à l'école ainsi qu'à la maison est conseillée. Des interventions psychothérapeutiques et/ou pharmacothérapeutiques sont recommandées.

      Une étude suisse concernant 100 cas de mutisme a été publié en 1996 (Steinhausen et Juzi 1996). Cette étude démontre que le mutisme démarre typiquement pendant la petite enfance (avant l'âge scolaire), se retrouvant plus souvent chez les filles et dans toutes les couches sociales. Les enfants ont souvent eu des troubles du langage auparavant et 75% des enfants atteints montre des troubles du comportement. Des traits de la personnalité de timidité et d'anxiété sont également présents chez beaucoup de ces enfants (85% et 66% respectivement). Il est intéressant de noter que les auteurs soulignent le fait que les traits anxieux ne sont pas uniquement indicatifs d'une phobie sociale, comme d'autres auteurs avaient pu le formuler auparavant (Black et Uhde 1992, 1995), mais représentent des traits de caractère beaucoup plus généralisés qu'on peut retrouver même en dehors de toute situation de communication sociale.

      Dummit et al ont étudié 50 cas de mutisme électif (1997). Ils ont trouvé que tous les enfants avaient également les critères pour les diagnostiques de phobie sociale ou de trouble de la personnalité de type évitante. Selon les auteurs, ceci semblerait indiquer que le mutisme électif se retrouve dans le contexte des troubles anxieux.

      A la suite des hypothèses concernant une étiologie 'biologique' pour le mutisme sélectif dans laquelle une prédisposition à la timidité et l'anxiété joueraient un rôle, plusieurs articles, concernant pour la plupart des cas uniques, ont été publiés dans les années nonante pour démontrer l'efficacité des traitements médicamenteux dans le traitement du mutisme (Black et Uhde 1994, Dummit et al 1997, Wright et al 1995). Les antidépresseurs, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) tel que la fluoxétine, ont été démontrés comme étant efficace dans un certain nombre de cas. La tendance actuelle aux États-Unis serait de souligner les similarités entre ce trouble et les troubles anxieux et plus spécifiquement les troubles phobiques. Les traitements préconisés reflètent cette tendance (Black et Uhde 1992 et 1994, Wright HH 1995, Dummit 1996).

      Une revue de la littérature concernant les différents traitements utilisés pour le mutisme entre 1980 et 1996 a été publié en 1998 par Karin Anstendig. L'efficacité de chaque forme de traitement (psychodynamique, systémique, comportementale et psychopharmacologique) est discutée. Il semblerait que les interventions 'multimodales' ou très individualisées auraient les plus grandes chances de succès. Une relation possible entre le mutisme sélectif et les troubles anxieux est de nouveau évoquée.

      Une grande étude de la population a été faite à Göteborg en Suède et les résultats ont été publié en 1997 (Kopp et Gillberg 1997). Seuls des enfants de l'âge scolaire obligatoire en Suède ont été inclus (7-15 ans). L'étude est intéressante parce que l'incidence du mutisme sélectif dans ce groupe (18 sur 10 000) est bien plus élevée que dans l'étude de Fundudis publié 18 ans auparavant (8 sur 10 000) (Fundudis et al 1979). Contrairement à l'étude de Brown et Lloyd de 1975, qui avait trouvé une incidence encore plus importante (72 sur 10 000), les critères DSM-IV ont été utilisés pour poser le diagnostic et les enfants étaient plus âgés. Il faut aussi noter que les cas retrouvés étaient relativement graves puisque tous les enfants avaient un mutisme depuis au moins deux ans.

      En 1999, le mutisme sélectif apparaît pour la première fois dans un journal américain de pédiatrie (Joseph 1999). L'auteur décrit deux cas de sa pratique clinique et il souligne les changements récents concernant le diagnostic de ce trouble. Aussi en 1999, Karin Anstendig présente des arguments pour la re-classification du mutisme sélectif dans le DSM-IV. L'auteur conclu qu'il y a maintenant assez de données pour pouvoir remettre en question sa classification actuelle en disant que les caractéristiques communes du mutisme sélectif et les troubles anxieux indiquent des étiologies similaires. Selon Anstendig, si on comprend le mutisme sélectif comme étant un variant de l'anxiété, c'est à dire une autre forme d'expression de l'anxiété, ceci pourrait nous aider à mieux comprendre ces enfants. Les traitements actuellement utilisés pour les troubles de l'anxiété pourraient alors être employés pour le mutisme sélectif et tout soupçon d'opposition pourrait être éliminé.

      En 2000, Hanne Kristensen a étudié 54 enfants avec un mutisme sélectif en les comparant avec un groupe contrôle. Kristensen a trouvé que le mutisme sélectif est plus souvent associé à un trouble/retard du développement (68.5%), des troubles anxieux (74.1%) et des troubles de la propreté (31.5%), que des cas de contrôle où la fréquence de ces troubles était de 13.3%, 7.4% et 9.3% respectivement. Cette étude montre que le mutisme sélectif est presque aussi souvent associé avec un trouble/retard du développement que avec un trouble anxieux et que le mutisme peut cacher des troubles variés. Comme l'article précédent de Anstendig, ceci a des implications en ce qui concerne la classification du mutisme sélectif mais plutôt dans le sens de la prudence concernant l'inclusion du trouble dans les troubles anxieux.


3. Méthodologie

      Notre étude porte sur 30 cas de mutisme sélectif (diagnostic posé selon les critères du DSM-IV) qui ont été vus dans le cadre de notre service entre 1984 et 1997. Toutefois, il est possible qu'il y ait eu d'autres cas de mutisme sélectif pendant ce temps et qui n'ont pas été inclus dans cette étude. Pour cette raison nous n'allons pas nous prononcer sur l'incidence de ce trouble dans notre population. Le recueillement des données s'est fait sur dossier. De l'étude de ces dossiers nous avons retenu les renseignements suivants :

  1. Données de base à la première consultation
    1. Sexe
    2. Âge
    3. Motif de consultation
    4. Référant
  2. Eléments concernant la famille
    1. Statut socio-professionnel
    2. Langue parlée à la maison
    3. Nombre de frères et soeurs
    4. Rang dans la fratrie
    5. Situation conjugale des parents
    6. Psychopathologie parentale
    7. Psychopathologie familiale
  3. Grossesse, accouchement et développement pendant la première année ainsi que les relations précoces
    1. Déroulement de la grossesse
    2. Déroulement de l'accouchement
    3. Troubles somatiques importants
    4. Troubles de la relation précoce
  4. Développement ultérieur (après une année)
    1. Intelligence
    2. Développement moteur
    3. Apprentissage de la propreté
    4. Troubles somatiques importants
    5. Troubles du sommeil
    6. Troubles de la séparation après 2,6 ans
  5. Développement du langage et description du mutisme sélectif
    1. Développement du langage
    2. Âge du début du mutisme vs l'âge au moment de la première consultation
    3. Installation du mutisme (insidieux ou aigu)
    4. Contexte du mutisme (intra ou extra familial)
    5. Situations de mutisme (en présence étrangère, crèche, garderie, école)
  6. Autres symptômes
  7. Psychopathologie structurelle
  8. Traitement et évolution
    1. Traitement
    2. Évolution

4. Résultats


1) Données de base à la première consultation

      a. Sexe

      b. Âge

      c. Motif de consultation

      
Tableau 1
Sexe Age Motif de consultation
  G F < ;6 ans > ;6 ans MS Autre
Nombre de cas 15 15 28 2 15 15

      Il s'agit de 30 enfants, 15 garçons et 15 filles. Il faut cependant noter que ceci ne correspond pas à la distribution de notre population en général où les consultations concernant des garçons sont bien plus nombreuses que pour les filles. Seulement deux enfants avaient plus que 6 ans à la première consultation, l'âge de la scolarité obligatoire à Genève. La majorité des cas (24 cas) avaient entre 2,6 ans et 5 ans. Un enfant avait moins que 2,6 ans à la première consultation.

      Le mutisme a été le motif de consultation pour la moitié de nos cas. Les deux enfants ayant plus que 6 ans faisaient partie de ce groupe ainsi que 3 enfants ayant entre 5 et 6 ans et 10 enfants ayant moins que 5 ans. Cependant, nous constatons que 15 des 25 enfants en dessous de 5 ans (60%) ont consulté pour des raisons autres que le mutisme sélectif. Les 4 cas en dessous de 3 ans ont aussi consulté pour un autre motif que le mutisme même si une timidité a également été évoquée chez 3 de ces enfants dans la demande de consultation. Des 15 cas où le mutisme n'a pas été évoqué d'emblée, les motifs de consultation incluaient : un retard de langage, des troubles du comportement et des difficultés d'adaptation à la crèche ou jardin d'enfants.

      d. Référant

      
Tableau 2
Référant
  Crèche, Garderie
Jardin d'enfants, Ecole
Pédiatre Autre
Nombre de cas 11 12 7

      11 enfants ont été adressés par la crèche, garderie ou jardin d'enfants. 12 enfants ont été adressés par leur pédiatre.


2) Eléments concernant la famille

      a. Status socio-professionnel

      
Tableau 3
Classe sociale
Supérieure Moyenne Inférieure Autre
Nombre de cas 15 9 6 0

      Nous avons réparti notre échantillon en 4 groupes à partir des 15 catégories dans ' l'Annuaire des Catégories Socio-Professionnelles' du Service de la Recherche Sociologique de Genève:

a. Classe sociale supérieure (études universitaires, professions libérales, cadres supérieurs, haut niveau social)

b. Classe sociale moyenne (employé, petit indépendant, formation professionnelle spécifique, cadres moyens et inférieurs)

c. Classe sociale inférieure (ouvrier, avec ou sans formation professionnelle)

d. Autre (divers, sans indication)

      Dans notre échantillon, le mutisme sélectif se trouve dans toutes les couches sociales même si la majorité des enfants était de famille d'une classe sociale supérieure ou moyenne (24 sur 30 enfants).

      b. Langue parlée à la maison

      
Tableau 4
Langue parlée à la maison
Français seulement Autre langue seulement Français et autre
Nombre de cas 18 10 2

      La majorité (20 sur 30 enfants) parlait le français à la maison même si dans 2 cas une autre langue était également présente.

      Donc, la majorité des enfants parlait le français à la maison et était issue de familles de classe sociale moyenne ou supérieure. Vu l'importance de la population étrangère à Genève et dans notre consultation, ceci indique que les étrangers parlant une autre langue ne sont pas plus à risque que les autres enfants.

      c. Nombre de frères et soeurs

      
Tableau 5
Nombre de frères et soeurs
0 1 2 > ; 2
Nombre de cas 3 15 12 0

      La majorité des enfants (27 sur 30) avait des frères et soeurs mais aucun ne venait de famille 'nombreuse' c.à.d. plus que 3 enfants.

      d. Rang dans la fratrie

      
Tableau 6
Rang dans la fratrie
Aîné Cadet Enfant unique Autre
Nombre de cas 10 13 3 4

      26 des 30 enfants étaient soit des aînés, soit des cadets, soit des enfants uniques. Seulement 4 enfants étaient des enfants 'du milieu' et on pourrait se poser la question de l'effet 'protecteur' de cette position dans la fratrie.

      e. Situation conjugale des parents

      
Tableau 7
Situation conjugale des parents
mariés séparés
Nombre de cas 29 1

      Les parents étaient séparés seulement dans un cas.

      f. Psychopathologie parentale

      
Tableau 8
Psychopathologie Parentale
Maternelle Paternelle
D TP D TP
Nombre de cas 7 3 1 1

      D: Dépression

      TP: Trouble de la personnalit

      La psychopathologie parentale et plus spécifiquement maternelle, a été impliquée dans plusieurs études récentes concernant la psychopathologie de l'enfant et son devenir (Palacio-Espasa et Knauer 1996 et 1998). Nous avons examiné la psychopathologie parentale et nos résultats démontrent l'absence de trouble de type psychotique et de trouble bipolaire. Par contre, 8 parents souffraient de dépression (dont 7 mères) et 4 des parents (dont 3 mères) d'un trouble de la personnalité (définition DSM-IV).

      g. Psychopathologie familiale: autre mutisme ou autre maladie mentale.

      
Tableau 9
Psychopathologie familiale
mutisme sélectif autre maladie mentale
Nombre de cas 3 4

      Nous avons recherché la présence d'autres cas de mutisme sélectif dans les familles de ces enfants et nous avons trouvé 3 cas où un autre membre de la fratrie était également atteint de mutisme. 4 enfants avaient un autre membre de la famille souffrant d'une maladie mentale (trouble psychotique chez un frère, trouble de la personnalité chez un oncle, trouble bipolaire chez une tante, dépression et suicide chez un grand-père).


3) Grossesse, accouchement et développement pendant la première année ainsi que les relations précoces.

      Nous avons défini une grossesse compliquée comme étant: une grossesse accompagnée de troubles somatiques importants; une grossesse ayant un risque de prématurité important; une grossesse nécessitant une période d'alitement de plus qu'une semaine; une grossesse gémellaire.
Nous avons défini un accouchement compliqué comme étant: un accouchement nécessitant l'utilisation de ventouse ou forceps; un accouchement par césarienne; un accouchement impliquant une souffrance foetale ou une prématurité importante; un accouchement de jumeaux.
Nous avons défini une anamnèse médicale compliquée comme étant des troubles somatiques nécessitant une ou plusieurs hospitalisations pendant la première année de vie.

      a. Déroulement de la grossesse

      b. Déroulement de l'accouchement

      
Tableau 10
  Grossesses compliquées Accouchements compliqués
Nombre de cas 6 7

      Six enfants étaient issus d'une grossesse compliquée dont un d'une grossesse gémellaire et 7 accouchements étaient de type compliqué.

      c. Troubles somatiques importants

      
Tableau 11
  Troubles somatiques
Nombre de cas 7

      Sept enfants avaient eu une histoire médicale compliquée pendant la première année.

      d. Troubles de la relation précoce mère-enfant

      
Tableau 12
  Trouble de la relation précoce
Nombre de cas 14

      Le rôle important de la fantasmatique inconsciente de la mère dans l'interaction précoce avec son enfant et son importance pour la formation du psychisme de l'enfant est connu (Cramer 1987, Stern 1985). Un trouble de la relation mère-enfant pendant la première année a été rapporté par les mères de 14 enfants. Ceci nous semble très significatif si on considère qu'une étiologie 'relationnelle' a souvent été évoquée pour le mutisme sélectif. (Atoynatan 1986, Browne et al 1963, Hayden 1980, Pustrom et Spears 1964, Wright 1985).


4) Développement ultérieur (après une année)

      a. Intelligence

      
Tableau 13
  Intelligence
  Dans les normes Retard
Nombre de cas 30 0

      Seulement 6 enfants ont été testés en utilisant des tests standardisés. Les autres cas étaient considérés comme étant dans la norme cliniquement et n'ont pas fait l'objet d'un examen plus formel. Aucun enfant n'avait un retard intellectuel.

      b. Développement moteur

      
Tableau 14
  Développement moteur
  Normal Retard
Nombre de cas 27 3

      Nous avons considéré le développement moteur comme étant en retard si le début de la marche s'est situé après 18 mois.

      Un enfant avait un retard moteur suite à une hypotonie importante et deux autres enfants ont marché après 18 mois.

      c. Apprentissage de la propreté

      
Tableau 15
  Propreté
  Normalement acquise Problématique
Nombre de cas 14 16

      L'apprentissage de la propreté a été décrite comme étant problématique ou conflictuelle chez 16 enfants.

      d. Troubles somatiques importants après un an

      
Tableau 16
  Troubles somatiques après un an
  Présents Absents
Nombre de cas 2 28

      Un enfant était toujours atteint d'une hypotonie importante après une année. Un autre enfant a été diagnostiqué d'une myopathie de Duchenne pendant la prise en charge pour le mutisme sélectif.

      e. Troubles du sommeil après un an

      
Tableau 17
  Troubles du sommeil après un an
  Présents Absents
Nombre de cas 10 20

      10 enfants avaient des troubles du sommeil après l'âge d'un an.

      Tous ces enfants manifestaient d'autres troubles de la séparation selon leurs mères.

      f. Troubles de la séparation après 2,6ans

      
Tableau 18
  Troubles de la séparation après 2,6 ans
  Présents Absents
Nombre de cas 29 1

      Les petits enfants présentent normalement une certaine anxiété lorsqu'ils sont séparés de leurs proches. Pour cette raison nous n'avons pas inclus les difficultés de séparation survenant avant l'âge de 2,6 ans. Nous n'avons inclus que des troubles où l'anxiété semblait intense, excessive et perturbante pour le bon fonctionnement social de l'enfant.

      Vingt neuf sur trente enfants étaient décrits comme manifestant des troubles de la séparation à partir de l'âge de 2,6 ans. L'enfant chez qui ceci n'a pas été décrit a développé un mutisme sélectif après l'âge de 6 ans suite à une immigration en suisse.

      5) Développement du langage et description du mutisme sélectif

      a. Développement du langage

      
Tableau 19
Développement du langage
Normal Retard Trouble de la parole
Nombre de cas 18 10 6

      Dix huit enfants (60%) avaient un développement langagier normal. 2 enfants avaient un trouble de la parole sans retard du langage (définition DSM-IV). Des 10 enfants avec un retard du langage, 4 avaient également un trouble de la parole. Ceci indique que le développement du langage est souvent tout à fait normal, mais qu'un trouble de la parole et/ou un retard du langage peuvent être présents chez ces petits enfants sans que les critères d'exclusion pour le diagnostic de mutisme sélectif soient présents.

      b. Âge du début du mutisme versus l'âge au moment de la première consultation

      
Tableau 20
  Avant 2,6 ans 2,6 - 5 ans > ;5ans mais< ;6ans Age Inconnumais < ; 6 ans
Début mutisme 12 9 1 8
1ère consultation 1 24 5 --

      Tous les enfants de l'étude avaient moins de 6 ans lorsque le mutisme a débuté. Douze enfants étaient mutiques devant certaines personnes dès les débuts du langage et il est fort possible qu'une bonne partie de ceux pour qui les parents ne pouvaient pas donner cette information (8 cas), faisaient partie de ce groupe. Il n'y avait donc pas de cas de mutisme débutant après 6 ans, l'âge de la scolarité obligatoire à Genève.

      Seulement un enfant ayant un début de mutisme avant 2,6 ans a consulté rapidement. La majorité de ces enfants a consulté entre 2,6 ans et 5 ans. Le délai entre le début du symptôme et la première consultation a été plus long pour les cas débutant à un plus jeune âge. L'espoir de l'entourage d'une évolution spontanée positive chez le plus jeune enfant est sûrement un facteur important. Des 5 enfants qui ont consulté après l'âge de 5 ans, seulement 2 enfants avaient plus que 6 ans et dans seulement un de ces cas, le mutisme avait débuté après l'âge de 5 ans.

      c. Installation du mutisme

      
Tableau 21
  Installation du mutisme
  Insidieuse Aigue
Nombre de cas 27 3

      Seulement 3 enfants avaient développé un mutisme de manière aiguë. Deux de ces enfants sont devenus mutiques suite à leur intégration en garderie mais il n'était pas clair si c'était seulement à ce moment-là que le mutisme a été remarqué par les parents. Un enfant refusait de parler le français après immigration en Suisse.

      d. Contexte du mutisme

      
Tableau 22
  Contexte du mutisme
  Seulement extra-familial Extra familial et intra-familial
Nombre de cas 28 2

      Tous les enfants avaient un mutisme sélectif extra-familial. Seulement 2 enfants ne parlaient pas à un ou plusieurs membres de leurs familles.

      e. Situations de mutisme

      
Tableau 23
  Situations de mutisme
  Devant des inconnus Crèche, garderie ou école
Nombre de cas 30 30

      Tous les enfants ne parlaient pas devant des inconnus et tous étaient mutiques soit à la crèche, à la garderie ou à l'école.


6) Autres symptômes

      
Tableau 24
  Troubles du sommeil Enurésie primaire Encoprésie primaire
Nombre de cas 7 9 2

      Nous avons regardé plus particulièrement des symptômes dont nous avons l'impression clinique qu'ils sont souvent liés au mutisme. Nous n'avons pas inclus la timidité, l'opposition et les troubles du comportement puisque l'entourage a souvent tendance à citer ces troubles comme étant des explications possibles pour le mutisme sélectif sans qu'on puisse parler d'une véritable co-morbidité. Nous n'avons pas non plus inclus des épisodes d'énurésie secondaire et d'encoprésie secondaire puisque ceux-ci sont souvent réactionnels de nature. Par contre l'énurésie primaire et l'encoprésie primaire sont des troubles d'apprentissage importants et souvent persistants et donc très significatifs dans le développement.

      Sept sur trente enfants avaient des troubles du sommeil au moment de la première consultation. Dix enfants avaient des troubles de l'apprentissage de la propreté, un enfant ayant une énurésie ainsi qu'une encoprésie.


7) Psychopathologie structurelle des enfants

      
Tableau 25
  Trouble névrotique Trouble de la personnalité Trouble psychotique
Nombre de cas 5 23 2

      Chaque cas satisfaisait les critères pour un diagnostic de mutisme sélectif selon les classifications DSM-IV et CIM-10. Les dossiers contenaient également une évaluation de la psychopathologie dynamico-structurelle sous-jacente selon la classification française. Selon cette classification, 5 des enfants avaient une structure de type névrotique (conflit psychique organisé au tour du conflit oedipien) et 2 des enfants avaient des structures psychotiques avec des tendances à la rupture avec la réalité (un enfant souffrait d'un trouble schizophréniforme et l'autre d'une dysharmonie psychotique). Les 23 autres enfants avaient des troubles de la personnalité plus ou moins grave allant des troubles narcissiques plus légers (sans rupture avec le réel mais avec des difficultés d'individuation et une insécurité de fond), aux troubles borderline et dysharmoniques plus importants (angoisses plus archaïques et parfois menace de rupture avec le réel). Nous relevons que le mutisme sélectif dans notre jeune population se retrouve plutôt dans les troubles de la personnalité, un groupe assez hétérogène.


8) Traitement et évolution

      a. Traitement

      
Tableau 26
Logopédie Psychothérapie
Individuel Groupe Individuel Groupe Centre de Jour Traitement parents Traitement bref Traitement refusé
Nombre de cas 7 8 10 4 6 18 7 10

      Le type de traitement reçu variait selon la psychopathologie sous-jacente de l'enfant; traitements brefs pour les structures névrotiques, (consultations thérapeutiques, guidance interactive, psychothérapie brève), traitements long terme pour les structures psychotiques avec une dysharmonie importante ou des troubles graves de la personnalité impliquant une rupture avec la réalité (traitement institutionnel le plus souvent accompagné par un traitement psychothérapeutique intensif et long terme) et traitements moyen terme pour les troubles de la personnalité (psychothérapie individuelle ou en groupe). Les traitements logopédiques ont été instaurés dans les cas où le mutisme était accompagné par des troubles du langage et parfois comme traitement de remplacement en cas de refus d'un traitement psychothérapeutique. Les traitements en groupe ont été indiqués lorsque l'exposition à d'autres enfants pouvait avoir un effet encourageant et non-traumatisant sur l'enfant.

      Sept enfants ont reçu un traitement logopédique individuel. Cinq de ces enfants ont aussi été traités en groupe à un moment donné. Un enfant a fait une psychothérapie de groupe ainsi qu'une psychothérapie individuelle. Cinq enfants ont reçu un traitement logopédique ainsi qu'un traitement psychothérapeutique. Sept enfants ont été traités par des formes brèves de traitement de type consultations thérapeutiques (entretiens souvent en présence des parents au cours de l'évaluation diagnostique) ou guidance interactive parent(s)-enfant (soutien des compétences parentales avec propositions de modèles interactifs). Les parents de 10 enfants ont refusé l'indication de traitement mais seulement les parents de deux enfants n'ont pas accepté un traitement alternatif.

      b. Évolution

      
Tableau 27
Evolution
Pas connue Favorable Partiellement favorable Pas favorable
Nombre de cas 11 12 3 4

      L'évolution des enfants par rapport au mutisme sélectif a été notée dans les dossiers à des moments variables du traitement et nous ne pouvons malheureusement pas présenter les catamnèses des 30 enfants après un laps de temps plus important. Cependant, pour la plupart des cas, l'évolution a été notée après plusieurs mois de traitement.

      L'évolution a été favorable chez 12 enfants. Les 5 enfants de structure névrotique faisaient partie de ce groupe. Un des enfants avec un trouble psychotique (dysharmonie psychotique) a aussi fait une bonne évolution dans un centre de jour et il a pu intégrer une classe d'adaptation dans une école normale par la suite. Les 6 autres enfants ayant fait une bonne évolution avaient des troubles de la personnalité de type narcissique sauf pour un enfant chez lequel une dysharmonie évolutive a été évoquée. Un des enfants avec un trouble de la personnalité de type narcissique a fait une bonne évolution au niveau du mutisme mais il restait assez fragile. Il a continué à être suivi en psychothérapie.

      L'évolution a été moyennement satisfaisante chez deux enfants avec une dysharmonie évolutive ainsi que chez un enfant chez qui un diagnostic de psychose schizophréniforme a été posé et qui a nécessité un traitement à long terme qui se poursuit encore.

      Nous avons constaté peu d'évolution chez 4 enfants. Un de ces enfants avait un trouble de la personnalité de type narcissique et après 4 ans de traitement (psychothérapie individuelle ainsi qu'un traitement logopédique individuel), l'enfant restait mutique avec des adultes en dehors de la famille. Les trois autres cas étaient des enfants avec une dysharmonie évolutive. Un de ces enfants a dû être intégré dans un centre de jour tandis que les parents des deux autres enfants ont refusé l'indication de traitement. Un de ces cas a néanmoins reçu un traitement logopédique en individuel ainsi qu'en groupe.

      L'évolution n'est pas connue pour 11 des cas.


5. Discussion

      Notre consultation est spécialisée dans les problèmes de la petite enfance et nos résultats montrent que pour ces petits enfants ayant un problème de mutisme, les parents, le pédiatre ou les établissements préscolaires reconnaissent le problème de mutisme dans seulement la moitié des cas. Seule la moitié de nos 30 cas a consulté directement pour le symptôme de mutisme et pour les enfants ayant moins que 5 ans, seulement 40%. Ceci correspond à notre impression clinique que plus l'enfant est petit, moins les parents consultent pour le mutisme directement, citant plutôt d'autres raisons pour expliquer le comportement de leur enfant. Le fait que leur enfant a seulement récemment acquis le langage et qu'il parle normalement au sein de sa famille avec laquelle il passe encore la plupart de son temps, empêche certains parents de concevoir que cet aspect du comportement de leur enfant est pathologique. Beaucoup de ces enfants présentent des difficultés de communication en face d'un étranger systématiquement et non pas après une période de langage social comme dans beaucoup de cas de mutisme sélectif décrits comme survenant chez des enfants plus âgés. Si le jardin d'enfants ne soulève pas le problème rapidement ou si l'enfant ne présente pas d'autres symptômes inquiétants, il peut passer plusieurs années avec un mutisme sélectif avant que le diagnostic soit posé et un traitement instauré. Les cas qui présentent un mutisme après l'âge de 6 ans, âge de la scolarité obligatoire à Genève, seraient vraisemblablement un groupe mixte, fait de cas persistants depuis la petite enfance et de cas de mutisme apparaissant plus tardivement.

      La spécificité de notre étude réside dans le fait que la plupart des enfants avaient moins de 6 ans. Vingt huit sur trente de nos cas avaient moins de 6 ans au moment de leur première consultation et tous avaient développé un mutisme sélectif avant l'âge de 6 ans. Pour la plupart des enfants il s'agit d'un mutisme sélectif insidieux qui s'est installé progressivement, en même temps ou peu après le développement du langage. Si le mutisme n'est pas dépisté rapidement et sauf évolution spontanée positive dans les cas moins graves, ces enfants arriveront à l'âge de la scolarité obligatoire avec le symptôme. Mais il nous semble que ces enfants forment un groupe très différent de ceux chez qui le mutisme apparaît plus tardivement (après 6 ans). Chez ces derniers, il s'agit d'un mutisme sélectif 'secondaire', les enfants ayant parlé normalement et pendant une longue période à tout leur entourage ainsi qu'aux étrangers.

      Nous avons donc l'impression qu'il s'agit de deux types de mutisme sélectif: 1) le mutisme sélectif 'primaire', trouble précoce et plus souvent insidieux, où l'enfant, tout en sachant parler normalement, n'a jamais parlé à tous les membres de son entourage et 2) le mutisme sélectif 'secondaire', trouble faisant son apparition plus tardivement, où l'enfant développe un mutisme sélectif seulement après une période où il a parlé normalement en toute situation. La plupart des enfants de notre échantillon font partie de la première catégorie. Cependant, il n'est pas simple chez le petit enfant de différencier entre ces deux types de mutisme. Ces enfants passent encore la plupart de leur temps en famille et commencent seulement à agrandir leur cercle de connaissances sociales. Seulement un enfant de notre étude avait clairement développé son mutisme après une longue période d'intégration sociale normale. Des 8 cas où l'âge du début du mutisme n'était pas connu, il est vraisemblable que le mutisme s'est installé en même temps que le langage se développait et c'est pour cette raison qu'il restait difficile à dater pour les parents.

      La majorité des enfants de notre étude (23 sur 30 cas) souffrait d'un trouble de la personnalité. Ceci confirme notre impression clinique que les cas de mutisme que nous voyons dans notre consultation sont souvent associés à des troubles sous-jacents importants. Un mutisme sélectif précoce empêche la communication avec autrui ainsi que la socialisation, grandes étapes qui doivent être franchies très tôt dans la vie pour permettre un développement harmonieux. Le mutisme sélectif 'primaire' signale un échec à ce niveau. C'est une façon de fonctionner qui va au-delà du symptôme lui-même. Le mutisme 'primaire' signale un échec de la socialisation qu'on pourrait définir comme étant la préparation à la vie en groupe. La socialisation inclus un autre apprentissage important , la propreté. L'acquisition de la propreté se fait en même temps que le langage se développe. Nous pensons que des conflits dans un domaine peuvent se glisser dans d'autres domaines et nous remarquons dans notre travail clinique une co-morbidité importante du mutisme avec des troubles de l'apprentissage de la propreté (énurésie primaire et/ou encoprésie primaire présents dans 11 cas dans notre étude et un apprentissage problématique de la propreté chez 16 enfants).

      Le mutisme sélectif 'primaire' s'installe dans la vie de l'enfant comme une façon d'être et peut être très difficile à mobiliser par la suite. Notre expérience clinique nous fait penser que ce type de mutisme est souvent l'expression d'une angoisse de séparation importante bien que des aspects oppositionnels, tout puissants, peuvent aussi jouer un rôle. La séparation de la mère est une première étape essentielle pour le développement de l'individu. Des angoisses de séparation très fortes peuvent signaler des problèmes narcissiques importants tels qu'on en retrouve dans les névroses sévères, les troubles de la personnalité de type narcissique et borderline, les dysharmonies évolutives et les psychoses, bien que dans ces derniers cas d'autres paramètres du développement sont également touchés. Il est intéressant de noter que 29 sur 30 enfants de notre étude manifestaient des troubles de la séparation après 2,6 ans. L'enfant qui ne manifestait pas de difficulté dans ce domaine est notre seul cas clairement identifié de mutisme 'secondaire'.

      D'autres études (Black et Uhde 1992 et 1995, Dummit et al 1996 et 1997), ont aussi décrites des cas où il s'agissait souvent d'enfants ayant développé un mutisme insidieux à partir d'un jeune âge. Cependant, une bonne partie de leurs cas a été évaluée plusieurs années plus tard (jusqu'à l'âge de 16 ans pour l'étude de Black et Uhde de 1995) et ces auteurs se sont plutôt intéressés aux aspects phobiques et anxieux du symptôme à ce moment-là sans les relier à la structuration globale de l'enfant. Puisque nous détectons le mutisme très tôt, sans que l'instauration du trouble ait encore eu le temps de modifier totalement le comportement de l'enfant ainsi que celui de son entourage, nos résultats nous semblent significatifs. Si nos impressions se trouvent confirmées, le mutisme sélectif 'primaire' ne pourrait pas être considéré comme étant de façon générale un trouble névrotique de type anxieux ou phobique, même si l'angoisse est toujours présente sous une forme ou une autre chez ces enfants. Ceci aurait non seulement des implications concernant la classification future du trouble mais aussi pour son traitement et nos prévisions pronostiques.

      Donc, la question de savoir si l'enfant a pu parler à l'extérieur de sa famille et en toute situation pendant une certaine période, nous semble essentielle si nous voulons comprendre ce symptôme complexe pour mieux le traiter bien que dans certains cas il serait difficile d'établir dans quels conditions le mutisme s'est installé. L'âge du début du mutisme devient alors un indice important. Chez les petits enfants, nous risquons de voir plutôt des cas de mutisme électif 'primaire'. Chez les enfants plus grands, il devient important de savoir à quel âge ils ont développé leur mutisme et de vérifier s'il y a eu une période de normalité où l'enfant a pu parler à tout son entourage. Si l'enfant a développé un mutisme plus tardivement après une période où il s'exprimait normalement en public (mutisme sélectif 'secondaire'), le mutisme sélectif ne serait pas nécessairement l'expression d'un échec de la séparation, mais pourrait être en effet vu plutôt comme étant un trouble réactionnel ou l'expression d'une phobie sociale. Cependant, si le mutisme s'est installé à la petite enfance et si nous avons l'impression qu'il s'agit plutôt d'un mutisme sélectif 'primaire', ceci nous indique que le conflit se situe à un niveau différent. A ce moment-là, une évaluation approfondie de la structure psychopathologique de l'enfant est indiquée.

      Comme Anstendig (1999), nous pensons que le mutisme sélectif est un symptôme plutôt qu'un trouble spécifique mais nous ne pensons pas qu'il appartient exclusivement aux troubles anxieux, ni comme le suggèrent Black et Uhde (1995) qu'il s'agit le plus souvent d'un symptôme de phobie sociale. La prise en charge d'un mutisme sélectif 'primaire' chez un enfant avec une structure de type 'borderline', (trouble de la personnalité important), serait alors très différente de celle d'un mutisme sélectif 'secondaire' chez un enfant névrotique ou avec un trouble de la personnalité plus léger. Chez le premier, des angoisses de persécution ainsi que des traits d'opposition risquent d'être présents et ceux-ci doivent bénéficier d'un traitement à plus long terme. Chez le deuxième, des traits phobiques et peut-être réactionnels à des situations de stress vont être dominants et un traitement plus bref et focalisé peut alors être indiqué.


6. Conclusions

      Distinguer entre un mutisme sélectif 'primaire', où l'enfant tout en sachant parler normalement n'a jamais parlé à tous les membres de son entourage et un mutisme sélectif 'secondaire', faisant son apparition plus tardivement, nous semble être très important pour pouvoir prendre des décisions concernant les traitements à proposer et pour pouvoir se prononcer par rapport au pronostic. La durée des symptômes reste importante comme critère permettant le diagnostic et nous informe sur la ténacité du symptôme. Cependant, même si la durée n'est pas très longue, la signification du symptôme reste importante chez le tout petit enfant chez qui le mutisme s'installe insidieusement et chez qui un trouble de la personnalité sous-jacente doit être recherché. Connaître l'âge du début des symptômes et si l'enfant a pu parler normalement à tout son entourage avant de développer un mutisme sélectif sont des indices importants.


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