À l'origine, la mesure de la vitesse du son dans l'eau se fait à Genève

Daniel Colladon est à l'origine de ces travaux; il fit ses études au début du XIXème, à ce qui était encore l'Académie de Genève. Quelques années plus tard, professeur de physique dans cette même Académie, il entreprit sur le lac Léman, nous sommes en 1826, une série d'expériences ayant pour but de déterminer la vitesse de propagation du son dans l'eau.


Figure 1: Dispositif qui permet l'émission des signaux acoustique et visuel.

À quelque deux cents mètres au large de Rolle, un assistant se tenait dans une barque, à laquelle était suspendue une cloche. Le rôle de cet assistant était d'actionner un long manche terminé par un marteau. Ce marteau permettait de frapper sur une cloche immergée au bout d'une chaîne (Figure 1). Colladon, lui, se tenait à équidistance de la côte mais du côté français, au large de Thonon. Dès qu'il percevait un signal lumineux [1] à l'horizon, il enclenchait un chronomètre et se mettait à l'écoute du stimulus.


Figure 2: D. Colladon après avoir enclenché son chronomètre se met à l'écoute du signal acoustique.

Dans un premier temps en plongeant la tête directement dans l'eau puis, après avoir perfectionné le système, à l'aide d'un cornet dont l'embouchure immergée était fermée par une membrane en tôle (Figure 2). À l'instant où il entendait le signal acoustique, Colladon déclenchait son chronomètre. La rotondité de la planète interdisait aux expérimentateurs de biaiser les résultats en anticipant le départ du stimulus. La courbure de la terre entre ces deux rives, éloignées entre elles de 13'887 mètres, leur interdisait de se voir. Colladon ne pouvait présager du moment où son collègue allait donner le signal. Les résultats enregistrés au moyen de ce dispositif et ses calculs mènent Colladon à la conclusion suivante: "La moyenne de plusieurs expériences donna 9 secondes 1/10, pour le temps de propagation sous l'eau. Dans l'air, le son eût mis 40 secondes 14/100. La vitesse du son dans l'eau pure, à la température de +8°, fut déterminée à 1435 mètres par seconde, au lieu de 336 mètres dans l'air à +8 degrés" (Figuier, 1884, pp. 82).

Si on les compare aux mesures actuelles, les résultats de Colladon sont pour l'époque d'une étonnante précision. On sait que, dans l'eau, la vitesse du son est d'environ 1485 mètres/seconde selon la température et de la pression barométrique.

Le Tableau 2 permet la comparaison de la vitesse de propagation d'un signal acoustique dans des éléments de densité inégale à température constante, ici 20° Celsius.

Tableau 2: Vitesse de propagation de l'onde sonore dans différents milieux à température constante
(Commissions romandes de mathématique, physique et chimie, 1985)

 

0 °C

20 °C

air sec

    331.6 m / s

       343 m / s

eau

 

     1485 m / s

fer

 

     5850 m / s

La vitesse de propagation du son dans un milieu quel qu'il soit n'est pas constante. Ainsi dans un mélange gazeux comme l'air, la vitesse de propagation est directement liée au taux d'hygrométrie et à la température du gaz; dans un solide comme un métal, elle est liée à la température de celui-ci, pour ne citer que ces deux exemples. Les liquides, qui se situent dans un état intermédiaire entre les gazeux et les solides, ne font pas exception à cette règle. Avec les instruments de mesure moderne, on sait que, dans l'eau, la vitesse de propagation de l'onde sonore varie entre 1437 et 1500 mètres/seconde. Trois facteurs sont à l'origine de la modification de la vitesse de propagation du son dans un liquide comme l'eau: 1) la température, 2) la salinité et 3) la pression hydrostatique. L'action conjointe de ces facteurs est néanmoins limitée.

[1] L'ingénieux système faisait qu'au moment ou l'on frappait sur la cloche, on mettait simultanément le feu à une charge de poudre. Celle-ci prévenait l'expérimentateur, sur la rive opposée du départ du stimulus. Le lecteur l'aura compris: ce stratagème implique que ces expériences se déroulent de nuit.