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I Introduction

      Le présent travail de thèse porte sur les stratégies de coping que les adolescents mettent en oeuvre face à des situations stressantes. Notre intérêt, pour l'étude du coping en général, et pour la recherche sur le coping des adolescents en particulier, provient du fait que ce mécanisme joue un rôle important dans la relation entre le stress et la santé.

      Le fait d'être confronté à des stresseurs plus ou moins réguliers, et plus ou moins intenses, est reconnu pour avoir un effet sur la santé physique et mentale des individus (Avison & Gotlib, 1994; DeLongis, Folkman, & Lazarus, 1988; Lester, 1994), effet qui se trouve médiatisé par différents facteurs, dont le coping (Holahan & Moos, 1994; Turner & Roszell, 1994).

      S'il existe plus de trente définitions de ce concept (De Ridder, 1997), nous nous référerons principalement à celle de Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), qui définit le coping comme les efforts déployés volontairement par un individu pour faire face à une situation qu'il évalue comme stressante, impliquant que cette situation est perçue comme difficile à surmonter, et menaçante pour son bien être.

      Trois éléments ont motivé notre choix d'étudier le coping auprès d'une population d'adolescents : premièrement, comme le relève Compas, le stress psychologique est un facteur de risque significatif et répandu pour la psychopathologie lors de cette étape du développement, et la façon dont les jeunes gèrent les stresseurs auxquels ils sont confrontés, a un impact crucial sur leur ajustement actuel et futur, ainsi que sur la psychopathologie (Compas, Connor-Smith, Saltzman, Thomsen, & Wadsworth, 2001).

      Deuxièmement, toujours selon ce même auteur, la recherche sur le coping à l'adolescence souffre d'un retard considérable par rapport à la recherche sur les adultes dans ce domaine, elle représente de ce fait une priorité essentielle (Compas et al., 2001).

      Troisièmement, ce travail a été réalisé dans le cadre d'un projet financé par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNRS) dont le but était, en raison notamment des deux éléments précédents, d'étudier la gestion des émotions et du stress auprès de familles avec adolescents (voir aussi en annexe no. 10).

      Ce projet, mené en collaboration avec des chercheurs de plusieurs universités de Suisse, et issus de différentes disciplines, avait pour but d'étudier le coping à la fois au niveau individuel et au niveau du groupe familial, en comparant des données expérimentales avec des données récoltées sur le terrain.

      Le présent travail de thèse représente la partie expérimentale de ce projet, et comprend à la fois l'élaboration d'une situation expérimentale, la récolte et l'analyse des données ainsi obtenues, et leur mise en relation avec des données externes au laboratoire.

      La situation expérimentale développée pour cette thèse consiste à mesurer les comportements des adolescents dans le cadre d'un jeu d'ordinateur interactif de type "micromonde". Cette méthodologie moderne que nous avons explorée, permet de parer à certaines limites inhérentes aux méthodes employées traditionnellement pour l'étude du coping; elle a déjà été utilisée dans d'autres domaines en psychologie, mais pas pour la recherche sur le coping, et c'est là ce qui constitue la spécificité de notre travail.


II Revue de littérature


1. Le coping

      De manière générale le coping se réfère à tout ce qu'une personne met en oeuvre pour faire face à une situation stressante. De nombreuses définitions ont été données de ce concept, qui diffèrent les unes des autres principalement quant au statut qui lui est accordé (préférence stable ou variable dépendante de la situation), quant à son contenu (efforts conscients vs. non conscients), et quant à son étendue (fonctionnement général vs. limité à des situations stressantes).


1.1 Origines du concept de coping

      Le concept de coping semble provenir de deux domaines théoriques et de recherche très différents (Lazarus & Folkman, 1984): l'expérimentation animale, et la psychologie du Moi dans la tradition psychanalytique.

      Dans l'approche expérimentale portant sur les animaux, et suivant la perspective Darwinienne, des auteurs comme N.E. Miller ou Ursin, cités par Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984, p. 118), ont montré que la survie de l'animal dépend de sa capacité à découvrir dans l'environnement ce qui est prédictible et contrôlable pour éviter ou surmonter des dangers. D'après Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), le coping chez l'animal est un mécanisme vital, qui consiste à agir pour contrôler les conditions environnementales aversives, dans le but de réduire d'éventuels troubles psychophysiologiques, et ce principalement au moyen de comportements de fuite et d'évitement.

      Différents auteurs (Parker & Endler, 1996 ; C. R. Snyder, Dinoff, Beth L., 1999) situent quant à eux les premières recherches sur le coping dans les années soixante, dans le cadre de travaux portant sur les mécanismes de défense tels que ces derniers ont été décrits par Freud et ses élèves, dans une tradition psychodynamique. La fonction de ces mécanismes, et du coping tel qu'il a été conçu dans cette perspective, est de maintenir, voire de restaurer, une sorte d'"homéostasie psychologique" lorsque celle-ci est troublée par des conflits d'origines diverses (Vaillant, 1971, p. 107).

      Plusieurs modèles hiérarchiques des mécanismes de défense ont été élaborés dans cette perspective (Haan, 1965 ; 1969; Vaillant, 1971 ), au sein desquels le coping à proprement parler fait généralement référence à ceux parmi ces mécanismes qui sont matures, adaptés, et typiques d'un fonctionnement dit normal.

      Par la suite, l'accent aurait de plus en plus été mis sur les stratégies conscientes que les personnes mettent en oeuvre lors de situations stressantes uniquement, faisant du coping un domaine de recherche indépendant de celui qui porte sur les mécanismes de défense, et spécifique à ce type de situations (Parker & Endler, 1996 ; C. R. Snyder, Dinoff, Beth L., 1999).


1.2 La recherche sur le coping

      Deux approches ont été prédominantes dans la théorie et la recherche sur le coping, qui ont parfois été décrites dans la littérature en termes d'approche inter-individuelle et intra-individuelle (Parker & Endler, 1996).

      Partant de l'idée qu'un certain nombre de caractéristiques relativement stables de l'individu le prédisposent à agir d'une manière plutôt que d'une autre lors de situations stressantes, de nombreux auteurs ont postulé l'existence de différences inter-individuelles stables en termes de coping, lorsque celui-ci est observé à différents moments dans le temps ou dans différentes situations de stress (Terry, 1994).

      Pour expliquer ces différences individuelles observées dans les réponses de coping, les chercheurs ont fait appel à deux concepts différents: celui de trait de personnalité et celui de style de coping.

      L'explication basée sur la notion de trait de personnalité consiste à rechercher des liens entre des traits de personnalité classiques et des réponses de coping, dans l'idée que les premiers prédisposent l'individu à agir d'une manière plutôt que d'une autre (Costa, Somerfield, & McCrae, 1996) dans certaines situations de stress seulement (Lazarus & Folkman, 1984).

      La notion de style de coping semble plus inclusive que celle de trait (Lazarus & Folkman, 1984) ; elle fait référence à une disposition relativement stable qui, quelle que soit la situation que l'individu rencontre, influence le choix de ses réponses de coping (Terry, 1994, p. 896) 1 .

      Selon cette approche inter-individuelle, au lieu d'appréhender nouvellement les situations de stress qu'ils rencontrent, les individus porteraient donc en eux, tel un bagage, un certain nombre de stratégies de coping préférentielles qui restent les mêmes au travers du temps et des circonstances (Carver, Scheier, & Weintraub, 1989).

      Le "modèle transactionnel du stress et du coping" développé par Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984; Monat & Lazarus, 1977) est emblématique de la deuxième approche dite intra-individuelle, ou contextuelle (Holahan, Moos, & Schaefer, 1996). Ce modèle constitue une mise en commun de deux domaines de recherche qui, à notre connaissance, n'avaient jusque-là pas été liés de manière systématique, à savoir celui du stress et celui du coping. Le coping avait surtout été considéré comme inhérent au fonctionnement de l'individu, dans des situations de stress, mais pas exclusivement. Quant au stress, la façon dont il avait été conçu avant l'apparition du modèle transactionnel est résumée ci-après.


1) Le concept de stress

      En psychologie, avant d'être défini par Lazarus dans une perspective transactionnelle, le stress a tantôt été associé à une réponse, c'est-à-dire à la réaction d'un organisme face à une demande, tantôt à un stimulus, ou à l'événement qui constitue cette même demande.

      C'est dans une perspective physiologique, qui fait essentiellement référence aux travaux de Selye, que le stress a été défini comme une réaction non spécifique de l'organisme, qui a lieu lorsque le sujet est confronté à des agressions physiques diverses, appelées "stresseurs" (Rivolier, 1989). En 1936, Selye a décrit pour la première fois le "syndrome du stress", qu'il nommait alors le "syndrome général d'adaptation" (SGA), et qui comprenait trois phases (Selye, 1977, pp. 32-34) 2 : une réaction d'alarme, une phase de résistance ou d'adaptation, et enfin une phase d'épuisement pouvant aller jusqu'à la mort.

      Selon Rivolier (Rivolier, 1989), c'est plus tard qu'est apparue l'idée que le stresseur peut aussi être de type psychologique, et que la réponse émotionnelle, avec ses manifestations physiologiques, psychologiques et comportementales, a commencé d'être étudiée.

      D'après ce même auteur (Rivolier, 1989), en psychologie comme en médecine, on pensait depuis longtemps que certaines étapes de la vie, de même que certains changements d'origine physiologique ou sociale, nécessitent un effort d'adaptation de la part de l'individu, et représentent de ce fait un stimulus stressant.

      A partir des années 60, le stress a commencé à être considéré comme une partie intégrante de la condition humaine au sens où, selon Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), chaque individu rencontre forcément tout au long de son existence un certain nombre d'événements stressants qui l'affectent, et auxquels il doit s'ajuster. L'hypothèse a alors été émise par des auteurs comme Holmes et Rahe (Holmes & Rahe, 1967; Rahe & Arthur, 1977), d'un lien causal entre des changements de vie, ou plus précisément des événements qui entraînent un changement de vie à différents niveaux, et une augmentation de la vulnérabilité des individus face à la maladie (Rivolier, 1989).

      Les premiers travaux basés sur cette définition du stress ont porté surtout sur des événements de vie majeurs (Avison & Gotlib, 1994), comme par exemple le décès d'un proche, le chômage, le divorce, etc. Par la suite, la nature des stresseurs étudiés s'est diversifiée (Avison & Gotlib, 1994), notamment après que certains auteurs aient émis l'hypothèse selon laquelle l'impact des tracas quotidiens ou "daily hassles" sur la santé des individus, serait plus important que celui des événements de vie (Kanner, Coyne, Schaefer, & Lazarus, 1981 ; Lazarus & Folkman, 1984). Ces tracas font référence aux petits problèmes rencontrés tous les jours, tels un chien qui vomit sur la moquette ou une dispute conjugale (Lazarus & Folkman, 1984, page 13).

      S'il est nécessaire de décrire et d'étudier ces différents types de stresseurs, il ne faut pas pour autant oublier qu'ils ont été considérés comme stressants sur la base de la réponse qu'ils ont provoquée auprès de la majorité des individus (Lazarus & Folkman, 1984). Cette conception du stress, à l'instar de la précédente qui le définit comme une réponse, tient très peu compte des différences individuelles, et souffre d'un problème de circularité (Lazarus & Folkman, 1984): la spécificité d'une réaction de stress (par rapport à d'autres réponses) réside dans le fait qu'elle a été provoquée par un stresseur, et la spécificité de ce dernier (par rapport à d'autres situations), repose sur la réaction de stress qu'il a provoquée. Le stress ne peut donc pas être défini de manière systématique sans que la relation entre un stimulus et une réponse ne soit considérée (Lazarus & Folkman, 1984).


2) Le modèle transactionnel du stress et du coping

      C'est dans un contexte scientifique interdisciplinaire, où s'est développée l'idée qu'il est nécessaire de considérer le contexte des phénomènes observés, que le stress psychologique a été défini comme: " une relation particulière entre la personne et l'environnement qui est évaluée par la personne comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être." [Lazarus, 1984 #469, p. 19 3 ].

      Envisagé dans une perspective à la fois dynamique et systémique (Rivolier, 1989), le stress est ici un concept organisateur qui implique plusieurs variables et processus (Lazarus & Folkman, 1984).

      Le présent modèle a été créé au départ autour des concepts de stress et de coping, par la suite il a été développé et reformulé pour être intégré aux théories cognitives-motivationnelles-relationnelles des émotions (Lazarus, 1991).

      Une synthèse 4  de ce modèle qui tient compte des écrits récents de Lazarus (Lazarus, 1991 ; Lazarus, 2001), et des adjonctions qui ont pu être faites et qui sont pertinentes relativement aux notions de stress et de coping, est présentée ci-dessous.

      Le terme "transactionnel" fait référence au fait que la personne et l'environnement sont considérés comme entretenant une relation dynamique, mutuellement réciproque et bidirectionnelle (Folkman, Lazarus, Gruen, & DeLongis, 1986, p. 572). Lorsque cette relation est évaluée par l'individu comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être, alors on parle de stress. Deux processus médiatisent le lien entre une telle transaction individu-environnement, et les conséquences que celle-ci peut avoir à court et à long terme: l'évaluation cognitive et le coping (Folkman et al., 1986).


a) L'évaluation cognitive

      Le présent modèle est basé sur l'idée que l'individu éveillé évalue en permanence sa relation à l'environnement, et ce relativement aux implications que celle-ci peut avoir pour son bien-être personnel (Lazarus, 2001). Le terme d'évaluation dépasse la notion de traitement de l'information (Lazarus & Folkman, 1984), et fait référence ici au fait que l'individu, par l'intermédiaire de ce processus, considère la signification de ce qui se passe pour lui personnellement (Lazarus, 2001). L'évaluation est dite cognitive parce qu'elle implique souvent des processus complexes, conscients et de jugement (Lazarus, 2001).

      Le processus d'évaluation a une fonction adaptative qui consiste à trouver un équilibre entre deux types de forces: celles des réalités de l'environnement (demandes, contraintes, ressources), et celles des intérêts de la personne (Lazarus, 1991, p. 135). Il est en effet nécessaire de percevoir la réalité environnementale d'une manière suffisamment correcte pour pouvoir s'y adapter, tout en restant optimiste et en conservant des illusions (Lazarus, 1991).

      L'évaluation cognitive se fait principalement au moyen de deux processus: l'évaluation primaire ("primary appraisal") et l'évaluation secondaire ("secondary appraisal") (Lazarus & Folkman, 1984). Aussi, puisque la relation entre l'individu et l'environnement évolue constamment, les éléments de cette transaction sont ensuite reconsidérés au moyen d'un processus de réévaluation ("reappraisal") (Lazarus & Folkman, 1984). Ce processus est similaire, en termes des éléments considérés, aux processus d'évaluation primaire et secondaire, mais il a lieu à la suite de ceux-ci, et se réitère au gré des nouvelles informations qui apparaissent et des réactions de l'individu, modifiant sur cette base les résultats de ces premières évaluations (Lazarus & Folkman, 1984).

      a.1) L'évaluation primaire

      L'évaluation primaire est le processus au moyen duquel l'individu cherche à savoir si oui ou non, et si oui de quelle manière, ce qui se passe à un moment donné est pertinent pour lui, compte tenu de ses valeurs, de ses buts, de ses croyances sur soi et sur le monde, et de ses intentions en rapport avec la présente situation (Lazarus, 2001, p. 42). Ces éléments se résument en trois composantes: la pertinence par rapport aux buts, la congruence ou l'incongruence de ce qui se passe par rapport aux buts, et le type d'implication de la personne (Lazarus, 1991, p. 149). Ce processus d'évaluation donne lieu à trois cas de figures (Lazarus & Folkman, 1984):

  1. la relation à l'environnement est jugée non pertinente: dans ce cas rien d'autre n'est à considérer, et l'individu n'y prêtera pas (plus) d'attention;
  2. la transaction est jugée pertinente et bénigne-positive: les présentes conditions soit facilitent la réalisation des objectifs de l'individu (Lazarus, 2001), soit vont dans le sens d'une préservation voire d'une amélioration de son bien-être (Lazarus & Folkman, 1984). Les émotions typiquement ressenties dans ce cas-là sont positives, comme la joie, le bonheur, la gaîté, etc. (Lazarus & Folkman, 1984).
  3. La relation à l'environnement est évaluée comme pertinente et stressante (Lazarus, 2001), c'est-à-dire que les présentes conditions entravent ou menacent d'entraver la réalisation des buts de l'individu (Lazarus, 2001).

      Les situations qui nous intéressent ici sont celles concernées par ce troisième cas de figure, mais conformément à la définition transactionnelle du stress évoquée plus haut, la qualification de "stressante" dépend aussi de l'évaluation secondaire (Lazarus, 2001) 5 .

      a.2) L'évaluation secondaire

      Au moyen du processus d'évaluation secondaire, l'individu cherche à savoir si quelque chose doit ou peut être fait, et si oui quoi. L'évaluation secondaire porte sur les actions de coping possibles, la probabilité de chacune d'entre elles de parvenir au résultat escompté, la probabilité que l'individu la ou les accomplisse de manière efficace, et les conséquences de chacune de ces actions possibles, de même que les contraintes sociales et intra-psychiques liées à leur réalisation (Lazarus, 2001; Lazarus & Folkman, 1984 ). Ces différents éléments de l'évaluation secondaire se résument en trois composants: le blâme ou le crédit (qui peuvent être externes ou internes), le potentiel de coping, et les attentes pour le futur (Lazarus, 1991, p. 150). Le choix de ce qui va être fait ou non pour gérer la situation, c'est-à-dire le coping, dépend du résultat de cette évaluation (Lazarus, 2001; Lazarus & Folkman, 1984).

      Les processus d'évaluation primaire et secondaire sont aussi importants l'un que l'autre et selon Lazarus, n'entretiennent pas un ordre spécifique 6 , malgré leur appellation (Lazarus & Folkman, 1984). Ils interagissent constamment pour déterminer si la transaction est stressante ou non, et si oui de quelle manière et à quel point (Lazarus & Folkman, 1984).

      Si la relation à l'environnement est jugée stressante, elle peut l'être de trois manières différentes, évoquées par l'auteur en termes d'appraisals de stress 7  (Lazarus & Folkman, 1984, pp. 32-34) :

  • Le préjudice, le dommage ou la perte: quelque chose a eu lieu qui constitue un dommage ou une perte pour l'individu, comme par exemple une maladie ou la perte d'une personne proche. Les émotions attendues lors de telles situations sont la tristesse, la colère, la déception, la culpabilité et le dégoût (Folkman & Lazarus, 1985).
  • La menace: le dommage ou la perte n'ont pas encore eu lieu mais sont possibles / probables dans le futur. Le fait qu'ils soient prévisibles permet à l'individu d'avoir recours à des efforts de coping dit anticipatoires (Lazarus & Folkman, 1984). Les émotions typiquement ressenties lors d'une menace sont la peur, l'anxiété, l'inquiétude (Folkman & Lazarus, 1985).
  • Le défi: face à un dommage ou à une perte possible, une mobilisation des efforts de coping est nécessaire comme c'est le cas pour la menace, mais là, l'évaluation est focalisée sur les gains potentiels de cette transaction et sur la maîtrise de celle-ci (Lazarus & Folkman, 1984). Les émotions ressenties dans une telle situation sont surtout positives, comme la confiance, l'espoir, l'impatience (Folkman & Lazarus, 1985).

      Notons que ces différents appraisals ne sont à dissocier qu'à des fins descriptives car en réalité, l'évaluation d'une transaction peut être complexe et mixte: une perte passée peut aussi comporter une menace pour l'avenir, une situation de menace peut évoluer et devenir un défi, etc. (Lazarus, 2001).

      Ces différents processus d'évaluation sont influencés tant par des facteurs personnels, comme la confiance en soi et la croyance en sa propre efficacité 8 , que par des facteurs situationnels, tels notamment la nouveauté, la prévisibilité, l'incertitude temporelle ou encore la durée (Lazarus, 2001, p. 45; Lazarus & Folkman, 1984).

      Ces différents facteurs, considérés comme des antécédents de l'évaluation cognitive, sont interdépendants, et contribuent à déterminer si une personne va percevoir une situation comme une menace ou comme un défi, et à quel point sa réaction émotionnelle va être intense (Lazarus, 2001). A partir du moment où une transaction est évaluée comme stressante, et tant qu'elle est considérée comme telle, l'individu doit faire quelque chose en rapport avec ce qui lui arrive et en fonction de la façon dont il a évalué la situation; c'est là qu'intervient le processus de coping.


b) Le processus de coping

      Le coping est défini par Lazarus comme "...l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux, constamment changeants, (mis en oeuvre) pour gérer des demandes externes et / ou internes spécifiques qui sont évaluées comme menaçant ou excédant les ressources de la personne." 9  (Lazarus & Folkman, 1984, p. 141).

      Cette définition a plusieurs particularités si on la compare aux précédentes conceptualisations du coping: il s'agit d'un processus qui a lieu à un moment spécifique, et non pas d'une caractéristique stable de l'individu (Lazarus & Folkman, 1984). Le coping ne comprend ici que ce que la personne fait consciemment et lors de situations évaluées comme stressantes psychologiquement (Lazarus & Folkman, 1984). Enfin, la notion d'efforts de coping comprend tout ce que la personne tente de mettre en oeuvre, quel qu'en soit le résultat, et sans que ces efforts soient forcément équivalents à une maîtrise de la situation (Lazarus & Folkman, 1984).

      Définir le coping en termes de processus implique qu'on le considère dans une perspective dynamique, ce qui a plusieurs conséquences (Lazarus & Folkman, 1984, pp. 142- 143). D'abord, pour le décrire, on s'intéressera à ce qu'une personne pense et / ou fait réellement dans une situation donnée, et compte tenu du contexte particulier de cette situation. Ensuite, la mesure du coping ne peut être statique, et doit prendre en compte l'évolution de la transaction en cours: le processus de coping étant constamment médiatisé par les processus de réévaluation qui permettent à l'individu de considérer tous les changements qui interviennent et qui ont trait à la relation personne-environnement, ces changements doivent aussi être pris en compte lors de la mesure du coping (Lazarus & Folkman, 1984).


b.1) Fonctions du coping : problème vs. émotion

      Lazarus et collègues (Lazarus & Folkman, 1984, p. 148) ont distingué deux fonctions majeures du coping qui correspondent aux buts que les efforts entrepris pour gérer une situation stressante tentent de servir, et qui ne sont pas à confondre avec leur résultat, c'est-à-dire avec l'effet obtenu par ces efforts (Lazarus & Folkman, 1984).

      La première de ces fonctions consiste à gérer, agir sur, ou modifier le problème qui est à l'origine de la transaction stressante, tandis que la deuxième revient à réguler la réaction émotionnelle engendrée par cette transaction (Lazarus & Folkman, 1984, p. 150). Les efforts de coping relatifs à ces deux fonctions sont regroupés sous les termes respectifs de "coping centré sur le problème" et de "coping centré sur l'émotion" ("problem-focused coping" vs. "emotion-focused coping") (Lazarus & Folkman, 1984).

      Dans la littérature, il est souvent fait référence aux efforts relatifs à chacune de ces deux fonctions, en termes de types de coping, chacun regroupant différentes stratégies.

      Le coping centré sur l'émotion comprend entre autres (Lazarus & Folkman, 1984, p. 150): 1) des processus d'ordre cognitif destinés à réduire la détresse émotionnelle (évitement, minimisation, acceptation, prise de distance), 2) des stratégies qui visent à augmenter la détresse émotionnelle (autoaccusation), 3) des efforts qui consistent à changer la façon dont la réalité est perçue par l'individu, sans essayer de la modifier, 4) des stratégies qui ont pour effet indirect que la situation prend une nouvelle signification, (exercice physique, recherche de support émotionnel, méditation) (Lazarus & Folkman, 1984, p. 150).

      Regroupées sous ces différentes catégories, les stratégies de coping destinées à gérer la réaction émotionnelle sont nombreuses à pouvoir être appliquées à différentes situations, ce qui les distingue des stratégies centrées sur le problème.

      Le coping centré sur le problème consiste à obtenir des informations et à agir sur la base de celles-ci pour changer la réalité de la transaction qui est perçue comme stressante, afin qu'elle ne le soit plus (Lazarus, 2001, p. 48). Le nombre de stratégies de ce type, applicables à différentes situations, est très restreint (Lazarus & Folkman, 1984), et il est difficile de les décrire sans rapport à une situation spécifique.

      De manière générale, on peut dire que ces stratégies sont similaires à celles qui sont employées pour la résolution de problèmes 10  (Lazarus & Folkman, 1984). Plus précisément, on trouve une ressemblance entre plusieurs étapes de la résolution de problèmes, et les buts servis par certaines stratégies centrées sur le problème, comme par exemple la définition du problème, la génération de solutions alternatives, l'évaluation de ces alternatives en termes de coûts et bénéfices, et le choix d'une alternative (Lazarus & Folkman, 1984, p. 152).

      Les stratégies qui font partie du coping centré sur le problème peuvent être orientées soit vers l'environnement soit vers la personne (Lazarus & Folkman, 1984), ces dernières provoquant des changements à un niveau cognitif ou motivationnel, par exemple en modifiant le degré d'implication (Lazarus & Folkman, 1984).

      Dans la littérature sur le coping, cette distinction entre coping centré sur l'émotion et coping centré sur le problème a été largement reprise, et ces deux façons de faire face ont souvent été étudiées indépendamment l'une de l'autre, et mises en opposition relativement à leur utilité (Lazarus, 2001).

      Lazarus (Lazarus, 2001) fait cependant remarquer premièrement, que cette distinction est superficielle, et qu'en réalité une même stratégie peut remplir ces deux fonctions, et probablement d'autres encore. Deuxièmement, il note que dans la majorité des situations de stress réelles, les personnes mettent en oeuvre des efforts relevant de ces deux fonctions, efforts qui forment un tout et qui peuvent s'aider ou se nuire mutuellement (Lazarus, 2001). Troisièmement, l'utilité d'une stratégie de coping, qu'elle serve l'une ou l'autre de ces fonctions, dépend largement des circonstances dans lesquelles elle est réalisée (Lazarus, 2001).

      L'auteur donne à ce propos l'exemple du déni, une stratégie de coping centrée sur l'émotion, dans le cas d'une personne qui a subi une attaque cardiaque (Lazarus, 2001, p. 46): au moment de son hospitalisation, le déni serait une stratégie propice car elle lui éviterait bien des angoisses. A son retour au domicile par contre, alors que le patient doit modifier drastiquement son hygiène de vie, la même stratégie serait extrêmement dangereuse.

      Comme le montre cet exemple, le déni (à l'instar d'autres stratégies centrées sur l'émotion), peut être bénéfique quand rien ne peut être fait pour prévenir un dommage, mais lorsque cette stratégie interfère avec une action adaptative nécessaire, elle devient nuisible (Lazarus, 2001). Inversement, les stratégies de coping centrées sur le problème semblent adéquates dans les situations où un changement est possible, mais persévérer dans de tels efforts, alors que rien ne peut raisonnablement être fait pour modifier la situation, peut nuire à la santé et au bien-être (Lazarus, 2001).

      Pour comprendre ce qu'une personne met en oeuvre lorsqu'elle se trouve dans une situation qu'elle juge stressante, il est nécessaire de considérer un certain nombre de variables liées à la personne et à l'environnement, et qui peuvent être regroupées en deux grandes catégories opposées: les ressources, et les contraintes.

      Parmi les grandes catégories de ressources dont l'utilité a été mise en évidence dans la majorité des situations stressantes, Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984, p. 158) mentionne la santé et l'énergie, un certain nombre de croyances positives, des compétences liées directement à la résolution de problèmes, des compétences sociales, le support social, et enfin des ressources matérielles.

      Parmi les éléments qui font que souvent les individus n'utilisent pas au mieux leurs ressources, ce même auteur distingue trois catégories (Lazarus & Folkman, 1984, p. 165): les contraintes personnelles (valeurs, croyances, besoins de dépendance, peur de l'échec / du succès, préférences personnelles), celles qui sont liées à l'environnement (manque de ressources disponibles, compétition entre les individus pour l'usage de ces ressources), et un niveau de menace particulièrement élevé qui fait que dans certaines situations extrêmes, les individus n'ont plus accès à leurs propres ressources.


c) Conclusions relatives au modèle transactionnel

      La particularité du modèle transactionnel réside dans le fait qu'il prend en compte à la fois l'interaction entre l'individu et l'environnement, les variables contextuelles, les caractéristiques de la personne, et l'évaluation que fait l'individu de la situation (Frydenberg, 1996, p. 17). Ceci étant, les efforts de coping mis en oeuvre par une personne dans une situation particulière sont "multi-déterminés" (Lazarus & Folkman, 1984, p. 169).

      Le fait de n'accorder une valeur à une stratégie de coping qu'après avoir pris en compte le contexte de sa réalisation, et mesuré ses effets sur le long terme, constitue une particularité fondamentale du présent modèle qui le distingue des précédentes conceptualisations du coping.

      D'un point de vue méthodologique, la définition transactionnelle du coping implique que l'observation et la mesure de ce processus doivent porter sur ce qu'une personne fait réellement dans une situation donnée, et non pas sur ce qu'elle fait ou devrait faire généralement (Lazarus & Folkman, 1984). L'approche adéquate pour étudier le coping dans cette perspective est à la fois contextuelle et micro-analytique (Lazarus & Folkman, 1984, p. 178).

      Les auteurs de ce modèle reconnaissent par ailleurs qu'il est nécessaire de rechercher des patterns stables de coping auprès des individus. Pour ce faire ils préconisent la confrontation de plusieurs individus à une même situation, mais aussi de chacun de ces individus à plusieurs types de situations stressantes, le tout dans une perspective longitudinale de préférence ; ceci revient à utiliser un plan de recherche intra-individuel, imbriqué dans un plan inter-individuel (Lazarus, 2001; Lazarus & Folkman, 1984 ).

      Le présent modèle a été et continue d'être adopté comme cadre conceptuel pour de nombreuses recherches sur le stress et le coping. Selon Holahan (Holahan & Moos, 1994), ce modèle a aussi changé fondamentalement la conceptualisation du stress: après que l'accent ait été mis pendant longtemps sur des aspects négatifs comme le déficit, la pathologie et la vulnérabilité, des auteurs se sont intéressés aux capacités d'adaptation, à l'action constructive et à la croissance personnelle face au défi (Holahan & Moos, 1994 ; Holahan et al., 1996).

      Ils ont montré notamment que la résilience face au stress se développe au travers de la confrontation à des situations stressantes, et lorsque celles-ci sont gérées de manière efficace ; une situation de crise promeut l'acquisition de capacités de coping nouvelles, qui à leur tour mènent à de nouvelles ressources sociales et personnelles, impliquant une interaction dynamique entre trois types de facteurs: les ressources sociales, les ressources psychologiques, et les efforts de coping (Holahan et al., 1996, pp.30-33).

      Dans la suite de ce travail, lorsque nous parlerons de stress, ce sera pour faire référence soit au domaine général concerné par l'ensemble des processus décrits dans la perspective transactionnelle, soit à la façon dont les individus perçoivent leur relation avec l'environnement. Les termes de stresseur, de situation de stress, et de situation stressante seront employés de manière interchangeable pour faire référence à des situations dans lesquelles il est fort probable que la relation entre l'individu et son environnement soit évaluée par ce premier comme stressante. Enfin, on dira d'un individu qu'il est stressé pour se référer au fait que la présente relation entre cet individu et son environnement a été évaluée comme stressante et a donné lieu à une réaction psychologique ou physiologique qui va dans ce sens.


1.3 Etat actuel

      Selon Matthews (Matthews, Zeidner, & Roberts, In press), le coping est à présent considéré comme un processus multivarié qui implique des inputs (facteurs personnels et environnementaux) et des outputs (effets sur le court et le long terme), médiatisés par les processus d'évaluation et de coping.

      De nombreux auteurs envisagent actuellement une complémentarité entre les approches inter-individuelle et intra-individuelle dans la recherche sur le coping (Holahan et al., 1996; Matthews et al., In press ). La distinction entre la première de ces approches qui tente d'identifier des stratégies de coping utilisées par les individus dans des types particuliers de situations stressantes, et la deuxième qui cherche à identifier des styles de coping de base ou des stratégies de coping que les gens emploient habituellement dans différents types de situations stressantes (Parker & Endler, 1996), serait par ailleurs comparable à la distinction entre l'étude de variables "d'état" et de variables "trait" ("state vs. trait"), typique des recherches sur la personnalité (Parker & Endler, 1992; Schwarzer & Schwarzer, 1996).

      D'après Watson (Watson, 1999), le comportement de coping possède bien les caractéristiques d'un trait, à savoir la stabilité (dans le temps) et la consistance (entre différents contextes). Ceci étant, l'utilisation de stratégies de coping peut être considérée comme une disposition (Watson, 1999), sachant que dans de nombreux cas, des facteurs situationnels jouent un rôle important (Parker & Endler, 1992).

      A titre d'exemple, dans le cadre d'une étude longitudinale, Costa (Costa et al., 1996) a étudié les réponses de coping au travers de trois types de situations stressantes: des pertes, des menaces et des défis. Il a pu mettre en évidence à la fois une consistance intra-individuelle dans la façon de réagir à chacun de ces trois types de situations, et des effets situationnels consistants (Costa et al., 1996). Parmi ces derniers il a trouvé notamment que, dans des situations de perte, les personnes avaient souvent recours à la foi et au fatalisme, tandis que, face à un défi, ils employaient souvent l'humour et la persévérance (Costa et al., 1996).

      Considérées sous cet angle, les études menées dans une perspective intra- et inter-individuelle ont chacune leur utilité dans la recherche sur le coping, et la mise en relation de leurs résultats respectifs est facilitée entre autres par le fait que les dimensions de coping étudiées de part et d'autre sont comparables du point de vue de leur contenu. Mais avant d'aborder ces dimensions et la question de leur utilité, les instruments employés actuellement dans la recherche sur le coping seront présentés brièvement.


1) Instruments de mesure

      La diversité des recherches menées dans le domaine du coping en termes de populations cibles et de situations étudiées, semble avoir contribué au fait que les instruments qui ont été mis au point pour le mesurer sont aussi très nombreux et variés.

      Depuis les années 80, la majorité des auteurs semblent avoir choisi des méthodes basées sur le rapport verbal ("self-report") (Beehr & McGrath, 1996; Parker & Endler, 1992 ; Parker & Endler, 1996 ; C. R. Snyder, 1999 ). Dans ce type d'instruments, il est généralement demandé aux individus soit de répondre par oui ou par non pour dire s'ils utiliseraient telle ou telle stratégie, soit d'indiquer sur une échelle Likert combien il est probable qu'ils y aient recours, ou à quelle fréquence ils l'emploient, soit enfin de sélectionner parmi un répertoire de stratégies celles qu'ils ont utilisées ou seraient susceptibles d'utiliser (Parker & Endler, 1992).

      Ces instruments basés sur le rapport verbal sont pour la plupart des entretiens ou des questionnaires (Beehr & McGrath, 1996), qui permettent de mesurer des dimensions de coping variées (Parker & Endler, 1992), soit relativement à une situation de stress spécifique, soit en termes de disposition ou de style (De Ridder, 1997 ; Parker & Endler, 1992).

      Le contenu des items ou la stratégie de coping à laquelle ils font référence est la même dans les deux cas, mais la formulation des items varie: lors de la mesure d'un style de coping les items portent sur la façon qu'a une personne de faire face en général lorsqu'elle est confrontée à des situations stressantes, tandis que dans l'étude du coping relativement à une situation spécifique, les items portent exclusivement sur la façon qu'a eu, ou qu'aurait la personne de gérer cette situation particulière (Carver et al., 1989).

      Parmi les instruments qui portent sur la gestion d'une situation donnée, soit cette dernière a été vécue par l'individu, auquel cas il lui est demandé de se souvenir de ce qu'il a fait pour y faire face, soit cette situation est décrite à titre hypothétique, et l'individu doit imaginer qu'il doit y faire face et dire comment il s'y prendrait.

      Avec la permission de l'auteur (De Ridder, 1997), nous avons reproduit ci-dessous en table no. 1 une liste des questionnaires de coping les plus répandus, séparés en deux groupes, en fonction de l'objet de leur mesure: les premiers mesurent des styles de coping généraux tandis que les deuxièmes portent sur des situations stressantes particulières. Cette liste n'a pas la prétention d'être exhaustive, et d'autres questionnaires ont probablement été développés depuis sa publication.

      L'auteur a par ailleurs associé à chaque questionnaire un indice résumant sa qualité psychométrique. Au vu de cet indice, il s'avère que même les instruments de coping les plus utilisés souffrent de diverses faiblesses psychométriques (Endler & Parker, 1990).

      Il semble que le questionnaire développé par Folkman et Lazarus en 1988, et intitulé "Ways of Coping Questionnaire" (Folkman & Lazarus, 1988), ait été utilisé plus fréquemment que n'importe quel autre instrument de mesure du coping (De Ridder, 1997; Parker & Endler, 1992 ).

      En plus du fait que ce questionnaire a été largement employé, la majorité des autres instruments mesurent en tous cas les deux dimensions de base décrites par Lazarus et Folkman, à savoir le coping centré sur le problème et le coping centré sur l'émotion (Endler & Parker, 1990).

      Actuellement, si certains auteurs ont mis au point des outils permettant d'étudier le coping relativement à des situations spécifiques, et même si cette approche est préférable selon certains (De Ridder, 1997), la majorité des efforts sont orientés vers le développement de mesures fiables des styles de coping de base (Parker & Endler, 1992).

      Idéalement, ces deux types de mesures devraient être utilisés en complément l'un de l'autre (De Ridder, 1997). Mais il est malheureusement encore rare que des chercheurs mesurent à la fois des variables stylistiques et situationnelles dans le cadre d'une même recherche (Parker & Endler, 1996).

      
Table 1 : "Overview of general and situation-specific coping questionnaires": tiré de (De Ridder, 1997, p. 421) 11 
Instrument Référence N dimensionsa /N items Trait / processus / spécifique à une situationb Qualité psycho-métriquec
Mesures générales
Coping Inventory Abelson and Mutsch, 1985 3 / 48 T -
Coping Strategy Indicator Amirkham, 1990 3 / 33 P ±
COPE Carver et al., 1989 13 / 52 P / T ±
Cybernetic Coping Scale Edwards and Baglioni, 1993 5 / 40 P -
Coping Inventory for Stressful Situations Endler and Parker, 1990b 3 / 48 T +
Constructive Thinking Inventory Epstein and Meier, 1989 6 (15) / 64 T ±
Life Situations Inventory Feifel and Strack, 1989 3 / 21 P ±
Ways of Coping Questionnaire Folkman and Lazarus, 1988 2 (8) / 66 P ±
Strategic Approach to Coping Hobfoll et al., 1994 3 (9) / 52 P / T ±
- Mc Crae, 1984 28 / 118 P -
Miller Behavioral Style Scale Miller, 1987 2 / 32 T ±
Coping Response Inventory Moos, 1992 2 (8) / 48 P ±
Coping Style Scale Nowack, 1989 4 / 20 T ±
- Pearlin and Schooler, 1978 3 (17) 56 P -
Coping Styles Questionnaire Rogers et al., 1993 4 / 60 T ±
Coping Strategies Indicator Tobin et al., 1989 4 (8) / 72 P ±
- Westbrook, 1979 6 / 30 T ±
Mesures spécifiques à une situation
VanderBilt Pain Management Inventory Brown and Nicassio, 1987 2 / 18 Douleur chronique ±
Cognitive Coping Strategy Inventory Butler et al., 1989 7 / 70 Douleur ±
Life Events and Coping Inventory Dise-Lewis, 1988 5 / 49 Enfants ±
Health Coping Modes Questionnaire Feifel et al., 1987 3 / 19 Problèmes de santé ±
Coping Health Inventory for Parents McCubbin et al., 1983 3 / 45 Parents d'enfants avec la mucoviscidose ±
Coping with Health Injuries and Problems Parker and Endler, 1992 4 / 32 Problèmes de santé ±
Adolescent Coping Orientation for Problem Experiences Patterson and McCubbin, 1987 12 / 54 Adolescents ±
Coping Strategies Questionnaire Rosenstiel and Keefe, 1983 2 (8) 48 Douleur chronique ±
Kid Cope Spirito et al., 1988 10 / 10 Enfants ±
a: Nombre de dimensions. Quand l'information est disponible, le nombre de méta-stratégies ainsi que le (nombre de stratégies) est donné.b: Mesures de Trait = styles de coping dispositionnels ; mesures de processus = réponses de coping dans une situation spécifique ; Mesures spécifiques à une situation = mesures désignées pour une situation spécifique ou une population spécifique.c: + = alpha de Cronbach > ;.70 et / ou corrélations test-retest > ;.70, bonne validité de construit ou / et prédictive ; ± = alpha de Cronbach < ;.70 ou / et corrélations test-retest < ;.70, faible validité de construit et / ou prédictive ; - = information manquante sur la fidélité ou la validité.

      La diversité des approches et des méthodes employées pour l'étude et la mesure du coping, à la fois en termes de construits théoriques et d'instruments employés, fait qu'il est très difficile de généraliser les résultats obtenus (Parker & Endler, 1992).

      Malgré cela, il semblerait que la majorité des études porte sur un nombre restreint de dimensions de coping et a pour objectif de rechercher des liens entre ces dimensions et soit des résultats que l'on pourrait leur attribuer en termes d'adaptation, soit des caractéristiques propres aux personnes qui en font usage.


2) Quelques dimensions de coping

      Etant donné que les stratégies de coping observées sont multiples (Parker & Endler, 1992), et que le nombre de réponses possibles est théoriquement infini, il est nécessaire de les catégoriser d'une manière ou d'une autre (De Ridder, 1997 ; Schwarzer & Schwarzer, 1996). Empiriquement, cette catégorisation est généralement réalisée au moyen de l'analyse factorielle, et les solutions retenues sont très variables d'un échantillon à un autre, et d'une situation de stress à une autre (Schwarzer & Schwarzer, 1996).

      Avec la permission de l'auteur, nous avons reproduit ci dessous en table no. 2, une liste des dimensions de coping qui sont fréquemment mesurées et citées dans la littérature  12 .

      
Table 2 : "Summary of coping dimensions assessed in recently developed coping scales". Tiré de (Parker & Endler, 1992, pp. 324-325)
Reference Coping Dimensions
Amirkhan (1990) 1 Problem-solving
2 Seeking social support
3 Avoidance
Billings and Moos (1981) 1 Active-behavioural
2 Avoidance
3 Active-cognitive
Billings and Moos (1984) 1 Appraisal-focused
2 Problem-focused
3 Emotion-focused
Carver. Scheier and Weintraub (1989) 1 Problem-solving
2 Emotion-focused
3 Venting of emotions
4 Behavioural disengagement
5 Mental disengagement
Dise-Lewis (1988) 1 Aggression
2 Stress-recognition
3 Distraction
4 Self-destruction
5 Endurance
Endler and Parker (1990a,b) 1 Task-oriented
2 Emotion-oriented
3 Avoidance-oriented (distraction and social diversion)
Epstein and Meier (1989) 1 Emotional
2 Behavioural
3 Categorical thinking
4 Superstitious thinking
5 Naïve optimism
6 Negative thinking
Feifel and Strack (1989) 1 Problem-solving
2 Avoidance
3 Resignation
Folkman and Lazarus (1980) 1 Problem-focused
2 Emotion-focused
Folkman and Lazarus (1985) 1 Problem-focused
2 Wishful thinking
3 Distancing
4 Emphasizing the positive
5 Self-blame
6 Tension-reduction
7 Self-isolation
8 Seeking social support
Folkman and Lazarus (1988) 1 Confrontive
2 Distancing
3 Self-controlling
4 Seeking social support
5 Accepting responsibility
6 Escape-avoidance
7 Planful problem-solving
8 Positive reappraisal
Miller (1980, 1987) 1 Information-seeking (monitoring)
2 Information-distracting (blunters)
Nowack (1989) 1 Intrusive positive thoughts
2 Intrusive negative thoughts
3 Avoidance
Patterson and McCubbin (1987) 1 Ventilating feelings
2 Seeking diversion
3 Developing self-reliance
4 Developing social support
5 Solving family problems
6 Avoiding problems
7 Seeking spiritual support
8 Investing in close friends
9 Seeking professional support
10 Engaging in demanding activities
11 Being humorous
12 Relaxing

      De cette table il ressort que les dimensions de coping retenues diffèrent d'un modèle à l'autre, à la fois en nombre et en nature. Ces divergences s'expliquent de différentes manières.

      Premièrement, il existe plusieurs niveaux d'abstraction auxquels les réponses de coping peuvent être regroupées (Schwarzer & Schwarzer, 1996, p. 127), et que les auteurs ne distinguent pas toujours bien (De Ridder, 1997).

      Deuxièmement, il n'y a pour le moment pas de consensus sur le nombre adéquat de dimensions à retenir (De Ridder, 1997): les modèles actuels varient entre deux et vingt-huit dimensions de base (Matthews et al., In press), alors que selon De Ridder (De Ridder, 1997), ce nombre ne devrait idéalement pas dépasser huit.

      Troisièmement, les chercheurs se sont basés sur différents critères pour classifier les stratégies de coping observées: parmi ceux-ci se trouvent notamment la fonction de la stratégie (centrée sur le problème vs. centrée sur l'émotion), la nature de l'effort impliqué (cognitif vs. comportemental), et son orientation (approche vs. évitement, tâche vs. personne).

      Quatrièmement et finalement, certaines variables sont considérées comme des dimensions de coping par une partie des auteurs mais pas par tous, c'est le cas par exemple du support social et des stratégies de coping "couvertes" ou qui ne sont pas observables (De Ridder, 1997).

      Malgré ces divergences importantes entre les auteurs, la majorité d'entre eux considère que la distinction faite par Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984) entre le coping centré sur l'émotion et le coping centré sur le problème occupe une place essentielle (Endler & Parker, 1990). Notons que selon Compas (Compas et al., 2001), ces dimensions de coping servent de principes organisateurs qui correspondent à des caractéristiques globales des réponses produites face au stress, et qui représentent des aspects plutôt complémentaires qu'orthogonaux du processus de coping.

      La littérature fait aussi état de plusieurs dimensions qui sont liées ou fonctionnellement équivalentes à ces deux dimensions de base (Parker & Endler, 1992). Ainsi de nombreux auteurs assimilent les stratégies de coping centrées sur le problème à celles qui sont orientées vers la tâche ("task-oriented") tandis que les stratégies de coping centrées sur l'émotion sont dites orientées vers la personne ("person-oriented") (Parker & Endler, 1992). D'autres auteurs ont distingué entre le coping assimilateur et le coping accommodateur, ou encore entre le coping de contrôle primaire et le coping de contrôle secondaire (Rudolph, Dennig, & Weisz, 1995), pour désigner respectivement les stratégies qui visent à contrôler les conditions objectives, et celles qui visent l'ajustement de la personne à la situation (Schwarzer & Schwarzer, 1996).

      La distinction entre des stratégies d'approche et d'évitement est aussi fréquente (De Ridder, 1997). Globalement, l'approche fait référence à des efforts de coping orientés vers une confrontation au problème, tandis que les stratégies d'évitement ont pour but d'éviter cette confrontation (Holahan & Moos, 1994). Certains auteurs font aussi référence à cette distinction en termes de coping actif vs. passif (De Ridder, 1997). Il s'agirait dans ce cas d'une dimension unique et non de deux dimensions séparées.

      Les relations entre les dimensions d'approche et d'évitement d'une part, et celles de coping centré sur le problème vs. centré sur l'émotion d'autre part, semblent très ambiguës. Selon De Ridder (De Ridder, 1997) ces deux distinctions devraient être combinées, comme si les dimensions y relatives étaient indépendantes les unes des autres, et que leur combinaison donnait lieu à des sous-ensembles. Pour d'autres comme Holahan (Holahan et al., 1996), l'approche semble quasiment assimilée au coping centré sur le problème tandis que l'évitement semble comprendre tout ce qui vise à fuir le problème, y compris l'ensemble des stratégies centrées sur l'émotion.

      D'autres auteurs (Cosway, Endler, Sadler, & Deary, 2000 ; Parker & Endler, 1992) proposent de prendre en compte trois dimensions de base: le coping orienté vers la tâche (ou le problème), le coping orienté vers l'émotion (ou la personne), et l'évitement. Tel que ces auteurs l'ont mesuré, le coping orienté vers la tâche comprend des stratégies telles que l'analyse du problème, le réajustement des priorités ou la gestion du temps (Cosway et al., 2000). Parmi les efforts orientés vers l'émotion on trouve le fait de se blâmer soi-même, de s'inquiéter de ce que l'on va faire ensuite, ou encore de s'énerver (Cosway et al., 2000). Enfin le coping d'évitement comprend des stratégies comme par exemple faire du lèche-vitrines, téléphoner à quelqu'un, ou aller voir un film (Cosway et al., 2000). Ces stratégies sont orientées soit vers la personne soit vers la tâche, et consistent respectivement à rechercher des contacts sociaux (diversion sociale) ou à s'engager dans des activités de remplacement (distraction) (Parker & Endler, 1992).

      Ces trois dimensions semblent faire l'objet d'un consensus auprès de plusieurs chercheurs (Endler & Parker, 1990 ; Matthews et al., In press; Parker & Endler, 1996 ) et paraissent susceptibles de décrire le coping à la fois en qualité de dispositions générales, et à la fois tel qu'il se manifeste dans des situations spécifiques (Matthews et al., In press).

      Pour ces différentes raisons nous avons choisi de nous baser principalement sur ces trois dimensions pour la suite de cette revue de littérature, et afin d'en rendre la lecture plus agréable, pour nous référer à la dimension de coping orientée vers la tâche, nous nous servirons également des termes de coping centré sur le problème, de même que pour nous référer au coping orienté vers la personne nous utiliserons aussi la notion de coping centré sur l'émotion.

      Ces dimensions de base représentent différentes façons de faire face à une situation stressante qui ne sont probablement pas équivalentes du point de vue de leur résultat adaptatif pour l'individu (Watson, 1999). On sait par exemple que certaines stratégies permettent d'alléger les difficultés et de réduire la détresse émotionnelle qui en résulte, tandis que d'autres ne font qu'exacerber le problème (Zeidner & Saklofske, 1996). Le fait d'évaluer les différentes stratégies de coping devrait permettre, entre autres, d'aider les cliniciens à diagnostiquer un coping inadapté et à proposer des façons plus adaptées de gérer le stress (Zeidner & Saklofske, 1996).


3) Coping adapté vs. inadapté

      La question d'efficacité ou d'adaptabilité est présente implicitement dans presque toutes les descriptions du coping (Matthews et al., In press). En principe, pour dire d'un coping qu'il est adapté, il faudrait pouvoir prendre en compte son contexte et se baser sur un certain nombre de critères (Matthews et al., In press). Mais aucun de ces critères n'est universel (Zeidner & Saklofske, 1996), et le choix de ceux qui sont à prendre en compte n'est pas trivial puisque les conclusions sur l'efficacité du coping en dépendent (Matthews et al., In press, p. 17).

      Pour juger de l'efficacité du coping en référence à une situation particulière, les critères les plus courants sont (Matthews et al., In press, pp. 17-19 ; Zeidner & Saklofske, 1996, p. 508) :

  • la résolution du conflit ou de la situation stressante (autant que possible)
  • une réduction des réactions physiologiques et biochimiques (respiration, rythme cardiaque, etc.)
  • une réduction de la détresse psychologique, et le maintien de l'anxiété dans des limites supportables
  • un fonctionnement social normatif, c'est-à-dire que les comportements qui ont été mis en oeuvre ne sont pas déviants par rapport à ce qui est socialement acceptable
  • une reprise des activités routinières qui avaient lieu avant l'événement stressant
  • le bien-être de l'individu qui est directement confronté à la situation, et des différentes personnes concernées par celle-ci
  • le maintien d'une estime de soi positive
  • l'efficacité perçue: l'individu doit au moins avoir l'impression que sa façon de faire face lui a été utile.

      Ces différents critères ne sont pas toujours pertinents: lors d'une maladie grave par exemple, la situation ne peut pas être vraiment résolue au sens où l'élément qui est à l'origine du stress ne peut pas être supprimé ou amoindri. De même, la reprise des activités qui précédaient l'événement ne sont un critère pertinent que si la routine qui précédait ne posait pas de problèmes en soi, et n'était pas précisément à l'origine du stresseur, etc.

      Le choix des critères à considérer doit rester souple, et prendre en compte des particularités de la situation, mais pas seulement: la bonne résolution d'une situation stressante empiète parfois sur la gestion d'une autre situation stressante (Zeidner & Saklofske, 1996).

      Perrez et Reicherts (Perrez & Reicherts, 1992, p. 161 et suivantes) ont proposé une façon d'évaluer le degré d'adéquation du coping dans une situation donnée, qui tient compte à la fois des propriétés objectives de la situation, de l'évaluation subjective qu'en fait le sujet, et de ses buts dans la présente situation (Perrez & Reicherts, 1992). Cette évaluation est basée sur trois critères, appelés ici des "règles de comportement" ("behavior rules") (Perrez & Reicherts, 1992, pp. 163-164):

  1. Le dit comportement doit faire partie de ceux qui sont recommandés dans la situation en question parce qu'ils se sont avérés efficaces dans de telles conditions internes et externes
  2. les coûts et les effets négatifs doivent être compensés de manière acceptable par les bénéfices
  3. les moyens mis en oeuvre doivent être éthiquement acceptables.

      Une méthode d'auto-observation a aussi été développée par ces mêmes auteurs (Perrez, Horner, & Morval, 1998; Reicherts, 1999 ), dans le but de pouvoir évaluer le degré de conformité à ces règles dites aussi "cognitivo-comportementales". Plus précisément, des recherches ont été menées dans lesquelles les sujets, au moyen d'un ordinateur de poche, décrivent certaines propriétés des événements stressants auxquels ils sont confrontés 13 , et rapportent les stratégies qu'ils mettent en oeuvre pour y faire face, de même que leur vécu émotionnel (Perrez et al., 1998; Reicherts, 1999 ). Sur la base de ces données, les auteurs peuvent déterminer dans quelle mesure les stratégies de coping mises en place sont conformes aux trois règles sus-mentionnées (Perrez et al., 1998), ce qui semble constituer une percée importante dans la recherche sur le stress et le coping.

      Cependant, cette méthode n'étant pas encore très répandue, il est rare d'avoir accès à des informations aussi précises sur le déroulement des situations stressantes qui font le quotidien des individus. Aussi, même pour les rares cas où l'on disposerait de toutes ces informations, il semble que les effets ou résultats du coping donnent plutôt lieu à un pattern de coûts et de bénéfices de type qualitatif, qui serait très difficile à quantifier (Matthews et al., In press).

      Actuellement, bien que beaucoup d'auteurs reconnaissent que la notion d'efficacité est propre à une situation spécifique et relative à un ensemble de critères choisis (Matthews et al., In press), l'évaluation du coping est le plus souvent basée sur un nombre très restreint de ces critères.

      Une des méthodes les plus courantes pour évaluer le coping consiste à rechercher des liens entre d'une part, l'utilisation de stratégies relatives aux principales dimensions de coping, et d'autre part, un certain nombre de variables qui sont soit des indices de symptomatologie psychique, comme la dépression ou l'anxiété, soit qui sont liées à la personnalité ou au fonctionnement psychique, et qui ont déjà été mises en relation avec la psychopathologie.

      Les situations de stress rencontrées par les individus étant par définition très variées, il faut relever qu'à la base, un comportement adapté nécessite un vaste répertoire de stratégies et de ressources, mais aussi la capacité d'en faire un usage flexible, combiné et créatif (Holahan et al., 1996; Matthews et al., In press ).

      Notons que certaines stratégies de coping sont de nature inadaptée quelle que soit la situation dans laquelle elles sont mises en oeuvre, parce qu'elles ne contribuent qu'à empirer la situation pour l'individu, même si parfois elles procurent un soulagement de courte durée (Matthews et al., In press). Parmi ces stratégies figurent l'abus de substances comme l'alcool ou la drogue (Zeidner & Saklofske, 1996), ainsi que les comportements qui impliquent une prise de risques importante comme la conduite à haute vitesse (Matthews et al., In press).

      Le coping centré sur le problème, orienté vers la tâche ou de contrôle primaire, est considéré comme adapté par l'ensemble des chercheurs, surtout dans des situations où quelque chose peut être fait par la personne pour gérer la menace ou modifier les conditions qui sont à l'origine du stress (Zeidner & Saklofske, 1996). Les personnes qui essaient de gérer le problème tendent à mieux s'adapter aux stresseurs rencontrés, et à présenter moins de symptômes psychologiques que ceux qui se focalisent sur les émotions ressenties (Holahan et al., 1996).

      Certains auteurs ont considéré que le coping orienté vers l'émotion, centré sur la personne, ou encore de contrôle secondaire est mal adapté, alors que d'autres auteurs sont arrivés à une conclusion inverse (Matthews et al., In press), et le moment où les effets sont évalués explique peut-être cette divergence: il semblerait en effet qu'à court terme, le fait de maintenir la détresse émotionnelle dans des limites gérables reflète un coping efficace (Matthews et al., In press). Par contre, lorsque les effets sur le long terme sont pris en compte, il apparaît parfois qu'il eût été préférable de pouvoir exprimer au départ ses émotions sans trop de retenue (Matthews et al., In press).

      Par ailleurs, les personnes qui présentent plus de symptômes dépressifs et celles qui souffrent d'anxiété disent utiliser plus de coping orienté vers l'émotion que de coping orienté vers la tâche (Endler & Parker, 1990). Aussi, il semblerait que les réponses de coping lors d'une situation de stress extrême puissent prédire la survenue d'un syndrome de stress post-traumatique (PTSD) 14  (Zeidner & Saklofske, 1996): chez des anciens combattants souffrant de ce syndrome, la sévérité des symptômes est liée positivement avec l'emploi de stratégies centrées sur l'émotion, et négativement avec l'emploi de stratégies centrées sur le problème (Zeidner & Saklofske, 1996).

      Pour des auteurs comme Stanton ou Semmer cependant (Semmer, 2003; Stanton, Danoff Burg, Cameron, & Ellis, 1994), il convient d'examiner de plus près la façon dont le coping centré sur l'émotion est mesuré, avant de le considérer comme dysfonctionnel. Stanton a montré, en effet, que la plupart des échelles censées mesurer le coping centré sur l'émotion, sont constituées d'items dont le contenu est très proche de certains symptômes de psychopathologie (Stanton et al., 1994). Ainsi, au lieu de mesurer des stratégies mises en place volontairement pour gérer une situation de stress, ou le vécu émotionnel y relatif, ces items mesurent plutôt le degré auquel la personne est affectée par la situation, autrement dit le stress perçu et l'incapacité de l'individu à réguler ses émotions, ou à fonctionner en dépit de celles-ci (Semmer, 2003). Au vu de cela, il n'est donc pas étonnant que le coping centré sur l'émotion, tel qu'il est mesuré par de tels items, ait été associé à des problèmes de santé physique et mentale (Semmer, 2003; Stanton et al., 1994).

      Stanton (Stanton et al., 1994) a montré par contre que, lorsque cette forme de coping est mesurée par des items qui font strictement référence à des stratégies "d'approche centrées sur l'émotion" ("emotional approach coping"), incluant notamment des efforts pour identifier, comprendre et exprimer le vécu émotionnel, elle peut s'avérer tout à fait adaptée. Entre autres, ces stratégies d'approche centrées sur l'émotion peuvent dans certains cas être nécessaires, dans un premier temps, afin de permettre à l'individu de retrouver sa capacité de réflexion, et de recourir dans un deuxième temps, à des stratégies centrées sur le problème (Semmer, 2003). Les études menées avec la méthode d'auto observation de Reicherts semblent aller dans ce sens (Reicherts, 1999), indiquant la nécessité de pouvoir aussi mesurer le coping et ses effets à différents moments d'une situation stressante (Semmer, 2003).

      Les différents éléments apportés ici montrent que, lorsqu'il est mesuré convenablement, le coping centré sur l'émotion peut s'avérer adapté, ce qui ne veut pas dire pour autant que ce type d'efforts se suffit à lui-même, ou remplace des efforts de coping centrés sur le problème.

      Le coping d'évitement quant à lui, ne semble pas avoir le même résultat, selon que l'on considère le court ou le long terme. A court terme, il apparaît que l'évitement permet de maintenir un équilibre émotionnel (Matthews et al., In press), de réduire le stress ou l'anxiété (Parker & Endler, 1992), et d'échapper à une pression constante (Zeidner & Saklofske, 1996). Les stratégies cognitives d'évitement semblent particulièrement efficaces pour supporter la douleur, le bruit ainsi que des traitements médicaux pénibles (Matthews et al., In press). A long terme cependant, les différentes stratégies regroupées sous le terme d'évitement semblent porter préjudice au bien-être des individus (Matthews et al., In press).

      En résumé, il semblerait, d'un point de vue très général, que les stratégies de coping centrées sur l'émotion et d'évitement sont adaptées et efficaces surtout à court terme, mais que dans des situations où l'individu a la possibilité d'agir pour modifier les conditions qui sont à l'origine du stress, ces formes de coping ne doivent pas dépasser une certaine importance, et encore moins remplacer le recours à des stratégies orientées vers la tâche. Dans de telles situations, les efforts orientés vers la personne ou d'évitement doivent donc nécessairement être complétés par des stratégies centrées sur le problème qui s'avèrent plus efficaces à long terme (Matthews et al., In press).

      Après cette description un peu abstraite de ce qui est adapté, voici quelques hypothèses avancées pour tenter d'expliquer ce qui se passe dans certains cas où le stress n'est pas géré de manière adéquate.

      Etant donné la variété des processus impliqués plus ou moins directement dans le coping, les raisons d'un coping inadapté sont multiples, et très variables d'un individu à l'autre (Matthews et al., In press). Cet auteur en donne quelques exemples (Matthews et al., In press, pp. 28-29):

  • il peut s'agir d'une évaluation incorrecte de la situation à un niveau peu conscient
  • l'évaluation consciente peut être erronée en raison d'une surcharge d'information
  • un manque de connaissance des normes sociales en vigueur peut entraîner un comportement inapproprié
  • une stratégie de coping adéquate peut être choisie mais l'individu n'a pas les capacités nécessaires pour la mener à bien
  • choix d'une stratégie de coping adéquate, que la personne est capable de réaliser en principe, mais qui échoue pour d'autres raisons.

      Comme le montrent ces exemples, l'origine d'un coping dysfonctionnel est à rechercher à différents niveaux et relativement à toutes les variables qui, d'une manière ou d'une autre, influencent ce mécanisme.

      A ce stade, les différentes stratégies et dimensions de coping ont été décrites sans qu'il ne soit fait référence aux personnes qui en font usage. Des liens ont cependant été mis en évidence entre ces mêmes dimensions et certaines caractéristiques de la personnalité ou du fonctionnement psychique. Nous avons tenté d'en décrire brièvement quelques-uns.


4) Corrélats d'un coping adapté

      Sachant que certaines personnes s'en sortent mieux que d'autres lorsqu'elles sont confrontées à des situations stressantes (C. R. Snyder, 1999), la question qui se pose est alors de savoir qui sont ces individus capables de choisir les bonnes stratégies au bon moment, ou de parvenir à réaliser les stratégies qu'ils ont choisies avec plus d'efficacité.

      Il est probable que de nombreux aspects du fonctionnement psychologique sont liés de manière plus ou moins directe au coping. Compte tenu du nombre important de liens décrits dans la littérature récente, il serait impossible de les aborder tous, nous n'en mentionnerons donc ci-après que quelques exemples.


a) Les traits de personnalité

      Certains traits de personnalité ont été étudiés pour le lien qu'ils entretiennent avec le coping (Carver et al., 1989 ; Parkes, 1986; Watson, 1999 ). Parmi ceux-ci le névrosisme, qui selon Watson (Watson, 1999) est fortement lié à la psychopathologie (dépression, anxiété, abus de substances, troubles alimentaires, somatoformes et de personnalité), semble aussi avoir le plus d'influence sur la vulnérabilité au stress (Matthews et al., In press).

      Les personnes qui ont un score de névrosisme élevé semblent rencontrer plus souvent que d'autres des événements négatifs ; ils tendent aussi à s'auto-évaluer et à évaluer leur environnement avec pessimisme, à employer plus de stratégies de coping centrées sur l'émotion et sur l'évitement, et moins de stratégies centrées sur le problème (Matthews et al., In press; Watson, 1999 ).

      L'extraversion quant à elle entretient des liens négatifs avec les mêmes pathologies psychiques (Watson, 1999), et corrèle positivement avec l'emploi de stratégies de coping centrées sur le problème, et négativement avec le coping centré sur l'émotion (Watson, 1999). Lorsqu'elles sont confrontées à des situations stressantes, les personnes extraverties auraient aussi plus de facilité à se tourner vers autrui, par exemple pour demander de l'aide (Watson, 1999).


b) L'intelligence

      La notion d'adaptabilité des capacités cognitives à de nouveaux problèmes semble être une caractéristique reconnue du facteur g ou d'intelligence générale (Matthews et al., In press), tel qu'il a été mis en évidence par de nombreux auteurs pour l'importance de son rôle dans des tâches cognitives variées (Carroll, 1993; Spearman, 1904 ).

      Dans une même perspective, Zeidner (Zeidner, 1995, p. 304) considère que l'intelligence fait référence à une forme globale d'adaptation à l'environnement, et s'attend à ce que des personnes dites "intelligentes" soient mieux ajustées socialement et émotionnellement que celles qui le sont moins.

      Telle une ressource personnelle, l'intelligence devrait alors influencer le processus de coping à différents niveaux (Zeidner, 1995, pp. 304-305): premièrement, l'intelligence pourrait affecter le processus d'évaluation en permettant à l'individu de considérer des alternatives plus complexes, à la fois lors de l'évaluation primaire et lors de l'évaluation secondaire. Deuxièmement, l'intelligence pourrait influencer à la fois le choix des stratégies de coping, et leur implémentation. Zeidner postule notamment que les stratégies de coping centrées sur l'émotion et sur le problème sont utilisées à la fois par les personnes qui ont un score élevé sur des épreuves d'intelligence et par celles qui ont un score faible, mais que ces dernières emploient plus souvent des stratégies centrées sur l'émotion car elles évalueraient plus de situations comme étant de celles où rien ne peut être fait (Zeidner, 1995, p. 305).

      Troisièmement, des corrélations ont été trouvées entre certaines mesures d'intelligence ou de réussite intellectuelle, et des construits qui sont liés à la confiance que chacun a dans ses propres capacités de coping, tels la "self efficacy" et l'estime de soi (Matthews et al., In press ; Zeidner & Matthews, 2000), ce qui va dans le sens d'une influence plutôt indirecte sur le coping.

      Comme Zeidner le fait remarquer (Zeidner, 1995), bien que l'importance de l'intelligence en tant que ressource de coping ait été soulignée, la recherche empirique dans ce domaine est extrêmement rare et lacunaire.

      Une autre forme d'intelligence par contre, l'intelligence émotionnelle (Salovey, 1999), est devenue très populaire tant dans les milieux scientifiques qu'auprès du public, et les liens entre celle-ci et le coping ont été discutés par plusieurs auteurs.


c) L'intelligence émotionnelle

      Le concept d'intelligence émotionnelle (EI) désigne un type d'intelligence qui à trait à la capacité de traiter des informations émotionnelles (Roberts, Zeidner, & Matthews, 2001). Si les auteurs semblent diverger quant au contenu précis de cette forme d'intelligence (Roberts et al., 2001), le fait de gérer correctement des situations stressantes est souvent vu comme un élément clé de l'intelligence émotionnelle (Matthews et al., In press). D'après Matthews (Matthews et al., In press), un coping adapté serait même parfois considéré comme de l'intelligence émotionnelle "en action".

      Il semble probable que les processus liés à la régulation des émotions et qui sont au coeur du concept d'EI, sont d'une grande importance pour le coping aussi (Matthews et al., In press): par exemple, certaines compétences sociales faciliteraient l'établissement de liens sociaux durables ainsi que leur utilisation lors de situations de stress (Salovey, 1999). Mais selon Matthews (Matthews et al., In press, pp. 29-30), ces processus ne sauraient à eux seuls rendre compte d'un coping adapté.

      Au vu de cela, il semblerait qu'à l'instar de l'intelligence "classique", l'intelligence émotionnelle serait à considérer comme une ressource pour le coping, comme cela a été proposé par Salovey (Salovey, 1999), au même titre d'ailleurs que d'autres facteurs, comme le support social.


d) Le support social

      Selon Avison (Avison & Gotlib, 1994), la notion de support social désigne le fait qu'une personne ait un réseau social plus ou moins large, composé de personnes auxquelles elle peut faire appel, et qui sont susceptibles de lui offrir un certain soutien. Il semble qu'il s'agisse d'une ressource importante pour le coping (Parker & Endler, 1992).

      Le support social semble avoir principalement deux façons de contribuer à un coping efficace: premièrement, indépendamment du niveau de stress présent dans la vie d'une personne, le support social constituerait un facteur protecteur au sens où il procurerait un support émotionnel susceptible de renforcer la confiance en soi et l'estime de soi, et de rehausser la santé mentale et physique (Holahan et al., 1996 ; Plancherel, Bolognini, & Nunez, 1994; Salovey, 1999 ).

      Deuxièmement, selon l'hypothèse connue sous le nom de "l'effet buffer", le support social interviendrait entre l'événement stressant et l'expérience de stress, en amortissant l'impact du stress sur le bien-être de l'individu, par exemple en lui procurant des conseils qui l'aideraient à mieux évaluer la situation et à planifier des stratégies de coping plus adéquates (Holahan et al., 1996 ; Plancherel et al., 1994; Salovey, 1999 ).

      A titre d'exemple, des études longitudinales ont montré qu'un degré élevé de support familial prédit une augmentation du recours à un coping centré sur le problème, et une baisse des autres formes de coping (Holahan et al., 1996) 15 .


e) Confiance en soi et concepts similaires

      Dans la littérature sur le coping, il est souvent fait référence à différents concepts qui se chevauchent partiellement, et qui ont trait à la façon dont l'individu se perçoit lui-même, ou / et appréhende les situations qu'il rencontre. Ces variables semblent exercer une influence plus ou moins directe sur la façon dont ces situations sont évaluées, sur la réaction émotionnelle qui s'en suit, ainsi que sur les efforts de coping que l'individu tente ou ne tente pas de mettre en place pour y faire face.

      Parmi ces variables on trouve la confiance en soi, le "self-efficacy belief" (Bandura, 1997), la contrôlabilité (perçue), l'estime de soi, mais aussi certaines tendances d'attribution causale ou de locus of control (Rotter, 1966), et même l'optimisme.

      A titre d'exemple, les personnes qui ont un niveau élevé de "self efficacy" tendent à appréhender des situations stressantes de manière active, et à persister dans leurs efforts, alors que les personnes qui ont un niveau faible de "self efficacy" tendent à éviter ce type de situations (Holahan et al., 1996). Aussi, les personnes optimistes auraient tendance à employer des stratégies centrées sur le problème tandis que les pessimistes préfèreraient les stratégies centrées sur l'émotion (Holahan et al., 1996).

      Selon Cox (Cox, 1987), au moment de l'évaluation d'une situation, la perception que l'individu a de ses propres capacités de coping serait plus importante encore que le fait de posséder réellement ces capacités, notamment pour déterminer si et combien la situation est vécue comme stressante.

      Nous retiendrons de ce qui précède que, s'il semble important de posséder certaines ressources mentionnées plus haut comme l'intelligence, l'intelligence émotionnelle, ou le support social, il paraît d'autant plus important d'en être conscient et de pouvoir croire qu'il nous est possible de modifier dans une certaine mesure les situations rencontrées, sans quoi il semble difficile de mobiliser ces ressources et d'entamer des efforts de coping.


1.4 Conclusions pour le coping

      Depuis son origine, et tout au long du vingtième siècle, le concept de coping a beaucoup évolué. Un des aspects majeurs de cette évolution nous paraît être la compréhension par les chercheurs du fait qu'il n'est pas possible de porter d'emblée un jugement qualitatif sur les stratégies de coping, et encore moins sur le fonctionnement psychique des individus qui les emploient.

      La plupart des auteurs semblent maintenant d'accord sur le fait que l'efficacité d'une stratégie de coping ne peut être déterminée que sur la base de plusieurs critères, et notamment en fonction de l'individu qui la met en oeuvre, de la façon dont ce dernier évalue la situation, et de son adéquation par rapport aux circonstances du moment précis auquel elle est réalisée.

      Cette évolution de la conceptualisation du coping, ainsi que de la façon de l'étudier, est due pour beaucoup au développement du modèle transactionnel, et à l'intégration des concepts y relatifs dans la majorité des recherches, y compris dans celles qui sont basées sur une approche inter-individuelle.

      La mise en commun des résultats issus des approches inter- et intra-individuelles a permis de mettre en évidence des liens entre le processus de coping tel qu'il se manifeste dans une situation spécifique, et des dispositions de coping plus stables.

      Si l'on considère les liens qui ont été trouvés entre le coping et de nombreuses variables, il semble que ce processus se situe quelque part à mi-chemin entre certains aspects de la personnalité des individus et leur intelligence, même si la nature de ces liens reste pour une bonne part encore inexplorée et peu comprise.

      Suite à cet exposé sur le coping, et après avoir résumé l'état actuel de la littérature dans ce domaine, nous allons tenter de décrire ce qui se passe à l'adolescence en termes de stress et de coping.


2. Adolescence, stress et coping

      Selon Kavsek (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996), les premières recherches sur le stress et le coping à l'adolescence ont été largement influencées par la conception psychanalytique de l'adolescence, selon laquelle cette étape de la vie est une période de crises et de bouleversements.

      Peu à peu cette conception de l'adolescence aurait été remplacée par des théories basées pour certaines sur l'empirie, qui considèrent le développement comme un processus continu, et qui décrivent l'adolescence comme une période de transition au cours de laquelle le jeune est en mesure d'influencer activement son développement (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Ainsi, les mythes selon lesquels l'adolescence serait une période orageuse et de stress intense, les changements hormonaux une source invariable de difficultés, et le conflit intergénérationnel entre parents et adolescents quasi inévitable, ne correspondraient plus à la réalité (Frydenberg, 1996).

      Il semblerait plutôt que la majorité des adolescents traversent cette étape sans grande difficulté, même s'ils doivent gérer des problèmes et "du stress", comme c'est le cas à chaque étape du parcours de vie (Frydenberg, 1996). Cela n'empêche pas que le stress psychologique représente un facteur de risque important pour la psychopathologie pendant l'adolescence, et la façon dont les adolescents gèrent les stresseurs qu'ils rencontrent influence l'impact de ceux-ci sur l'ajustement actuel et futur, ainsi que sur la psychopathologie (Compas et al., 2001).


2.1 Importance des stresseurs à l'adolescence

      L'étude du stress à l'adolescence est à la fois intéressante et importante, notamment parce que la nature des événements de vie, ainsi que leur lien avec la santé, semblent différents de chez les adultes (Compas, 1987).

      Selon Compas (Compas, 1987), les chercheurs, qui, comme Danish ou Hultsch et Plemons 16 , se sont intéressés aux événements de vie à l'adolescence dans la perspective du "Life Span", ont considéré ceux-ci comme des états de déséquilibre qui précèdent et rendent possible le développement. Un certain nombre d'événements de vie sociaux et biologiques sont propres à cette période, comme par exemple la croissance physique, les changements endocriniens, l'évolution des rôles sociaux et familiaux etc., et auraient entre autres pour particularité, bien plus que les événements vécus par les adultes, d'être fortement liés à l'âge (Compas, 1987).

      Faisant partie du développement normatif, ces événements peuvent être anticipés, et ne deviendraient problématiques que s'ils ne se produisent pas au moment où ils sont attendus (Compas, 1987). Ainsi par exemple, des événements qui ont lieu très précocement peuvent altérer plus ou moins directement le cours du développement subséquent (Compas, 1987).

      Un certain nombre de tâches développementales, qui doivent être remplies par l'adolescent en l'espace de cinq à dix ans, ont aussi été associées à cette période (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990). Parmi celles-ci se trouvent le désengagement par rapport à la famille et un investissement dans des relations extra-familiales, la restructuration de l'identité, la construction de relations hétérosexuelles, et le choix d'un métier (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990).

      Outre ces éléments normatifs auxquels les adolescents doivent faire face, et qui sont propres à l'adolescence, les adolescents rencontrent aussi des événements majeurs qui ne sont pas normatifs. Ainsi l'association entre le coping et l'ajustement psychologique a été étudiée relativement à un grand nombre de stresseurs comme la maladie de l'adolescent ou d'un des parents, la douleur, le conflit parental ou familial, des difficultés économiques de la famille, le divorce parental, les problèmes relatifs au groupe de pairs, l'adoption, le stress académique, les abus sexuels, les désastres naturels, la guerre, etc. (Compas et al., 2001).

      Des corrélations positives ont souvent été trouvées entre des événements négatifs et le niveau de dysfonctionnement psychique, physique, et social des adolescents sur le court et le long terme, notamment avec des problèmes de santé, la dépression, l'anxiété, des comportements délinquants, des tentatives de suicide, de l'absentéisme scolaire et des baisses de performance académique (Boekaerts, 1996; Compas, 1987 ).

      Mais si les événements de vie négatifs semblent liés à l'ajustement des adolescents, la nature de ce lien semble encore peu claire, et certaines études prospectives ont montré que chez les adolescents, ces liens iraient plutôt de la symptomatologie aux événements de vie subséquents, c'est-à-dire que les symptômes seraient des prédicteurs d'événements de vie négatifs, et non le contraire (Compas, 1987).

      Aussi, les tracas quotidiens semblent plus souvent évalués de manière négative par les adolescents que les événements de vie majeurs, et certains stresseurs chroniques, dont des tracas quotidiens et des conditions psychosociales de l'environnement, seraient plus encore que chez les adultes, des prédicteurs importants de symptomatologie (Compas, 1987). Ces différents résultats pourraient être résumés ainsi: des stresseurs chroniques prédisent la symptomatologie qui, elle, à son tour, prédit la survenue d'événements de vie négatifs.

      Une autre hypothèse a été proposée par les chercheurs du "life span" mentionnés ci-dessus, selon laquelle lorsque des événements de vie sont vécus à un moment différent de celui où ils sont attendus, ils seraient à l'origine de tracas quotidiens qui eux causeraient de nombreux dysfonctionnements, faisant des tracas quotidiens des médiateurs de la relation entre les événements de vie et la symptomatologie (Compas, 1987).

      De nombreuses données ont par ailleurs montré que les stratégies développées par les adolescents pour gérer les tracas quotidiens qu'ils rencontrent sont hautement prédictives de leur réponse de coping face à des événements de vie qui surviennent par la suite (Boekaerts, 1996). Ainsi la façon de gérer des tracas quotidiens serait tout aussi importante que la façon de gérer des événements de vie majeurs.

      Enfin, si des liens ont été trouvés entre les différents types de stresseurs rencontrés à l'adolescence et certaines formes de dysfonctionnement, on sait également que grâce à l'interaction de plusieurs facteurs médiateurs, ces stresseurs peuvent donner lieu à une croissance positive (Compas, 1987).

      Parmi ces facteurs médiateurs on trouve notamment la signification que prend l'événement pour l'individu (autrement dit son évaluation), ses ressources pour gérer l'événement ainsi que les efforts qui sont faits dans ce but (Compas, 1987). Il paraît donc important d'étudier le coping des adolescents, et ceci d'autant plus que l'adolescence est considérée comme une période critique pour la mise en place de programmes de prévention visant à améliorer les capacités de coping et ainsi à réduire les effets négatifs que certains événements pourraient avoir (Compas, 1987).


2.2 Généralités & particularités du coping des adolescents

      Le coping des adolescents a été appréhendé principalement au moyen de quatre méthodes, à savoir des questionnaires, des entretiens semi-structurés, des observations de comportements, et plus rarement, des rapports de personnes proches (Compas et al., 2001). Certains de ces outils portent sur un stresseur spécifique, tandis que d'autres mesurent un style de coping général (Compas et al., 2001). Si de manière générale les différentes approches employées par les chercheurs semblent similaires à celles qui sont utilisées pour l'étude du coping auprès d'adultes, les stresseurs ou les domaines de préoccupations relativement auxquels le coping est étudié ne sont probablement pas les mêmes, et les stratégies, ainsi que les dimensions de coping employées, semblent un peu différentes aussi.

      Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995, p. 103) a regroupé les tracas quotidiens les plus fréquemment cités par les adolescents en sept domaines de préoccupations majeurs, à savoir le soi ou le "self" (problèmes personnels), les relations intimes, les pairs, l'école, les parents, l'avenir, et enfin les loisirs.

      Cet auteur a également mis en évidence vingt stratégies de coping fréquemment employées pour faire face à des situations de stress relevant de ces sept domaines ; elles sont citées ici dans l'ordre décroissant de leur utilisation, c'est-à-dire que les premières citées sont les plus souvent employées (Seiffge-Krenke, 1995, p. 110): Résoudre le problème avec l'aide d'amis, discuter du problème avec les parents ou d'autres adultes, penser au problème et essayer d'y trouver des solutions, essayer de parler du problème avec la personne directement concernée, parler tout de suite du problème dès qu'il apparaît et ne pas trop s'en faire, demander de l'aide et du réconfort aux personnes qui se trouvent dans une situation similaire, se dire qu'il y aura toujours des problèmes, faire des compromis, laisser sortir l'agressivité (mettre de la musique forte, conduire un moto, danser follement, sport, etc.), chercher de l'information dans des magasines ou des livres, accepter ses propres limites, s'attendre au pire, se comporter comme si de rien n'était, ne penser au problème que quand il apparaît, demander de l'aide à des professionnels, ne pas s'inquiéter parce que d'habitude tout finit par rentrer dans l'ordre, essayer de ne pas penser au problème, laisser sortir sa colère ou son désespoir en criant, pleurant, claquant des portes, etc., se retirer parce qu'on ne peut rien changer, et enfin essayer d'oublier le problème avec de l'alcool ou de la drogue.

      Trois facteurs ou styles de coping ont été mis en évidence sur la base de ces stratégies, à savoir les copings actif, interne et de retrait (Seiffge-Krenke, 1995 ; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990). Le coping actif consiste à mobiliser des ressources sociales pour résoudre le problème, le coping interne se réfère à l'évaluation du problème et à la recherche de solutions, le retrait reflète quant à lui une approche fataliste du problème et une incapacité momentanée de le résoudre (Seiffge-Krenke, 1995, p. 106). Il semblerait que cette structure factorielle soit comparable au concepts d'approche vs. évitement (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990), ainsi qu'à ceux de coping centré sur le problème vs. centré sur l'émotion (Seiffge-Krenke, 1994). Plus précisément, les modes de coping actif et interne correspondraient selon cet auteur au coping centré sur le problème et à l'approche, tandis que le retrait serait équivalent à l'évitement et au coping centré sur l'émotion (Seiffge-Krenke, 1994; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990 ).

      La structure proposée par Frydenberg (Frydenberg, 1991, p. 7) pour résumer les stratégies les plus fréquemment employées par les adolescents paraît très semblable à celle de Seiffge-Krenke, et comporte aussi trois facteurs, comprenant respectivement des tentatives personnelles de résolution du problème, des stratégies basées largement sur le recours à autrui, à la fois pour gérer le problème et pour recevoir un soutien plutôt émotionnel, et enfin des stratégies caractérisées par le sentiment de ne pas "coper" (Frydenberg, 1991).

      Seiffge-Krenke a par ailleurs montré que si les stratégies de coping utilisées pour faire face à un domaine de préoccupation sont relativement stables, les adolescents emploient différentes sortes de stratégies pour différents domaines de préoccupations (Boekaerts, 1996; Seiffge-Krenke, 1995).

      Connor-Smith et collègues ont quant à eux distingué entre des stratégies de coping volontaires et des réponses involontaires (Connor-Smith, Compas, Wadsworth, Thomsen, & Saltzman, 2000). Parmi les premières ils distinguent aussi trois facteurs: le coping d'engagement et de contrôle primaire, qui comprend la résolution de problèmes, l'expression et la régulation émotionnelle, le coping d'engagement et de contrôle secondaire, qui inclut la restructuration cognitive, la pensée positive, l'acceptation et la distraction, et enfin le coping de désengagement, qui englobe des stratégies comme le "wishful thinking", l'évitement et le déni (Connor-Smith et al., 2000).

      La complexité de ces trois modèles viendrait confirmer le fait que la distinction entre le coping centré sur le problème et le coping centré sur l'émotion, bien qu'elle soit très fréquemment utilisée, n'est pas adéquate pour rendre compte du coping des adolescents (Compas et al., 2001 ; Connor-Smith et al., 2000).

      Si l'on considère les deux premières classifications décrites ici, il semblerait que la distinction entre les stratégies qui consistent à rechercher du support social et celles qui sont basées sur des efforts individuels soit très importante chez les adolescents, plus peut-être que celle qui distingue la gestion du problème de celle des émotions y relatives. Ainsi, les stratégies de coping observées chez les adolescents se distingueraient davantage par le type des moyens mis en oeuvre (sociaux ou individuels) que par la fonction qu'elles remplissent (problème ou émotion).

      En outre, la troisième dimension présente dans ces trois classifications, et qui est caractérisée par du retrait, semble différente de l'évitement observé chez les adultes (Parker & Endler, 1992), qui fait plus référence à de la distraction, ou à de la diversion sociale, et qui semble moins lié à la notion d'isolement, de retrait, voire de renoncement.

      De ces différents modèles nous retiendrons que le coping des adolescents, tout comme celui des adultes, est multidimensionnel, mais que malgré quelques ressemblances d'ordre général, sa structure et son contenu ne sont pas tout à fait les mêmes. Aussi, il semblerait que d'une part, l'usage des différentes dimensions de coping, et d'autre part, sa structure, varient avec l'âge et le genre au sein même de la population adolescente.


2.3 Aspects développementaux

      Tout d'abord, notons que le type d'événements susceptibles d'entraîner des dysfonctionnements varie avec l'âge, certains stresseurs étant clairement liés à des phases spécifiques du développement (Boekaerts, 1996). Ainsi, depuis l'enfance, et ce jusqu'au début de l'adolescence (Ł 14 ans), les stresseurs familiaux sont les plus prédictifs de symptômes psychologiques (Boekaerts, 1996). Au milieu de l'adolescence, (15-17 ans) seuls les stresseurs liés aux pairs prédisent des symptômes psychologiques, et parmi les jeunes de 18 à 20 ans, les stresseurs académiques prédisent au mieux ces mêmes symptômes (Boekaerts, 1996).

      L'émergence de la capacité d'adaptation au stress et à l'adversité semble constituer un aspect central du développement de l'être humain (Compas et al., 2001). Selon Boekaerts (Boekaerts, 1996), l'adolescence étant une période de développement physique et psychologique, les épisodes stressants que les adolescents évaluent comme insurmontables à un moment spécifique peuvent devenir contrôlables quelques mois plus tard lorsque les stratégies de coping dont ils disposent sont devenues plus diversifiées et sophistiquées.

      Ainsi les événements qui sont stressants à un moment donné de l'adolescence ne le sont plus forcément deux ans plus tard, soit parce que les préoccupations des adolescents ont évolué, soit parce que leur répertoire de coping s'est enrichi.

      Pour Compas (Compas et al., 2001), dès le milieu de l'enfance et à l'adolescence, on s'attend en effet à une augmentation de la diversité et de la flexibilité des réponses de coping disponibles, notamment grâce au développement des capacités méta-cognitives qui devraient permettre une plus grande capacité d'ajuster les efforts de coping aux caractéristiques objectives ou perçues des stresseurs.

      Bien que l'âge ait une influence importante sur le coping des adolescents (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996), il est rare que la relation entre le coping et l'ajustement psychologique soit étudiée comme une fonction de l'âge ou du niveau développemental, principalement en raison de la taille des échantillons étudiés (Compas et al., 2001).

      Une étude portant sur plus de sept cent adolescents aurait cependant montré que les stratégies de coping et la structure de celui-ci telle qu'elle a été décrite par Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990), ne sont pas les mêmes pour les jeunes adolescents que pour les adolescents plus âgés (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996). Ces résultats sont basés sur une comparaison entre deux groupes, composés respectivement de jeunes adolescents entre onze et seize ans, et d'adolescents entre dix-sept et dix-neuf ans (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Dans le groupe des jeunes adolescents, les stratégies employées se résument en deux facteurs (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996): un facteur de coping d'approche, qui comprend à la fois des stratégies comportementales (actives) et cognitives (internes), et un facteur d'évitement, qui comprend des stratégies de retrait. On retrouve donc auprès de ce groupe d'âge les deux orientations de base, approche, et évitement, mais dans l'approche, les stratégies relevant de l'utilisation de ressources sociales ne sont pas encore distinguées des stratégies de coping internes (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Dans le groupe des adolescents plus âgés, trois facteurs ont été mis en évidence (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996): le premier facteur regroupe des stratégies de coping d'approche actives de type comportemental 17 , le deuxième facteur comprend des stratégies d'approche internes, cognitives, et le troisième enfin, comprend des stratégies d'évitement et de retrait. De ce qui précède on peut déduire que la structure des stratégies de coping varie entre ces deux groupes d'âge, chez les plus jeunes le coping interne ne constitue pas à lui seul un facteur, alors que c'est le cas chez les plus âgés, résultat qui a été répliqué par la suite dans plusieurs pays (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Plusieurs auteurs font état d'un changement quantitatif du coping centré sur l'émotion, ou de contrôle secondaire, qui semble peu présent dans l'enfance mais qui augmente avec l'âge (Boekaerts, 1996; Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996 ). Le coping centré sur le problème ou de contrôle primaire, subirait quant à lui le même changement quantitatif, associé à un changement qualitatif, dès lors qu'on observe au cours de l'adolescence, une différenciation de ce facteur en un composant cognitif et un composant comportemental (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Il ne semble donc pas y avoir de stabilité absolue du coping pendant l'adolescence, même si chacun des facteurs trouvés pour chaque groupe d'âge s'avère stable sur un ensemble de situations (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996). Selon Kavsek (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996), une même stabilité relative au sein d'un groupe d'âge aurait été mise en évidence dans le domaine de l'intelligence, où il semblerait que, parallèlement à l'âge, on assiste à un accroissement du nombre de facteurs, autrement dit à une différenciation 18  de l'intelligence (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996). Il se pourrait donc qu'un phénomène similaire ait lieu relativement au coping puisque, comme Boekaerts l'a montré (Boekaerts, 1996), on voit émerger des formes de coping plus complexes.


2.4 Différences de genre

      Avant de voir si et comment les filles et les garçons diffèrent dans leur façon de faire face à des stresseurs, notons tout d'abord que ces derniers ne semblent pas perçus de la même manière par les uns et les autres.

      Il semblerait effectivement que les filles évaluent les mêmes événements, tels par exemple le fait de recevoir une mauvaise note ou un conflit avec les parents, comme quatre fois plus stressants que les garçons (Boekaerts, 1996). D'après Boekaerts (Boekaerts, 1996), les filles considèrent les mêmes problèmes comme étant plus complexes, et attribuent davantage leur origine à des facteurs internes. Aussi, quand un événement stressant est terminé, elles continuent d'y penser, et sont aussi plus affectées par le stress vécu par d'autres personnes de leur entourage.

      Ces éléments montrent qu'il existe des différences de genre importantes au niveau de l'évaluation des événements rencontrés, différences qui pourraient en expliquer partiellement d'autres, relatives aux préférences de coping ainsi qu'à l'ajustement (Boekaerts, 1996).

      Si l'on se réfère aux études de Seiffge-Krenke et aux styles de coping que cette auteur a décrits (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990), il semblerait que les filles utilisent significativement plus de coping actif et de coping interne que les garçons, alors que les stratégies de retrait sont employées dans la même mesure par les filles que par les garçons (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996). Si ces différences sont marginales au début de l'adolescence, elles prennent de plus en plus d'ampleur au fur et à mesure que les adolescents grandissent (Boekaerts, 1996).

      Il semblerait que, quelle que soit la nature du problème rencontré, plus les filles grandissent et plus elles recherchent la sympathie, les conseils, l'aide et le réconfort d'autrui, et ce bien plus souvent que ne le font les garçons (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996). Lorsqu'un problème apparaît, elles s'en occupent immédiatement, en parlent beaucoup avec des personnes qui leurs sont proches, et tentent en général de résoudre le problème directement avec la personne concernée (Boekaerts, 1996 ; Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996). Les filles seraient aussi plus inquiètes, elles penseraient à des solutions possibles et auraient tendance à se préparer à d'éventuelles conséquences négatives, ainsi qu'à être plus fatalistes que les garçons (Boekaerts, 1996 ; Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Le fait que les filles tentent plus souvent de discuter ouvertement de leurs difficultés avec d'autres personnes paraît cohérent avec les observations faites auprès des adultes. Ces dernières indiquent que les femmes ont une tendance générale à avoir recours plus souvent, et de manière plus conséquente, à leur réseau social ; elles demanderaient aussi plus souvent de l'aide en dehors de la famille (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996 ; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990).

      Les garçons quant à eux, chercheraient souvent à gérer les problèmes quand ceux-ci deviennent imminents, et ne se mettraient pas autant de pression que les filles (Boekaerts, 1996). Ils essaient généralement de résoudre le problème par eux-mêmes plutôt que d'avoir recours à autrui, et essaient plus d'oublier, adoptant parfois une attitude de type "wait and see" (Boekaerts, 1996).


2.5 Coping et ajustement

      Dans sa revue de littérature sur le coping à l'adolescence, Compas (Compas et al., 2001) relève deux catégories de variables psychologiques régulièrement mises en relation avec le coping: les problèmes comportementaux et / ou émotionnels intériorisés et extériorisés, et les compétences sociales et académiques. Les problèmes comportementaux et / ou émotionnels intériorisés font référence à des symptômes de dépression, d'anxiété ou somatiques tandis que les problèmes extériorisés se réfèrent à l'agressivité ou à des problèmes de comportement (Compas et al., 2001).

      La majorité des études ont mis en évidence un lien positif entre le coping centré sur le problème et un meilleur ajustement psychologique au sens des trois variables décrites ci-dessus, à savoir les problèmes extériorisés, les problèmes intériorisés, et les compétences (Compas et al., 2001). Parmi les stratégies de coping centrées sur le problème, celles qui sont plus fortement liées à un ajustement meilleur sont la résolution de problèmes, la restructuration cognitive, et la réévaluation positive du stresseur (Compas et al., 2001). L'ensemble de ces stratégies se caractérise par une analyse attentive de la situation stressante, par le fait qu'une attention sélective est portée sur les aspects positifs de ces situations, et par une génération de pensées alternatives à la fois positives et pleines d'espoir (Compas et al., 2001). Ce pattern général de résultats semble typique des situations qui sont relativement contrôlables (Compas et al., 2001).

      Dans des situations qui sont, soit objectivement soit subjectivement incontrôlables, le coping centré sur le problème ou d'engagement a été associé avec des symptômes intériorisés et des problèmes extériorisés plus fréquents, ainsi qu'avec de moins bonnes compétences (Compas et al., 2001). A titre d'exemple, des auteurs ont montré que lorsque des adolescents sont confrontés à des conflits qui concernent leurs parents, stresseur sur lequel ils ont objectivement peu de contrôle, le coping centré sur le problème est lié à un ajustement plus faible (Compas et al., 2001).

      La plupart des études ont montré que le coping centré sur l'émotion est lié à un ajustement psychologique plus pauvre relativement aux différentes variables dépendantes citées ci-dessus (Compas et al., 2001). Les stratégies qui sont le plus souvent associées à ce faible niveau d'ajustement sont l'évitement cognitif et comportemental, le retrait social, l'acceptation résignée, la ventilation émotionnelle, le "wishful thinking", et le blâme de soi (Compas et al., 2001).

      En revanche, dans les situations peu contrôlables, comme des conflits entre les parents ou des abus sexuels, les stratégies de coping centrées sur l'émotion s'avèrent liées à un meilleur ajustement des adolescents (Compas et al., 2001).

      Si l'on se réfère aux dimensions de coping de Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990), les modes de coping actif et interne sont considérés comme fonctionnels et le retrait comme dysfonctionnel (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990). Bien que cette distinction "à priori" puisse paraître discutable, l'approche de l'auteur semble intéressante.

      En effet, tout en reconnaissant que l'usage d'une stratégie "dysfonctionnelle" peut être adéquat à un moment donné, elle s'est intéressée à la relation quantitative entre coping fonctionnel et dysfonctionnel sur un ensemble de situations et de domaines, chez des adolescents "normaux" ou tout-venant (Seiffge-Krenke, 1994). Il semblerait que le coping actif soit la forme de coping la plus utilisée par ces adolescents, tandis qu'ils auraient recours à du retrait seulement dans certaines situations spécifiques, la proportion du coping de retrait par rapport à l'ensemble des stratégies employées ne dépassant pas un cinquième (Seiffge-Krenke, 1994).

      Pour conclure sur ce point, nous retiendrons qu'à l'instar de ce qui se passe chez les adultes, les stratégies de coping semblent prédire un meilleur ajustement si elles sont adaptées au niveau de contrôlabilité des stresseurs, à savoir que si quelque chose peut être fait pour modifier les conditions qui sont à l'origine du stress alors des stratégies centrées sur le problème sont plus efficaces, tandis que là où rien ne peut être fait, ce sont les stratégies centrées sur l'émotion qui sont les plus adéquates. Aussi, sachant qu'il n'y pas une réponse qui soit adaptée de manière universelle pour tous les individus et toutes les situations, on peut dire que ces deux formes majeures de coping sont nécessaires pour une adaptation réussie au stress (Boekaerts, 1996), mais que sur l'ensemble des situations rencontrées par les adolescents, le coping centré sur le problème devrait rester largement majoritaire par rapport aux stratégies de retrait (Seiffge-Krenke, 1994).


2.6 Liens avec des variables externes

      Comme c'est le cas pour les adultes, de nombreuses variables, liées à la personnalité ou au fonctionnement psychologique, sont probablement en relation avec la façon dont les adolescents gèrent le stress, et il serait impossible de les mentionner toutes. Aussi, ayant déjà abordé une partie de ces liens ci-dessus, nous avons décidé de n'évoquer ici que quelques variables liées à la famille, dont le rôle est particulièrement important à l'adolescence.

      Selon Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995), l'environnement familial a une influence importante sur le coping des adolescents. La qualité des relations familiales, et notamment des relations parents-adolescents, serait reconnue pour sa contribution aux capacités de coping des adolescents (Seiffge-Krenke, 1995).

      Les relations entre parents et adolescents peuvent constituer une source de stress, ou inversement servir de support pour les adolescents (Seiffge-Krenke, 1995). Afin de mieux comprendre comment le fonctionnement familial influence le stress et le coping à l'adolescence, Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995) a étudié le climat familial tel qu'il est perçu par les adolescents au moyen du "Family Environment Scale" développé par Moos et Moos (Seiffge-Krenke, 1995).

      Sur la base des dix échelles mesurées, à savoir la cohésion, l'expression, le conflit, l'indépendance, l'orientation vers la réussite, l'intellectualité, le divertissement, la morale, l'organisation et le contrôle, quatre types de climats familiaux ont été décrits, qui correspondent chacun à une façon de fonctionner au sein de la famille, et qui sont liés au style de coping des adolescents (Seiffge-Krenke, 1995).

      Ces quatre types sont caractérisés respectivement par un désengagement et une orientation vers le conflit (I), une orientation vers la réussite dans une perspective de contrôle (II), une cohésion et une structuration orientées vers la morale (III), et finalement, une cohésion et une expressivité orientées vers l'individuation (IV) (Seiffge-Krenke, 1995, pp. 166-167).

      Il s'avère que le support familial et l'engagement sont en tant que tels des éléments importants car ils contribuent à un faible niveau de stress, plus spécifiquement à un faible taux de stresseurs liés tant aux relations avec les parents qu'avec les pairs et les membres du sexe opposé (Seiffge-Krenke, 1995). La cohésion familiale et le support semblent être quant à eux les précurseurs d'un coping adapté chez l'adolescent (Seiffge-Krenke, 1995).

      Cependant, pour développer un style de coping fonctionnel, caractérisé par une approche active des problèmes rencontrés, une des deux conditions suivantes doit aussi être réalisée, à savoir : soit la vie familiale doit être clairement organisée autour d'un certain nombre de règles qui peuvent également guider l'adolescent lorsqu'il est confronté à des problèmes (III), soit le climat familial doit encourager l'autonomie de l'adolescent et sa responsabilité (IV) (Seiffge-Krenke, 1995).

      Parmi ceux qui ont été mentionnés ici, le climat familial optimal semble être celui qui est caractérisé par une cohésion et une expressivité orientées vers l'individuation (IV). Les familles de ce type sont faiblement structurées et organisées, mais la façon qu'a l'adolescent de gérer les demandes qu'il rencontre est respectée. Les adolescents issus de ces familles ont un niveau de stress relativement faible, des scores élevés de coping actif, et n'ont que peu recours à des stratégies de retrait (Seiffge-Krenke, 1995). Il semblerait que les membres de ces familles servent de modèle pour un coping adéquat car ils maintiennent des relations intra-familiales positives, tout en tolérant la présence et l'expression de conflits (Seiffge-Krenke, 1995).

      Dans les familles du type III, contrairement aux familles précédentes, le conflit est empêché ou évité, de sorte que l'adolescent n'a pas la possibilité d'apprendre à se confronter activement aux problèmes rencontrés, ou à prendre position, et il emploie peu de stratégies de coping actives (Seiffge-Krenke, 1995). Le support familial ainsi que le degré d'organisation typiques de ces familles semblent malgré tout contribuer à un niveau de stress faible et à peu de retrait (Seiffge-Krenke, 1995).

      Les adolescents provenant de familles orientées vers la réussite, et au sein desquelles les parents exercent un degré de contrôle élevé (II), montrent un haut niveau de stress ; ils rapportent notamment beaucoup de conflits relatifs à des questions d'autonomie, mais ce fonctionnement rigide ne semble pas avoir d'effet sur le coping car ces adolescents emploient beaucoup de stratégies actives et relativement peu de retrait.

      En dépit de ce dernier élément, le fait d'utiliser des stratégies de retrait de manière constante au travers des situations rencontrées semble fortement influencé par le climat familial (Boekaerts, 1996 ; Seiffge-Krenke, 1995). Ainsi les adolescents qui viennent de familles caractérisées par une faible cohésion et par un grand nombre de conflits interpersonnels (I), ont le plus souvent recours à ce type de stratégies (Seiffge-Krenke, 1995). A long terme, les adolescents issus de ces familles utilisent de moins en moins de stratégies de coping actives, et continuent d'avoir recours au retrait, ce qui signifie que leur répertoire de coping s'appauvrit, tandis que le niveau de stress auquel ils ont à faire face augmente avec l'âge (Seiffge-Krenke, 1995).

      Il semblerait que les adolescents qui ont soit très peu, soit beaucoup recours à des stratégies de retrait, continuent d'agir de la sorte sur le long terme (Seiffge-Krenke, 1995). Notons aussi que les adolescents issus de familles fonctionnant selon ces quatre types ne diffèrent pas relativement à l'usage qu'ils font de stratégies de coping internes (Seiffge-Krenke, 1995). Par contre l'utilisation de ce mode de coping augmente avec l'âge, et parallèlement au développement cognitif, les adolescents devenant de plus en plus flexibles et réfléchis (Seiffge-Krenke, 1995).

      Mais si, comme le montrent ces résultats, la famille influence beaucoup le coping à l'adolescence, les relations des adolescents avec leur famille se modifient au cours de cette période, et l'importance des relations entre pairs augmente avec l'âge (Seiffge-Krenke, 1995).

      Dès le milieu de l'adolescence en effet, les parents sont peu à peu remplacés par les amis qui constituent un support pour la perception de ses propres compétences et pour l'estime de soi, et qui servent également de modèles pour le coping (Seiffge-Krenke, 1995).


2.7 Conclusion sur le coping des adolescents

      Comme c'est le cas pour les adultes, les différents auteurs cités précédemment ont montré que le coping a une importance dans l'ajustement psychologique des adolescents exposés au stress (Compas et al., 2001). La façon dont les adolescents gèrent le stress est un corrélat important à la fois de l'ajustement psychologique et de l'apparition de symptômes liés à différentes formes de psychopathologie (Compas et al., 2001).

      Les adolescents utilisent un grand nombre de réponses de coping, et ils ont recours à différentes stratégies pour différents types ou domaines de problèmes (Boekaerts, 1996). Ces stratégies peuvent être regroupées en dimensions de coping d'ordre supérieur qui s'avèrent assez stables dans le temps (Boekaerts, 1996).

      Ces dimensions diffèrent un peu de celles qui ont été trouvées chez les adultes, mais des similarités subsistent. Les deux grandes distinctions présentes dans la littérature adulte entre coping centré sur le problème et coping centré sur l'émotion, et entre approche et évitement se retrouvent dans bon nombre d'études, même si le contenu de ces dimensions semble relativement différent.

      L'étude des différences individuelles a montré que les filles ont plus régulièrement recours à des ressources sociales, et que les adolescents plus âgés utilisent plus de stratégies internes et sont plus flexibles (Seiffge-Krenke, 1995).

      Si les auteurs reconnaissent que le retrait peut parfois être adéquat dans certains types de situations, à l'instar de ce qui a été dit à propos des adultes, les formes de coping qui consistent à agir directement pour résoudre le problème semblent les plus adaptées à long terme, pour autant que quelque chose puisse être fait dans la situation (Compas et al., 2001; Seiffge-Krenke, 1995 ).

      La recherche sur le coping auprès des adolescents est restée très en retard si on la compare aux recherches menées auprès des adultes dans ce domaine, et constitue de ce fait une priorité pour la recherche future (Compas et al., 2001). Aussi, bien des questions relatives au coping restent encore ouvertes, ce qui pourrait s'expliquer par la présence d'un certain nombre de difficultés d'ordre méthodologique.


3. Limites méthodologiques dans la recherche sur le coping

      Selon Scherer (Scherer, 1990), malgré les progrès importants qui ont été réalisés dans la recherche sur le coping, on relève un certain mécontentement quant à l'avancement des recherches dans ce domaine, et il semblerait que la méthode d'évaluation soit un des aspects les plus controversés (Compas et al., 2001).

      Les questionnaires de coping ont, entre autres, été critiqués pour leur manque de base théorique, pour leur utilisation d'items trop larges et qui prêtent à confusion, pour le fait qu'ils ne constituent pas une manière adéquate de mesurer des stratégies d'ordre cognitif, parce qu'ils ne parviennent pas à évaluer le coping dans une perspective transactionnelle et parce qu'ils ne prennent pas en compte le coping anticipateur (Compas et al., 2001).

      Il semble en effet qu'à ce jour, peu d'attention ait été accordée aux questions de mesure, ce qui aurait eu pour résultat qu'il existe une pléthore d'instruments pour mesurer le coping, mais que la fidélité et la validité de ces instruments laissent à désirer (De Ridder, 1997).

      Aussi, il semblerait que ces problèmes d'ordre méthodologique ne soient pas isolés, et qu'ils reflètent un flou conceptuel sous-jacent (De Ridder, 1997). A titre d'exemple, le fait que de nombreux questionnaires proposent chacun des dimensions de coping différentes, met en évidence l'absence de consensus entre les chercheurs quant aux propriétés de base du concept de coping (De Ridder, 1997).

      Parmi les problèmes méthodologiques qui limitent actuellement l'avancement de la recherche dans ce domaine, certains portent sur la façon générale de procéder, d'autres sont liés au fait que la majorité de ces outils sont basés sur le rapport verbal des individus, et enfin, certains sont spécifiques à l'étude du coping chez les adolescents.

      Relevons que parmi les problèmes décrits dans des revues de littérature au sujet de la recherche auprès des adolescents, certains concernent probablement aussi les mesures destinées aux adultes; nous nous sommes dans ce cas permis de les citer en rapport avec leur objet et non pas comme étant spécifiques à l'adolescence.


3.1 Problèmes d'ordre général

      Le grand nombre de mesures existantes pour évaluer le coping fait qu'il est très difficile d'une part de synthétiser l'ensemble des résultats obtenus, et d'autre part de discuter de façon individuelle des qualités et des défauts de chaque type de mesure (Compas et al., 2001). De manière générale cependant, on peut dire que la plupart des recherches sur le coping sont concernées par un ou plusieurs des problèmes suivants qui sont fréquemment mentionnés dans la littérature:

  • Au moyen d'études transversales, la direction des liens trouvés entre le coping et certains dysfonctionnements ne peut pas être connue, pour cela il faut des études longitudinales (Compas et al., 2001; C. R. Snyder, 1999 ).
  • Des variables situationnelles et de style sont rarement mesurées au cours d'une même recherche (Parker & Endler, 1996).
  • Bien que le coping soit souvent considéré comme un style et mesuré en tant que tel, il est rare qu'il soit mesuré à différents moments et face à différents types de stresseurs comme ce devrait être le cas (Compas et al., 2001; Watson, 1999 ).
  • La mesure du coping porte souvent sur la fréquence d'utilisation de différentes stratégies, ce qui ne nous apprend rien du contexte où elles sont réalisées, de leur adéquation à celui-ci, et du succès obtenu (Zeidner & Saklofske, 1996).
  • Les échelles employées comprennent aussi beaucoup d'items qui ne sont pas applicables à certains individus et à certaines situations (Parker & Endler, 1992).
  • De nombreuses échelles de coping comprennent différentes sortes de stratégies ce qui les rend peu claires et peu spécifiques (Compas et al., 2001).
  • En plus du fait que le nombre et la nature des dimensions de coping retenues varie d'un auteur à l'autre, des mêmes items peuvent faire partie d'une dimension ou d'une échelle de coping dans un instrument, et être rattachés à une autre dimension ou échelle de coping dans un autre instrument de mesure (Semmer, 2003).
  • Souvent les items inclus dans les questionnaires ne distinguent pas suffisamment entre la stratégie de coping réalisée et le but sous-tendu par celle-ci, ce qui pose de nombreux problèmes d'interprétation (Compas et al., 2001).
  • Il existe un chevauchement entre des mesures de coping et de psychopathologie, comme par exemple le fait de pleurer, de crier, de casser des choses, etc. Ceci entraîne des corrélations positives entre certaines formes de coping et des mesures de problèmes émotionnels ou comportementaux (Compas et al., 2001). De plus, ces corrélations sont souvent utilisées pour valider des mesures du coping, ce qui n'est pas correct car la validité de ces mesures devrait être établie tout à fait indépendamment de leur lien avec des symptômes (Compas et al., 2001).
  • Dans les études portant sur des stresseurs hypothétiques, ou sur des styles de coping, les aspects sociaux et économiques des situations rencontrées sont rarement pris en compte (Rosella, 1994) ; ce type d'informations serait pourtant nécessaire pour évaluer l'influence du contexte tant sur la façon de gérer le stress que sur la relation entre coping et ajustement psychologique (Compas et al., 2001).

      En plus de ces problèmes d'ordre général, qui concernent surtout la façon dont la recherche est conçue, beaucoup de travaux sur le coping sont limités par les faiblesses psychométriques des échelles de mesure employées, impliquant que leurs résultats sont difficilement généralisables (Endler & Parker, 1990; Parker & Endler, 1992).

      Parmi ces faiblesses psychométriques on peut citer un manque de validation empirique, des structures factorielles instables, une fidélité interne faible, le fait que beaucoup d'échelles aient été construites sur la base d'échantillons faits uniquement d'hommes ou de femmes, et enfin, un manque de validité de construit (Parker & Endler, 1992, p. 339). Certains de ces problèmes sont probablement liés au fait que les auteurs manquent d'outils de référence auxquels ils pourraient comparer leurs résultats; chacun compare alors son questionnaire à un autre, pas forcément plus valable, voire à des mesures de psychopathologie, ce qui constitue un biais supplémentaire (De Ridder, 1997).

      Aux nombreuses difficultés déjà citées, s'ajoute encore un certain nombre de problèmes inhérents au fait de se baser exclusivement sur le rapport verbal des individus, comme c'est le cas de la majorité des outils employés pour la recherche sur le coping.


3.2 Limites des mesures basées sur le rapport verbal

      Le rapport verbal est de loin la façon la plus populaire de mesurer le coping (Beehr & McGrath, 1996). Ce terme fait référence à tout rapport direct fait par des individus sur leurs propres réponses de coping, ce rapport étant provoqué en général par des questionnaires ou par des entretiens (Beehr & McGrath, 1996). Se baser sur le rapport verbal des individus a pour avantage d'être peu coûteux (Beehr & McGrath, 1996), mais comprend aussi beaucoup d'inconvénients.

      En effet, même si les mesures basées sur le rapport verbal constituent une voie d'accès importante pour mesurer des réponses cognitives non observables par autrui, le fait de se baser exclusivement sur ce type de mesures semble problématique (Compas et al., 2001). Parmi les inconvénients propres aux mesures basées sur le rapport verbal, certains sont valables uniquement pour les questionnaires, d'autres concernent également les entretiens.

      Pour commencer, bien que la majorité des auteurs soient d'accord d'inclure dans la définition du coping seulement des efforts conscients, l'hypothèse selon laquelle les individus sont capables de se rappeler et de verbaliser les efforts de coping qu'ils ont faits par le passé n'a pas été traitée correctement, et il faut y prêter plus d'attention (De Ridder, 1997).

      Plus précisément, deux questions devraient être approfondies (De Ridder, 1997, p. 427):

  1. dans quelle mesure l'évaluation rétrospective du coping affecte-t-elle la validité des réponses ?
  2. dans quelle mesure les individus sont-ils forcés de réfléchir sur leurs efforts de coping passés, et de les reconstruire afin qu'ils soient socialement acceptables ?

      En d'autres termes, cet auteur pose le problème de la mémoire et de la désirabilité sociale, à savoir dans quelle mesure les individus se rappellent-ils réellement de tout ce qu'ils ont fait pour gérer un événement, et à quel point peuvent-ils, ou ont-ils réellement envie de dire tout ce qu'ils ont fait, y compris ce qui a échoué et ce qui est mal considéré.

      Ces différents éléments constituent une limitation importante des mesures basées sur le rapport verbal (Compas et al., 2001). On sait effectivement que même lorsque le coping est mesuré dans les quelques jours qui suivent le stresseur, la capacité de rappel est aussi pauvre que la volonté des individus de rapporter l'utilisation de stratégies qui n'ont pas abouti au résultat escompté, ou dont la désirabilité sociale est faible (Compas et al., 2001).

      De plus, lorsque les sujets doivent décrire les stratégies qu'ils ont mises en oeuvre pour gérer un événement stressant qui a eu lieu dans le passé récent, parfois la période temporelle incluse dans ce qui est "récent" n'est pas précisée, d'autres fois il est spécifié que l'événement doit avoir eu lieu dans la semaine ou dans le mois qui vient de s'écouler (Rosella, 1994).

      Or, même quand il est dit que l'événement stressant doit avoir eu lieu dans le mois précédent par exemple, ceci implique qu'il peut avoir eu lieu entre un et trente et un jours avant la récolte de données (Rosella, 1994), ce qui pose un problème car les personnes qui se rapportent à un événement qui a eu lieu trente jours plus tôt, ont forcément eu le temps de faire plus de choses pour gérer cet événement, que les personnes qui décrivent un événement qui a eu lieu la veille (Rosella, 1994).

      Par ailleurs, il est souvent demandé aux individus de dire "combien" ils ont employé les différentes stratégies de coping décrites (Compas et al., 2001). Une recherche a eu lieu à ce propos, au cours de laquelle des étudiants ont été interviewés après avoir répondu à un questionnaire de coping (Compas et al., 2001). Il semble que leurs réponses à la question aient été basées sur la fréquence, sur la durée, sur l'efficacité et sur l'effort fait pour réaliser chacune des stratégies décrites, 68% des étudiants ayant basé leurs réponses sur l'ensemble de ces critères (Compas et al., 2001). Ce problème viendrait entre autres du fait qu'au cours d'un même événement stressant, certaines stratégies de coping peuvent être réalisées plusieurs fois, tandis que d'autres pas (Compas et al., 2001).

      La méthode d'auto-observation développée par Reicherts et Perrez (Perrez et al., 1998; Perrez, Schoebi, & Wilhelm, 2000; Reicherts, 1999) semble offrir une solution à certains des problèmes mentionnés ici, notamment à ceux qui sont liés au délai entre l'événement et la récolte des données, et aux effets potentiels de la mémoire sur la qualité de ce qui est rapporté. Cette méthode ne résout cependant pas les autres problèmes propres au rapport verbal, et qui sont liés à l'absence d'informations objectives sur ce qui s'est réellement passé.

      L'observation directe est souvent mentionnée comme une méthode adéquate pour obtenir des données scientifiques (Beehr & McGrath, 1996) et pourrait résoudre un bon nombre de problèmes inhérents au fait de se baser sur le rapport verbal. Certains auteurs considèrent qu'une telle méthode n'est pas appropriée pour la recherche sur le coping, notamment parce que l'observation ne donne pas accès à des processus d'ordre cognitif (Beehr & McGrath, 1996). Pour d'autres, l'observation serait un complément nécessaire aux méthodes basées sur le rapport verbal (Compas et al., 2001 ; C. R. Snyder, 1999).

      Si jusque-là les problèmes décrits concernent la recherche sur le coping en général, certaines difficultés viennent s'y rajouter lorsque le coping est étudié auprès des adolescents.


3.3 Problèmes spécifiques à l'étude du coping chez les adolescents

      La plupart des mesures employées pour l'étude du coping à l'adolescence ont été développées pour des adultes et appliquées aux adolescents, souvent sans modification, et sans que l'on sache à quel point ces mesures sont capables de représenter adéquatement le coping tel qu'il a lieu à l'adolescence (Compas et al., 2001). Ces mesures souffrent donc d'un certain nombre de limites supplémentaires à celles qui ont été décrites, et qui empêchent encore sensiblement le progrès dans ce domaine (Compas et al., 2001). Elles sont résumées ci-dessous relativement aux différentes méthodes qui ont déjà été employées auprès des adolescents.

      De manière générale, la validité des instruments employés dépend beaucoup de l'adéquation des items d'un point de vue développemental, et de la façon dont ces items sont présentés et peuvent être compris par les adolescents (Compas et al., 2001). On ne sait pas dans quelle mesure les adolescents sont capables d'agréger leurs réponses de coping sur plusieurs situations de stress différentes lorsqu'il leur est demandé de rapporter un style de coping général (Compas et al., 2001). De plus, les problèmes liés à la capacité de rappel et à la désirabilité sociale, qui ont été décrits plus haut relativement au rapport verbal, semblent encore plus importants chez les adolescents que chez les adultes (Compas et al., 2001).

      Lorsque des corrélations significatives ont été trouvées entre des mesures de coping et de la détresse émotionnelle, elles sont généralement faibles, et restent tempérées par un grand nombre de relations non significatives (Compas et al., 2001). Enfin, il existe peu de recherches ayant comparé le coping des adolescents face à différentes sortes de stress (Compas et al., 2001).

      Les entretiens pourraient constituer une méthode propice pour obtenir des informations sur le contexte, et sur la façon dont les différentes réponses sont ordonnées dans le temps et combinées entre elles (Compas et al., 2001). En ce sens, on serait tenté de dire qu'ils sont une bonne alternative aux questionnaires. Cependant, la capacité des adolescents à se rappeler et à générer des réponses au cours d'un entretien semble bien limitée (Compas et al., 2001): le nombre moyen de réponses fournies varie entre une et trois, ce nombre étant bien inférieur au nombre de réponses données dans des questionnaires. Ainsi, dans leur forme actuelle, les entretiens ne permettraient pas de rendre compte de la diversité et de la complexité du coping à l'adolescence (Compas et al., 2001).

      Quelques instruments ont été développés pour observer des comportements de coping ou pour que ceux-ci soient rapportés par des personnes de l'entourage proche des adolescents (Compas et al., 2001). Ces méthodes paraissent adéquates pour une analyse des réponses de coping à un niveau micro, et dans des situations spécifiques (Compas et al., 2001). Jusqu'à présent cependant, peu d'efforts ont été accordés pour développer de telles méthodes (Compas et al., 2001). Celles-ci ont surtout été employées dans le cadre de procédures médicales standardisées, et le nombre de comportements possibles dans ces situations est relativement restreint, ce qui réduit les difficultés liées à l'observation et au codage de ces comportements (Compas et al., 2001).

      L'observation du coping à la maison ou en milieu scolaire semble plus difficile à réaliser puisqu'elle n'offre pas les avantages de ces situations standardisées, et ne permet pas d'accéder aux aspects cognitifs du coping (Compas et al., 2001). Comme indiqué plus haut, l'observation du coping serait donc un moyen complémentaire à employer en plus des questionnaires et des méthodes basées sur le rapport verbal (Compas et al., 2001).


3.4 Nécessité d'une approche différente

      Pour conclure nous retiendrons que malgré les efforts (insuffisants) qui ont été faits pour diversifier les façons de mesurer le coping, la recherche dans ce domaine, que cela soit auprès des adultes ou auprès des adolescents, se fait encore principalement au moyen de questionnaires. Ces derniers étant basés exclusivement sur le rapport verbal, et donc grandement limités par celui-ci, la plupart des recherches n'ont pas pu accéder à des informations essentielles sur le contexte des situations stressantes rencontrées, ni ne permettent de savoir ce que font réellement les individus lorsqu'ils sont confrontés à ces situations.

      Le fait que les recherches soient basées quasi exclusivement sur le rapport verbal constitue un problème majeur et il semble qu'actuellement il soit nécessaire de trouver d'autres sources de données (Compas et al., 2001; C. R. Snyder, 1999) et de nouvelles approches, tant pour la récolte de données que pour leur analyse (Boekaerts, 1996). Certains changements ont déjà lieu dans ce sens, quelques auteurs ayant déjà commencé à se baser sur des indices comportementaux et même physiologiques, mais ces efforts restent minoritaires et beaucoup reste à faire dans ce domaine (C. R. Snyder, 1999).

      La recherche future devrait se baser sur des méthodes qualitatives pour examiner le processus de coping tel qu'il a lieu face à différents types de stresseurs, et non pas face à une seule situation, ni relativement à des stresseurs hypothétiques (Rosella, 1994). Les instruments de mesure devraient idéalement être capables d'évaluer le coping à différents niveaux, entre autres, relativement aux buts, aux préférences, à la sélection et au timing des réponses (Boekaerts, 1996).

      Afin de pouvoir mieux comprendre les aspects contextuels du coping, des recherches en milieu naturel sont nécessaires, et doivent être complétées par des études contrôlées en laboratoire (Compas et al., 2001 ; De Ridder, 1997). Notons à ce propos qu'en termes de validité écologique, aucune procédure d'évaluation ne peut pour le moment remplacer les événements stressants de la vie réelle des individus (Schwarzer & Schwarzer, 1996).

      Une microanalyse du processus de coping semble nécessaire si l'on veut aboutir à une meilleure compréhension de son fonctionnement (Cheng, 2001). De même, il serait utile d'adopter une méthode inductive pour catégoriser la variété des comportements ainsi mesurés : au lieu de les regrouper à priori en fonction des théories ou des dimensions déjà existantes dans la littérature, il faudrait classer ces comportements au moyen d'analyses de contenu ou factorielles (Rosella, 1994).

      Au vu de tous ces éléments, il semble que pour faire progresser la recherche sur le coping, il ne soit pas suffisant de chercher à améliorer les qualités psychométriques des instruments de mesure déjà existants (De Ridder, 1997). Effectivement, bien que les défendeurs de l'approche intra-individuelle aient déjà mentionné l'importance d'étudier le coping en tant que processus qui a lieu dans une situation donnée, il semblerait qu'ils aient négligé la mise au point de méthodes qui permettraient de le faire (De Ridder, 1997). Or, si le développement de méthodes alternatives est difficile, il n'est pas impossible, et n'a pas encore été suffisamment exploré (De Ridder, 1997).

      Il paraît donc nécessaire actuellement de développer des méthodes complémentaires à celles qui existent déjà, et qui permettraient d'évaluer le coping tel qu'il a lieu dans un contexte donné, et non pas seulement tel que la personne s'en souvient et veut bien le dire, ce qui demande peut-être de sortir des sentiers balisés par les approches traditionnelles de la recherche sur le coping.

      Avant de dire comment nous pensons qu'il serait possible de répondre à une partie de ces problèmes, notons que quelques chercheurs ont adopté une approche différente de celles qui ont été décrites jusqu'ici, c'est-à-dire qu'ils ont étudié le coping en le comparant au processus de résolution de problèmes. Cette approche nous paraît prometteuse, même si les méthodes employées par ces chercheurs comportent également des limites.


4. Une approche alternative: l'étude du coping en tant que résolution de problèmes


4.1 Définitions et liens conceptuels

      Dans le but de mieux comprendre pourquoi des personnes sont stressées par des problèmes personnels ou professionnels, et de quelle façon ces personnes peuvent être aidées pour gérer plus efficacement ces problèmes, une approche du coping en termes de résolution de problèmes ("problem solving") a été développée (Ostell, 1988).

      Cette approche est basée à la fois sur des modèles de traitement de l'information, qui offrent une description des processus cognitifs et des structures impliquées dans la résolution de problèmes, et sur les approches transactionnelle et cognitivo-comportementale du stress (Ostell, 1988 ; 1991).

      La notion de problème fait référence à une situation dans laquelle il y a un décalage entre ce que la personne voudrait qu'il se passe, ou ce qui est censé se passer, et ce qui se passe réellement (Ostell, 1988 ; 1991). A l'instar du stress, les problèmes n'existent pas en soi: ce sont des situations qui deviennent problématiques à un moment donné et pour un individu (Ostell, 1988 ; 1991).

      Trois conditions doivent être réunies pour qu'une personne ait un problème (Ostell, 1988 p. 191): premièrement, l'individu en question doit reconnaître qu'il existe une disparité entre l'état actuel des choses et l'état désiré, reconnaissance qui ne doit pas forcément être ni précise ni réaliste. Deuxièmement, l'individu doit être motivé pour résoudre le problème, et troisièmement, il ne doit exister pour cet individu aucune manière facile et immédiatement disponible de résoudre le problème.

      Cette définition inclut toutes les situations qui de par leur nouveauté, leur complexité, leur ambiguïté, ou encore de par la conflictualité entre les différentes demandes qui leur sont inhérentes, présentent des circonstances qui mettent en échec des actions efficaces que l'individu utilise généralement de façon automatique, et nécessitent de ce fait un comportement de résolution de problèmes (D' Zurilla & Goldfried, 1971, p. 108).

      Défini de cette manière, le concept de problème introduit explicitement dans la discussion sur le stress l'idée d'une orientation par rapport à un but (Ostell, 1988). En effet, face à un problème il convient de rechercher une solution. Cette dernière est une réponse de l'individu qui change la situation de telle sorte que celle-ci ne soit plus vécue comme problématique, et qui minimise les conséquences négatives tout en maximisant les conséquences positives (D' Zurilla & Goldfried, 1971, pp. 108-109).

      La notion de résolution de problèmes fait alors référence aux activités dans lesquelles une personne s'engage pour que la situation ne soit plus problématique (Ostell, 1991, p. 12). Les activités comprises dans cette définition peuvent viser soit un changement de ce qui est en train de se passer dans la réalité, soit un changement dans les désirs de la personne, soit enfin un ajustement des désirs et des circonstances actuelles en vue d'un compromis (Ostell, 1991).

      Dans la vie quotidienne, la résolution de problèmes consiste la plupart du temps à gérer d'une part des disparités non désirées, en les résolvant ou en s'y adaptant, et d'autre part, nos propres réactions cognitives, émotionnelles et comportementales, à ces disparités (Ostell, 1991).

      Si l'on compare ces définitions avec le modèle transactionnel du stress et du coping, on peut voir qu'il existe un certain nombre de parallèles d'une part, entre les concepts de stress et de problème, et d'autre part, entre ceux de coping et de résolution de problèmes.

      Tout d'abord, les concepts de stress et de problème sont tous deux définis sur la base de l'évaluation subjective que fait l'individu d'une situation. Aussi, si une situation interprétée comme problématique comporte des coûts significatifs, il s'agit probablement d'une condition suffisante pour que cette situation soit perçue comme stressante (Ostell, 1991). Les auteurs qui ont étudié le coping selon cette approche ont considéré les situations stressantes comme des situations problématiques, et le coping comme une forme de comportement de résolution de problèmes (Cox, 1987).

      Si l'on s'en tient à la définition de la résolution de problèmes telle qu'elle se manifeste dans la vie quotidienne, alors ce concept est effectivement interchangeable avec certaines définitions du coping (Ostell, 1991). Il faut relever toutefois, que le concept de coping est plus large, et s'il comprend des activités de résolution de problèmes, il inclut aussi des activités qui n'en font pas partie (D' Zurilla & Chang, 1995).

      Rappelons ici que selon la conception transactionnelle du coping, la notion de résolution de problèmes fait référence à une partie des stratégies dites centrées sur le problème, et qui sont étroitement liées aux différentes étapes du processus de résolution de problèmes (Lazarus & Folkman, 1984).

      Par ailleurs, le processus de résolution de problèmes comprend des étapes, qui, dans le modèle transactionnel, sont décrites en termes de processus d'évaluation primaire et secondaire et qui ne font, en ce sens, pas partie du coping à proprement parler. Les concepts de résolution de problèmes et de coping se recoupent partiellement l'un l'autre, mais ne sont donc pas équivalents. Pour les auteurs du coping, la résolution de problèmes fait référence à un sous-ensemble de stratégies, tandis que pour les chercheurs du domaine de la résolution de problèmes, ce concept fait référence à l'ensemble d'un processus qui comprend des activités de coping, mais pas uniquement.

      Dans la littérature, lorsqu'il est question de résolution de problèmes sans autre qualificatif, il s'agit en général de recherches menées dans la perspective du traitement de l'information, et qui selon Cox (Cox, 1987), ont tendance à présenter un modèle idéal, rationnel de la façon dont ce processus devrait se dérouler. Ces recherches font généralement référence à des situations qui, typiquement, n'ont aucune implication réelle pour le bien-être de l'individu, et les auteurs accordent relativement peu d'attention à l'impact des réactions émotionnelles sur le déroulement de ce processus (Ostell, 1988).

      Idéalement, la résolution de problèmes devrait se dérouler selon une séquence rationnelle d'"actions" 19  (Cox, 1987), regroupées en plusieurs étapes. Si ces étapes peuvent être décrites de manière distincte, notons que dans la réalité elles sont en interaction et se chevauchent sans cesse (D' Zurilla & Goldfried, 1971). Selon D'Zurilla, ces cinq étapes sont l'orientation générale, la définition et la formulation du problème, la génération d'alternatives, la prise de décision, et la vérification (D' Zurilla & Goldfried, 1971, pp. 111-120) .

      Si on les compare au modèle transactionnel du stress et du coping, on peut dire que ces différentes étapes correspondent probablement aux mécanismes cognitifs impliqués non seulement dans certaines formes de coping, mais aussi dans les différents processus qui ont trait au stress, à savoir l'évaluation primaire, l'évaluation secondaire, et la réévaluation, tels que ces processus se réitèrent dès le moment où une transaction est jugée stressante, et ce jusqu'au moment où elle n'est plus considérée comme telle.

      Les auteurs du présent modèle précisent d'ailleurs que le résultat concret de la résolution de problèmes tel qu'il a été réalisé par la personne, ne dépend pas seulement de ce processus cognitif tel qu'il est décrit ici, mais aussi d'autres facteurs (D' Zurilla & Goldfried, 1971). Ainsi, une personne peut résoudre un problème au niveau cognitif, mais échouer lors de la réalisation des solutions trouvées pour différentes raisons, liées notamment à la motivation ou à des déficits comportementaux (D' Zurilla & Goldfried, 1971).

      Sur la base de la clinique, les auteurs notent que d'ordinaire, les personnes qui ne parviennent pas à gérer efficacement les problèmes qu'ils rencontrent, montrent des difficultés variées qui ne touchent pas seulement au processus de résolution de problèmes, mais aussi à l'exécution concrète des réponses choisies au cours de celui-ci (D' Zurilla & Goldfried, 1971).

      Le fait de recourir à une modélisation idéale ou rationnelle des processus cognitifs tels qu'ils devraient avoir lieu lorsqu'une personne se trouve face à un problème ou à une situation stressante, a certainement son utilité (Cox, 1987), mais comporte aussi un certain risque : celui d'oublier qu'il ne s'agit pas d'un portrait fidèle de la réalité (Ostell, 1988).

      Contrairement à ce qui se passe au laboratoire, dans les situations de la vie quotidienne les choses sont en effet plus "embrouillées", on manque en général d'informations claires, et surtout, ces situations n'offrent pas forcément un but ou une direction à suivre (D' Zurilla & Goldfried, 1971).

      Selon Cox (Cox, 1987, p. 11), dans la réalité quatre éléments principaux diffèrent par rapport au processus rationnel: les individus récoltent généralement des informations insuffisantes et l'analyse de la situation reste inadéquate. Une solution unique, ou à la limite, un tout petit nombre de solutions sont générées et considérées. Une seule solution est réalisée sans aucune évaluation, et finalement, l'individu ne fait pas d'apprentissage lors de cette expérience. Mais si ces modèles rationnels de la résolution de problème sont idéalistes, ils peuvent servir d'objectifs pour des interventions destinées à améliorer le fonctionnement de ce processus, soit au niveau individuel, soit auprès de certains groupes (Cox, 1987).


4.2 Applications de cette approche pour le coping

      La description du coping en termes de résolution de problèmes permet d'avoir un aperçu des mécanismes au moyen desquels les individus essaient de faire face aux situations stressantes, de même qu'une idée de la façon dont ils devraient s'y prendre dans des conditions idéales (Cox, 1987).

      Par exemple, pour ce qui concerne l'étape de ce processus qui consiste à définir et à formuler le problème, D'Zurilla (D' Zurilla & Goldfried, 1971) propose que, au lieu de répondre de manière automatique, les individus définissent d'abord tous les aspects de la situation en des termes opérationnels, pour ensuite seulement classifier les différents éléments de la situation en fonction de leur pertinence, identifier différents objectifs et les hiérarchiser, repérer les conflits qu'il peut y avoir entre eux, etc.

      La modélisation de ce processus peut ensuite servir de cadre pour favoriser la pose d'un diagnostic précis, et pour le choix d'une intervention thérapeutique adaptée aux difficultés rencontrées, ceci spécifiquement à chacune des étapes du processus (Cox, 1987 ; D' Zurilla & Goldfried, 1971; Ostell, 1991 ).

      A titre d'exemple, Sadowski (Sadowski & Kelley, 1993) a étudié le "social problem solving" auprès de trois groupes d'adolescents: tout-venant, suicidants 20  et patients psychiatriques. Elle a montré que les adolescents suicidants étaient capables de réunir suffisamment d'informations pour définir et formuler correctement le problème, leurs difficultés se situant principalement au niveau de l'orientation par rapport au problème, de la génération d'alternatives, et de l'implémentation des solutions choisies (p.ex. tendance à éviter, à laisser tomber) (Sadowski & Kelley, 1993).

      Sachant exactement à quelles étapes du processus ces personnes rencontrent des difficultés, il serait possible de leur proposer un entraînement spécifique à chacune de ces étapes, suivant les différentes méthodes décrites par D'zurilla (D' Zurilla & Goldfried, 1971) telles le "brainstorming" de Osborn pour la génération d'alternatives, ou le "test operate test exit" de Miller pour la vérification du résultat.

      Une des limites majeures de cette approche "rationnelle" tient cependant au fait que les situations problématiques au cours desquelles la résolution de problèmes est généralement mesurée, sont très différentes de celles que les individus doivent affronter dans la réalité (Cox, 1987 ; D' Zurilla & Goldfried, 1971; Ostell, 1988), notamment en raison de la séparation artificielle des différentes étapes.

      Certains chercheurs dont Sadowski (Sadowski & Kelley, 1993), ont étudié le "social problem solving", ou la résolution de problèmes dans un contexte social, qui fait référence à ce processus tel qu'il a lieu dans la réalité quotidienne des individus (D' Zurilla & Chang, 1995). Mais même ces auteurs, qui ont une conception appliquée de la résolution de problèmes et qui reconnaissent l'importance du rôle joué par les réactions émotionnelles dans le déroulement de ce processus, remarquent que les tâches qu'ils emploient sont encore trop différentes des problèmes réels que les individus doivent résoudre au quotidien (Shewchuk, Johnson, & Elliott, 2000).

      Récemment cependant, une nouvelle méthodologie a été développée pour étudier le "complex problem solving", ou la résolution de problèmes complexes, et qui consiste à étudier ce processus face à des situations plus comparables à celles de la réalité.


4.3 La résolution de problèmes complexes et les "micromondes"

      Au lieu d'étudier la résolution de problèmes dans des situations relativement restreintes, au moyen de tâches du type de la "Tour de Hannoï" par exemple (Funke, 1992), plusieurs chercheurs ont commencé d'étudier ce processus dans des environnements complexes, au moyen de scénarii simulés à l'ordinateur. Ils semblent avoir choisi cette approche pour la réponse qu'elle apporte à divers problèmes méthodologiques.

      Dans la recherche en psychologie, lorsqu'il s'agit de mesurer la qualité d'une performance, des processus de haut niveau ou des réactions émotionnelles, une des deux stratégies suivantes sont généralement employées (Omodei & Wearing, 1995): soit on fait des études de terrain au moyen de procédures peu intrusives, mais dont le résultat est ambigu puisque l'on ne sait jamais exactement ce que l'on mesure (Omodei & Wearing, 1995). Soit on a recours à des études de laboratoire au cours desquelles on contrôle et on mesure rigoureusement, mais cela au dépens de la validité externe (Omodei & Wearing, 1995), comme cela semble être le cas des études menées jusque-là dans le domaine de la résolution de problèmes.

      Si les recherches sur le terrain sont critiquées pour leur absence de contrôle sur les variables mesurées (Brehmer & Doerner, 1993), la recherche en laboratoire, quant à elle, est régulièrement critiquée pour son manque de validité écologique (Brehmer & Doerner, 1993), et pour le fait que les résultats ainsi obtenus sont difficiles à transposer aux expériences réelles et spontanées (Kaiser & Wehrle, 1996).

      En effet, le fait d'isoler un petit nombre de variables pour les mesurer, et pour rechercher des liens clairs entre VI et VD, revient à séparer artificiellement des processus psychologiques qui dans leur fonctionnement normal interagissent constamment, comme les processus émotionnels, cognitifs et comportementaux, avec pour conséquence que l'autorégulation des individus dans un tel contexte ne peut pas être semblable à celle qui a lieu dans la réalité (Brehmer & Doerner, 1993 ; Funke, 1988; Kaiser & Wehrle, 1996 ).

      Or, pour plusieurs auteurs (Brehmer & Doerner, 1993 ; Kaiser & Wehrle, 1996), un des problèmes majeurs tant des études de terrain que des expériences en laboratoire, serait justement de ne pas pouvoir prendre en compte, et donc de ne pas savoir que faire de la complexité inhérente au raisonnement humain, à son ressenti émotionnel et à son comportement.

      Grâce à l'informatique, il est cependant devenu possible de gérer des sets de données importants, et de ce fait, l'écart entre le terrain et le laboratoire pourrait être comblé (Brehmer & Doerner, 1993 ; Omodei & Wearing, 1995). C'est ainsi que des systèmes très complexes ont été créés, qui simulent un environnement réaliste pour étudier en laboratoire comment les sujets interagissent avec cette simulation (Brehmer & Doerner, 1993). Ces simulations sont appelées "microworlds" (Brehmer & Doerner, 1993) ou micromondes, terme qui fait référence à des univers de jeux vidéo, riches d'un point de vue graphique, et qui sont régis par des règles complexes (Omodei & Wearing, 1995).

      Ces micromondes permettent une nouvelle approche des processus de la pensée et de la régulation de l'action tels que ceux-ci se manifestent sous une forte pression cognitive et émotionnelle (Funke, 1992). Aussi, dans les expériences menées au moyen de ce type de simulations, on est plus proche des recherches en milieu naturel où le sujet est un individu qui s'autorégule, et non pas un sujet contrôlé rigidement par un set de variables indépendantes (Brehmer & Doerner, 1993). Mais ici, c'est le chercheur qui a construit le terrain, il en connaît donc la nature et peut de ce fait mieux comprendre et expliquer les comportements observés dans ce contexte (Brehmer & Doerner, 1993). De plus, ce terrain est le même pour tous les sujets, ainsi il est possible d'analyser les différences inter-individuelles dans la façon qu'ont les individus d'interagir avec le système (Brehmer & Doerner, 1993).

      Les micromondes peuvent être employés pour mener des expériences dans différents contextes théoriques et pour étudier une variété de questions psychologiques (Gonzalez & Cathcart, 1995). Les études qui ont utilisé une telle méthodologie ont porté entre autres sur des facteurs motivationnels, émotionnels, comportementaux et cognitifs, et ont permis de mettre en évidence des différences individuelles en termes de performances, mais aussi d'expérience subjective (Omodei & Wearing, 1995).


1) Description et caractéristiques des micromondes

      Tanaland figure parmi les premiers micromondes décrits dans la littérature scientifique pour l'étude de la résolution de problèmes ; il date de 1975 et a été développé par Doerner et collègues (Funke, 1988). Depuis, d'autres micromondes ont été créés, comme Lohhausen, où le sujet est le maire d'une ville, Moro, où il est conseiller d'une tribu africaine, Dessy, où le sujet dirige plusieurs équipes de sauvetage pour maîtriser un incendie de forêt simulé (Brehmer & Doerner, 1993), ou encore Save the Whale, où il doit naviguer entre des icebergs, des kayaks et des planctons pour sauver une baleine (Porter, 1995), pour ne citer que ces quelques exemples.

      Les micromondes de ce type possèdent trois qualités intrinsèques (Brehmer & Doerner, 1993, p. 173):

      Ce sont des univers complexes, au sens où ils requièrent du sujet, au moment de choisir une action, de prendre en compte à la fois plusieurs buts plus ou moins contradictoires, et plusieurs processus qui interagissent entre eux (Brehmer & Doerner, 1993). Le degré de complexité du système est déterminé par le nombre de ces processus ou variables, et par la structure des relations qu'ils entretiennent (Brehmer & Doerner, 1993).

      L'interaction entre ces variables fait que chaque action du sujet a des implications directes et indirectes sur chacune d'elles, et contrairement à des situations où il est possible de définir ce qui est adapté par des règles simples de type "si a alors b", dans ce contexte, l'adéquation d'une action dépend d'une constellation de conditions, et se définit par des règles fortement conditionnelles de type "si (a + b + c) ou (d + e + f ) ou (g + h + i) alors j" (Doerner & Pfeifer, 1993).

      Les micromondes sont dynamiques: ils ont une mémoire, ce qui implique que l'état actuel est fonction de l'histoire des interactions entre le joueur et le système; ces environnements évoluent à la fois de manière autonome, et en fonction des actions du sujet (Brehmer & Doerner, 1993). Cet aspect dynamique fait que les micromondes sont stressants de manière inhérente (Brehmer & Doerner, 1993).

      Ces univers simulés sont opaques, en ce sens que le fonctionnement du système n'est pas transparent, et que certains aspects doivent donc être déduits puis testés par le sujet (Brehmer & Doerner, 1993).

      En plus de ces qualités intrinsèques, pour être employés dans la recherche et posséder une validité écologique, les micromondes doivent encore satisfaire plusieurs critères, à savoir:

  • Les processus psychologiques engagés lors de l'interaction avec ces micromondes doivent être les mêmes que ceux qui sont à l'oeuvre dans les situations réelles que ceux-ci tentent de reproduire (Omodei & Wearing, 1995).
  • Les micromondes doivent se dérouler en temps réel, c'est-à-dire que le joueur doit décider et agir sous pression du temps, et que l'environnement évolue constamment même si le sujet ne fait rien (Omodei & Wearing, 1995).
  • L'histoire racontée aux sujets ("cover story") doit être basée sur des significations issues du monde réel, c'est-à-dire qu'elle doit aller dans le sens des lois de la nature et paraître plausible, et les représentations graphiques doivent être cohérentes avec ces significations (Omodei & Wearing, 1995).
  • L'interface au moyen duquel le micromonde est présenté au sujet, et par lequel celui-ci peut agir sur le système ne doit pas être intrusif: il doit être à la fois assez sophistiqué pour correspondre à la complexité du micromonde et à ses exigences, et assez simple pour que le sujet puisse le comprendre et l'utiliser sans difficulté (Omodei & Wearing, 1995). L'attention des sujets doit en effet pouvoir être portée entièrement sur ce qui se passe dans la simulation, et non pas sur des aspects mécaniques de l'interface (Omodei & Wearing, 1995). La manière d'exécuter des commandes, par exemple, doit être naturelle et facilement automatisée (Omodei & Wearing, 1995).
  • La consigne qui est donnée au sujet, et que ce dernier est censé accepter de se fixer pour but doit être acceptable (Omodei & Wearing, 1995). Autrement dit, le contenu sémantique du jeu a toute son importance puisqu'il est censé représenter des systèmes réels (Brehmer & Doerner, 1993).
  • Les consignes données au sujet doivent également laisser suffisamment de place à des différences individuelles en termes d'interprétation de ce qui se passe, et de choix stratégiques (Donchin, 1995).
  • Le chercheur doit contrôler et enregistrer toutes les variables qui peuvent être pertinentes pour décrire les réponses du sujet (Donchin, 1995). Lorsqu'un individu interagit avec un micromonde complexe, une quantité impressionnante de données est générée, et ces données ne peuvent être interprétées qu'en rapport avec les événements qui ont eu lieu en parallèle. C'est pourquoi en plus des actions du sujet, l'historique des événements qui ont eu lieu doit aussi être enregistré (Omodei & Wearing, 1995), de même que les positions relatives des autres personnages présents (Porter, 1995).

      Les micromondes qui répondent à l'ensemble de ces critères ne demandent pas seulement de la réflexion, de la résolution de problèmes, de la planification ou de la prise de décision. Ils exigent tout cela ensemble de la part du sujet, en plus du fait que celui-ci doit organiser ses actions dans le temps, et gérer les émotions plus ou moins fortes qu'il ressent au fil des succès et des échecs rencontrés (Brehmer & Doerner, 1993).

      Dans ces micromondes, comme dans la réalité, aucune stratégie n'est toujours bonne ou toujours mauvaise, et les sujets doivent penser, décider et agir sur la base d'une observation de la situation dans son ensemble (Doerner & Pfeifer, 1993).

      Enfin, plus les différents buts qui doivent être poursuivis par le sujet sont conflictuels, plus ce dernier doit fournir un effort important au niveau à la fois cognitif et émotionnel (Brehmer & Doerner, 1993).

      Mais si le fonctionnement des micromondes est aussi complexe que les efforts qu'ils nécessitent de la part du sujet, l'analyse des données issues de ces systèmes ne l'est pas moins.


2) Le traitement des données

      Pour chaque sujet qui interagit avec un micromonde, une pléthore de données sont enregistrées, à partir desquelles il est nécessaire de séparer l'important du trivial et l'information qui a un sens de celle qui est accidentelle (Funke, 1988). Dans la majorité des cas, l'analyse se fait uniquement sur la base de données agrégées (Funke, 1988).

      Par ailleurs, l'étude des réponses particulières ou individuelles des sujets n'apporte pas grand chose, étant donné que chaque action dans ce contexte dépend d'eux, mais aussi des conditions spécifiques dans lesquelles cette action a été réalisée, et qui ne se répéteront pas une deuxième fois (Brehmer & Doerner, 1993).

      Il est donc nécessaire d'inférer des stratégies ou des tactiques sur la base de patterns de comportements observés, et ce sont ces stratégies qui peuvent être analysées par la suite (Brehmer & Doerner, 1993). Précisons que l'accomplissement de la tâche ou le succès obtenu relativement aux buts de la simulation, sont considérés comme étant la conséquence des comportements du sujet (Porter, 1995) et donc de ces stratégies.

      Trois approches ont été employées jusqu'à présent pour analyser les données issues de l'interaction entre l'individu et les micromondes (Brehmer & Doerner, 1993, p. 179).

      La première porte sur les différences individuelles et consiste généralement à décrire les différences inter-individuelles observées, par exemple, en termes de comportements et de stratégies de décision, ou en termes de performances. (Brehmer & Doerner, 1993).

      La deuxième approche consiste à faire des études de cas, c'est-à-dire à étudier de manière approfondie la façon dont un joueur interagit avec le micromonde, tout en recherchant des comportements atypiques, plus intéressants dans ce contexte que les comportements typiques (Brehmer & Doerner, 1993).

      La troisième approche quant à elle consiste à étudier les caractéristiques du système, par exemple en comparant le comportement des joueurs face à différentes conditions expérimentales, ou en analysant leurs erreurs (Brehmer & Doerner, 1993).

      A ce jour, les recherches menées avec des micromondes ont montré que la confiance en soi est fortement liée à la résolution de problèmes dans ces environnements complexes (Funke, 1988), tandis que le fait de posséder un savoir antérieur en la matière ne semble pas jouer de rôle (Funke, 1988). Aussi, bien que des différences individuelles importantes aient été trouvées relativement aux performances des sujets (Brehmer & Doerner, 1993), aucun lien stable n'a pu être mis en évidence entre ce qui se passe dans ces univers et des données externes à ceux-ci, comme notamment avec des tests standards d'intelligence (Brehmer & Doerner, 1993 ; Funke, 1988 ; 1992) ou de personnalité (Brehmer & Doerner, 1993).

      Il n'est donc pas possible pour le moment de prédire la réussite avec des micromondes de cette sorte (Brehmer & Doerner, 1993). Une des raisons avancées par les chercheurs pour expliquer cette absence de liens avec des tests standards, est que ce qui est demandé aux sujets dans les micromondes serait bien trop différent de ce qui est mesuré ou analysé traditionnellement (Brehmer & Doerner, 1993).

      Si jusqu'à présent les micromondes ont principalement été employés par des chercheurs qui s'intéressent aux aspects cognitifs du fonctionnement des individus, les résultats obtenus montrent qu'une théorie "purement cognitive" ne suffit pas pour expliquer le comportement des sujets dans ce type de contexte (Doerner & Pfeifer, 1993). D'autres aspects doivent donc aussi être étudiés.

      Aussi, puisque les micromondes sont susceptibles d'induire différentes sortes d'émotions auprès des sujets (Brehmer & Doerner, 1993), pourquoi cette méthodologie ne serait-elle pas également employée pour étudier des aspects émotionnels du fonctionnement psychologique ?


3) Le "situated emotional problem solving"

      C'est dans cette perspective que deux auteurs ont développé une approche écologique qu'ils ont appelée "situated emotional problem solving" (Kaiser & Wehrle, 1996), et que nous proposons de traduire par "résolution émotionnelle de problèmes en situation".

      Cette approche consiste à développer, sur la base des théories psychologiques actuelles, des scénarii qui se déroulent dans le cadre d'un micromonde (Kaiser & Wehrle, 1996). Chaque scénario correspond à un jeu expérimental spécifique, à l'occasion duquel il est possible d'étudier les comportements des individus en les reliant aux situations au cours desquelles ils ont été produits.

      L'originalité de cette approche réside dans le fait d'utiliser des jeux d'ordinateur interactifs de type micromonde pour créer des situations capables d'induire des réactions émotionnelles, et pour étudier simultanément, et d'un point de vue dynamique, les processus émotionnels, cognitifs et comportementaux impliqués dans la gestion de ces épisodes (Kaiser & Wehrle, 1996; Kaiser, Wehrle, & Edwards, 1994 ).

      Pour permettre une telle approche, ces auteurs ont développé un outil appelé le GAME ou "Geneva Appraisal Manipulation Environment", qui permet de créer une variété de jeux d'ordinateur expérimentaux dont le scénario peut être déterminé en fonction de l'objet de la recherche (Kaiser & Wehrle, 1996).

      A l'instar des micromondes décrits plus haut, les jeux expérimentaux conçus au moyen de cet outil sont complexes, dynamiques et opaques. Ils permettent un enregistrement automatique des conduites du sujet et de ses réponses à des questionnaires informatisés, ainsi que des caractéristiques objectives des situations rencontrées (Kaiser & Wehrle, 1996).

      Dans ce contexte, les sujets sont amenés à produire des comportements stratégiques sous pression du temps (Kaiser & Wehrle, 1996), et de ce fait, les simulations développées au moyen du GAME peuvent être considérées comme stressantes de manière inhérente, au même titre que celles qui ont été décrites par Brehmer et Doerner (Brehmer & Doerner, 1993).

      Les quelques études menées par le biais de la présente méthode ont montré que les jeux créés avec le GAME sont capables de provoquer différentes sortes d'émotions relativement intenses (Kaiser et al., 1994), et des différences inter-individuelles importantes ont été observées en termes de stratégies de jeu (Kaiser & Wehrle, 1996).

      Ce dernier résultat fait penser que le GAME pourrait aussi être employé pour étudier la façon dont les individus gèrent les situations rencontrées dans ce type d'environnement, ces dernières étant capables d'induire des réactions émotionnelles importantes.


4) Conclusions

      La méthodologie décrite ici, et qui consiste à employer des micromondes pour la recherche en psychologie, permet d'étudier dans le cadre de situations complexes et réalistes, une variété de réponses motivationnelles, émotionnelles, comportementales et physiologiques restées inaccessibles jusqu'à maintenant (Omodei & Wearing, 1995). Cette méthodologie, située à mi-chemin entre le laboratoire et le terrain, paraît être un moyen intermédiaire valable qui gagne à être exploré.

      Outre les avantages liés à l'utilisation des micromondes dans la recherche en psychologie (Brehmer & Doerner, 1993; Funke, 1988, 1992), plusieurs auteurs ont décrit les avantages liés à l'emploi de jeux d'ordinateur dans la recherche en psychologie (Donchin, 1995; Kaiser & Wehrle, 1994 ; Kaiser, Wehrle, & Schmidt, 1998 ), tandis que d'autres ont noté l'utilité des ordinateurs ou des jeux d'ordinateurs pour associer les adolescents dans des programmes de prévention (Bosworth, 1994).

      A notre connaissance, les micromondes n'ont pas encore été employés dans la recherche sur le coping, y compris par les chercheurs qui ont comparé ce processus à la résolution de problèmes. Cette méthodologie nous paraît cependant adéquate pour étudier certains aspects observables du processus de coping, c'est ce que nous avons tenté de faire dans le cadre de ce travail.


III Objectif

      Comme nous l'avons vu plus haut, alors que certains auteurs soulignent la nécessité d'étudier la façon dont les adolescents gèrent les situations stressantes qu'ils rencontrent (Compas et al., 2001), d'autres font part de leur mécontentement quant au retard des recherches dans le domaine du coping en général, retard qui serait dû en grande partie à des problèmes méthodologiques (De Ridder, 1997; Scherer, 1990 ).

      Dans la plupart des méthodes employées traditionnellement, tant chez l'adulte qu'auprès des adolescents, le rapport verbal reste un intermédiaire quasi exclusif entre la réalité du coping et le chercheur. Or, nous sommes précisément intéressés à savoir ce que les adolescents font au moment même où ils sont dans une situation stressante, sans passer par cet intermédiaire. Et si cet accès indirect est le seul moyen, à notre connaissance, d'appréhender les efforts que les individus font à un niveau cognitif, il n'en va pas de même pour la partie visible des processus de coping.

      La méthodologie des micromondes semble résoudre une partie des problèmes rencontrés dans la recherche actuelle sur le coping, et pourrait être un bon complément aux méthodes traditionnelles basées sur le rapport verbal. Plus particulièrement, l'approche du "situated emotional problem solving" nous paraît appropriée pour étudier les aspects comportementaux du coping, tel que ce processus peut se manifester dans un environnement complexe. Nous avons donc voulu explorer cette méthodologie nouvelle pour étudier le coping des adolescents.


1. Définition

      Plus précisément, nous avons eu pour objectif d'analyser, in situ, les comportements de coping des adolescents, dans différents types de situations stressantes, simulées dans le contexte d'un jeu d'ordinateur interactif créé au moyen du GAME (Wehrle, 1996).

      Le jeu d'ordinateur interactif que nous avons choisi d'employer n'existait pas encore au moment où nous avons décidé d'entreprendre cette recherche. Il a été créé spécialement au moyen du GAME (Wehrle, 1996), et son développement constitue une partie intégrante de notre objectif.

      Nous avons donc mis au point un jeu d'ordinateur expérimental pour étudier la façon dont les adolescents gèrent les situations qu'ils rencontrent dans ce contexte, de même que des procédures informatisées permettant l'analyse de ces données expérimentales.

      Par "in situ" nous entendons que les comportements réalisés par les adolescents pour gérer les situations rencontrées doivent être observés d'abord, puis mesurés et analysés, en rapport avec leur contexte, c'est à dire en fonction des propriétés de l'environnement spécifiques au moment où ils ont été produits, et sans a priori. Nous avons donc voulu explorer les conduites telles qu'elles se manifestent dans leurs conditions propres, et sans que leur mesure soit biaisée ou limitée par des catégories préétablies, sur des bases théoriques par exemple.

      Les comportements de coping se réfèrent à tout ce que la personne met en oeuvre intentionnellement dans ce contexte, et qui peut être enregistré ou mesuré, sans que le recours à un rapport verbal y soit la voie d'accès exclusive. Cette définition repose sur la conception transactionnelle du coping qui veut que seules les réponses qui impliquent un effort conscient soient considérées comme du coping (Lazarus & Folkman, 1984).

      Les différents types de situations stressantes font référence aux trois sortes de situations stressantes décrites dans le modèle transactionnel du stress et du coping (Lazarus & Folkman, 1984), ainsi qu'à la notion de contrôlabilité. Lorsqu'une situation est évaluée comme excédant les ressources de l'individu, c'est à dire comme stressante, elle peut prendre trois formes différentes : il peut s'agir d'une perte ou d'un échec, d'une menace, ou d'un défi (Lazarus & Folkman, 1984). Nous avons eu pour but de faire varier les conditions expérimentales afin que les adolescents aient à gérer, dans le contexte de ce jeu d'ordinateur, des situations qui sont prototypiques de chacune de ces trois sortes de stress.

      Aussi, la contrôlabilité faisant partie des caractéristiques objectives de chaque situation stressante (Perrez & Reicherts, 1992), nous avons voulu manipuler cette dimension afin que les adolescents soient confrontés à la fois à des situations relativement contrôlables, et à la fois à des situations où pas grand chose ne peut être fait, sachant que les comportements de coping peuvent être très différents dans l'une ou l'autre de ces situations.


2. Implications

      Défini ainsi, notre objectif a plusieurs implications. D'abord, il comprend déjà l'emploi d'une méthode spécifique, puisque dès le départ notre but a été d'explorer les possibilités d'une méthodologie nouvelle.

      Si nous avons choisi d'utiliser le GAME pour développer un jeu d'ordinateur expérimental, c'est principalement en raison de l'approche écologique associée à cet outil. En plus du fait qu'elle permet de replacer les comportements dans le contexte où ils ont été produits, cette approche rend possible une exploration des comportements in situ, sans catégorisation ni sélection préalable. Cette particularité répond à notre objectif, à savoir observer les comportements et laisser parler la réalité des faits, le plus objectivement possible, sans dépendre exclusivement du rapport verbal des individus, et en adoptant une approche inductive.

      Le choix de cette méthode a eu pour effet que l'objet de notre observation se situe à cheval entre deux domaines théoriques et de recherche, à savoir le coping et la résolution de problèmes. Si nous avons repris une méthode développée dans le domaine de la résolution de problèmes complexes, notre conception du coping se base essentiellement sur le modèle transactionnel du stress et du coping, et sur les données actuelles de la recherche dans ce domaine.

      L'emploi de cette méthode pour étudier le coping auprès d'une population d'adolescents constitue une nouveauté, ce qui a entraîné pour nous la nécessité de créer notre outil de recherche, ainsi que la façon d'analyser les données qui en sont issues. Pour cette raison, l'ensemble de notre travail est de nature exploratoire, et ce statut a été déterminant à différentes étapes de notre démarche. Aussi, pour commencer, nous n'avons pas émis des hypothèses de recherche, mais avons plutôt formulé des questions auxquelles nous avons tenté de répondre.

      Ensuite, la construction de notre outil de recherche ainsi que des moyens pour en analyser les données, a été largement guidée par les questions qui nous intéressaient. De même ces questions n'ont pu être opérationnalisées qu'au fur et à mesure de l'élaboration du jeu expérimental et des procédures destinées à en analyser les données.

      Ces questions sembleraient bien trop abstraites si nous les exposions en détail avant que le lecteur n'ait pris connaissance de certains points liés à la méthode employée. Ceci étant, nous nous permettons de ne donner à ce stade qu'un très bref aperçu des questions qui ont été traitées dans ce travail. Ce n'est que par la suite, après un descriptif détaillé de la méthode, et avant de les traiter, que nous présenterons une à une la façon dont ces questions ont été opérationnalisées.


3. Avant-première des questions de recherche

      A ce stade, nous nous contenterons de dire que dans le cadre du jeu d'ordinateur interactif développé pour ce travail, les adolescents devront faire face à plusieurs situations stressantes, et l'ensemble des conduites qu'ils mettent en oeuvre dans chacune d'elles sera enregistré, pour être analysé ensuite, relativement à deux axes principaux.

      Les questions comprises dans ces deux axes ont trait, chacune à sa manière, à la question de la fonctionnalité ou de l'adaptabilité du coping. Plus précisément, nous nous demanderons qu'est-ce qui, dans ce contexte, peut être considéré comme un coping adapté. Comme vu plus haut, on trouve dans la littérature deux positions majeures face à cette problématique:

      Pour bon nombre d'auteurs qui ont étudié le coping en tant que style ou en tant que disposition relativement stable, certaines stratégies sont d'emblée considérées comme inadaptées ou moins efficaces que d'autres. On considère qu'il n'est pas bon d'y recourir, dans une trop grande mesure, ou exclusivement, lorsque quelque chose d'autre peut être fait, notamment pour résoudre le problème qui est à l'origine du stress.

      Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1994, 1995) compte parmi ces auteurs et, selon elle, la différence entre un coping fonctionnel et un coping dysfonctionnel se situe dans la proportion que prend le recours à des stratégies dites de retrait, par rapport à l'ensemble des efforts fournis, cette proportion ne devant pas dépasser un cinquième.

      Pour d'autres auteurs dont Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), une stratégie de coping peut être considérée comme fonctionnelle uniquement pour une situation donnée, et compte tenu de la personne qui s'y trouve confrontée. Il n'est donc pas possible de dire qu'une stratégie est adaptée ou qu'elle ne l'est pas, sans référence à un contexte précis.

      Dans le cadre du jeu expérimental, ces deux façons de concevoir la fonctionnalité du coping ont été opérationnalisées au moyen des deux axes de questionnement sus-mentionnés.

      Le premier axe découle de la position de Seiffge-Krenke. Il porte sur le regroupement des conduites observées en un nombre limité de catégories ou de types, et sur l'utilisation que font les individus des conduites qui relèvent de ces types. En d'autres termes, nous tenterons de voir si les comportements observés sur l'ensemble des situations rencontrées constituent des types de coping qui font sens, et si les individus ont des préférences ou diffèrent quant à l'usage qu'ils font de ces types. Sur cette base, nous chercherons à savoir d'une part, si, et dans quelle mesure, chacun de ces types de coping peut être considéré comme adapté ou fonctionnel, et d'autre part, indépendamment des propriétés des situations où ces comportements sont mis en oeuvre, dans quelle proportion les adolescents recourent-ils à des types de coping jugés inadaptés.

      Par le biais du deuxième axe de questions nous allons tenter de mettre en pratique la conception de Lazarus. Nous nous intéresserons ici à l'utilité des comportements observés relativement au but principal que l'individu doit poursuivre dans ce contexte. Plus précisément, nous chercherons à voir si certains comportements sont plus adaptés que d'autres dans chacune des situations rencontrées au cours du jeu expérimental, et, le cas échéant, nous tenterons de voir si les individus diffèrent quant à leur capacité de produire les bons comportements aux bons moments.

      Par la suite, des liens seront recherchés entre les résultats issus de ces deux axes, de même qu'entre ces derniers et d'autres variables issues du jeu expérimental, et de mesures externes à celui-ci.


IV Méthode


1. Population

      La population étudiée lors de la présente expérience est composée de 50 adolescents qui ont été recrutés avec leurs parents dans le cadre du projet FNRS réalisé en parallèle, et dont la nature a largement guidé la procédure de recrutement.


1.1 Recrutement

      Pour ce projet FNRS il était nécessaire que les deux parents (ou beaux-parents) de chaque adolescent participent à l'étude. Une brochure descriptive du projet de recherche initial a été envoyée à plusieurs milliers d'élèves de première année des établissements de l'enseignement secondaire de Genève.

      Ces établissements se répartissent de la manière suivante : 4 collèges (env. 1000 élèves ), 3 écoles du Centre d'Enseignement Professionnel Technique et Artisanal (CEPTA) (env. 500 élèves), 2 écoles de culture générale (env. 500 élèves) et 3 écoles de commerce (env. 1000 élèves).

      Cette brochure a parallèlement été envoyée à un peu plus de 1000 parents d'élèves du Cycle d'Orientation, membres des associations de parents d'élèves des cycles concernés 21 .

      La brochure que ces familles ont reçue à domicile (voir annexe no. 11) décrivait les objectifs de l'étude et le déroulement de celle-ci tel qu'il était prévu à l'origine. Les familles qui désiraient s'inscrire à l'étude devaient retourner un coupon d'inscription, et une soirée d'information a été organisée pour celles qui désiraient plus d'informations.

      Les familles désireuses de participer à l'étude ont reçu un premier questionnaire portant sur des données démographiques (voir annexe no. 11 aussi) et le premier contact entre les familles d'adolescents et l'équipe de recherche s'est déroulé au domicile de la famille lors d'un premier entretien.

      À cette occasion un contrat de recherche a été signé entre l'expérimentatrice et chacun des participants à l'étude, et un rendez-vous a été fixé pour le ou les adolescents participants.

      Au jour dit, ceux-ci se rendaient alors dans notre laboratoire à l'Université de Genève pour une demi-journée afin de participer au jeu expérimental ainsi qu'à deux épreuves cognitives. Un certain nombre de questionnaires ont été remplis par les participants avant la première rencontre, ainsi que juste après celle-ci.

      La participation à l'expérience était volontaire, et les adolescents pouvaient décider de l'interrompre à n'importe quel moment. Un bon de 30 francs leur a été remis à titre de remerciement.


1.2 Description de l'échantillon

      Cinquante adolescents ont participé à l'expérience en laboratoire, mais seules les données de 48 d'entre eux ont pu être retenues 22 . L'échantillon se composait désormais de 29 filles et de 19 garçons, dont l'âge allait de 13 à presque 18 ans au moment de l'expérience (MGarçons = 15.82, SDGarçons = .27 ; MFilles = 15.86, SDFilles = .23).

      Parmi ces adolescents, 43 viennent de familles "standard" tandis que 5 sont issus d'une famille "recomposée". Au moment de l'expérience, 30 de ces adolescents fréquentaient le Cycle d'Orientation, 12 étaient dans un collège secondaire, 3 dans une école de commerce, 1 dans une école de culture générale, 1 au CEPTA, et 1 dans une école privée.


2. Matériel

      Le jeu d'ordinateur interactif que nous avons développé au moyen du GAME pour répondre à notre objectif, est appelé le CAT, ou "Coping Assessment Tool". Cette partie comprend une présentation intégrale du CAT, précédée d'un bref exposé sur le GAME, et suivie d'une très brève description des questionnaires employés en conjonction avec le jeu d'ordinateur pour répondre à nos questions de recherche.


2.1 Le GAME

      Comme vu plus haut, le GAME (Wehrle, 1996) est un instrument informatique qui permet de générer des jeux d'ordinateurs interactifs (Kaiser & Wehrle, 1996). Malgré son nom, le GAME n'est donc pas un jeu en soi, mais un instrument destiné à des buts expérimentaux.

      Tout au long de chaque jeu expérimental créé avec cet instrument, il est possible d'enregistrer l'ensemble des conduites du sujet, ses réponses à des questionnaires informatisés, ainsi que les caractéristiques objectives des situations qu'il rencontre (Kaiser & Wehrle, 1996). Nous entendons par-là que non seulement chaque mouvement ou changement d'orientation, chaque déplacement et chaque geste du joueur dans le contexte de ce micromonde est enregistré de façon à pouvoir être analysé par la suite. Mais aussi, les aspects situationnels et chronologiques liés à ces comportements sont codés de façon à garantir une approche écologique.

      L'ensemble des données enregistrées tout au long de ces jeux expérimentaux permet donc bien plus que la simple observation d'une réaction à un stimulus, mais l'ampleur de ces informations fait qu'il est nécessaire de les synthétiser et de les réduire, avant de pouvoir leur donner un sens.

      Afin de favoriser une analyse systématique de ces données complexes, un logiciel a été développé par Thomas Wehrle, avec notre collaboration, et parallèlement à ce travail de thèse (Wehrle, 1999).

      Le "TRACES", ou "Topological Reconstruction And Computational Evaluation of Situations" (Wehrle, 1999) complète le GAME en ce sens qu'il permet d'une part une reconstruction post-hoc du jeu expérimental, et d'autre part, la création d'un fichier de synthèse qui recense pour chaque moment du jeu l'état des différentes variables pertinentes à son analyse (Wehrle, 1999), (voir aussi en l'annexe no. 1).

      Sur la base de cette reconstruction, le chercheur peut visionner certaines parties du jeu et prélever des mesures situationnelles, tandis que le fichier de synthèse constitué parallèlement facilite et sert de base à l'analyse contextuelle des comportements du sujet, notamment au moyen de procédures informatiques.


Fonctionnement basique des jeux développés au moyen du GAME 

      Les jeux interactifs créés avec le GAME sont composés de plusieurs parties que nous appellerons dès maintenant des niveaux, chacun d'entre eux étant représenté par un labyrinthe rectangulaire, dans lequel le sujet déplace un agent au moyen d'un "joystick".

      Au début de chaque niveau du jeu, le sujet (ou son agent) se trouve au centre du labyrinthe dans la "maison". Pour passer au niveau suivant, il doit récolter tous les points de nourriture ou "food points" qui se trouvent dans les couloirs du labyrinthe. Ce faisant, il doit préserver ses agents et tenter de remporter un maximum de points, alors que des ennemis tentent sans cesse de l'en empêcher. Lorsque le joueur a fini de récolter les points de nourriture disposés dans le labyrinthe, le niveau de jeu en cours se termine, et ce labyrinthe disparaît de l'écran, laissant place soit à des questionnaires informatisés, soit directement au labyrinthe dans lequel se déroulera le niveau suivant.

      Un certain nombre d'objets sont à la disposition du sujet dans le labyrinthe, notamment des outils qui lui permettent de faire face aux différents types d'ennemis qu'il rencontre. Outre ces ennemis, d'autres personnages peuvent être introduits dans le jeu, et pour chacun d'eux le chercheur définit une façon d'interagir avec le joueur. Aussi, en plus des deux objectifs de base que le sujet doit poursuivre, à savoir préserver ses agents et gagner des points, il est possible d'introduire des tâches que le sujet devra compléter et dont le degré de faisabilité et de conflictualité est manipulable. Enfin, des questionnaires automatisés peuvent être introduits à différents moments du jeu.

      A partir de ce fonctionnement de base, tous les paramètres qui régulent le déroulement du jeu (vitesse, nombre d'ennemis, outils, personnages, labyrinthes, etc.) sont spécifiés par le chercheur au moyen de trois types d'entrées, ou d'input, tandis que l'ensemble des comportements du sujet et de ses réponses aux questionnaires informatisés, est codé et enregistré automatiquement pour constituer quatre types d'output. Une description détaillée des différents types d'input et d'output se trouve dans l'annexe no. 1.


2.2 Le CAT

      Comme annoncé, le CAT fait référence au jeu expérimental spécifique qui a été développé au moyen du GAME dans le cadre de ce travail. Voici tout d'abord une présentation des différents personnages et objets qui en font partie. Suivra ensuite une description détaillée de sa structure et de son déroulement. Mais avant tout, la figure no. 1 ci-dessous illustre la façon dont se présente un niveau du jeu CAT ; il s'agit en l'occurrence du cinquième niveau.

      Il convient de préciser que les personnages, les ennemis, les objets et leur fonctionnement inhérent font partie du GAME, tandis que leur appellation ainsi que les représentations graphiques qui leur sont attribuées font partie du CAT.

      

Fig. 1 : Exemple d'un niveau du jeu CAT


1) Les personnages

  • L'"agent" du joueur : il s'agit du personnage que le joueur déplace au moyen d'un joystick pour parcourir les labyrinthes du jeu. Ce petit bonhomme vert semblable à une grenouille, a la faculté de changer de couleur selon le mode de fonctionnement en cours. En effet, lors de l'application de certains outils (voir plus bas), un mode de fonctionnement spécifique est activé pour une durée limitée pendant laquelle la couleur de l'agent varie : rouge pour le mode "force", violet pour le mode "vitesse", rose vif pour la combinaison simultanée des modes "force" et "vitesse", et enfin blanc pour le mode "protection" (pour la description de ces différents modes, voir outils ci-dessous). L'intégrité physique de l'agent est aussi variable, et peut être réduite lors de la rencontre avec un type d'ennemi spécifique qui le blesse (voir ci-dessous "ennemi blessant"), tandis qu'elle peut être rétablie lorsque le joueur utilise un outil pour le soigner, la "trousse de premiers secours", ou que "l'ange gardien" (voir ci-dessous) le soigne. Au début du jeu, le joueur dispose de plusieurs agents "en réserve", par la suite il a la possibilité d'en recevoir d'autres, et quoi qu'il arrive à ces derniers (blessure, perte), le jeu se poursuit jusqu'à la fin pour tous les joueurs.

      

  • "L'ange gardien" : il s'agit d'un personnage dont le visage s'affiche à droite en haut de l'écran, en dehors du labyrinthe. Ce personnage communique avec le joueur au moyen de messages et parfois de questions. Il peut également aider le joueur, soit à la demande de ce dernier (voir outil "téléphone"), soit spontanément en fonction des caractéristiques de la situation présente. En dessous de son visage se trouve une barre violette qui représente sa réserve de liquide ou de "force magique" : celle-ci est limitée et chaque fois que l'ange gardien aide le joueur, le niveau de liquide baisse de même que l'intensité de son sourire. A certains moments du jeu, l'ange gardien demande au joueur de récolter des "potions magiques" afin de regarnir son réservoir de force.

      

  • "Janus" : ce personnage est en déplacement perpétuel dans le labyrinthe et à chaque fois qu'il entre en contact avec l'agent du joueur, il lui donne de la force. La force est un mode qui a une durée d'action déterminée, et un signal sonore retentit avant la fin du mode pour prévenir le joueur. Pendant que ce mode est activé, l'agent du joueur est rouge, et il peut poursuivre ses ennemis, voire les éliminer s'il parvient à les toucher. Mais Janus peut changer de mode de fonctionnement et, au lieu de donner de la force au joueur, il peut aussi la lui retirer, si ce dernier est en mode force au moment où Janus le touche. Ces deux facettes ou modes de fonctionnement du même personnage seront appelés par la suite "Janus gentil" et "Janus traître".

      

  • Les "ennemis standards" : il s'agit d'un type d'ennemis dont les modalités de fonctionnement dépendent du mode dans lequel se trouve l'agent du joueur : si celui-ci est en mode normal (vert) les ennemis sont attirés par lui et le poursuivent de façon automatique. S'ils parviennent à le toucher, celui-ci est "mangé", et retourne à la case départ, c'est à dire dans la maison au centre du labyrinthe. Si l'agent est en mode force (rouge), ces ennemis cherchent automatiquement à le fuir, c'est à dire à maximiser la distance qui les relie à lui. Mais si l'agent du joueur parvient quand même à les toucher, alors à eux d'être éliminé, ou de "perdre une de leurs vies", et s'il ne s'agit pas de leur dernière, ils sont envoyés dans la prison (lieu où ils resteront enfermés jusqu'à la fin du mode force). S'il s'agit de leur dernière vie, ils ne réapparaîtront plus sur le même niveau du jeu. Lorsque le joueur est en mode protection (blanc), à chaque contact entre le joueur et les ennemis ceux-ci seront projetés aléatoirement à un autre endroit du labyrinthe. Le nombre de vies des ennemis et leur vitesse de déplacement en rapport avec celle du joueur sont définis pour chaque niveau du jeu séparément.

      

  • "L'ennemi rapide": cet ennemi a les mêmes propriétés que les ennemis standards mais sa vitesse est nettement plus élevée, ce qui rend plus difficile à la fois de le vaincre et d'échapper à ses attaques. Contrairement aux ennemis standards, qui sont présents dans le labyrinthe dès le début du niveau, son arrivée peut être différée afin d'engendrer un effet de prise au dépourvu. S'il subit une défaite, cet ennemi, de même que les ennemis standards, est enfermé dans la prison des ennemis jusqu'à la fin du mode force s'il lui reste des vies, sinon il disparaît définitivement. Lorsqu'il remporte des victoires sur l'agent du joueur, l'ennemi disparaît et à nouveau, sa réapparition sur le labyrinthe est différée de quelques secondes ce qui maintient un effet d'imprévisibilité.

      

  • "L'ennemi blessant" : il s'agit d'un ennemi invulnérable représenté par une sorte d'araignée verte et désignée ainsi dans les dialogues avec le joueur. Contrairement aux autres types d'ennemis, il n'est pas possible d'éliminer l'ennemi blessant au moyen de la force, de même il ne fuit pas l'agent lorsque celui-ci est rouge, donc en mode force. De plus, alors que les autres types d'ennemis se contentent de "manger" l'agent c'est à dire de lui faire perdre une vie, l'ennemi blessant porte atteinte à son intégrité en le blessant : il commence par lui faire perdre une jambe, puis une autre, enfin, s'il a déjà perdu ses deux jambes, et qu'il ne s'est pas "soigné" entre-temps (voir "trousse de premiers secours"), alors l'agent est "mangé".

      


2) Les objets présents sur le labyrinthe

      Différents types d'objets sont présents sur le labyrinthe, à disposition du joueur. Le chercheur définit pour chacun d'eux leur nombre, leur emplacement (plus ou moins difficile d'accès), et dans certains cas les conditions de leur apparition. Pour récolter les objets, le joueur doit passer dessus avec son agent. La suite est différente pour chaque type d'objet.

      Les outils constituent la majorité des objets à disposition du joueur dans le cadre du CAT. Ceux-ci sont disposés dans le labyrinthe et pour pouvoir les utiliser, le joueur doit d'abord les récolter. Ils sont alors affichés dans un réservoir qui se situe au bas de l'écran, appelé le "réservoir à outils". Si un ou des outils se trouvent dans le réservoir, l'un d'entre eux est sélectionné en permanence, c'est à dire encadré d'un carré jaune : cela signifie que si le joueur appuie sur le bouton destiné à activer un outil, c'est cet outil là qui sera activé automatiquement.

      Il est possible de déplacer cette sélection au moyen de deux autres boutons du joystick (vers la gauche, vers la droite), ce qui constitue une présélection active de l'outil qui sera employé. Le nombre d'outils pouvant être contenus dans le réservoir à outils étant limité, une fois ce nombre atteint il n'est plus possible de récolter d'autres outils.

      Afin d'éviter que le joueur utilise des outils uniquement pour faire de la place dans son réservoir, la possibilité lui est donnée de se débarrasser d'outils en les présélectionnant et en appuyant sur un autre bouton, distinct des trois premiers. Un message apparaît alors pour demander au joueur d'appuyer encore une fois sur ce même bouton pour confirmer sa volonté de jeter l'outil. Celui-ci disparaît alors et ne réapparaît pas (il n'est pas possible de le récolter à nouveau par la suite). Voici une description des différents outils :

  • Le "poing": il donne de la force au sujet (ou à son agent), qui devient alors rouge et est en mode force pour une durée limitée. Lorsqu'il est en mode force, l'agent a la possibilité d'éliminer des ennemis en les touchant, tandis que ceux-ci cherchent à le fuir dès le début du mode (voir aussi Janus plus haut).

      

  • Le "risk": au moment où le joueur l'applique, cet outil transporte son agent aléatoirement ; celui-ci peut alors se retrouver à n'importe quel endroit du labyrinthe, endroit qui peut s'avérer plus sûr, ou au contraire plus dangereux que son emplacement initial.

      

  • Le "roller" ou "patin à roulettes" : il permet à l'agent de se déplacer plus rapidement dans le labyrinthe pendant un temps limité, il s'agit là du mode vitesse. Si ce mode est appliqué alors que l'agent est en mode normal, celui-ci devient violet, tandis que si ce mode est appliqué parallèlement au mode force, l'agent devient rose vif.

      

  • Le "téléphone": il permet au joueur d'appeler l'ange gardien à son secours lorsque son agent se trouve dans une situation difficile. Les interventions de l'ange gardien varient en fonction des paramètres de la situation dans laquelle se trouve l'agent : si celui-ci est en danger, l'ange gardien le met en mode protection. Si l'agent est blessé suite à une attaque de l'ennemi blessant, l'ange gardien le soigne, s'il n'a plus d'agents en réserve l'ange gardien lui en donne un, et enfin, si "Janus traître" est présent sur le labyrinthe, c'est à dire qu'il agit de sorte à retirer la force de l'agent au lieu de la lui donner, l'ange gardien, à l'appel du joueur, redonne de la force à ce dernier et envoie "Janus traître" en prison pour toute la durée de ce même mode.

      

  • Le "mur": il permet au sujet de bloquer le passage de tous les types d'ennemis : l'agent du joueur peut par la suite passer par ces murs tandis que les ennemis de tous types ne peuvent les franchir.

      

  • Le "bouclier": en utilisant un bouclier, l'agent active le mode protection et devient blanc. Pendant la durée d'action de ce mode, l'agent jouit d'une protection totale face à tous les types d'ennemis, mais en même temps, il est incapable de faire quoi que ce soit, et ne peut que se déplacer dans le labyrinthe. Il n'est en effet pas possible sous ce mode de récolter des objets quels qu'ils soient, ni de sélectionner, d'activer ou de jeter un outil.

      

  • Le "sablier": il fige le jeu pendant 30 secondes (ou moins si le joueur veut abréger la pause), afin de permettre à celui-ci d'analyser la situation et de réfléchir tranquillement sans que pendant ce temps les ennemis l'encerclent ou l'attaquent. La seule activité que peut avoir l'agent pendant la pause est de modifier la présélection d'outils, alors que pour leur activation il doit attendre la fin de la pause ou y mettre un terme prématurément.

      

  • La "clé" : elle sert à accéder à certaines parties du labyrinthe : au moment où le joueur active la clé, toutes les portes qui se trouvent sur le labyrinthe s'ouvrent simultanément.

      

  • La "trousse de premiers secours" : elle permet au joueur de se soigner après les blessures de l'ennemi blessant.

      

      Outre les outils, trois autres types d'objets se trouvent dans le labyrinthe :

  • Les "bonus" : ils ne sont pas en permanence présents, mais apparaissent de façon irrégulière (en fonction du score du sujet), et pour une durée très limitée. Si le sujet parvient à les récolter, il gagne un grand nombre de points.

      

  • Les "cristaux" : ceux-ci sont présents dans le labyrinthe dès le début des niveaux et ils y restent jusqu'à ce que le joueur les récolte. Si celui-ci a encore tous ses agents en réserve lorsqu'il récolte un cristal, il reçoit 1000 points, et dans le cas contraire, il reçoit un nouvel agent en réserve.

      

  • Les "potions magiques" : elles sont également présentes dès le début des niveaux et constituent une tâche pour le joueur : à certains niveaux du jeu (voir plus bas), l'ange gardien lui demande de l'aider en récoltant ces potions.

      

      Les "food points" : les couloirs du labyrinthe sont pavés de ces points de "nourriture" que l'agent doit récolter pour accéder au niveau suivant. Au moment où le dernier de ces points est récolté, le niveau de jeu en cours est immédiatement terminé, plus rien ne peut y être fait.


3) La structure du CAT

      Le CAT comprend deux parties ou deux jeux "indépendants". Le premier de ces jeux constitue un entraînement qui prépare les sujets au deuxième, qui est le jeu expérimental à proprement parler, ou le "vrai jeu" tel que nous l'avons appelé pour les sujets. Pendant l'entraînement, le joueur apprend à manipuler les différents éléments qui seront présents dans le jeu expérimental, et se familiarise avec le format des questionnaires.


a) L'entraînement

      L'entraînement comprend huit niveaux, et à chacun de ces niveaux le joueur apprend à utiliser un nouvel outil, tandis que la difficulté croît en termes de vitesse et de nombre d'ennemis. Comme nous le verrons plus loin dans la présentation de la procédure, l'expérimentatrice est présente aux côtés du sujet durant cette phase pour lui fournir des informations et répondre à ses questions.

      Après un premier écran où sont décrites les consignes du jeu, l'ange gardien se présente au sujet, et à partir de là c'est lui qui lui fournit toutes les informations nécessaires à l'utilisation des différents outils, au fur et à mesure que ceux-ci lui sont présentés. De plus, l'ange gardien explique au sujet que pour l'entraînement seulement, il lui fait cadeau d'un nombre illimité d'agents afin qu'il puisse sans crainte essayer tout ce qu'il veut, tout en précisant que lors du "vrai jeu" qui suivra, du jeu expérimental donc, ses agents seront comptés et qu'il faudra y faire bien attention.

      La première table de l'annexe no. 2, présente le détail des éléments spécifiques à chacun des niveaux de l'entraînement, ainsi qu'une brève description des interventions de l'expérimentatrice. Le détail des consignes que le joueur reçoit, des messages que l'ange gardien émet, et des questionnaires de l'entraînement se trouvent dans l'annexe no. 2.

      A la fin de l'entraînement, qui dure généralement quarante-cinq minutes, nous considérons que tous les sujets ont compris les différents aspects liés à la manipulation technique du jeu (joystick, souris etc. ), et qu'ils se sont familiarisés à son fonctionnement de base. Aussi, après cet entraînement, tous les sujets se retrouvent à un même niveau au sens où ils ont tous la même connaissance et la même expérience de mise en pratique des moyens dont ils disposent pour faire face aux situations qui vont suivre. Arrivés à la fin de cette première phase, les sujets qui n'ont pas l'habitude des jeux d'ordinateurs ou des jeux électroniques ne sont pas pénalisés par rapport à ceux qui en font un usage fréquent, et tous sont prêts pour débuter la phase expérimentale.


b) Le jeu expérimental

      Ce jeu expérimental a été élaboré pour répondre à nos propres questions de recherche, ainsi que pour tester les hypothèses formulées indépendamment de celles-ci dans le cadre du projet FNRS, grâce auquel notre travail de thèse a été réalisé. Bien que ces hypothèses, qui portent sur les liens entre l'évaluation cognitive et le vécu émotionnel, ne soient pas traitées dans le présent rapport, il importait que le scénario du jeu expérimental soit construit de manière à ce qu'il soit possible de les tester. Ainsi, la trame du jeu expérimental a été conçue de façon à satisfaire aux exigences définies de part et d'autre.

      En fonction de la nature des questions de recherche que nous avons formulées, il était nécessaire d'une part, que le jeu expérimental comporte plusieurs situations de stress et que ces situations soient différentes les unes des autres, et d'autre part, que les joueurs disposent d'un certain nombre de moyens pour y faire face.

      Ces deux aspects de l'élaboration du jeu ont été influencés par la double nécessité de garantir que chacune des situations rencontrées soit standardisée et dans une certaine mesure pareille pour tous les individus, tout en laissant une large place à l'expression des différences individuelles. Il était effectivement nécessaire pour pouvoir étudier les différences individuelles, d'être en mesure de distinguer ce qui relève de la personne des joueurs, de ce qui tient aux spécificités des situations. La notion de situation "forte" versus "faible" telle qu'elle a été définie par Marwitz et Stemmler (Marwitz & Stemmler, 1998) permet de clarifier ce paradoxe.

      Ces auteurs ont étudié la stabilité intra-individuelle des patterns de réactions physiologiques 23  dans différentes conditions expérimentales, et ont défini la notion de pression situationnelle. Selon eux, les "situations fortes", c'est à dire qui exercent une "forte pression situationnelle", se caractérisent par des contraintes situationnelles élevées et seulement peu de choix quant aux comportements disponibles, elles permettent donc peu de variabilité entre les personnes.

      Les "situations faibles" ou à "faible pression situationnelle" ont quant à elles, peu de contraintes situationnelles mais beaucoup d'options comportementales. Ces dernières laissent ainsi beaucoup de place pour des différences (individuelles) au niveau des processus motivationnels, émotionnels et cognitifs, ce qui peut donner lieu à des différences individuelles lors des réponses (Marwitz & Stemmler, 1998).

      Contrairement à cette définition de Marwitz et Stemmler qui semble inclure dans le terme de situation les options comportementales disponibles pour y faire face, nous avons tenu à dissocier les situations au sens de "conditions expérimentales" que les adolescents doivent gérer, des moyens dont ils disposent pour le faire.

      Cette distinction faite, il est possible de dire que dans le contexte du présent travail, il importait d'une part que les propriétés et donc les contraintes des situations soient suffisamment fortes pour induire du stress d'un type ou d'un autre, et pour "forcer" le joueur à trouver une manière d'y faire face. D'autre part, ces contraintes devaient rester très "faibles" quant au choix des réponses possibles, pour permettre une grande variété de comportements et laisser ainsi un maximum de place à l'expression des différences individuelles.

      Les situations stressantes

      Tout d'abord, le CAT possède certaines caractéristiques qui font qu'il peut être considéré comme stressant en tant que tel, au même titre que les micromondes décrits par Brehmer (Brehmer & Doerner, 1993). Dans ce jeu, le joueur est en permanence obligé de faire des choix et d'agir pour résoudre un ou plusieurs problèmes, et ce toujours sous la pression du temps.

      Si le stress ainsi formulé est constamment présent tout au long du jeu, son intensité et sa forme varient selon le moment. En effet, le scénario du jeu a été élaboré de manière à comprendre différents types de situations stressantes, chacune correspondant à un niveau du jeu expérimental, et variant quant à la nature et à l'intensité des demandes exercées sur le joueur. Deux types de nécessités ont guidé l'élaboration de ce scénario.

      Premièrement, afin de pouvoir dégager un certain nombre de constantes (individuelles) dans la manière qu'ont les adolescents de gérer des situations stressantes, il était nécessaire de pouvoir observer leurs comportements dans plusieurs situations, différentes quant au type de stress que celles-ci impliquent et quant à leur degré de contrôlabilité objective.

      Pour faire varier les types généraux de situations stressantes, nous nous sommes basés sur les trois types de situations stressantes définis par Lazarus, à savoir les situations de défi, de menace et de perte (Lazarus, 2001; Lazarus & Folkman, 1984 ). L'induction de ces situations s'est faite principalement au travers des interactions entre les différents personnages et le joueur, notamment au moyen du contenu des messages envoyés par l'ange gardien. Ces derniers pouvaient soit mettre en évidence des possibilités qui s'offrent au joueur, soit au contraire annoncer les conséquences négatives qui suivraient s'il n'effectuait pas certaines tâches (pour plus de détails, voir la description des situations, table no. 3 ci-après, ou encore le contenu des messages de l'ange gardien, annexe no. 3).

      Pour faire varier la contrôlabilité objective des situations, c'est-à-dire la possibilité réelle qu'a le joueur d'agir sur ce qui se passe, ce sont plutôt des paramètres généraux qui ont été manipulés, comme par exemple la vitesse globale du jeu, le nombre d'ennemis présents, le rapport des vitesses entre les ennemis et l'agent du joueur, ou encore le nombre d'outils à disposition, etc., tous ces paramètres étant définis séparément pour chaque niveau du jeu, c'est-à-dire pour chaque situation.

      Deuxièmement, pour pouvoir mesurer la capacité d'adaptation des sujets, il était nécessaire que les situations rencontrées diffèrent les unes des autres quant à leurs caractéristiques objectives, mais cette fois-ci d'un point de vue plutôt qualitatif. Ainsi pour y faire face de manière adéquate, le joueur se devait d'ajuster ses comportements aux particularités de chacune de ces situations.

      Dans ce but, les propriétés de l'environnement ont été manipulées tour à tour, comme par exemple la présence d'ennemis spéciaux ou l'absence de personnages alliés, le fait de prévenir le sujet ou de le surprendre sans qu'il ait été prévenu, etc. Une partie de ces éléments, tout comme certaines modifications du fonctionnement général du jeu, mettent en échec des façons de faire face qui se sont montrées efficaces jusque-là. Les situations résultant de ces manipulations peuvent être considérées comme problématiques au sens où les actions que l'individu entreprend de façon "automatique" échouent, et ce dernier ne dispose dans l'immédiat d'aucune réponse efficace, et doit s'engager dans un processus de résolution de problèmes (D' Zurilla & Goldfried, 1971).

      Chacune des huit situations stressantes ainsi élaborées constitue donc un niveau du jeu expérimental, au cours duquel les comportements des joueurs sont enregistrés dans leurs moindres détails. Ces situations comportent chacune des dangers et des difficultés qui leur sont spécifiques, et auxquelles les adolescents peuvent faire face en se servant des différents moyens à disposition.

      Les moyens à disposition

      Les outils représentent le moyen principal dont disposent les joueurs pour gérer les situations rencontrées. A chaque niveau du jeu, un certain nombre d'outils sont placés à des endroits plus ou moins difficiles d'accès sur le labyrinthe, et le choix du type, du nombre et de la disposition de ces outils a été fait de manière à laisser un maximum de place aux choix et aux préférences individuelles.

      Nous nous sommes permis d'employer le terme d'"équi-disponibilité" des moyens à disposition pour décrire la façon dont ces outils ont été distribués. Nous entendons par-là que d'une part tous les individus ont eu à disposition exactement les mêmes outils, tant en termes de type que de nombre, et d'autre part, qu'aucun type d'outil n'a été privilégié par rapport aux autres, au sens où tous les outils dans chacune des situations, sont présents à quantité égale.

      Par contre, le nombre total d'outils disponibles et leur accessibilité varie d'une situation à l'autre. En d'autres termes, si le nombre global d'outils et leur degré d'accessibilité varie d'un niveau à l'autre, au début de chacun d'eux tous les types d'outils y sont présents à quantité égale, et à difficulté d'accès égale 24 .

      Pour donner un exemple plus concret, au troisième niveau du jeu, se trouvent trois outils de chaque sorte placés dans une zone sécurisée adjacente à la maison de l'agent, alors qu'au septième niveau on ne trouve plus qu'un exemplaire de chaque outil, et le joueur doit traverser toute une partie du labyrinthe pour les récolter. Le nombre d'exemplaires de chaque outil varie donc entre ces deux niveaux tout comme leur accessibilité. Mais dans aucune situation on ne saurait trouver plus de poings que de murs ou vice versa, même si l'utilité des uns et des autres varie en fonction de la situation : aux individus de juger de l'adéquation des différents outils et de la manière dont ils veulent les employer. C'est justement cette capacité de choisir une stratégie qui est adaptée et efficace dans un contexte donné et en fonction des caractéristiques qualitatives de celui-ci que nous voulions étudier.

      Par ailleurs, la plupart des outils présents dans ce jeu expérimental peuvent être utilisés de plusieurs manières, ces différentes utilisations d'un même outil variant quant à leur degré de complexité, et quant à l'effet qu'elles peuvent avoir, notamment en fonction de leur combinaison avec d'autres outils ou encore avec d'autres éléments.

      Outre les outils présents sur le labyrinthe au début de chaque niveau, les joueurs peuvent se servir de certaines propriétés spatiales de l'environnement, comme par exemple des raccourcis ou des lieux sûrs. Ils peuvent également tirer profit de l'aide apportée par deux différents personnages, l'ange gardien et Janus, dont la présence et le mode d'interaction varient selon les situations. Il est possible aussi de se servir conjointement d'un outil et d'une propriété spatiale de l'environnement, ou d'un outil et de l'aide apportée par l'un des personnages.

      Lors de l'entraînement, les joueurs ont été familiarisés avec les façons les plus communes d'employer chacun des outils, et ont été poussés à utiliser au moins une fois chacun d'eux de la manière la plus simple. Au moment où le jeu commence, les individus savent donc pour chaque outil comment il doit être employé et à quoi il peut servir.

      Avec l'ensemble des moyens dont il dispose, et le fait que ces différents moyens sont combinables entre eux, le sujet a donc une multitude de comportements possibles pour gérer les situations rencontrées, à lui de choisir lesquels il emploie et dans quelles circonstances. L'"équi-disponibilité" des moyens à disposition a pour effet qu'à priori aucune façon de faire face n'est rendue plus accessible qu'une autre, y compris pour certains outils dont nous savons qu'ils seront de peu d'utilité sur un niveau donné. Cette équi-disponibilité représente une condition élémentaire à la mise en évidence tant des tendances ou des préférences individuelles, que de l'habilité des individus à produire des comportements adaptés dans les différentes situations.

      Relevons que la distinction, faite dans contexte, entre les propriétés des situations du jeu, et les moyens à dispositions, permet notamment d'opérationnaliser de manière indépendante les concepts de contrôlabilité générale et de potentiel actuel de coping. Alors que la contrôlabilité se réfère à des paramètres globaux de la situation (voir ci-dessus), le potentiel actuel de coping lui, dépend de l'état de l'agent et des moyens dont il dispose au moment où ils s'y trouve confronté, notamment en termes d'intégrité, d'outils récoltés ou encore d'agents en réserve (Kaiser & Wehrle, 1996). La distinction entre ces deux concepts est essentielle, notamment dans le but de mesurer l'évaluation qu'en fait le sujet.

      La trame du jeu

      Avant de décrire le scénario du jeu expérimental, précisons que la structure du CAT telle qu'elle est présentée ici, est en réalité le produit définitif d'un travail d'élaboration qui s'est fait en plusieurs étapes, et qui a été testé lors de deux expériences pilotes.

      Ces deux études ont été effectuées principalement pour permettre des vérifications de la faisabilité de l'expérience et des ajustements dans la qualité de sa construction. Les données récoltées au cours de ces expériences pilotes n'ont pas été analysées de façon systématique et ne sont pas présentées en détail dans le présent travail pour plusieurs raisons.

      D'abord, la première étude avait un but essentiellement informatif et était destinée surtout à fournir des éléments qualitatifs pour guider la construction de la version définitive du jeu. À titre d'exemple, cette étude a montré que ce jeu expérimental est effectivement capable d'induire du stress, et qu'à la fin de l'entraînement il n'est plus possible de distinguer entre les personnes qui jouent régulièrement à des jeux d'ordinateur et celles qui n'en ont aucune expérience, en termes de comportements réalisés et de facilité à manipuler le joystick. Enfin, des différences individuelles importantes ont été mises en évidence, tant dans le nombre et le type d'outils utilisés, que dans la façon d'utiliser chacun de ces outils.

      Quant à la deuxième étude, elle a eu pour fonction de tester une version quasi - finale du jeu, dont le scénario a été l'objet d'une procédure de réajustement constant, ce qui fait que la situation expérimentale a été différente pour chaque participant.

      Finalement, en parallèle à ces études et en fonction de celles-ci, l'outil GAME a subi des développements, notamment quant à la façon de coder le déroulement du jeu, ce qui a eu des répercussions sur les différents formats de l'output 25 . Ces modifications profondes du système de codage ont eu pour conséquence qu'il n'est pas possible d'analyser de façon approfondie les données qui ont été récoltées lors de ces deux études pilotes (un même événement n'est plus codé actuellement de la même manière qu'il ne l'était lors de ces premières études). Pour les personnes désireuses d'en savoir plus sur ces expériences, quelques informations d'ordre général se trouvent à l'annexe no. 4.

      C'est donc suite et grâce à ces études pilotes que le CAT, par conséquent la trame du jeu expérimental décrite ci-dessous, a trouvé sa forme actuelle. Il n'en sera pourtant pas question ailleurs dans ce travail. En effet, tant ce qui a été dit plus haut sur la population qui a participé à cette recherche, que l'ensemble des résultats qui seront présentés par la suite, ne concernent que l'expérience principale qui a été menée pour ce travail de thèse.

      La table no. 3 ci-dessous comprend pour chacun des huit niveaux du jeu expérimental la trame générale de ce qui s'y passe, le type de situation stressante auquel il correspond, ses propriétés objectives et ce qu'il demande de la part des sujets. On trouvera dans l'annexe no. 3 les instructions que le sujet reçoit au début du jeu expérimental, les messages de l'ange gardien pour le début et la fin de chaque niveau et pour des circonstances particulières.

      Des questionnaires informatisés apparaissent à la fin de chacun des niveaux du jeu, et après la fin de celui-ci, qui portent sur l'évaluation cognitive des situations rencontrées, en termes par exemple de contrôlabilité générale, de confiance en soi, d'attribution causale, de satisfaction générale et de vécu émotionnel. Le questionnaire final contient en plus de cela des questions relatives à la façon dont le jeu a été vécu (stress, implication, motivation), aux stratégies de coping préférentielles et aux éventuelles difficultés rencontrées. Le contenu précis de ces questionnaires se trouve également en annexe no. 3.

      Mis à part le premier niveau du jeu qui constitue une "baseline" où les sujets ne sont pas d'emblée confrontés aux ennemis standards, ces derniers sont présents sur tous les niveaux et nous n'avons pas signalé leur présence dans la table ci-dessous. Ce tableau ne laisse pas voir non plus que chaque niveau du jeu est suivi immédiatement d'un questionnaire dont le contenu se trouve dans l'annexe no. 3.

      
Table 3 : Types de situations, descriptif et caractéristiques objectives
Niveau de jeu + Type de situation stressante + Descriptif et caractéristiques objectives
Capacités requises  26  / Focus de l'analyse
I : Baseline : aucun stress, ou défi :
Le labyrinthe est divisé en deux parties. Dans la première se trouvent des points à récolter et des outils, tandis que la deuxième partie est vide, et ne contient que des ennemis. L'agent du joueur est placé dans la première partie au début du niveau, et il peut terminer celui-ci sans devoir se confronter aux ennemis. Si par contre il désire les poursuivre pour tenter de gagner des points, il doit alors récolter une clé et l'activer pour accéder à la zone où se situent les ennemis.
Le joueur doit anticiper ses besoins et décider s'il veut récolter des outils pour se préparer à la suite des événements, et, le cas échéant, en faire une sélection 27 . Parallèlement, il doit choisir entre deux buts : gagner plus de points en prenant des risques (aller du côté des ennemis et tenter de les éliminer, au risque de perdre des vies) ou préserver les vies de son agent en renonçant à gagner des points pour le moment (terminer le niveau en restant dans la première partie du labyrinthe).
II : Situation de défi très contrôlable :
L'ange gardien annonce au début du niveau qu'il se sent mal, et demande au sujet de récolter pour lui des potions magiques. Celles-ci sont placées à des endroits auxquels le sujet ne peut accéder sans en avoir l'intention. A la fin du niveau, et quelle que soit l'attitude du sujet, l'ange gardien annonce qu'il va mieux sans en préciser les raisons.
Le joueur doit dire s'il se sent capable d'aider l'ange gardien, puis décider s'il veut réellement le faire. Si oui, alors il doit encore trouver le moyen d'accéder aux potions magiques (cela est facile, mais demande réflexion). Finalement, après que l'ange gardien a annoncé son rétablissement le joueur doit dire à qui ou à quoi il l'attribue.
III: Situation de menace peu contrôlable :
L'ange gardien prévient le sujet de l'arrivée d'un nouvel ennemi invincible, l'ennemi blessant, et met à sa disposition des trousses de secours pour se soigner après son attaque 28 . Face à cette nouvelle menace, le poing qui est l'outil le plus fréquemment utilisé s'avère soudain inefficace, le joueur est alors forcé, pour survivre aux attaques de cet ennemi, de réorganiser son comportement et de trouver des solutions nouvelles.
Après l'annonce de cette menace le joueur a l'occasion, avant de quitter le lieu sûr où il se trouve au début du niveau, et où se trouvent aussi les outils, d'en récolter afin de se préparer avant de sortir de cette zone protégée et d'être confronté aux ennemis (anticipation, préparation à l'action). Il doit comprendre comment le nouvel ennemi fonctionne, et comment utiliser la trousse de secours. Tout en n'oubliant pas les ennemis standards, il doit faire preuve de réflexion, de planification et de créativité pour trouver un moyen de préserver les vies de son agent face à ce nouveau type d'ennemi toujours présent, peu contrôlable et face auquel la force ne peut rien.
IV: Situation de menace puis d'échec / perte :
A première vue, le labyrinthe ne semble rien comporter de spécial, mais dès que le joueur déplace son agent, il s'aperçoit que, sans préavis aucun, la vitesse du jeu a été fortement accélérée. Après quelques minutes de jeu dans ces conditions, l'ange gardien annonce de façon désobligeante qu'au vu de la situation, il va intervenir pour diminuer la vitesse du jeu avant que le joueur ne perde tout.
Rien ne permettait au joueur de prévoir un tel changement de vitesse, il n'a pas été prévenu, et doit donc comprendre ce qui lui arrive et s'adapter très rapidement à ces nouvelles conditions, lesquelles font qu'il est très difficile d'accéder aux outils et de recourir à des stratégies qui nécessitent une précision spatiale (s'arrêter à un endroit spécifique pour y récolter / déposer un objet). Le joueur doit donc s'adapter à cela et choisir des stratégies réalistes, puis, après l'intervention ambiguë de l'ange gardien, il doit dire à quoi ou à qui il attribue cette dernière.
V : Défi ou menace ?
Au début du niveau, l'ange gardien annonce au joueur la venue de l'ennemi rapide et le défie en lui disant qu'il est possible mais très difficile de le vaincre. Ensuite il lui demande si oui ou non il pense pouvoir y arriver. Le labyrinthe est fait de telle manière qu'il est effectivement possible et pas si difficile d'éliminer cet ennemi, tout en garantissant que cela ne peut arriver sans la volonté du joueur. Cependant, du fait de la rapidité extrême de cet ennemi, les comportements d'attaque ou d'évitement standards ont une efficacité très réduite.
Après l'annonce de l'arrivée prochaine de l'ennemi rapide, le sujet doit se déterminer sur sa capacité d'y faire face (confiance en soi) et décider ensuite si oui ou non il veut réellement l'affronter. Dans ce cas il devra trouver une stratégie, les outils qu'il connaît déjà ayant à titre individuel une utilité très limitée dans ce cas précis. Les outils sont placés dans un lieu sûr auquel le sujet ne peut accéder qu'après réflexion et planification. Le fait que l'ennemi rapide ne soit pas présent dès le départ bien qu'il ait été annoncé, fait que le joueur doit se préparer à son arrivée sans pour autant connaître la façon dont cet événement va se dérouler, et tout en sachant qu'au moment où il sera là il faudra agir très vite (anticipation, préparation, réflexion sur des stratégies dans l'ambiguïté et sous la menace). Toutes ces choses font que la pression qui pèse sur le sujet est importante, et la situation est peu contrôlable. Le joueur dira par la suite s'il a vécu cette situation comme un défi ou comme une menace.
VI: Situation de perte ou d'injustice :
Sans préavis aucun, lorsque le joueur entre en contact avec Janus, celui-ci ne lui donne plus de force, et va même jusqu'à la lui retirer s'il en a au même moment, ce qui constitue une mise en échec d'un comportement des plus utilisés qui consiste à tirer profit de l'aide de Janus. Il s'agit là d'une trahison de la confiance que le sujet peut avoir en Janus, et indirectement, d'une remise en cause de l'ange gardien et de ce qui a été appris au cours de l'entraînement.
Comme au niveau IV, à première vue ce labyrinthe ne semble rien comporter de spécial, c'est en jouant que le joueur remarque plus ou moins rapidement et plus ou moins douloureusement que Janus a changé d'attitude à son égard (compréhension des nouveaux termes de cette relation et de ce que cela implique pour lui). Il doit s'adapter à ce fonctionnement nouveau et adapter sa façon de faire face aux ennemis standards malgré les agissements de Janus qui contribuent à le mettre en danger. Pour cela il doit inhiber des comportements qu'il a déjà appris à utiliser de façon presque automatique, et à nouveau il doit réfléchir pour trouver une solution adaptée.
VII: Situation de menace très peu contrôlable, puis perte :
L'ange gardien annonce au début du niveau qu'il va mal et demande au joueur de récolter pour lui des potions magiques. Celles-ci sont placées à des endroits très difficiles d'accès et les outils se font rares. L'ennemi blessant est présent tandis que l'ange gardien ne cesse d'envoyer au joueur des messages de détresse et, pour une courte durée, le chaos règne en termes de "creepy mode" 29 . Quel que soit le comportement du sujet, à la fin du niveau, l'ange gardien fait ses adieux et souhaite bonne chance au joueur sans préciser les raisons de sa disparition.
Le labyrinthe est très complexe, c'est à dire qu'il contient des spirales sans issues où l'agent du joueur peut facilement bloquer des ennemis, mais aussi perdre des vies en se faisant bloquer lui-même. Le nombre d'outils disponibles est par ailleurs très limité en comparaison avec le nombre et le type d'ennemis présents, et relativement à la difficulté de ce qui est demandé au joueur, à savoir de s'engouffrer dans ces spirales pour récolter les potions magiques au plus vite. Les messages de l'ange gardien constituent une menace récurrente et sont accompagnés d'un écroulement progressif du décor et de bruitages déstabilisants. Il est quasiment impossible de satisfaire les demandes de l'ange gardien dans ce contexte et à la fin du niveau, celui-ci fait ses adieux au joueur sans le blâmer ni le rassurer. A ce dernier de dire ensuite à quoi il attribue cette disparition soudaine.
VIII : Situation de défi ou de menace assez contrôlable :
Dans ce dernier niveau, l'ange gardien n'est plus là ce qui fait qu'on ne peut plus lui demander de l'aide, et de plus, le labyrinthe ne contient plus un seul lieu sûr où le sujet peut se réfugier. Le "creepy mode" agit cette fois-ci de façon constante tout au long du niveau ce qui procure un sentiment d'insécurité, mais aussi rend inutile l'utilisation des murs. Malgré le sentiment d'insécurité procuré par cet ensemble de manifestations, le niveau en soi n'est pas très difficile : "Janus Gentil " est présent, tandis que les ennemis sont peu nombreux.
Au moment de disparaître à la fin du septième niveau l'ange gardien a annoncé au joueur qu'il serait désormais seul pour finir le jeu, et le joueur a dû dire dans quelle mesure il se sent capable de gérer cet état de fait. Ce dernier niveau, malgré son contexte insécurisant de murs qui s'écroulent et de bruitages incessants, est relativement facile à gérer, le rapport entre outils disponibles et ennemis présents étant très favorable. Pour le mener à bien le joueur doit cependant s'adapter à ce contexte, mais aussi comprendre et agir en conséquence du fait que trois types de stratégies sont mis en échec : le fait de se réfugier dans des lieux sûrs n'est plus possible (l'agent en est éjecté immédiatement), la demande d'aide à l'ange gardien n'est plus possible, et les murs peuvent être placés mais l'agent en est éjecté aussi, et ils se décomposent progressivement.

      Comme le montre ce tableau, au cours des huit niveaux que comporte le jeu expérimental, le joueur rencontre plusieurs situations de menace, de perte et de défi dont le degré de contrôlabilité est variable. En plus de ces variations "théoriques" ou guidées par la nécessité de faire varier les conditions expérimentales d'une situation à l'autre, le scénario a aussi été élaboré de manière à ce que chaque situation ou niveau de jeu soit très différent des autres d'un point de vue qualitatif. Ainsi, le labyrinthe est disposé différemment pour chaque niveau, les ennemis spéciaux varient, de même que le style des messages de l'ange gardien, etc. autant d'éléments destinés à diversifier le vécu subjectif afin d'éviter un sentiment de répétition et de lassitude chez les adolescents, sentiment qui risquerait d'entraîner une diminution de leur motivation et de leur implication.

      Précisons par ailleurs que la difficulté des différents niveaux n'est pas strictement croissante au fur et à mesure que le jeu avance et, contrairement aux jeux de divertissement, le joueur n'est pas éliminé en cours de route. Chaque joueur passe par toutes les situations standardisées décrites ci-dessus, quelle que soit sa capacité à y faire face.

      Après la fin du huitième niveau et du questionnaire qui le suit, la liste des "top ten" apparaît à l'écran, et c'est là que le sujet peut comparer son score à ceux des autres joueurs. Le jeu est considéré comme terminé à ce moment là, et le sujet répond ensuite au questionnaire final qui marque la fin de l'expérience (voir annexe no. 3).


2.3 Mesures externes

      Jusqu'à présent, nous avons décrit la méthode expérimentale que nous avons employée pour réaliser l'objectif de ce travail. Mais en plus du CAT, plusieurs questionnaires et épreuves ont été administrés aux adolescents, dont le choix a été guidé premièrement par deux de nos questions de recherche, et deuxièmement, par le projet FNRS dans le cadre duquel ce travail de thèse a pu être mené.

      Le premier de ces outils fait spécifiquement l'objet d'une de nos questions de recherche. Il s'agit d'un questionnaire figurant dans les premières pages de l'annexe no. 8, et que nous appellerons "questionnaire de stress et de coping" pour le distinguer des questionnaires originaux desquels il constitue une synthèse. Ce questionnaire est une synthèse de deux questionnaires développés par Seiffge-Krenke, à savoir le CASQ ou "Coping Across Situations Questionnaire", et le Problem Questionnaire (Seiffge-Krenke, 1995).

      Le Problem Questionnaire comporte une liste de situations stressantes relatives à huit domaines de préoccupation typiques de l'adolescence, et pour chacune de ces situations, le sujet doit dire à quel point il serait stressé s'il devait y faire face.

      Dans le CASQ, les adolescents doivent dire si oui ou non, ils emploieraient chacune des vingt stratégies de coping proposées, pour gérer "un problème lié" à chacun des huit domaines sus-mentionnés, à savoir l'école, les enseignants, les parents, les pairs, les relations romantiques, le soi, le futur et les loisirs (Seiffge-Krenke, 1995).

      La version synthétique de ces deux questionnaires comprend six situations stressantes, inspirées par des items du Problem Questionnaire, et développées sur la base des cinq thèmes dont Seiffge-Krenke a montré qu'ils sont sous-jacents à la majorité des difficultés rencontrées par les adolescents (Seiffge-Krenke, 1995). Ces thèmes sont (Seiffge-Krenke, 1995, p. 58): a) la traîtrise : l'adolescent se sent humilié ou abandonné par un autre individu du même genre ; b) l'humiliation : l'adolescent a été ridiculisé, embarrassé, insulté ou attaqué par un autre individu du même genre ; c) l'autonomie : l'adolescent résiste à adhérer aux réglementations qui leurs sont imposées par les parents ; d) une nouvelle amitié : l'adolescent acquiert un nouvel ami du même sexe, ou tombe amoureux ; e) la perte : une relation entre l'adolescent et un autre individu, du même genre ou non, prend fin.

      Ainsi, au lieu de demander aux adolescents ce qu'ils feraient face à un problème lié à un des huit domaines sus-mentionnés, six situations lui sont décrites de façon très détaillée (voir annexe no. 8). Pour chacune de ces situations, le sujet doit dire à quel point il serait stressé si elle devait avoir lieu, et dans quelle mesure il emploierait chacune des vingt stratégies de coping reprises du CASQ. Cette version "synthétique" a pour avantage que les situations stressantes sont décrites de façon concrète, et que le format des réponses, relativement à l'emploi des différentes stratégies, est plus nuancé.

      La table no. 4 ci-dessous comprend les références des autres outils administrés aux adolescents dans le cadre du projet FNRS, et dont les résultats seront mis en relation avec nos données expérimentales (voir question de recherche no. 10). Ces outils figurent également (dans leur totalité, ou en partie) en l'annexe no. 8.

      
Table 4 : Liste des outils administrés parallèlement au jeu expérimental
Nom de l'instrument / échelles reprises Référence
Moi et ma santé - Io e la mia salute - I and my health /
- Attentes de succès ou de réalisation / optimisme (Perceived life chances)
- Confiance en son succès scolaire (Expectation for academic achievement)
- Support des parents et d'autres adultes (Parental and other adults' support)
- Sévérité des règles familiales (Number of strict family rules)
- Index multiple de comportements problématiques (Multiple problem behavior index)
- Stress
- Sévérité des parents (Perceived parental strictness)
- Confiance en ses capacities de coping (Self confidence in coping)
(Bonino, 1998). Ce questionnaire est une adaptation italienne du "Health behavior questionnaire" (Jessor, Donovan, & Costa, 1992). Le manuel qui nous a été gracieusement mis à disposition par Sylvia Bonino et Elena Cattelino de Turin, comprend une traduction - adaptation italienne, polonaise et française, du questionnaire anglais initial. (Tel qu'il figure dans l'annexe, ce questionnaire comprend aussi d'autres échelles, qui ne sont pas mentionnées ici parce qu'elles ne seront pas mises en relation avec les données expérimentales)
Questionnaire sur la vie familiale /
Cohésion
Adaptabilité
Communication
Il s'agit d'une traduction française de trois échelles portant sur la vie familiale ("Family life scale"), issues de la version allemande (Schneewind & Weiss, 1996) du questionnaire "Coping and stress profile" (Olson, 1995).
B 53: Test d'intelligence fluide (Bonnardel, 1972) : Cette épreuve d'une durée de 15 minutes, comprend des suites logiques que le sujet doit compléter, à l'image de l'épreuve dite des Matrices progressives de Raven (Raven, Styles, & Raven, 1998) qui constitue une mesure d'intelligence fluide.


3. Procédure

      Après avoir fixé un rendez-vous à leur convenance, les adolescents se sont rendus individuellement dans notre laboratoire. Etant donné que la durée du jeu dépend beaucoup de la rapidité du sujet, il est difficile de définir préalablement combien de temps l'expérience va durer. Pour cette raison, nous avions demandé à chacun des participants de ne pas avoir d'autres engagements pour les quatre heures qui suivent l'heure du rendez-vous.

      A son arrivée, l'adolescent est accueilli par l'expérimentatrice qui l'invite à s'asseoir dans la salle d'expérimentation. Il se trouve face à l'ordinateur et dispose d'une souris et d'un joystick. Avant toute chose, le participant doit prendre connaissance d'un document qui définit ses droits dans le cadre de cette expérience, avant d'y donner son consentement. Suite à cela, l'expérimentatrice s'assied à ses côtés, et fait démarrer la phase d'entraînement.

      Pendant toute cette première phase, l'expérimentatrice reste avec le sujet et répond à ses questions, de même qu'elle l'encourage à utiliser les différents outils qui lui sont présentés s'il ne le fait pas spontanément. Lorsque des questionnaires apparaissent à l'écran, après s'être assurée que l'adolescent a compris la façon de procéder pour y répondre, l'expérimentatrice le laisse seul face à l'écran. Après la fin de l'entraînement, l'expérimentatrice demande au joueur s'il a des questions ou désire que certaines choses lui soient précisées, et si nécessaire, une courte pause (env. 5 minutes) lui est accordée.

      Une fois que le sujet se déclare prêt à continuer, l'expérimentatrice enclenche une caméra qui filme son visage 30  et se retire dans la régie pour enclencher la phase expérimentale. La porte qui sépare le laboratoire de son antichambre reste fermée pendant cette phase, mais l'expérimentatrice précise auparavant au joueur qu'en cas de besoin il peut sans autre lui demander de revenir dans la salle d'expérimentation. Pendant toute la durée du jeu expérimental le joueur est donc seul dans la salle d'expérimentation tandis que l'expérimentatrice suit ce qui se passe depuis la régie.

      Après que le jeu soit terminé, si le score du sujet est assez élevé pour qu'il figure dans la liste des dix meilleurs joueurs, l'ordinateur lui demande de fournir une identité. Dans ces cas-là, l'expérimentatrice entre dans la salle d'expérimentation et demande au sujet s'il désire que son prénom soit inscrit ou s'il préfère donner une autre identité. Ensuite elle referme la porte et retourne dans la régie pour saisir elle-même l'identité du joueur au moyen du clavier.

      Suite au questionnaire final et au message de remerciement (voir annexe no. 3) qui marquent la fin de l'expérience, une nouvelle pause a lieu (env. 10 minutes) au cours de laquelle le sujet se voit offrir une boisson gazeuse et une branche de chocolat.

      Au retour de la pause, le sujet prend place face à l'expérimentatrice autour d'une petite table, et deux épreuves cognitives 31  lui sont administrées. Une fois cette passation terminée, l'adolescent est remercié pour sa présence et sa participation, et reçoit un bon de 30 francs suisses, valable pour l'achat d'un disque compact.

      La figure no. 2 offre un aperçu de la configuration de notre laboratoire, tandis que des détails plus techniques liés au matériel employé pour cette expérience, se trouvent en l'annexe no. 12.

      

Fig. 2 : Schéma du laboratoire


4. Mesures

      Comme déjà mentionné plus haut, le CAT a été conçu de manière à permettre un enregistrement des comportements du sujet, des informations spatio-temporelles nécessaires à l'analyse détaillée de celles-ci, ainsi que des réponses du sujet aux questionnaires informatisés.

      Pour cela, absolument tout ce qui se passe dans le jeu, du début jusqu'à la fin, est codé et enregistré dans les moindres détails, et l'ensemble de ces données sont consignées sur plusieurs fichiers d'output, caractérisés chacun par un format différent, mais synchronisés grâce à un code temporel (voir annexe no. 3).

      De ces fichiers informatiques, comprenant pour certains des centaines de lignes d'informations codées, nous avons extrait trois types de mesures. Le premier type est le plus simple, il s'agit des réponses des sujets aux questionnaires informatisés portant principalement sur leur évaluation cognitive des situations rencontrées.


4.1 Réponses aux questionnaires informatisés

      Dans un premier temps, les données issues de ces questionnaires sont synthétisées au moyen d'un logiciel intitulé IDEA, ou Interactive Data Elicitation and Analysis (Wehrle, 1997) qui rassemble en un seul fichier les réponses de tous les sujets d'une même expérience à tous les questionnaires du jeu. Ce fichier peut être importé dans Excel et SPSS, et des analyses statistiques peuvent être menées sur ces données brutes sans passer par d'autres intermédiaires.

      La majorité des items contenus dans ces questionnaires ont trait à la façon dont les sujets évaluent les situations rencontrées dans le jeu. Certains de ces items sont pris en compte individuellement, pour d'autres un score a été composé, qui représente la moyenne arithmétique des réponses obtenues à une même question, posée dans différentes situations.

      La table no. 5 ci-dessous montre pour chaque variable de l'évaluation cognitive comment elle a été opérationnalisée, et pour certaines d'entre elles, relativement à quelles situations elle a été mesurée. Les items contenus dans le questionnaire final concernent généralement l'ensemble du jeu, sauf l'attribution causale qui concerne le score final.

      Outre les items se rapportant à l'évaluation cognitive, quelques variables ont été inclues dans le questionnaire final pour mesurer les préférences des sujets en termes d'outils et de stratégies de coping. Le sujet doit indiquer quels sont les deux outils qu'il a préférés et quels sont les deux qu'il a le moins aimés. Ensuite, pour certains de ces outils (poing, mur, bouclier) ainsi que pour la maison (lieu sûr au centre du labyrinthe) il doit dire quel était généralement le but qu'il tentait de poursuivre au moment où il l'appliquait / s'y rendait. A titre d'exemple, pour le mur, cette question est formulée ainsi 32  : "En général, quand tu plaçais un mur, c'était plutôt pour enfermer des ennemis, pour les semer ou pour rester protégé dessous ?".

      Enfin, quelques questions sont posées au sujet pour savoir si et dans quelle mesure il a eu de la peine à comprendre l'utilisation du joystick, à manoeuvrer son agent, à appliquer les outils désirés, et à répondre aux questionnaires. La formulation exacte de ces quelques items, et de tous ceux qui sont décrits ci-dessus, de même que le format des réponses à toutes ces questions se trouvent dans l'annexe no. 3.

      Si les données issues de ces questionnaires sont très faciles d'accès et "prêtes à traiter" grâce au logiciel IDEA (Wehrle, 1997), il n'en va pas de même pour les deux autres sortes de mesures, à savoir les conduites du sujet d'une part, et quelques indices du déroulement du jeu d'autre part ; nous commencerons par décrire ces derniers.

      
Table 5 :Questions portant sur l'évaluation cognitive
Variable Situations concernées
Stress provoqué par le jeu expérimental per se "Combien as-tu trouvé que ce jeu est stressant de manière générale ?" Questionnaire final seulement
Stress dû à l'expérience en laboratoire "Pour toi, est-ce que l'ambiance générale de ce laboratoire et le fait de participer à notre expérience étaient stressants ?" Questionnaire final seulement
Attribution causale externe lors de situations négatives 1. "Combien penses-tu que la décision de ton ange gardien de réduire la vitesse du jeu, tient à lui-même ou au comportement de quelqu'un ou de quelque chose d'autre ?"
2. "Combien penses-tu que la décision de ton ange gardien de réduire la vitesse du jeu tient du hasard ?"
1 + 2 après les niveaux IV, VII, et dans le questionnaire final.
Attribution causale interne lors de situations négatives "Combien penses-tu que la décision de ton ange gardien de réduire la vitesse du jeu est liée à ton propre comportement ?" Question posée avec les précédentes, après les niveaux IV, VII, et dans le questionnaire final.
Contrôlabilité générale "Combien penses-tu qu'un joueur en général, peut faire quelque chose contre l'araignée verte ?" Question posée après les niveaux III, V, et VI.
Confiance en soi 1. "Combien penses-tu que tu as des chances d'être parmi les Top Ten?"
2. Penses-tu que tu vas réussir à éliminer cet ennemi rapide?"
Question 1 posée après les niveaux I et VII (variable continue).
Question 2 posée avant les niveaux II et V (variable discrète).
Volonté de compétition 1. "Combien est-ce que c'est important pour toi d'être parmi les dix meilleurs joueurs ?"
2. "Pour moi ce jeu était un défi."
Question 1 posée après le niveau I, et dans le questionnaire final.
Question 2 dans le questionnaire final seulement.
Défi ou menace ? "Quand ton ange gardien t'a annoncé la venue de l'ennemi ultra-rapide, est-ce que tu l'as ressenti comme un défi ou plutôt comme une menace ?" Question posée après le niveau V.
Vécu émotionnel 1. "Comment te sens-tu maintenant ?"
2. "Parmi celles-ci, quelle est l'émotion qui caractérise au mieux ce que tu as ressenti au moment où ton agent a été blessé pour la première fois par l'araignée verte ?"
Question 1 pour évaluer l'émotion actuelle après la fin du niveau.
Question 2 pour évaluer l'émotion ressentie à un moment précis du niveau. Sous une forme ou l'autre, ces questions sont posées après les niveaux II, III, IV, V, VI, VII, VIII, et dans le questionnaire final.
Satisfaction générale "Combien es-tu satisfait de ton score final ?" Question posée après les niveaux V, VIII, et dans le questionnaire final.


4.2 Indices généraux liés au déroulement du jeu

      Quelques indices ont été calculés afin qu'il soit possible, d'une part, d'apprécier certains aspects liés au déroulement du jeu et à la qualité de son issue, et d'autre part, d'étudier le lien que ceux-ci entretiennent avec les comportements du sujet. Parmi ces indices on trouve :

  • Le score final, qui correspond au nombre de points total que le joueur a gagné durant le jeu.
  • La durée du jeu : celle-ci tient uniquement compte du temps de jeu effectif, à l'exclusion des moments entre les différents niveaux où le joueur répond aux questionnaires.
  • Le nombre de victoires remportées par le sujet sur les ennemis standards et sur l'ennemi rapide.
  • Le nombre de pertes d'agent subies par le joueur, c'est à dire le nombre de fois où son agent a été éliminé par un ennemi.
  • Le nombre de blessures infligées par l'ennemi blessant à l'agent du joueur.
  • La proportion de bonus récoltés, par rapport au nombre total de bonus qui sont apparus à l'écran durant le jeu 34 .
  • Le nombre de fois où le joueur s'est trouvé dans une situation à haut risque 35 .
  • La proportion du temps de jeu passée dans des situations à haut risque.

      Certains de ces indices correspondent à la fréquence d'apparition d'un événement particulier. Ils ont généralement été calculés pour chaque niveau de jeu séparément, pour les niveaux II à VIII confondus (sans le niveau baseline), et pour le jeu dans son ensemble.

      La plupart de ces indices, s'ils ne sont pas donnés d'emblée par le programme, comme le score final par exemple, peuvent être établis sur la base des données brutes, au moyen d'un calcul arithmétique simple. L'analyse des comportements du sujet, quant à elle, a nécessité une démarche beaucoup plus complexe.


4.3 Les conduites du sujet

      En trouvant des manières de préserver les vies de son agent tout au long du jeu, le joueur produit des comportements stratégiques assimilables à des comportements de coping, notamment en se servant des moyens qui sont à sa disposition.

      De la même manière que les indices décrits ci-dessus ont été créés, il est possible aussi de répertorier pour chaque sujet combien de fois il a employé chacun des outils présents dans le jeu, et combien d'outils au total il a utilisé. Ces scores ont été calculés, et seront présentés à titre descriptif.

      Cependant, la visualisation des comportements des joueurs au cours des deux études pilotes a montré qu'il est possible d'employer un même outil à des fins "opposées" d'un point de vue sémantique. Un "poing" peut par exemple être utilisé pour attaquer des ennemis, mais aussi pour les éviter, et il nous a paru essentiel de pouvoir faire une distinction entre de tels comportements, de même qu'il importait de connaître les circonstances dans lesquelles ils avaient été réalisés.

      Une analyse approfondie et contextuelle des données s'imposait donc, et si le logiciel TRACES (Wehrle, 1999) a largement facilité ce travail en résumant une grande partie des informations, il nous a néanmoins été nécessaire de recourir à l'informatique pour développer des procédures analytiques spécifiques à nos questions de recherche.

      C'est précisément pour permettre une telle analyse détaillée et contextuelle que chaque mouvement ou déplacement de l'agent et des différents personnages présents sur le labyrinthe a été enregistré, de même que chaque variation de certaines propriétés de l'environnement, comme par exemple le nombre d'ennemis présents, les outils encore disponibles, etc.

      Mais si la présence d'autant de détails est nécessaire pour pouvoir reconstituer chaque moment du jeu tel qu'il s'est déroulé réellement, elle a aussi pour conséquence qu'avant de pouvoir donner un sens aux comportements du sujet, l'information contenue dans ces fichiers, qui n'est pas seulement liée à son agent et à ce qui lui arrive, doit être réduite de manière systématique.

      C'est dans ce but là qu'une série de procédures informatiques a été mise au point (voir annexe no. 5). Ces programmes sont capables d'effectuer une analyse contextuelle des données expérimentales brutes contenues dans les différents fichiers d'output (dont l'annexe no. 3 fournit un exemple), et de mettre en évidence de manière systématique toutes les conduites réalisées par le sujet dans ce contexte.


L'analyse contextuelle des données

      L'analyse contextuelle et approfondie des données brutes, réalisée au moyen des procédures informatiques sus-mentionnées, comporte 3 étapes, et remplit deux fonctions principales :

  • sélectionner, parmi la multitude des données brutes, les informations qui sont pertinentes et nécessaires pour l'analyse des comportements du sujet
  • analyser de manière systématique les informations qui ont été retenues à ce titre, afin de leur attribuer un sens

      Ce qui suit est un résumé des différentes étapes de la démarche entreprise au moyen de ces programmes informatiques, dont l'annexe no. 5 fournit une description très détaillée. Afin de rendre plus concret ce résumé, nous avons donné pour chacune des trois étapes un exemple relativement simple.


a) Première étape : repérage de "segments temporels d'analyse"

      La première étape de cette analyse consiste à effectuer un repérage des "moments" du jeu qui devront être analysés en profondeur. Plus précisément, les programmes informatiques chargés de réaliser cette étape recherchent parmi la multitude d'informations contenues dans les différents fichiers d'output, celles qui sont relatives aux faits et gestes du joueur, et ne retiennent parmi ces dernières, que celles dont le sens dépasse celui du simple mouvement ou déplacement.

      Pour ce faire nous avons défini un ensemble de "marqueurs", c'est à dire d'éléments ou de caractéristiques qui, lorsqu'ils figurent dans les données brutes, signalent la présence d'une action que le sujet a réalisée ou tenté de réaliser, et indiquent que les données portant sur ce passage du jeu doivent être analysées dans les moindres détails.

      Les moments de jeu ainsi repérés ont été appelés "segments temporels d'analyse". La figure no. 3 ci-dessous illustre la façon dont les informations portant sur des événements discrets et celles qui représentent des états en cours sont mises en parallèle sur la base d'un critère temporel, et montre comment quelques moments sont prélevés de ce flot de données (zones hachurées).

      Exemple no. 1: L'application d'un poing, qui correspond au début du mode force, est un marqueur, c'est à dire un des éléments qui marque le début d'un segment temporel d'analyse, lequel prend généralement fin lorsque le mode force se termine. Dans ce cas précis, le segment de données retenu pour analyse débute donc à la fraction de seconde où le poing est appliqué, et s'achève quelques secondes après la fin du mode force.

      

Fig. 3 : Première étape de l'analyse contextuelle


b) Deuxième étape : reconstitution de séquences comportementales

      Après avoir délimité ces segments temporels d'analyse, chacun d'eux est analysé selon un schéma spécifique, dont le contenu dépend étroitement de la nature de l'élément qui en marque le début. Ces schémas d'analyse (voir annexe no. 4) ont tous pour point commun qu'ils contiennent un ensemble de vérifications concernant la présence d'événements ou de modes spécifiques qui pourraient avoir eu lieu au cours du présent segment.

      Les réponses à chacune des vérifications effectuées dans le cadre de ces schémas sont encodées et mémorisées par le programme. Ainsi, tout ce que le sujet a fait à l'intérieur d'un segment temporel d'analyse est comptabilisé dans les moindres détails, et résumé dans ce que nous avons appelé une "séquence comportementale" (voir figure no. 4). Cette dernière peut contenir une ou plusieurs actions, avec pour chacune des informations annexes qui seront nécessaires pour l'étape suivante de l'analyse.

      Exemple no. 2: Une séquence comportementale reconstituée à partir du segment temporel d'analyse cité en l'exemple 1, pourrait contenir les éléments suivants : Temps 1 : application d'un "poing" et début du mode force ; Temps 2 : application d'un "patin à roulettes" et début du mode vitesse ; Temps 3 : victoire remportée sur l'ennemi rapide ; Temps 4 : fin du mode force.

      

Fig. 4 : Deuxième étape de l'analyse contextuelle


c) Troisième étape : interprétation

      Cette troisième étape de l'analyse consiste à attribuer un sens à ce qui a été mesuré au cours des étapes précédentes. Pour ce faire, nous avions dans un premier temps établi une liste (voir en première page de l'annexe no. 5) de tous les comportements théoriquement observables avec l'ensemble des moyens disponibles, et en envisageant toutes les combinaisons possibles de ces derniers.

      Les comportements compris dans cette liste peuvent paraître très semblables les uns aux autres à première vue, mais en réalité il n'y en a pas deux pareils. Cette ressemblance tient d'une part au fait que ces comportements sont décrits de façon extrêmement détaillée, c'est à dire que si deux actions diffèrent relativement à un moindre détail, elles sont déjà considérées comme deux comportements différents. D'autre part, la présente analyse tient compte d'éléments temporels et spatiaux qui permettent de savoir ce que le joueur a fait, dans quel ordre, à quel endroit du labyrinthe et dans quelles conditions, ce qui permet de faire une approximation de ce qui a pu être l'objectif du sujet au moment où il a réalisé ce comportement.

      Dans la réalité, il serait bien difficile de prétendre connaître les objectifs que les individus tentent de poursuivre au moment où ils réalisent un comportement. Mais dans ce contexte, le nombre d'objectifs possibles étant très limité, et le fait que nous disposions de données spatiales et temporelles précises, nous permet de faire une approximation du but poursuivi.

      A titre d'exemple, si un joueur applique un poing et un patin à roulettes, et que pendant que ces modes sont actifs il récolte un bonus, se réfugie dans un lieu sûr et élimine un ennemi, alors l'ordre dans lequel ces événements ont eu lieu est vérifié. Si la récolte du bonus a eu lieu en premier, et pour autant que celui-ci ait été visible pour le sujet avant qu'il ait appliqué les deux outils, alors seulement il est possible de dire qu'il a appliqué ces outils dans le but de récolter un bonus, le comportement observé sera alors "application d'un poing, d'un patin à roulettes, et récolte d'un bonus". Si par contre le bonus n'était pas visible avant l'application des outils, mais que le joueur a éliminé un ennemi (ne serait-ce qu'après la récolte du bonus), et que le séjour en lieu sûr est ultérieur à ces deux événements, alors le comportement observé sera interprété comme "application d'un poing, d'un patin à roulettes, et victoire".

      A chacun des comportements théoriquement observables compris dans cette liste un code numérique a été attribué, et sur cette base des arbres décisionnels ont été définis afin que les procédures informatiques chargées de mener cette analyse, soient capables de comparer les données observées aux critères très précis qui définissent ces comportements "théoriquement observables".

      Dans la présente étape, le contenu de chaque séquence comportementale observée est donc passé au crible fin, et aboutit à un code numérique qui correspond à un des comportements théoriquement possibles de la liste sus mentionnée (voir figure no. 5 ci-dessous).

      Exemple no. 3 : La séquence comportementale reconstituée lors de l'exemple 2 est interprétée. Elle correspond au comportement no. 10 : "Application d'un poing, d'un patin à roulettes et victoire".

      

Fig. 5 : Troisième étape de l'analyse contextuelle

      Si les différentes étapes de cette analyse sont aisément dissociables d'un point de vue sémantique, au niveau informatique elles font partie d'un même programme qui assure le traitement des données brutes du début à la fin. Chacun des comportements mis en évidence au moyen de ce programme a fait l'objet de vérifications rigoureuses, principalement par l'intermédiaire du logiciel TRACES (Wehrle, 1999) qui permet de visionner au ralenti la reconstruction du jeu tel qu'il s'est déroulé pour chacun des participants.

      Plus précisément, au fur et à mesure de l'implémentation des procédures informatiques destinées à mener cette analyse contextuelle, leurs résultats ont été vérifiés (visuellement) afin de contrôler d'une part, que lorsqu'un comportement est détecté il s'agit bien de celui-ci précisément et non pas d'un autre qui lui ressemble beaucoup, et d'autre part, que ces programmes sont réellement capables de détecter tous les comportements réalisés par les joueurs, sans manquer d'en détecter un seul même s'il s'agit d'un comportement rarissime.

      Les fichiers d'output produits par ce programme d'analyse sont configurés de manière à ce qu'il soit possible de les employer directement pour effectuer un traitement statistique des données au moyen des logiciels Excel et SPSS.

      Après cette description de la méthode que nous avons employée pour récolter les données, et du filtrage imposé à ces dernières, nous allons pouvoir décrire quelques aspects généraux ressortant des données, puis présenter nos questions de recherche de façon plus concrète, et enfin procéder à des analyses mathématiques et statistiques pour tenter d'y répondre.


V Questions de recherche, analyses et résultats

      L'analyse statistique des données expérimentales a été réalisée en fonction des différentes questions de recherche, et dans l'ordre de celles-ci. Mais avant de développer et de traiter ces questions, nous avons tenu à exposer quelques aspects généraux à titre descriptif, afin que le lecteur puisse se faire une idée du déroulement du jeu, et de la façon dont il a été perçu par les adolescents.

      Auparavant, précisons que les analyses statistiques présentées dans ce chapitre ont été réalisées sur la base des différentes sortes de mesures définies au chapitre précédent et qui ont été extraites des données expérimentales brutes. La structure des données ainsi obtenue est décrite en annexe no. 6. Les variables comprises dans chacun des fichiers employés pour les présentes analyses statistiques ont par ailleurs été numérotées afin qu'il soit plus aisé de s'y référer.


1. Aspects généraux

      Les données présentées dans cette partie concernent dans cet ordre là quelques aspects globaux du déroulement du jeu, l'utilisation des outils et les préférences des sujets en la matière, ainsi que l'évaluation cognitive des situations rencontrées, et du jeu en général.

      L'effet du genre et de l'âge sur la majorité de ces variables a été testé, au moyen d'une analyse de variance (ANOVA) pour les variables quantitatives et d'un test du Chi2 de Pearson pour les variables qualitatives. Pour l'étude des éventuels effets de l'âge sur ces variables, c'est une variable d'âge catégorielle qui a été employée (no. 7). Elle correspond à un recodage de la variable âge quantitative (no. 6) en deux groupes autour de la médiane (= 15.79), après avoir vérifié que la distribution de l'âge ne diffère pas significativement entre les filles et les garçons 36 .

      Les tables présentées dans cette partie descriptive contiennent pour chaque variable quantitative la moyenne obtenue sur l'ensemble de l'échantillon, puis séparément pour les filles et les garçons et pour les deux groupes d'âge, ainsi que les résultats de l'ANOVA y relative. De manière générale on peut dire que des différences individuelles assez importantes ont été observées relativement à la plupart des variables présentées ici.


1.1 Indices globaux liés au déroulement du jeu

      La première série de variables contenues dans la table no. 6 représente les différents indices décrits au chapitre précédent, qui ont été créés pour évaluer différents aspects du déroulement du jeu et de son issue.

      Alors que l'âge des participants ne semble avoir eu un effet significatif que sur le nombre de situations risquées, il semblerait que le genre ait joué un rôle plus important sur le déroulement du jeu. En effet, bien que la durée du jeu, le nombre de situations risquées rencontrées et la proportion de bonus récoltés ne semblent pas différents entre les deux groupes, les filles passent plus de temps dans des situations risquées, subissent un nombre de pertes significativement plus important que les garçons, et leur score final est significativement moins élevé.

      
Table 6 : Moyennes et écarts-types pour les indices globaux et l'utilisation des outils
Variables Total
N = 48
Filles
n = 29
Garçons
n = 19
Âge Ł15.79 Âge > ; 15.79
M (SD) M (SD) M (SD) M (SD) M (SD)
111 Durée du jeu 41.55 (7.16) 42.31 (6.57) 40.37 (8.02) 42.78 (8.14) 40.31 (5.95)
107 Score final 52083 (12010) 47248 (7975) 59462 (13511) 50771 (10461) 53395 (13481)
113 Nbre victoires 18.98 (10.08) 16.97 (8.67) 22.05 (11.50) 19.21 (9.59) 18.75 (10.76)
109 Nbre pertes 31.79 (9.18) 35.62 (8.00) 25.95 (7.79) 31.92 (8.30) 31.6 (10.16)
108 Nbre blessures 9.63 (3.96) 10.17 (4.08) 8.79 (3.71) 10.00 (4.29) 9.25 (3.64)
110 Nbre situations risquées 24.17 (6.88) 24.69 (6.90) 23.37 (6.98) 26.08 (8.08) 22.25 (4.88)
112 % temps passé en situations risquées 059 (.017) 065 (.017) 051 (.013) 057 (.017) 062 (.017)
115 Bonus récoltés 44 (0.15) 44 (.16) 43 (0.14) 43 (0.17) 45 (0.17)
117 Total outils 42.85 (12.89) 38.21 (10.79) 49.9 (12.84) 44.42 (15.89) 41.29 (9.05)
96 Nbre poings 14.83 (4.46) 13.62 (4.72) 16.68 (3.35) 14.29 (5.34) 15.38 (3.39)
98 Nbre boucliers 6.63 (4.05) 6.48 (4.15) 6.84 (3.99) 6.83 (4.74 ) 6.42 (3.31)
101 Nbre téléphones 3.85 (2.79) 3.34 (2.50) 4.79 (3.01) 4.50 (2.75) 3.21 (2.73)
95 Nbre patins à roulettes 4.85 (3.87) 3.38 (3.04) 7.11 (3.98) 5.17 (3.60) 4.54 (4.18)
97 Nbre murs 6.13 (4.98) 4.45 (3.78) 8.68 (5.58) 6.08 (5.48) 6.17 (4.55)
94 Nbre risks 4.71 (4.00) 4.86 (3.95) 4.47 (4.17) 6.0 (4.29) 3.42 (3.28)
103 Nbre sabliers 1.85 (1.69) 2.17 (1.73) 1.37 (1.54) 1.54 (1.59) 2.17 (1.76)

      

Table 7 : ANOVAs : âge et genre / indices globaux et utilisation des outils


1.2 Utilisation des moyens à disposition

      Les tables no. 6 et 7 ci-dessus comprennent également quelques variables quantitatives liées à l'utilisation des différents outils. Le nombre total d'outils utilisés varie pour l'ensemble de l'échantillon entre 16 et 75. Aussi, à part le poing qui a été utilisé au moins une fois chez tous les sujets, et jusqu'à 20 fois, tous les autres outils ont été utilisés entre 0 et 16 fois.

      Les seules différences liées à l'âge trouvées ici concernent l'utilisation du téléphone et du risk, à savoir que les sujets plus âgés emploient significativement moins ces deux outils que les plus jeunes. Il se pourrait que l'utilisation plus fréquente du risk par les jeunes adolescents soit liée au fait que ces derniers rencontrent plus de situations hautement risquées.

      Des différences de genre ont été trouvées relativement au nombre et au type des outils employés. Ainsi, les filles ont utilisé significativement moins d'outils au total, plus précisément, elles ont employé moins de poings, de patins à roulettes et de murs.

      Outre ces aspects quantitatifs, nous avons également trouvé des différences individuelles importantes relativement aux préférences des sujets en termes d'outils, et d'objectifs poursuivis au moyen de ces outils.

      Lorsqu'on demande aux adolescents quel est l'outil qu'ils ont le mieux aimé (variable no. 61), la réponse la plus fréquente pour l'ensemble de l'échantillon est le poing (77%). Pour le deuxième outil préféré (variable no. 62), comme le montre la figure no. 6, les résultats sont plus différenciés.

      

Fig. 6 : Deuxième outil préféré (N = 48)

      Les réponses au questionnaire final (tous sujets confondus) ont montré que :

  • Lorsque les adolescents utilisaient un poing, 60.4% le faisaient pour attaquer des ennemis, tandis que 39.6% l'ont fait plutôt pour se protéger d'eux (variable no. 65).
  • Lorsqu'ils utilisaient un mur, 37.5% des adolescents avaient pour but d'enfermer des ennemis, 20.8% tentaient de les semer, 29.2% voulaient rester dessous pour se protéger, tandis que 12.5% disent n'en avoir jamais employé (variable no. 67).
  • Le bouclier a été employé par 75% des sujets dans le but de se protéger, par 16.7% pour s'approcher d'un endroit (tout en étant protégé), et 8.3% n'en auraient jamais utilisé (variable no. 68).
  • Enfin, lorsque l'agent du sujet retournait dans sa maison, dans 70.8% des cas c'était pour être protégé, dans 20.8% des cas afin que le sujet puisse réfléchir, tandis que 8.3% disent que leur agent n'y est jamais retourné (variable no. 66).

      Si nous n'avons pas trouvé de différences de genre et d'âge relativement au premier et au deuxième outil préféré, la stratégie préférentielle des sujets, lorsqu'ils utilisaient le poing, est significativement différente entre les filles et les garçons (Chi2 (1) = 4.52, p Ł.05). Plus précisément, 78.9% des garçons utilisent cet outil pour attaquer les ennemis contre 48.3% des filles, et 21.1% des garçons l'emploient pour être protégés tandis que 51.7% des filles s'en servent dans ce but.

      Ces premiers résultats liés aux comportements des joueurs, montrent que déjà à ce niveau relativement superficiel, on trouve des différences individuelles importantes, tant au niveau quantitatif que qualitatif, de l'usage qui est fait des différents moyens à disposition.


1.3 Evaluation cognitive des situations et vécu émotionnel

      Les tables no. 8 et 9 ci-dessous comprennent des données liées à l'évaluation cognitive et au vécu émotionnel des sujets, tels qu'ils ont été mesurés par les questionnaires informatisés. De ces données nombreuses nous allons tenter de souligner quelques éléments. Par la suite, seules certaines de ces variables seront reprises et mises en rapport avec les résultats de l'analyse contextuelle des conduites du sujet.

      

Table 8 : Moyennes et écarts-types pour l'évaluation cognitive et le vécu émotionnel

      

Table 9 : Résultats des ANOVAs pour l'évaluation cognitive et le vécu émotionnel

      La variable "confiance en soi" ( no. 85) qui figure dans ce tableau est une synthèse des scores de confiance en soi discrète 37  et de confiance en soi continue 38  décrits au chapitre précédent (variables no. 75 et 80).

      Rappelons que dans ce contexte, la confiance que les personnes ont en leur propre capacité de gérer une situation a été formulée d'une manière clairement distincte de la contrôlabilité générale, afin que les sujets puissent aussi (dans la mesure du possible) faire une différence entre ces deux variables.

      Mais ces deux variables n'ayant pas la même échelle, pour pouvoir les comparer nous avons procédé à une standardisation des scores y relatifs (variables no. 86-87). La distribution des scores z de ces deux variables ne semble pas très différente : la contrôlabilité générale va de- 2.40 à 2.17, tandis que la confiance en soi varie entre - 2.16 et 2.04. Par contre, on remarque que si la contrôlabilité générale des situations n'est pas évaluée très différemment chez les filles et les garçons, ces derniers ont significativement plus confiance en leurs capacités de coping dans ce contexte.

      Il semblerait que les adolescents aient différencié correctement entre le stress engendré par le fait de participer à une expérience dans un laboratoire, et celui qui est induit par le jeu expérimental lui-même, et qui est plus fort que le premier.

      Le stress qui est attribué au jeu expérimental per se est d'une intensité moyenne, ce qui nous paraît raisonnable au vu du fait qu'il ne s'agit pas d'une situation de la vie réelle des adolescents, mais seulement d'une simulation dans un environnement expérimental. En même temps, à l'instar des commentaires spontanés recueillis après la fin de l'expérience, ces données confirment que les adolescents ont réellement été stressés par les situations rencontrées, et qu'il convient de parler de coping pour décrire les conduites mises en oeuvre pour y faire face.

      L'attribution externe et l'attribution interne ont été mesurées indépendamment l'une de l'autre, et relativement à plusieurs situations, mais seules les réponses relatives aux situations négatives ont été retenues. Il semblerait que dans ces situations, les adolescents aient attribué plus à eux-mêmes qu'a autrui ce qui leur est arrivé. Aussi, les filles ont à la fois une attribution interne significativement plus élevée et une attribution externe significativement plus faible que les garçons, tandis que ces derniers ont une volonté de compétition significativement plus élevée.

      Les émotions ressenties dans ce contexte étaient généralement positives ou négatives, et plus rarement neutres. La table no. 10 présente pour quelques situations du jeu, les émotions les plus fréquemment rapportées par les adolescents.

      
Table 10 :Émotions principales lors de quelques situations du jeu
Niveau + moment pour lequel le vécu émotionnel est demandé Emotions fréquemment rapportées
II : "quand l'ange gardien a annoncé qu'il va mieux" Fier, content de moi (33.3%)
Heureux, gai (20.8%)
Soulagé, rassuré (20.8%)
III : "au moment où tu as été blessé pour la première fois par l'araignée verte" Inquiet, soucieux (29.2%)
Enervé, fâché (29.2%)
IV : "au moment où l'ange gardien a réduit la vitesse du jeu" Soulagé, rassuré (68.8%)
VI : "au moment où pour la première fois tu as perdu ta force suite à une collision avec Janus" Enervé, fâché (35.4%)
Inquiet, soucieux (33.3%)
VII : "quand ton ange gardien t'a annoncé sa disparition" Triste (33.3%)
Inquiet, soucieux (20.8%)

      Juste avant le début du cinquième niveau, l'ange gardien annonce au joueur que celui-ci va devoir affronter un ennemi très rapide, mais qui n'est pas invincible contrairement à d'autres. Après la fin de ce niveau, l'adolescent doit indiquer si, au moment de l'annonce de ce nouvel ennemi, il a perçu la situation comme un défi ou comme une menace.

      La table no. 11 montre que la majorité des adolescents ont vécu cette annonce comme un défi à relever, mais celle-ci n'a pas été vécue de la même façon par les filles et les garçons (Chi2 (1) = 5.30, p Ł .05): chez les garçons la majorité l'ont perçue comme un défi tandis que chez les filles, presque la moitié l'ont considérée comme une menace. Si l'âge n'entretient pas de lien significatif avec la perception de cette situation (Chi2 (1) = .131, p >.10), on notera tout de même que la majorité des plus jeunes adolescents voient l'annonce de l'ennemi rapide comme un défi et seul un quart la vit comme une menace, tandis que chez les adolescents plus âgés un peu plus de la moitié la voient comme un défi, et un peu moins de la moitié comme une menace. Ceci reviendrait à dire que plus les sujets qui ont participé à notre expérience sont âgés, et plus ils auraient tendance à percevoir cette situation comme une menace, ce qui semble à priori un peu contre intuitif.

      
Table 11 : Vécu de l'annonce de l'ennemi rapide (variable no. 31)
  L'annonce de l'ennemi rapide par l'ange gardien est vécue comme...
Une menace Un défi
Tous sujets confondus : N = 48 35.4 64.6%
Filles N = 29 48.3% 51.7%
Garçons N = 19 15.8% 84.2%
Âge Ł 15.79, N = 24 25% 75%
Âge ł 15.79, N = 24 45.8% 54.2%

      Dans l'ensemble on peut dire que les participants semblent satisfaits de la façon dont ils ont géré les demandes au cours du jeu expérimental. Notons qu'au vu des différences de genre observées relativement au nombre de pertes subies et au score final, on aurait pu s'attendre à trouver de telles différences en rapport avec la satisfaction. Mais il semblerait que les filles n'aient pas été moins satisfaites de leurs réalisations que les garçons, ce qui s'explique peut être par le fait qu'elles aient moins cherché à gagner la compétition.

      L'étude des liens entre les différentes variables qui ont trait à l'évaluation cognitive a montré que le fait d'être stressé par le jeu expérimental est lié positivement au nombre d'émotions positives ressenties dans ce contexte (r = .315, p Ł.05) et négativement au nombre de fois où la personne s'est dite indifférente ou neutre (r = -.385, p Ł.01). Le stress engendré par le fait de participer à une expérience en laboratoire est quant à lui lié négativement à la contrôlabilité générale des situations du jeu (r =-.329, p Ł.05).

      La satisfaction générale semble fortement liée aux émotions positives (r = .438, p Ł.01) et négativement aux émotions négatives ressenties (r = -.606, p Ł.01) tout au long du jeu.

      La volonté de compétition, quant à elle, est liée positivement au nombre d'émotions négatives (r = .321, p Ł.05) et négativement au nombre d'émotions neutres (r = -.350, p Ł.05), mais n'entretient pas de liens avec les émotions positives. Les sujets qui ont une forte volonté de compétition dans ce contexte attribuent plus à des causes externes les situations négatives rencontrées (r = .314, p Ł.05).

      La confiance en soi est corrélée positivement au nombre d'émotions positives ressenties (r = .302, p Ł.05) et négativement au nombre d'émotions neutres rapportées (r =-.277, p Ł.10), elle est liée à la volonté de compétition (r = .309, p Ł.05), à la satisfaction générale (r = .289, p Ł.10), et fortement mais négativement, à l'attribution à des causes internes des situations négatives rencontrées (r = -.521, p Ł.01).

      Ces derniers résultats semblent indiquer que dans ce contexte, le fait de rapporter des émotions neutres serait le signe d'une attitude détachée par rapport au jeu. Celle-ci pourrait soit, être liée à un manque de motivation ou d'implication, soit faire partie d'un contrôle émotionnel que certains sujets s'imposent, refusant de montrer leurs émotions réelles.

      Par ailleurs, il est intéressant de voir que si les filles et les garçons diffèrent quant à leur façon d'évaluer les situations et de s'impliquer dans la situation expérimentale, de même que relativement à l'utilisation des moyens à disposition, ils ne diffèrent pas quant à la satisfaction personnelle qu'ils retirent de la façon dont ils ont mené ce jeu expérimental. Ces éléments font sens avec la conception transactionnelle du coping, selon laquelle celui-ci ne peut être défini comme adapté, qu'en rapport avec une situation, et pour une personne particulière (Lazarus & Folkman, 1984).

      Une partie des résultats présentés jusqu'ici seront mis en rapport avec les données relatives à l'analyse contextuelle des conduites du sujet, et c'est après, et en fonction de celle-ci, qu'ils seront discutés dans la suite de ce travail.


1.4 Conduites du sujet

      L'analyse contextuelle des données brutes enregistrées tout au long du jeu expérimental, a permis de mettre en évidence 45 comportements différents qui ont été exécutés entre 1 et 328 fois chacun (M = 52.6; SD = 80.87), totalisant 2367 observations (variables nos. 1001, et 506-551).

      La table no. 12 comprend une description de ces 45 comportements, ainsi que le nombre total de fois où ils ont été observés, tous sujets confondus (variables no. 506-551 et 1001). Précisons que le numéro associé à chacun de ces comportements correspond au code numérique qui leur a été attribué au préalable, lorsque l'ensemble des comportements théoriquement possibles a été répertorié (voir annexe no. 5), et dont ces 45 comportements observés ne constituent qu'une partie. Il est fort possible que d'autres conduites soient réalisées dans le cadre d'une prochaine recherche, mais pour ce qui nous concerne, et puisqu'il n'est pas possible d'analyser des comportements qui n'ont pas été observés, ce sont ces 45 comportements, et les différences individuelles y relatives, qui seront analysés de différentes manières pour répondre à nos questions de recherche.

      Les comportements dont il est question ici impliquent souvent l'utilisation d'un ou de plusieurs outils, mais pas toujours, ce qui explique que ces chiffres soient plus élevés que le nombre d'outils employés présenté plus haut (variable no. 117).

      Relevons que parmi les 45 comportements différents qui ont été observés dans cette expérience, certains ont été réalisés dans une seule situation, d'autres dans plusieurs.

      Les sujets de la présente expérience ont quant à eux réalisé au total entre 23 et 77 de ces comportements (M = 49.31; SD = 14.29), et entre 11 et 28 comportements différents si l'on prend en compte la variété de leurs conduites (M = 18.69; SD = 4.32) (variables nos. 864 et 865). Ces deux derniers résultats indiquent que les individus diffèrent entre eux non seulement quant à la quantité des efforts fournis, mais aussi quant à la richesse de leur répertoire.

      
Table 12 : 45 comportements observés : descriptif et fréquence tous sujets confondus
No. Description Fréquence
1
3
4
5
7
8
9
10
12
16
18
34
35
37
38
39
40
54
55
57
58
61
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
80
81
82
83
84
85
86
97
100
109
Application d'un poing + victoire
Application d'un poing + rien d'autre
Application d'un poing + séjour en lieu sûr
Application d'un poing + sortie d'un lieu sûr + victoire
Application d'un poing + sortie d'un lieu sûr
Application d'un poing + sortie d'un lieu sûr + récolte d'un objet
Entrée en prison + application d'un poing + victoire
Application d'un poing + d'un roller + victoire
Application d'un poing + d'un roller + sortie d'un lieu sûr + victoire
Application d'un poing + d'un risk
Application d'un poing + placement d'un mur (blocage d'ennemis hors prison)
Force obtenue par collision avec Janus + victoire
Force obtenue par collision avec Janus après attente + victoire
Force obtenue par collision avec Janus après attente + rien d'autre
Force obtenue par collision avec Janus après attente + récolte d'un objet
Entrée en prison + force obtenue par collision avec Janus + victoire
Force obtenue par collision avec Janus + application d'un roller + victoire
Application d'un roller + rien d'autre
Application d'un roller + récolte d'un bonus
Application d'un roller + séjour en lieu sûr
Application d'un roller + sortie d'un lieu sûr
Application d'un roller + placement d'un mur (blocage prison vide)
Application d'un risk
Application d'un risk + sortie de la prison ou d'un lieu sûr
Application d'un bouclier + rien d'autre
Application d'un bouclier + récolte d'un objet
Application d'un bouclier + séjour en lieu sûr
Application d'un bouclier + récolte d'un objet en lieu sûr
Application d'un bouclier + sortie d'un lieu sûr + récolte d'un objet
Application d'un bouclier + sortie d'un lieu sûr + récolte d'un objet
Application d'un sablier + rien d'autre
Application d'un sablier + présélection d'un outil pendant la pause
Application d'un sablier + présélection d'un outil + application de l'outil après la pause
Application d'un téléphone + rien d'autre
Application d'un téléphone + sortie de la prison ou d'un lieu sûr
Placement d'un mur (blocage d'ennemis hors prison)
Placement d'un mur + rien d'autre
Placement d'un mur + séjour sous le mur ou derrière celui-ci
Placement d'un mur (blocage de la prison vide)
Placement d'un mur (blocage d'ennemis dans la prison)
Force donnée par l'ange gardien + victoire
Force donnée par l'ange gardien + roller + victoire
Séjour prolongé en lieu sûr
Application d'un poing + récolte d'un bonus
Activation d'un poing + placement d'un mur (blocage ennemis hors prison) + victoire
328
209
6
49
42
7
17
13
1
1
1
302
20
42
9
5
15
111
3
1
22
1
192
34
245
30
6
1
28
8
58
28
3
150
35
30
113
56
52
40
16
1
25
10
1


2. Première question: recherche d'une typologie

      Tant les auteurs qui ont étudié le coping auprès des adultes (Endler & Parker, 1990; Lazarus & Folkman, 1984; Parker & Endler, 1992) que ceux qui se sont intéressés au coping à l'adolescence (Compas et al., 2001; Frydenberg, 1996; Seiffge-Krenke, 1995), ont décrit un nombre limité de dimensions de coping pour résumer les stratégies qu'ils ont mesurées, et ce regroupement en un nombre réduit de dimensions semble nécessaire (De Ridder, 1997).

      Un des problèmes de la recherche actuelle sur le coping, et qui a déjà été mentionné plus haut, est que pour parler de style de coping ou de trait, il faudrait que celui-ci soit mesuré à différents moments, et surtout dans différentes sortes de situations, ce qui semble rarement être le cas (Watson, 1999).

      Dans le présent contexte expérimental, les comportements de coping des adolescents ont été mesurés au travers de sept situations différentes qui, à l'instar des situations stressantes de la vie quotidienne, ont chacune leurs propres caractéristiques qui font que parmi toutes les stratégies possibles, certaines peuvent être plus efficaces que d'autres.

      Pour ce travail, comme le suggère Rosella (Rosella, 1994), nous avons adopté une démarche inductive, c'est à dire que nous avons d'abord observé les comportements des individus, et, sans recourir à des classifications préétablies, c'est au moyen d'analyses statistiques que nous avons tenté de regrouper ces observations. Cette première question de recherche consiste donc à voir si et comment, les observations faites à un niveau "micro" sur l'ensemble des situations rencontrées dans ce contexte, se regroupent entre elles pour former un nombre limité de types de coping.


2.1 Mesures

      Les mesures employées pour répondre à cette question sont les comportements observés tels qu'ils ont été mis en évidence par l'analyse contextuelle décrite au chapitre précédent. Plus précisément, il s'agit des variables no. 506 à 551 du fichier no. 2 (voir en annexe no. 6).


2.2 Méthode d'analyse

      Parmi les comportements observés dans ce contexte, certains sont très communs et fréquents, tandis que d'autres n'ont été observés qu'une seule fois. Cependant, il se pourrait que les comportements les plus fréquents ne soient pas les plus intéressants. Selon Brehmer et Doerner (Brehmer & Doerner, 1993), dans le contexte des micromondes, ce sont justement les comportements atypiques qui méritent plus d'attention.

      Afin que ces comportements atypiques et peu fréquents soient pris en compte au même titre que les autres, et qu'un même poids leur soit accordé, il était nécessaire que le rapprochement recherché entre les différents comportements observés ne soit pas basé sur leur fréquence, mais bien sur leur présence ou leur absence.

      Pour cela, la fréquence des comportements observés a été recodée en valeurs binaires : les variables no. 506 à 551 ont donc été recodées et ce sont les variables no. 819 à 863 qui ont été employées, ces dernières prenant la valeur de 1 si le comportement a été réalisé une ou plusieurs fois par le sujet, et de 0 si le sujet ne l'a pas réalisé.

      Une analyse de clusters portant sur les variables a été effectuée sur ces données binaires. S'agissant d'une étude exploratoire, et conformément à ce qui est recommandé dans la littérature sur ce sujet (Bavaud, 1996 ; Lorr, 1983), nous avons fait varier les méthodes et les critères applicables à nos données, avant d'arrêter notre choix sur le critère Rogers et Tanimoto, qui a pour particularité de doubler la distance entre des éléments dissemblables, et sur la méthode centroïde, qui rassemble des groupes d'éléments sur la base de la distance entre leurs centres (Lorr, 1983). Aussi, plusieurs solutions obtenues au moyen de cette combinaison ont été étudiées, allant de 2 à 7 clusters, afin de voir laquelle offrait le plus de sens.


2.3 Résultats

      Les différentes solutions issues de cette analyse ont été considérées et les particularités de quelques-unes unes d'entre elles sont résumées ici. La figure no. 7 comprend le dendrogramme issu de cette analyse, les numéros indiqués en gras dans la colonne de gauche faisant référence aux codes numériques des comportements.

      

Fig. 7 : Dendrogramme de l'analyse de clusters sur les comportements

      Les cercles de couleur qui entourent ces codes illustrent la répartition des comportements en quatre clusters conformément à la solution retenue par la suite. Les lignes verticales discontinues (pointillés) indiquent quant à eux le niveau auquel les données seraient découpées pour chacune des solutions à 2, 3, 4 et 5 clusters. Les classifications à 6 et 7 clusters n'ont pas été inclues dans cette figure : elles consistent en un découpage encore plus fin du 4ème puis du 5ème cluster, aboutissant à des groupes de 2 ou 3 comportements auxquels ils devient impossible de donner un sens, tandis que les clusters no. 1 et 2 restent inchangés.

      La solution à 2 clusters : Dans cette classification, le premier cluster comprend huit comportements différents, que l'on peut tous qualifier de basiques ou d'élémentaires, au sens où ils consistent à utiliser les différents outils de la manière la plus simple qui soit, telle qu'elle a été apprise au cours de l'entraînement. Ce cluster comprend par exemple l'utilisation d'un poing pour éliminer un ennemi ou l'utilisation d'un bouclier pour se protéger, d'un risk ou d'un téléphone, tous "sans rien d'autre".

      Le deuxième cluster compte tous les autres comportements possibles au moyen des mêmes outils, qui ont précisément pour point commun que l'utilisation qui en est faite n'est pas telle qu'elle a été apprise, mais combinée avec d'autres aspects, nous les appellerons "nouveaux". Par exemple on trouve dans ce cluster le fait d'appliquer simultanément deux outils différents, ou d'appliquer un outil pour sortir d'un lieu sûr, etc.

      La solution à trois clusters : inclut dans le premier groupe les mêmes comportements "basiques" du premier cluster décrit plus haut. Le troisième cluster comprend quant à lui une partie des comportements dits "nouveaux" issus du deuxième cluster précédent, les comportements de ce groupe se distinguant des autres comportements "nouveaux" par une utilisation ciblée des propriétés spatiales et des différents outils, par exemple pour délimiter les zones de contact avec les ennemis, pour franchir les limites de ces zones ou encore pour prendre de la distance et réfléchir hors du danger. Le deuxième cluster comprend tous les autres comportements dits "nouveaux", auxquels il est difficile de donner un sens commun qui dépasse cette nouveauté, et qui pourraient de ce fait être considérés comme "résiduels".

      La solution à quatre clusters : inclut dans le premier et le deuxième cluster les mêmes comportements que dans les solutions précédentes. Le troisième cluster comprend cette fois-ci un ensemble de comportements aux cours desquels a lieu une utilisation des propriétés spatiales du labyrinthe soit pour attaquer des ennemis, soit pour limiter les zones auxquelles ceux-ci peuvent accéder, soit encore pour réfléchir en sécurité. La plupart des comportements de ce cluster ont pour particularité qu'ils impliquent une modification durable de la situation, par exemple une réduction du nombre d'ennemis ou une meilleure isolation du danger.

      Deux comportements seulement font partie de ce cluster, qui ne modifient en rien les propriétés de la situation. Le premier (comportement no. 97) consiste à se rendre dans un lieu sûr et à y rester cinq secondes au moins sans y récolter d'outils, ce que nous avons interprété comme une réflexion en lieu sûr, le seuil de cinq secondes ayant été fixé empiriquement 39 . Le deuxième (comportement no. 74) consiste à appliquer un sablier (outil qui fige le jeu pendant 30 secondes) et à modifier pendant cette pause la présélection d'un outil, qui constitue une préparation à l'action future 40 . La présence de ces deux comportements dans ce cluster peut s'expliquer par le fait que tous les autres comportements qui en font partie nécessitent un certain degré de planification, de réflexion et de préparation que ces deux comportements facilitent.

      Le quatrième cluster comprend quant à lui des comportements qui se différencient des autres par le fait qu'ils ont trait à une utilisation des différents outils pour sortir d'un lieu sûr vers la zone où se trouvent les ennemis, ou encore pour assurer la protection du joueur lors d'un déplacement et lui permettre ainsi d'accéder à un endroit précis où se trouvent notamment des objets à récolter. Les comportements de ce groupe ont pour point commun qu'ils résultent forcément d'une anticipation par le joueur des risques liés à la transition entre deux types de lieux différents, et ont pour effet de parer momentanément à la vulnérabilité de l'agent face à ces risques.

      La solution à cinq clusters : (à l'instar des solutions à six et sept clusters) cette classification propose un découpage plus fin encore des comportements inclus dans le 4ème cluster décrit ci-dessus, donnant lieu à des groupes de deux ou trois comportements difficilement distinguables des autres d'un point de vue sémantique.

      Les différentes solutions issues de cette analyse diffèrent donc principalement quant au découpage qui est fait du groupe des comportements "nouveaux" de la solution à deux clusters. Notons que les solutions obtenues au moyen des différentes combinaisons de méthodes et de critères de classification sont très proches les unes des autres. La façon qu'ont les comportements de se regrouper est très stable, et à un ou deux items près, les groupes sont les mêmes, surtout le premier cluster des comportements "élémentaires" qui est immuable quelle que soit la méthode employée.

      La solution à quatre clusters a été retenue parce qu'elle était la plus précise quant au sens des différents groupes de comportements, même si l'appartenance de quelques-uns uns des comportements à l'un ou l'autre des clusters serait discutable. La table no. 13 représente la solution retenue avec ses quatre clusters, et la description des différents comportements qui en font partie.

      
Table 13 : Solution à quatre clusters
Cluster No. Comportements inclus Interprétation
I No. 1 : application d'un poing + victoire
No. 3 : application d'un poing + rien d'autre
No. 34 : force obtenue par collision avec Janus + victoire
No. 54 : application d'un roller + rien d'autre
No. 65: application d'un risk
No. 67 : application d'un bouclier + rien d'autre
No. 76 : application d'un téléphone + rien d'autre
No. 81 : placement d'un mur + rien d'autre
Comportements de base
II No. 4 : application d'un poing + séjour en lieu sûr
No. 10 : application d'un poing + d'un roller + victoire
No. 12 : application d'un poing + d'un roller + sortie d'un lieu sûr + victoire
No. 16 : application d'un poing + d'un risk
No. 18 : application d'un poing + placement d'un mur (blocage d'ennemis hors prison)
No. 38 : force obtenue par collision avec Janus après attente + récolte d'un objet
No. 39 : entrée en prison + force obtenue par collision avec Janus + victoire
No. 55 : application d'un roller + récolte d'un bonus
No. 57 : application d'un roller + séjour en lieu sûr
No. 61 : application d'un roller + placement d'un mur (blocage prison vide)
No. 69 : application d'un bouclier + séjour en lieu sûr
No. 70 : application d'un bouclier + récolte d'un objet en lieu sûr
No. 72 : application d'un bouclier + sortie d'un lieu sûr + récolte d'un objet
No. 75 : application d'un sablier + présélection d'un outil + application de l'outil après la pause
No. 86 : force donnée par l'ange gardien + roller + victoire
No. 109 : activation d'un poing + placement d'un mur (blocage ennemis hors prison) + victoire
Comportements "résiduels"
III No. 5 : application d'un poing + sortie d'un lieu sûr + victoire
No. 9 : entrée en prison + application d'un poing + victoire
No. 35 : force obtenue par collision avec Janus après attente + victoire
No. 37 : force obtenue par collision avec Janus après attente + rien d'autre
No. 40 : force obtenue par collision avec Janus + application d'un roller + victoire
No. 74 : application d'un sablier + présélection d'un outil pendant la pause
No. 80 : placement d'un mur (blocage d'ennemis hors prison)
No. 82 : placement d'un mur + séjour sous le mur ou derrière celui-ci
No. 83 : placement d'un mur (blocage de la prison vide)
No. 84 : placement d'un mur (blocage d'ennemis dans la prison)
No. 85 : force donnée par l'ange gardien + victoire
No. 97 : séjour prolongé en lieu sûr
Comportements stratégiques
IV No. 7 : application d'un poing + sortie d'un lieu sûr
No. 8 : application d'un poing + sortie d'un lieu sûr + récolte d'un objet
No. 58 : application d'un roller + sortie d'un lieu sûr
No. 66 : application d'un risk + sortie de la prison ou d'un lieu sûr
No. 68 : application d'un bouclier + récolte d'un objet
No. 71 : application d'un bouclier + sortie d'un lieu sûr + récolte d'un objet
No. 73 : application d'un sablier + rien d'autre
No. 77 : application d'un téléphone + sortie de la prison ou d'un lieu sûr
No. 100 : application d'un poing + récolte d'un bonus
Comportements de protection

      Cette solution, au même titre d'ailleurs que les solutions à 3 ou 5 clusters, nous paraissait cependant problématique pour trois raisons : premièrement, le deuxième cluster est très difficile à interpréter : outre le fait que les comportements qui en font partie ne sont pas élémentaires comme ceux du premier cluster, nous n'avons pas pu leur trouver un seul point commun, ce qui fait que ce cluster se présente comme une catégorie "fourre-tout".

      Deuxièmement, ce même cluster est celui qui comprend le plus de comportements : 16 sur les 45, contre 8, 12 et 9 respectivement pour les autres clusters. Troisièmement, ce cluster apparaît avant les deux autres qui font du sens, et non pas en dernier, ce qui semble contre intuitif. Bien que cette solution à quatre clusters nous semble meilleure que les autres au niveau sémantique, ces différents éléments nous semblaient mettre en doute sa qualité, et nous avons tenté de l'évaluer.


2. 4 Vérification

      Pour voir si la répartition de ces comportements en quatre catégories peut être considérée comme stable, une analyse de correspondances (ANACOR) a été réalisée sur la base des variables sujet et comportement (nos. 1201 et 1202, fichier no. 5); les dimensions issues de cette analyse étaient difficiles à interpréter du fait que certains comportements avaient un score élevé sur plusieurs dimensions à la fois, tandis que d'autres ne semblaient faire partie de rien.

      Suite à cela, et afin d'obtenir des scores factoriels plus faciles à interpréter, une analyse en composantes principales (ACP) a été réalisée 41 , qui avait pour particularités d'être basée sur des données catégorielles, et sur une analyse de la matrice des variances-covariances et non des corrélations.

      Dans un premier temps, cette analyse a été menée sur la base des 45 sortes de comportements observés, mais les facteurs issus de cette analyse ne faisaient que peu de sens. Nous nous sommes donc demandés quelle était l'importance du deuxième cluster d'un point de vue quantitatif, par rapport à l'ensemble des comportements observés.

      Rappelons que jusqu'à ce point, les analyses menées pour répondre à cette première question de recherche se sont basées uniquement sur des données binaires de type absence-présence. À ce point-là de notre démarche cependant, il nous a semblé nécessaire de vérifier comment se répartissaient les 2367 comportements observés relativement aux quatre groupes mis en évidence par l'analyse de clusters.

      Il s'est alors avéré que les comportements inclus dans le deuxième cluster ne concernaient que 61 observations sur le total de 2367, soit un peu moins de 2.6% (variable no. 1200). Au vu de cela, il nous a semblé que ces comportements pouvaient réellement être considérés comme résiduels, et une même ACP a été réalisée sur les autres 29 comportements, à l'exclusion donc de ceux qui étaient compris dans le deuxième cluster (sans les variables no. 821, 826-829, 833-834, 837-838, 840, 845-846, 848, 851, 860, 863).

      Cette deuxième ACP a mis en évidence 13 facteurs qui expliquent 88.9% de la variance. Chacun de ces 13 facteurs fait sens, même si, pour plusieurs d'entre eux, il est difficile de dire pourquoi ils sont séparés. Sur la base des scores des 29 comportements sur chacun de ces 13 facteurs (variables no. 1449 à 1461), une analyse de clusters a été réalisée (méthode Between-groups linkage, critère Squared Euclidian distance), et un Chi2 a pu être calculé entre ces derniers résultats et ceux de la première analyse de clusters (entre les variables no.1462 et 1463). Le résultat est significatif (Chi2 (24) = 49.81, p Ł.001), indiquant que la première classification est stable, une fois que l'on retire les comportements qu'elle avait su regrouper pour leur extrême rareté dans le deuxième cluster.

      Comme le montre la table no. 14, la classification menée à titre de vérification sur la base des 13 facteurs issus de l'ACP aboutit aussi à 13 clusters, et si cette répartition est plus fine que celle de la classification initiale, on note très peu de chevauchements entre les 13 catégories proposées. Autrement dit, les clusters de la classification initiale comprennent chacun plusieurs sous-catégories de la vérification, et à deux exceptions près, les comportements compris dans ces sous-catégories font toujours partie du même cluster initial.

      

Table 14 : Table de contingence des comportements : classification initiale x vérification

      Sur la base de ces résultats, nous avons considéré que la classification initiale obtenue au moyen de l'analyse de clusters pouvait être conservée, et nous proposons d'appeler désormais les comportements appartenant au premier cluster "comportements de base", ceux du troisième cluster les "comportements stratégiques", ceux du quatrième cluster les "comportements de protection", et enfin, ceux du deuxième cluster les "comportements résiduels".

      Aussi, afin de limiter la confusion entre les groupes de comportements mis en évidence sur l'ensemble du jeu au moyen de cette question de recherche, et les comportements individuels auxquels il sera fait référence pour d'autres questions, nous nous référerons dorénavant aux clusters retenus en termes de types, ou même de styles de coping.


2.5 Discussion

      La typologie qui émerge de nos données est intéressante, car tout en étant très spécifiques au contexte du jeu expérimental, les comportements compris dans deux des trois types de coping retenus semblent proches, au niveau sémantique, des dimensions de coping décrites dans la littérature, et qui se rapportent à la vie quotidienne des adolescents, ainsi que des adultes.

      Outre le fait que la distinction majeure entre les comportements observés semble se situer au niveau de leur complexité ou de leur nouveauté, les deux types de comportements "nouveaux", à savoir les comportements stratégiques et les comportements de protection, partagent certaines caractéristiques d'ordre général, respectivement avec le coping centré sur le problème et avec le coping d'évitement (Cosway et al., 2000 ; Parker & Endler, 1992), mais aussi avec le coping actif et le retrait décrits par Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995).

      Alors que le coping de base comprend des comportements très élémentaires, et qui ne semblent pas se rassembler autour d'un concept ou d'une fonction spécifique (utilisation de chaque outil pour sa fonction prévue initialement, apprise, et la plus simple possible), les comportements stratégiques ont pour point commun qu'ils constituent une tentative directe de résoudre le problème, voire d'y réfléchir plus tranquillement afin de planifier des stratégies à plus long terme (autant que faire se peut dans ce contexte).

      Les comportements de protection, quant à eux, se distinguent des autres par le fait que, quel que soit l'outil employé, et quelles que soient les possibilités offertes par ce dernier pour agir sur la situation et modifier les conditions qui sont à l'origine du problème ou du danger, ces comportements consistent toujours à utiliser ces outils d'une manière qui ne modifie en rien la situation. Ainsi le poing par exemple, qui pourrait être employé pour éliminer des ennemis, ou le mur, qui pourrait être employé pour les bloquer, sont utilisés pour permettre un déplacement, une transition entre deux "zones" du labyrinthe, l'agent étant comme "intouchable" pendant ce bref laps de temps. Ces comportements de protection font penser aux conduites d'évitement ou de retrait décrits par les différents auteurs cités plus haut, et qui ont probablement une fonction pour la personne qui les met en oeuvre dans certaines situations, mais qui se sont aussi avérés insuffisants, voire nuisibles, dans les situations où quelque chose pourrait être fait, et s'ils sont réalisés en lieu et place de comportements qui visent à résoudre le problème (Matthews et al., In press).

      Après avoir mis en évidence trois types de coping qui font du sens au niveau de leur contenu, et des liens sémantiques qui peuvent être établis avec les styles de coping décrits dans la littérature, il convient donc de se demander dans quelle mesure les individus ont utilisé ces différents types de coping, et s'il est possible de les regrouper sur cette base.


3. Deuxième question: différences individuelles relatives à l'usage des différents types de coping

      Etant donné que les comportements observés au cours du jeu expérimental ont pu être regroupés en un nombre restreint de types de coping, cette deuxième question porte sur l'usage qu'en font les individus. En d'autres termes, nous nous sommes demandés premièrement, si les individus se distinguent les uns des autres quant à l'utilisation qu'ils font des différents types de coping, et deuxièmement, s'il est possible de regrouper les sujets sur cette base.

      Par ailleurs, comme déjà exposé dans la revue de littérature, Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1994) s'est intéressée à la distinction entre un coping "normal" ou fonctionnel, et un coping dysfonctionnel (Seiffge-Krenke, 1994). Tout en reconnaissant qu'une stratégie à priori "dysfonctionnelle" peut être adéquate à un moment donné (comme certaines conduites d'évitement ou de retrait par exemple), cet auteur a montré que ce qui différencie un coping sain d'un coping dysfonctionnel, c'est la proportion que prend l'usage de ce type de stratégies (Seiffge-Krenke, 1994).

      Plus précisément, Seiffge-Krenke a montré que sur un ensemble de situations stressantes relevant de différents domaines de préoccupations, et indépendamment des propriétés de ces situations, le retrait ne doit pas dépasser un cinquième des efforts de coping, tous types confondus (Seiffge-Krenke, 1994).

      Dans le contexte du jeu expérimental, et comme discuté plus haut, le coping de protection semble très proche du retrait décrit par cet auteur. En raison de cela, il convient de vérifier d'une part, quelle est la proportion de stratégies de protection employées par les adolescents relativement au coping de base et au coping stratégique réunis, et d'autre part, si les sujets se distinguent les uns des autres quant à l'usage proportionnel de cette forme de coping.

      Le terme de coping de confrontation sera employé pour faire référence à cette proportion entre les coping de base et stratégique, par rapport au coping de protection. Le score ainsi obtenu permet d'évaluer la fonctionnalité du coping dans ce contexte, telle que celle-ci a été opérationnalisée par Seiffge-Krenke. Autrement dit, lorsqu'un individu aura un score de confrontation supérieur ou égal à quatre, nous considérerons que dans le cadre du jeu expérimental, il a eu un style de coping dit fonctionnel.


3.1 Mesures

      Les mesures employées pour cette deuxième question sont les variables nos. 506 à 551 qui représentent les fréquences absolues des 45 comportements observés pour chaque sujet, toutes situations confondues.


3.2 Méthode d'analyse

      Dans un premier temps, et pour chaque sujet, un score brut a été calculé qui représente la fréquence absolue à laquelle des comportements relevant de chacun des quatre clusters retenus ont été réalisés (variables nos. 552-555). Ces scores ont donc été obtenus par une sommation des comportements observés appartenant à chacun de ces clusters.

      Un score proportionnel a par la suite été calculé pour chaque type de coping sur la base des scores bruts ci-dessus, et par rapport à l'ensemble des comportements réalisés par le sujet (variables nos. 558 à 560, et 866). Puis, un score de confrontation a été calculé, qui représente la proportion des coping de base et stratégique réunis par rapport au coping de protection (variable no. 867, = (coping de base + coping stratégique) / coping de protection).

      Dans un premier temps, ce score n'a pu être calculé que pour 44 sujets sur les 48 que comptent l'échantillon, les quatre autres n'ayant réalisé aucun comportement de protection. Afin que ces individus aient tout de même un score de confrontation, celui-ci a été recalculé manuellement, la somme de leurs scores de coping de base et stratégique ayant été divisée par 1 au lieu de 0.

      Afin de voir si les individus se regroupent en fonction de leur utilisation des différents types de coping, une analyse de clusters sur les sujets (cases) a été réalisée, dans un premier temps sur la base des scores bruts des types de coping I, III et IV (variables nos. 552, 554, 555), puis sur la base des deux derniers types de coping seulement (nos. 554 et 555). Les raisons pour lesquelles les deux premiers types de coping n'ont finalement pas été inclus dans cette analyse sont décrites plus bas lors de l'interprétation des scores obtenus sur ces différents types.

      S'agissant de données quantitatives, c'est la méthode "Between-groups linkage", qui garantit que les différents clusters regroupés sont composés d'individus dont les moyennes sont proches, et le critère du carré de la distance euclidienne "Squared Euclidian Distance", qui ont été employés pour ces analyses. Comme c'était aussi le cas pour la question précédente, il n'existait aucune façon a priori d'établir le nombre de clusters à retenir, et les solutions offrant entre deux et cinq clusters ont été considérées.

      Une analyse de variance (ANOVA) a ensuite été menée avec pour variable indépendante l'appartenance des sujets aux différents groupes issus de l'analyse sus mentionnée, et pour variables dépendantes le score brut et le score proportionnel du coping de base qui n'avait pas été pris en compte pour la présente classification, de même que le score de confrontation (variables nos. 552, 558, et 867).


3.3 Résultats

      La table no. 15 contient un résumé de la distribution des scores bruts et des scores proportionnels obtenus par les adolescents sur les différents types de coping, tandis que l'annexe no. 7 comprend les histogrammes des scores bruts obtenus sur les différents types de coping, et du score de confrontation.

      
Table 15 : Scores bruts et scores proportionnels / types de coping
Scores bruts +
Scores proportionnels
M SD Min. Max.
I : "Coping de base" 34.38 71 9.29 11 18 43 60 90
II : "Comportements résiduels" 1.27 03 1.53 03 0 0 8 12
III : "Coping stratégique" 8.13 15 6.48 10 0 0 28 41
IV : "Coping de protection" 5.54 11 4.03 07 0 0 16 26
"Score de confrontation"  13.75   13.84   2.86   64  

      Ces données montrent que les comportements compris dans le coping de base sont très fréquemment observés chez tous les individus, ce qui n'est pas le cas des comportements des trois autres clusters.

      L'utilisation de comportements dits résiduels semble définitivement marginale par rapport aux scores obtenus sur les autres types. Cette catégorie "résiduelle" (II) ne sera que rarement reprise dans la suite de ce travail, en raison de l'absence d'interprétation possible, de l'extrême rareté des comportements qui en font partie, et de leur importance marginale relativement aux autres formes de coping.

      Des différences inter-individuelles ont été observées relativement à l'usage qui est fait des comportements liés aux types I, III et IV. La distribution des scores bruts du type I, et la proportion à laquelle cette forme de coping est utilisée, laissent penser que le coping de base constitue une mesure "grossière" du taux d'activité des joueurs versus de leur passivité. Dans le présent échantillon, tous les joueurs sans exception ont employé ce type de comportements dans une proportion relativement importante, ce qui semble indiquer que pour faire face aux différentes situations rencontrées dans le présent jeu expérimental il est nécessaire d'y avoir recours.

      Il n'en va pas de même pour les comportements appartenant aux types III et IV. D'un point de vue quantitatif, l'usage de ces comportements paraît complémentaire à ceux des comportements basiques : pas tous les joueurs réalisent de tels comportements, et pour la majorité de ceux qui y ont recours, la proportion de ces comportements "nouveaux", par rapport aux comportements de base, reste relativement faible. Aussi, d'un point de vue qualitatif, si la plupart des individus réalisent quelques comportements relevant de ces deux types, certains n'usent que de l'une ou de l'autre de ces formes de coping.

      Rappelons à ce propos que les comportements de base qui ont été appris et exercés lors de la phase d'entraînement, n'ont en commun que leur aspect élémentaire, tandis que les comportements relatifs au coping stratégique et au coping de protection sont liés sur le plan sémantique relativement à leur fonction. Ces différents éléments font penser que le coping de base permet de différencier les individus sur un axe unidimensionnel d'ordre général et quantitatif, tandis que les deux autres types de coping, qui semblent complémentaires et facultatifs, permettraient une différenciation de type qualitative.

      L'analyse des corrélations entre ces différents types de coping montre que si l'emploi des comportements basiques est tendanciellement lié avec les comportements stratégiques (r = .247, p Ł .10) et significativement avec les comportements de protection (r = .317, p Ł .05), ces deux derniers types de coping ne sont pas du tout liés entre eux (r = .040, p >.10).

      Le score de confrontation, est quant à lui, lié positivement au coping stratégique (r = .305, p Ł .05) et fortement, mais négativement, au coping de protection (r = -.675, p = .000); il n'entretient par contre aucune relation avec le coping de base (r = .006, p >.10).

      Ceci revient à dire que plus les individus réalisent des comportements qui relèvent du coping de base, plus ils tendent aussi à produire des comportements des deux autres types. Par contre, l'usage du coping stratégique n'influence en rien le recours au coping de protection, et vice versa. Ces deux derniers types de coping semblent ainsi faire référence à différentes façons de gérer des situations qui peuvent être employées conjointement ou non, mais qui n'entretiennent aucun lien systématique, ce qui paraît cohérent avec les interprétations proposées plus haut pour ces deux formes de coping.

      L'absence de corrélation entre le score de confrontation et le coping de base est surprenante puisque ce premier score est constitué en majorité par des comportements de base.

      Précisons par ailleurs que, comme le montre la table no. 2 de l'annexe no. 7, chacun des trois types de coping décrits ici est lié positivement et significativement à la fois au nombre total de comportements observés sur l'ensemble du jeu expérimental, et à la variété des comportements observés, c'est à dire à la richesse du répertoire de coping.

      Afin de voir comment les adolescents qui ont participé à cette étude se répartissent par rapport à l'usage qui est fait de ces différentes formes de coping, une première analyse de clusters a été réalisée sur la base des fréquences absolues des types I, III et IV. Les solutions observées (2 à 7 clusters) de même que les différents groupes constitués dans chacune de ces solutions, différaient principalement d'un point de vue quantitatif, et relativement à l'usage qui était fait du coping de base. De ce fait, aucun critère ne permettait de sélectionner une solution de clusters par rapport aux autres partitions possibles, aussi, il n'était pas possible de donner un sens aux différents clusters de manière à ce que ceux-ci soient distincts les uns des autres d'un point de vue qualitatif.

      Du fait que les scores obtenus sur le coping stratégique et sur le coping de protection semblaient plus à même de distinguer d'un point de vue qualitatif entre les individus, une deuxième analyse de clusters a alors été menée, cette fois-ci uniquement sur la base des scores bruts de ces deux types. Cette analyse (voir dendrogramme, en figure no. 2 de l'annexe no. 7) a permis de mettre en évidence trois groupes d'individus distincts.

      

Fig. 8 : Scores bruts des types de coping stratégique et de protection, pour les 3 groupes issus de la classification des sujets

      Comme le montre la figure no. 8, la majorité des individus se trouvent dans le premier groupe (n = 35) et ont réalisé à peu près autant de comportements stratégiques que de comportements de protection, tandis que les personnes appartenant au deuxième groupe (n = 5) ont réalisé plus de comportements de protection que de comportements stratégiques, et que les joueurs du troisième groupe (n = 8) ont réalisé beaucoup de comportements stratégiques et peu de comportements de protection.

      La table no. 16 résume la distribution des scores bruts, mais aussi des scores proportionnels relatifs aux différentes formes de coping, et au score de confrontation, pour les individus appartenant à ces trois groupes. Comme attendu, tant les scores bruts que les scores proportionnels pour le coping de protection obtenus par les sujets du groupe II sont plus élevés que ceux des autres groupes. De même les individus du groupe III ont des scores bruts et proportionnels plus élevés que les autres groupes pour le coping stratégique.

      
Table 16 : Utilisation des trois dimensions de coping retenues par groupe de sujets
Scores bruts + scores proportionnels
Groupes d'individus : M SD Minimum Maximum
"Coping de Base" (I)
Groupe I : Protection »Stratégique
Groupe II : Protection surtout
Groupe III : Stratégique surtout
32.74
36.60
40.13
75
.61
.61
9.42
8.08
7.51
09
.11
.08
18
23
29
50
.43
.48
60
43
51
90
.72
.72
"Coping Stratégique" (III)
Groupe I : Protection »Stratégique 5.51 12 3.68 08 0 00 13 27
Groupe II : Protection surtout 8.60 14 6.54 11 2 04 17 31
Groupe III : Stratégique surtout 19.25 29 4.03 06 15 23 28 41
"coping de protection" (IV)
Groupe I : Protection »Stratégique 4.60 10 2.65 05 0 00 10 21
Groupe II : Protection surtout 14.20 24 1.30 02 13 21 16 26
Groupe III : Stratégique surtout 4.25 06 3.77 05 0 00 10 13
"Score de confrontation"
Groupe I : Protection »Stratégique 11.84   8.79   3.50   36  
Groupe II : Protection surtout 3.18   0.38   2.86   3.80  
Groupe III : Stratégique surtout 28.70   23.60   6.60   64  
Notes : Groupe I : n = 35, Groupe II : n = 5, Groupe III : n = 8.

      Comme le montrent aussi les figures nos. 9 et 10, les choses ne sont pas aussi simples pour le coping de base, bien que celui-ci soit largement majoritaire dans tous les groupes. On remarque en effet que pour ce qui est des scores bruts, les individus du groupe I ont un score plus faible que ceux du groupe II qui ont un score plus faible que ceux du groupe III. Comme le montraient déjà les corrélations entre ces types, ces données montrent que les individus qui ont eu recours à des comportements d'action et de protection ont aussi réalisé plus de comportements de base.

      Si par contre on s'intéresse aux proportions du coping de base par rapport à l'ensemble de ce que les individus ont réalisé, on remarque alors que cet ordre entre les groupes s'inverse, à savoir que les individus du groupe I ont une proportion nettement plus élevée de coping de base que les deux autres groupes. Ceci montre qu'en plus du fait que les individus de ce groupe I ont réalisé moins de comportements relatifs à chacun des 3 types, ils ont aussi principalement utilisé des comportements basiques, déjà appris auparavant.

      

Fig. 9 : Score brut du coping de base par groupe de sujets

      

Fig. 10 : Proportion du coping de base par groupe de sujets

      Une analyse de variance a été réalisée pour vérifier si le fait d'appartenir à l'un ou l'autre de ces groupes avait un effet significatif sur l'usage du coping de base qui n'avait pas été pris en compte dans cette classification.

      Cette analyse n'a pas montré d'effet significatif sur le score brut du coping de base (F (2, 45) = 2.34, p >.10, h2 = .094), par contre l'appartenance à l'un ou l'autre de ces groupes a un effet très significatif sur la place qu'a pris cette forme de coping par rapport aux autres types d'efforts mis en oeuvre (F (2, 45) = 12.20, p = .000 ; h2 =.352).

      La distribution du score de confrontation est également très différente d'un groupe à l'autre, et l'ANOVA réalisée sur ces données 42  a montré que l'appartenance à l'un ou l'autre de ces groupes a un effet très significatif sur ce score (F (2, 45) = 8.53, p Ł.001, h2 = .275).

      Alors que la totalité des individus du groupe III, et la majorité des individus du groupe I ont un score supérieur à 4, tous les sujets du groupe II ont un score inférieur à 4, indiquant que le coping de protection a atteint une proportion très, voire trop importante chez ces sujets.

      Etant donné les différentes particularités des trois groupes de sujets décrits ici, nous proposons de faire référence au premier groupe en termes de "groupe simple" parce que les sujets qui en font partie utilisent proportionnellement moins de stratégies dites "nouvelles", et parmi celles-ci, ils utilisent autant de coping stratégique que de protection.

      Le deuxième groupe sera appelé "groupe évitement" parce que les personnes qui s'y trouvent ont utilisé, outre des comportements de base, bien plus de coping de protection que de coping stratégique. Enfin, les sujets du troisième groupe étant caractérisés par un usage conséquent du coping stratégique, ce dernier groupe sera intitulé "groupe stratégique".


3.4 Discussion

      Si la plupart des sujets ont utilisé les trois formes de coping mises en évidence à la question précédente, la quantité et la proportion de chacune de ces formes semble très variable d'un individu à l'autre. La majorité des sujets (35 / 48 = 73%) a mis en oeuvre des stratégies de coping appartenant aux trois dimensions retenues, avec une proportion particulièrement élevée du coping de base. Les autres sujets (13 / 48 = 27%), répartis en deux petits groupes, se distinguent de cette majorité par le fait qu'ils ont utilisé un peu plus de ces trois types de coping, mais proportionnellement moins de stratégies rattachées au coping de base.

      Le résultat le plus intéressant qui ressort de cette question nous paraît être la différence entre les sujets des groupes I, II et III relativement au score de confrontation. Si l'on se réfère à la littérature, et comme vu plus haut, pour que la façon qu'a une personne de gérer les situations rencontrées soit qualifiée de fonctionnelle, son score de confrontation devrait être supérieur à 4 (Seiffge-Krenke, 1994).

      Dans la présente expérience, sept individus sur les quarante-huit que compte notre échantillon n'atteignent pas cette proportion, dont cinq se trouvent dans le groupe évitement, et deux dans le groupe simple. A ce stade des analyses, il paraît difficile de savoir si réellement le coping de protection est l'équivalent dans notre contexte expérimental de l'évitement ou du retrait tel qu'il est observé dans des situations de la vie quotidienne, et il serait prématuré de considérer que les sept personnes, dont le score de confrontation est inférieur à quatre, ont eu une manière dysfonctionnelle de gérer les situations de stress rencontrées dans ce contexte.

      De cette question de recherche nous retiendrons cependant que des différences inter-individuelles importantes, tant quantitatives, que qualitatives, ont été observées relativement au type des stratégies mises en oeuvre par les adolescents.


4. Troisième question: adaptabilité des comportements

      Dans une perspective transactionnelle, un comportement peut être considéré comme efficace uniquement sur la base de son adéquation aux aspects situationnels et personnels propres à un contexte particulier (Lazarus & Folkman, 1984). Ainsi une stratégie de coping peut s'avérer parfaitement adéquate dans une situation, et nuisible dans une autre. De même si l'on considère une situation donnée et ses caractéristiques "objectives", il est probable que certains comportements de coping soient plus adaptés que d'autres.

      La présente question de recherche a pour but de sélectionner de façon empirique, et séparément pour chacune des situations de stress du jeu expérimental, c'est à dire pour chaque niveau de jeu compris entre II et VIII, un certain nombre de comportements qui peuvent être considérés comme adaptés.

      Par adaptés nous entendons ici que ces comportements ne nuisent pas à l'individu qui les met en oeuvre, ou à l'agent qui le représente à l'écran. Plus précisément, la notion d'adaptation peut être opérationnalisée ici par le degré de réalisation des buts poursuivis tout au long du jeu, ce qui nécessite quelques précisions.

      Comme le propose Porter (Porter, 1995), même s'il existe une part d'aléatoire dans le contexte des micromondes, les comportements du joueur sont à considérer comme des déterminants de ses gains et de ses pertes. Ceci implique que dans le cadre du jeu expérimental, on peut parler de relation causale entre les conduites du sujet et le degré auquel il parvient à réaliser les différents buts qu'il tente de poursuivre.

      Ces buts sont au nombre de trois : les deux premiers font partie de la consigne qui est donnée au joueur, à savoir de préserver son agent et de gagner un maximum de points. Le troisième ne fait pas partie des buts "officiels", mais nous avons constaté qu'il représente un objectif pour certains joueurs, à savoir de terminer le jeu au plus vite.

      Ces trois buts peuvent être considérés comme des objectifs "sur le long terme" dans le cadre du jeu, au sens où le joueur les garde à l'esprit du début à la fin, et au travers de toutes les situations rencontrées. Aussi, à chaque moment, des buts à plus court terme doivent être établis qui leur sont subordonnés, et qui peuvent sembler conflictuels dans de nombreuses situations, impliquant que des choix doivent être faits.

      A titre d'exemple, lorsqu'un bonus apparaît à l'écran, et qu'un ennemi se trouve à proximité, le joueur doit décider s'il préfère s'en approcher et tenter de le récolter pour gagner des points, ou renoncer à ce gain pour ne pas mettre en danger son agent.

      Mais le jeu expérimental a été programmé de manière à ce qu'il existe une hiérarchie entre les trois buts majeurs sus-mentionnés, de sorte que, pour pouvoir réaliser les deux autres buts, le sujet doit en tous cas veiller à préserver l'intégrité de son agent.

      Il n'est en effet pas possible de gagner un grand nombre de points si l'agent subit de nombreuses pertes, de même chaque fois qu'une telle perte survient, cela occasionne aussi une perte de temps considérable. Donc, même si au départ le fait de préserver son agent n'est pas le but premier du sujet, il s'aperçoit très rapidement que s'il n'y prête pas suffisamment d'attention il ne peut pas parvenir à ses autres objectifs.

      Le fait que chaque sujet soit forcé de poursuivre ce but d'ordre supérieur nous permet de le considérer comme un critère à la fois mesurable et quantifiable de ce qui est adapté et de ce qui ne l'est pas. Ainsi, la notion d'adaptation a été opérationnalisée dans le jeu expérimental, par la préservation de l'intégrité de l'agent, et l'économie des vies ou des agents qu'il a en réserve.

      Autrement dit, la variable qui a été choisie comme critère pour définir ce qui est adapté et ce qui ne l'est pas, est le nombre de pertes d'agent, accompagnée dans certaines situations du nombre de blessures. Dans chacune des situations rencontrées (c'est à dire pour chaque niveau du jeu séparément), les différents comportements réalisés ont donc été mis en relation avec les pertes et les blessures subies au cours de ces mêmes situations.


4.1 Mesures

      Les mesures employées pour cette troisième question sont les fréquences de réalisation des différents comportements, telles que celles-ci ont été mises en évidence par l'analyse contextuelle, pour chaque niveau de jeu séparément, allant du niveau II au niveau VIII 43  (variables nos. 219-421).

      Le nombre de pertes subies par l'agent a également été compté séparément pour chacun de ces niveaux, de même que le nombre de blessures subies au cours des niveaux 3 et 7, durant lesquels l'ennemi blessant est présent sur le labyrinthe (les autres ennemis ne blessent pas l'agent) (variables nos. 424, 426, 427, 429, 431, 433, 435, 436, 438).


4.2 Méthode d'analyse

      A priori, un comportement qui a été réalisé une seule fois dans un niveau a autant de chances d'être adapté qu'un comportement qui a été mis en oeuvre 50 fois. De ce fait, le lien entre la réalisation de ces comportements et le nombre de pertes subies devait être évalué d'une manière qui ne soit pas influencée par cet aspect quantitatif.

      Dans ce but, tant les mesures relatives aux comportements que celles qui sont liées aux pertes subies ont été recodées en variables catégorielles. Pour les comportements, ce recodage s'est fait de la même façon que pour la première question de recherche, à savoir que les variables sus mentionnées, relatives à la fréquence de réalisation des comportements, ont été recodées en 1 si le sujet a réalisé une fois au moins le comportement dans la situation en question, et en 0 sinon (variables nos. 616-818).

      Le nombre de pertes (de même que le nombre de blessures) a été recodé séparément pour chacun des niveaux du jeu autour de la médiane: les individus ayant subi un nombre de pertes inférieur ou égal à la médiane du nombre de pertes sur le même niveau reçoivent le score 0 qui équivaut à "pas ou peu de pertes", tandis que les joueurs qui ont subi un nombre de pertes supérieur à la médiane reçoivent le score de 1, équivalent à "beaucoup de pertes" (variables nos. 441-449).

      Le lien entre chaque comportement 44  et les pertes voire les blessures subies a été étudié. Le croisement de ces variables, qui comprennent chacune deux modalités (0, 1), donne lieu à quatre groupes de sujets, dans lesquels ces derniers peuvent être répartis de différentes manières, comme le montrent les diagrammes des figures 11 et 12 ci-après.

      Les quatre barres de ces diagrammes représentent l'effectif respectivement des sujets qui n'ont pas réalisé le dit comportement, et qui ont subi pas ou peu de pertes (nAB'), de ceux qui ont réalisé le même comportement et ont subi pas ou peu de pertes (nAB), de ceux qui n'ont pas réalisé le comportement en question et qui ont subi de nombreuses pertes (nA' B'), et enfin, de ceux qui ont réalisé le comportement et subi de nombreuses pertes (nA'B). L'adéquation d'un comportement à la situation dans laquelle il a été réalisé peut alors être définie en termes de rapports entre les effectifs de ces quatre groupes.

      Idéalement, dans un cas de figure très simple, où pour une situation donnée, un seul comportement est possible et parfaitement adéquat, on ne devrait trouver des individus que dans les groupes, ou les cases AB et A' B', c'est à dire que tous ceux qui l'ont réalisé devraient avoir subi peu de pertes, et tous ceux qui ne l'ont pas réalisé devraient en avoir subi beaucoup. (Les effectifs des deux autres groupes devraient donc être nuls).

      

Fig. 11 : Comportements no. 54 / niveau VI : application d'un patin à roulettes

      

Fig. 12 : Comportement no. 66 / niveau VI: application d'un risk + sortie d'un lieu sûr

      Mais dans l'environnement complexe de ce jeu expérimental, de nombreux comportements sont possibles qui ont chacun des coûts et des bénéfices, et ces comportements peuvent être réalisés conjointement ou / et successivement. Le nombre de pertes subies au cours d'un niveau de jeu est donc déterminé par l'ensemble des comportements mis en oeuvre tout au long de celui-ci.

      Malgré cette complexité, et notre but étant d'établir pour chaque situation une liste des comportements qui peuvent être considérés comme adaptés, il est tout de même nécessaire de pouvoir dire pour chacun d'eux, et indépendamment des autres, si oui ou non il était adéquat. Il importait donc de délimiter les cas de figure différents de la situation idéale décrite ci-dessus, qui peuvent être tolérés pour que le comportement soit quand même considéré comme adapté. Deux conditions ont été formulées pour cela :

      Condition 1 : Parmi les personnes qui ont réalisé le comportement en question, une majorité devrait se trouver dans le groupe de personnes qui ont subi pas ou peu de pertes (nAB łnA'B).

      Condition 2 : Le rapport entre nAB et nA'B ne doit pas être inversé par rapport à la relation entre nAB' et nA' B' (nAB / nA'B łnAB' / nA'B'). Autrement dit, la probabilité qu'un sujet qui a réalisé le comportement a d'être dans le groupe "pas ou peu de pertes", doit être au moins aussi élevée que la probabilité qu'a un sujet qui ne l'a pas réalisé, de se trouver dans le même groupe. Sans cette dernière condition, on risquerait en effet de considérer comme adapté un comportement dont le cas de figure est le suivant : 60% des personnes qui l'ont réalisé ont subi peu de pertes et 40% en ont subi beaucoup (condition 1 = ok), mais parmi les personnes qui n'ont pas eu recours à ce même comportement, 90% ont subi peu de pertes et seuls 10% en ont subi beaucoup (condition 2 pas réalisée).

      Pour dire les choses d'une façon plus mathématique, les conditions 1 et 2 se traduisent respectivement par les indices X et Y, voir table no. 17 ci-après, qui peuvent être calculés sur la base des tables de contingences comportement x pertes subies, et par la formule des probabilités conditionnelles, voir Perkins & Perkins (Perkins & Perkins, 1992). Ces deux indices nous informent sur la nature du lien entre la paire de variables considérées :

  • Lorsque ces indices sont égaux à 1, les deux variables considérées sont indépendantes
  • Si ces indices sont inférieurs à 1, alors une des deux variables considérées a une influence négative sur l'autre variable, dans le cas présent la réalisation du dit comportement entraîne que la personne a une probabilité plus grande de figurer parmi les joueurs qui ont subi beaucoup de pertes.
  • Si ces indices sont supérieurs à 1, la probabilité d'être dans le groupe "pas ou peu de pertes" est augmentée par le fait de réaliser le dit comportement.

      Sur la base de ce calcul, ont été considérés comme adaptés aux conditions du niveau où ils ont été réalisés, tous les comportements pour lesquels à la fois X et Y sont plus grands ou égaux à un :

      X ł1 + Y ł1

      Pour les niveaux du jeu III et VII, dont la spécificité est la présence de l'ennemi blessant, les blessures subies par l'agent ont également été prises en compte de la même manière que les pertes. Pour ces deux niveaux, ont été retenus comme adaptés seulement les comportements dont les indices X et Y calculés tant avec les blessures qu'avec les pertes étaient supérieurs ou égaux à un.

      

      

Table 17 : Formules pour le calcul du lien entre comportements et pertes

      Les tables de contingence nos. 18 et 19 ci-dessous correspondent aux mêmes deux comportements représentés graphiquement plus haut (figures nos. 11 et 12), et illustrent la façon dont les indices X et Y sont calculés sur la base de ces données.

      

Table 18 : Comportement no. 54 : application d'un patin à roulettes

      

Table 19 : Comportement no. 66 : application d'un risk + sortie d'un lieu sûr

      Comme le montrent les tables ci-dessus, au sixième niveau du jeu, le comportement no. 54 est considéré comme inadapté tandis que le comportement no. 66 est considéré adapté.

      Dans le cas de plusieurs comportements, une des cases du tableau ne comprenait aucun sujet, entraînant une impossibilité de calculer les indices X et Y. Cependant, puisqu'il était nécessaire de pouvoir les calculer pour chaque comportement qui a été réalisé au moins une fois, un sujet a été ajouté dans chacune des quatre cases du tableau pour chaque comportement de chaque situation. Cette transformation arbitraire pourrait manquer de rigueur du point de vue des mathématiques pures, mais elle se justifie par le résultat qu'elle apporte dans la présente application, puisqu'elle nous permet de résoudre ce problème et de classer chaque comportement.

      Par la suite, afin de vérifier la stabilité statistique des indices X et Y calculés sur la base de cette méthode, et donc de la classification des comportements observés en "comportements adaptés" versus "comportements non adaptés", ce sont deux sujets qui ont été ajoutés dans chacune des quatre cases de chaque table de contingence, et l'ensemble des indices X et Y ont été recalculés.


4.3 Résultats

      Avant d'exposer les résultats relatifs à cette troisième question, précisons que, pour qu'il soit possible de calculer les indices X et Y pour un comportement dans une situation donnée, et donc pour pouvoir le définir comme adapté ou non adapté, il est nécessaire que ce comportement ait été réalisé au moins une fois dans la dite situation. Ceci étant, il est très probable que sur l'ensemble des comportements possibles dans le cadre de ce jeu expérimental, d'autres soient aussi adaptés à l'une ou l'autre des situations, même s'ils n'ont pas été observés lors de la présente expérience.

      Pour ce qui concerne cette dernière, les 44 45  sortes de comportements observés au moins une fois entre les niveaux II et VIII du jeu varient d'une part, comme le montre la figure no. 13, quant au nombre de situations au cours desquelles ils ont été mis en oeuvre, et d'autre part, quant au rapport entre le nombre de situations où ils ont été considérés comme adaptés et le nombre de situations où ils ont été observés (variables no. 1002, 1018).

      En moyenne, les comportements ont été considérés comme adaptés dans 35% des situations dans lesquelles ils ont été observés (SD = 32%), cette proportion allant de 0 à 100% (variable no. 1019). Ainsi, certains comportements se sont avérés adaptés dans toutes les situations où ils ont été produits, et d'autres dans aucune.

      

Fig. 13 : Distribution du nombre de situations où les différents comportements ont été observés

      Si l'on s'intéresse aux sept situations prises en compte pour cette question, et comme le montre la figure no. 14, le nombre de comportements adaptés de même que le rapport entre ce nombre et la variété des comportements observés varient également d'une situation de stress à une autre (variables nos. 1306, 1307).

      

Fig. 14 : Comportements adaptés et comportements observés par niveau de jeu

      Notons par exemple que, pour le deuxième niveau de jeu, au cours duquel a lieu une situation de stress tout à fait contrôlable, un grand nombre de comportements sont considérés comme adaptés, même si certains ne sont pas spécifiquement utiles à l'accomplissement de la tâche que le joueur doit compléter.

      Au septième niveau par contre, on constate que parmi tous les types de comportements observés, seuls cinq peuvent être considérés comme adaptés, ce qui s'explique par la présence de l'ennemi blessant et du "creepy mode" (cf. chapitre méthode), éléments qui à eux deux mettent en échec bon nombre de stratégies.

      La table no. 3 de l'annexe no. 7 comprend pour chaque niveau du jeu, la liste des différents comportements qui ont été réalisés et leurs valeurs X et Y respectives, tandis que la table no. 20 ci-dessous contient, pour chaque niveau, uniquement les comportements qui ont été retenus comme adaptés.

      
Table 20 : Descriptif des comportements définis comme adaptés, sur la base des critères X et Y, pour chaque situation / niveau de jeu
No. et descriptif du Comportement no.
Niveau II : Situation de stress contrôlable ; le joueur doit récolter des potions magiques pour l'ange gardien.
1 : Application d'un poing et élimination d'un ennemi
3 : Application d'un poing, sans victoire ni rien d'autre
5 : Application d'un poing, sortie d'un lieu sûr et victoire
7 : Application d'un poing, sortie d'un lieu sûr sans victoire ni rien d'autre
8 : Application d'un poing, sortie d'un lieu sûr et récolte d'un objet
9 : Entrée en prison, application d'un poing et victoire
34 : Force obtenue par collision avec Janus et victoire (sans attente)
39 : Entrée en prison, force obtenue par collision avec Janus, et victoire
40 : Force obtenue par collision avec Janus, application d'un patin à roulettes, et victoire (sans attente)
72 : Application d'un bouclier, sortie d'un lieu sûr et récolte d'un objet après la fin du mode
73 : Application d'un sablier sans présélection d'outil pendant la pause
80 : Placement d'un mur Y (blocage d'ennemis hors prison) (ssi pas en mode force ou application d'un patin à roulettes)
81 : Placement d'un mur G et rien d'autre (quel que soit le mode en cours)
83 : Placement d'un mur X (blocage de la prison vide)
84 : Placement d'un mur Z (blocage de prisonniers)
100 : Application d'un poing et récolte d'un bonus sans rien d'autre
Niveau III : Situation de menace, stress relativement élevé du fait de la présence de l'ennemi blessant, même si celui-ci a été annoncé.
9 : Entrée en prison, application d'un poing et victoire
35 : Force obtenue par collision avec Janus après attente, et victoire
39 : Entrée en prison, force obtenue par collision avec Janus, et victoire
83 : Placement d'un mur X (blocage de la prison vide)
84 : Placement d'un mur Z (blocage de prisonniers)
97 : Entrée et séjour en lieu sûr
Niveau IV : Situation de stress élevé au début du niveau car la vitesse de jeu est anormalement accélérée, puis l'ange gardien la réduit.
1 : Application d'un poing et élimination d'un ennemi
8 : Application d'un poing, sortie d'un lieu sûr et récolte d'un objet
9 : Entrée en prison, application d'un poing et victoire
10 : Application d'un poing, d'un patin à roulettes et victoire
67 : Application d'un bouclier et rien d'autre
69 : Application d'un bouclier et séjour en lieu sûr sans récolte d'objet dans le lieu sûr
72 : Application d'un bouclier, sortie d'un lieu sûr et récolte d'un objet après la fin du mode
76 : Application d'un téléphone à partir de n'importe où
80 : Placement d'un mur Y (blocage d'ennemis hors prison) (ssi pas en mode force ou application d'un patin à roulettes)
81 : Placement d'un mur G et rien d'autre (quel que soit le mode en cours)
82 : Placement d'un mur F (l'agent reste caché dessous ou derrière le mur pour plus de cinq secondes) (quel que soit le mode en cours)
83 : Placement d'un mur X (blocage de la prison vide)
84 : Placement d'un mur Z (blocage de prisonniers)
97 : Entrée et séjour en lieu sûr
Niveau V : Situation de défi ou de menace, le joueur doit affronter l'ennemi rapide dont l'arrivée est différée et imprévisible.
9 : Entrée en prison, application d'un poing et victoire
10 : Application d'un poing, d'un patin à roulettes et victoire
39 : Entrée en prison, force obtenue par collision avec Janus, et victoire
40 : Force obtenue par collision avec Janus, application d'un patin à roulettes, et victoire (sans attente)
54 : Application d'un patin à roulettes sans rien d'autre
58 : Application d'un patin à roulettes, sortie d'un lieu sûr et rien d'autre
69 : Application d'un bouclier et séjour en lieu sûr sans récolte d'objet dans le lieu sûr
73 : Application d'un sablier sans présélection d'outil pendant la pause
74 : Application d'un sablier et présélection d'un outil pendant la pause, sans application de l'outil
82 : Placement d'un mur F (l'agent reste caché dessous ou derrière le mur pour plus de cinq secondes) (quel que soit le mode en cours)
83 : Placement d'un mur X (blocage de la prison vide)
100 : Application d'un poing et récolte d'un bonus sans rien d'autre

      
Niveau VI : Situation de stress élevée provoquée par la trahison soudaine et non prévisible de Janus, ce qui met en échec l'utilisation de la force.
5 : Application d'un poing, sortie d'un lieu sûr et victoire
10 : Application d'un poing, d'un patin à roulettes et victoire
66 : Application d'un risk à partir d'un lieu sûr ou de la prison
76 : Application d'un téléphone à partir de n'importe où
77 : Application d'un téléphone et sortie d'un lieu sûr ou de la prison
80 : Placement d'un mur Y (blocage d'ennemis hors prison) (ssi pas en mode force ou application d'un patin à roulettes)
82 : Placement d'un mur F (l'agent reste caché dessous ou derrière le mur pour plus de cinq secondes) (quel que soit le mode en cours)
83 : Placement d'un mur X (blocage de la prison vide)
84 : Placement d'un mur Z (blocage de prisonniers)
85 : Force donnée par l'ange gardien et victoire
86 : Force donnée par l'ange gardien, application d'un patin à roulettes et victoire
97 : Entrée et séjour en lieu sûr
100 : Application d'un poing et récolte d'un bonus sans rien d'autre
Niveau VII : Situation de menace constante et présence de l'ennemi blessant : l'ange gardien qui réclame du joueur des potions magiques alors que celles-ci sont difficiles d'accès et que le creepy mode rend la situation plus difficile encore.
1 : Application d'un poing et élimination d'un ennemi
3 : Application d'un poing, sans victoire ni rien d'autre
57 : Application d'un patin à roulettes et séjour en lieu sûr
58 : Application d'un patin à roulettes, sortie d'un lieu sûr et rien d'autre
76 : Application d'un téléphone à partir de n'importe où
Niveau VIII : Situation de stress où le joueur est seul face aux ennemis (sans l'ange gardien), alors que le creepy mode détruit progressivement les murs du labyrinthe et rend inaccessibles les lieux sûrs habituels.
1 : Application d'un poing et élimination d'un ennemi
3 : Application d'un poing, sans victoire ni rien d'autre
9 : Entrée en prison, application d'un poing et victoire
40 : Force obtenue par collision avec Janus, application d'un patin à roulettes, et victoire (sans attente)
65 : Application d'un risk à partir de n'importe où
66 : Application d'un risk à partir d'un lieu sûr ou de la prison
80 : Placement d'un mur Y (blocage d'ennemis hors prison) (ssi pas en mode force ou application d'un patin à roulettes)

      Si l'on considère la nature des comportements qui sont adaptés dans les différentes situations, on s'aperçoit que certaines sortes de comportements figurent souvent parmi ceux qui sont adaptés, comme par exemple ceux qui ont trait à l'usage des murs et du poing, tandis que d'autres comme la prise de risque, le recours au bouclier, ou encore la demande d'aide, sont plus rarement adaptés dans ce contexte.

      La présente dichotomisation des comportements (adapté versus inadapté) obtenue au moyen des indices X et Y pour chacune des situations fait sens dans la mesure où, connaissant les propriétés objectives de celles-ci, aucun comportement dont on aurait pu prévoir qu'il serait inefficace ne figure parmi la liste des comportements adaptés, et vice versa.

      Par ailleurs, la vérification des valeurs X et Y a montré que, si l'échantillon contenait 8 sujets supplémentaires, répartis à égalité dans les différents groupes, seuls 3 comportements (sur les 203 combinaisons "comportement x situation" observées entre les niveaux II et VIII 46 ) seraient classés différemment : deux comportements considérés comme adaptés ne le seraient plus, et un comportement considéré comme inadapté deviendrait adapté. Ceci nous permet de dire que les indices X et Y sont robustes d'un point de vue statistique, et que la classification qui en résulte fait sens.

      Pour conclure relativement à cette troisième question de recherche, nous retiendrons d'une part, qu'au moyen d'un critère empirique, et pour chaque situation stressante séparément, un certain nombre de comportements de coping ont pu être définis comme adaptés aux circonstances de leur réalisation, et d'autre part, que tant la nature que le nombre de ces comportements adaptés, varie d'une situation à une autre.

      Mais le fait de savoir combien de comportements sont adaptés dans quelle situation, et quels sont-ils, ne nous dit rien de la capacité des individus à réaliser ces comportements. C'est précisément pour pouvoir faire une distinction entre ces deux aspects que l'adaptabilité des comportements aux situations a été définie indépendamment de la fréquence à laquelle ils ont été employés par chaque sujet, et cet aspect là fait l'objet de la question suivante.


5. Quatrième question: capacité d'adaptation

      Étant donné que dans chaque situation stressante, certains comportements sont adaptés alors que d'autres ne le sont pas, il convient de se demander ce qu'il en est de la capacité des adolescents à produire justement les comportements qui sont adaptés dans chacune de ces situations. Plus précisément, parmi toutes les stratégies que chaque individu met en oeuvre pour gérer une situation stressante, combien sont réellement adaptées aux circonstances ?

      Ainsi définie, cette question fait référence au rapport quantitatif entre le nombre de comportements observés qui sont considérés comme adaptés, et l'ensemble des comportements que la personne a réalisés dans la même situation.

      La raison pour laquelle nous proposons de considérer le rapport entre ces deux nombres est que, dans ce contexte expérimental, comme c'est probablement aussi le cas dans les situations stressantes de la vie courante, chaque personne met en oeuvre de nombreux comportements, et parmi ceux-ci, seule une partie plus ou moins importante est adaptée aux circonstances. Ainsi une personne peut avoir réalisé plusieurs comportements adaptés, mais tellement plus de comportements inadaptés que l'effet des premiers est à peine palpable.

      Étant donné qu'il ne s'agit plus, comme à la question précédente, de déterminer quels sont les comportements qui sont adaptés, mais bien de voir combien les individus sont capables d'adapter leurs conduites au contexte, il semble nécessaire, pour répondre à cette quatrième question, de considérer le rapport entre le nombre de comportements adaptés et le nombre de comportements produits, et non pas seulement le premier des deux.


5.1 Mesures

      Comme pour la question précédente, les mesures employées sont les fréquences d'utilisation des différents comportements mis en évidence par l'analyse contextuelle, séparément pour chaque niveau du jeu compris entre II et VIII. Précisons que ces fréquences n'ont pas été recodées en valeurs binaires comme pour la question précédente, il s'agit donc des variables nos. 219 à 421.


5.2 Méthode d'analyse

      Un score d'adaptation a ainsi été calculé séparément pour chaque niveau compris entre II et VIII, et une moyenne de ces scores a été calculée pour représenter la capacité globale des individus à réaliser des comportements adaptés sur l'ensemble des situations stressantes du jeu expérimental (variable no. 596). Sur cette base il a été possible de comparer d'une part, les différentes situations, quant à la distribution des scores d'adaptation y relatifs (variables nos. 1302 à 1305), et d'autre part, les individus, relativement à leur score moyen d'adaptation (variable no. 596).


5.3 Résultats

      La table no. 21 résume la distribution des scores d'adaptation pour chacun des niveaux allant de II à VIII, ainsi que celle de la moyenne des scores d'adaptation qui sera la valeur retenue ensuite pour chaque adolescent. Dans l'annexe no. 7, se trouvent les histogrammes des scores proportionnels de comportements adaptés pour les différents niveaux du jeu, tandis que celui du score d'adaptation moyen est présenté en figure no. 15 ci-dessous.

      
Table 21 : Distribution des scores proportionnels de comportements adaptés
Score d'adaptation du Niveau : M SD min. max.
II 69 28 0 1
III 08 13 0 50
IV 55 25 0 1
V 17 18 0 75
VI 23 21 0 80
VII 28 18 0 67
VIII 43 29 0 1
Score moyen d'adaptation (variable no. 596) 35 09 17 54

      Notons que la valeur maximum des scores d'adaptation est de 1 dans plusieurs situations, indiquant qu'au moins un joueur a réussi à ne produire que des comportements adaptés dans ces niveaux, alors que dans d'autres situations ça n'est pas le cas. La valeur minimum par contre reste invariable pour toutes les situations, signifiant que dans chacune d'elles, certains individus ne parviennent pas à produire un seul comportement adapté.

      

Fig. 15 : Distribution du score moyen d'adaptation

      Le fait que le score moyen d'adaptation varie entre deux valeurs supérieures à zéro, et inférieures à un, indique qu'aucun individu n'est parvenu à ne réaliser que des comportements adaptés dans toutes les situations du jeu, de même, si dans chaque situation un ou plusieurs adolescents ont un score nul, aucun d'entre eux n'a un score nul sur l'ensemble des situations. Autrement dit, même si certaines personnes ne trouvent pas une façon de faire adéquate dans l'une ou l'autre de ces situations, il ne s'agit pas d'une constante : ne pas s'en sortir dans un contexte ne signifie pas ne jamais s'en sortir.

      Si nous nous arrêtons sur cet aspect qui peut paraître simple, c'est aussi parce que ces résultats montrent que les situations du jeu, tout en étant difficiles, étaient gérables, et laissaient place à des différences aussi bien inter-individuelles qu'intra individuelles.

      Au moyen de cette question de recherche, des différences individuelles ont été mises en évidence relativement à la capacité de produire des comportements adaptés aux circonstances des situations rencontrées. Le score moyen d'adaptation ainsi obtenu sera repris par la suite, et mis en rapport avec d'autres variables, à commencer par les différents styles de coping.


6. Cinquième question : types de coping et adaptation

      Jusqu'à ce point de notre travail, deux démarches ont été menées de manière totalement indépendante : la première, en répondant aux deux premières questions, visait à mettre en évidence des types de coping d'ordre général, et à rechercher des différences individuelles relativement à l'usage des comportements relevant de ces types.

      En répondant aux questions trois et quatre par contre, le but était de vérifier, sans aucun lien avec cette première typologie, si certains comportements sont plus adaptés que d'autres dans différentes circonstances, et si certains individus ont plus de facilité que d'autres, à produire ces comportements adaptés.

      La présente question consiste à rechercher des liens entre les résultats issus des questions un et trois d'une part, et deux et quatre d'autre part. Plus précisément, on se demande par rapport aux comportements observés, si le fait d'être rattaché à l'un ou l'autre des types de coping, a un effet sur la classification des comportements en adapté vs. inadapté dans chacune des situations stressantes du jeu.

      Relativement aux sujets, on cherche à savoir si la préférence pour tel ou tel type de coping, l'appartenance à l'un ou l'autre des trois groupes mis en évidence à la question deux, ou encore le score de confrontation, sont liés à la capacité de produire des comportements adaptés sur l'ensemble des situations stressantes rencontrées.


6.1 Mesures

      Pour traiter le premier volet de cette question, les mesures utilisées sont les comportements observés dans chacune des situations stressantes séparément, et leur appartenance aux types de coping retenus lors de la question un, et pour chaque situation où ils ont été observés, à la liste des comportements adaptés ou inadaptés (variables no. 1100, 1102 et 1103, voir fichier no. 4). Le fichier utilisé pour cette analyse comprend une ligne pour chaque type de comportement réalisé dans chacune des sept situations considérées (203 lignes au total), les variables étant d'une part, l'attribution du comportement à un type de coping lors de la première question, et d'autre part, la classification du comportement en adapté vs. non adapté lors de la question trois.

      Les mesures employées pour la deuxième partie de cette question sont premièrement, les scores obtenus par les individus sur les trois types de coping et le score de confrontation (variables nos. 552, 554, 555 et 867), deuxièmement, la classification des sujets en trois groupes (variable no. 556), et troisièmement, le score moyen d'adaptation obtenu lors de la quatrième question (no. 596).


6.2 Méthode d'analyse

      Pour ce qui est des comportements, un test du Chi2 de Pearson a été réalisé entre la classification en quatre clusters (variable no. 1102), obtenue lors de la question un, et la dichotomisation adapté vs. inadapté obtenue à la question trois (variable no. 1103). Préalablement à la réalisation de ce test, chaque combinaison "comportement x situation" a été pondérée par le nombre de fois où elle a été observée, tous sujets confondus (variable no. 1101).

      Pour les individus, nous avons procédé à une analyse des corrélations entre d'une part, les scores obtenus sur chacun des trois types de coping ainsi que le score de confrontation, et d'autre part, le score moyen d'adaptation (variables nos. 552, 554, 555, 867 et 596).

      Une analyse de variance a aussi été réalisée avec pour variable indépendante l'appartenance aux trois groupes issus de l'analyse de clusters (variable no. 556), et pour variable dépendante, le score moyen d'adaptation (variable no. 596).


6.3 Résultats

      Les analyses portant sur les comportements observés ont montré que sur l'ensemble des 203 combinaisons "comportement x situation" réalisées, totalisant 2311 observations, seuls 32.8% se sont avérées adaptées. Comme le montre la table no. 22, le fait que moins de la moitié des comportements produits soient inadaptés est également vrai pour chacun des trois types de coping, et pour les comportements résiduels (quatrième type).

      Le Chi2 de Pearson calculé pour tester le lien entre ces deux classifications est très significatif (Chi2 (3) = 60.34, p = .000). On peut de ce fait rejeter l'hypothèse nulle (Ho), selon laquelle on devrait retrouver parmi les comportements adaptés, et parmi les comportements inadaptés, une même proportion des quatre types de coping que sur le total des observations (voir effectifs théoriques).

      Bien que les effectifs observés ne soient dans aucun des cas très éloignés des effectifs théoriques attendus sous l'hypothèse nulle (aucune proportion n'est inversée par exemple), il semblerait que les différences entre ces effectifs soient suffisamment importantes quand même pour ce qui concerne le coping stratégique et le coping de protection.

      
Table 22 : Etude du lien entre 2 classifications : types de coping et adaptabilité
Effectifs observésEffectifs théoriques sous Ho Comportements adaptés Comportements inadaptés Total
Coping de base 22.03 % = 509
22.88 %
47.73 % = 1103
46.88 %
69.76 % = 1612
Coping stratégique 7.79 % = 180
5.39 %
8.65 % = 200
11.05 %
16.44 % = 380
Coping de protection 2.12 % = 49
3.68 %
9.09 % = 210
7.53 %
11.21 % = 259
Comportements résiduels 0.86 % = 20
0.85 %
1.73 % = 40
1.74 %
2.59 % = 60
Total 32.8 % = 758 67.2 % = 1553 100% = 2311

      Alors que pour le coping de base et les comportements résiduels, les effectifs observés sont particulièrement proches des effectifs attendus, on voit effectivement que pour le coping stratégique et le coping de protection, ces différences atteignent respectivement 2.4 % et 1.56 %. Les comportements stratégiques semblent plus souvent adaptés et les comportements de protection moins souvent adaptés qu'attendu sous l'hypothèse nulle.

      Le coping stratégique, dont les comportements ont pour particularité de modifier de manière durable les paramètres de la situation, est le seul type de coping dont la proportion observée de comportements adaptés est nettement plus élevée que la proportion attendue. Comme le montre la figure no. 16, ce type de coping se distingue aussi par sa relation entre comportements adaptés et inadaptés, plus favorable aux premiers que dans les trois autres groupes.

      

Fig. 16 : Comportements adaptés vs. inadaptés par type de coping

      Au niveau des individus, les liens entre les différents types de coping et l'adaptation ont été étudiés au travers des scores obtenus par les sujets sur ces différentes variables. L'analyse des corrélations entre ces dernières a montré que le score moyen d'adaptation n'est lié ni avec le coping de base (r = .031, p >.10) ni avec le coping de protection (r = .10, p >.10), par contre il entretient un lien positif à la fois très fort et hautement significatif avec le coping stratégique (r = . 618, p Ł.000). Le score de confrontation n'entretient quant à lui aucune relation avec le score d'adaptation (r = .090, p >.10).

      La table no. 23 comprend quelques indicateurs de la distribution du score d'adaptation pour chacun des trois groupes de sujets, ainsi que les résultats de l'ANOVA réalisée sur ces données. Cette analyse a montré que l'appartenance à ces différents groupes a un effet significatif, les individus du groupe stratégique ayant une moyenne nettement plus élevée que ceux des deux autres groupes.

      Comme le montre la figure 17, les sujets de ces trois groupes ne différent pas beaucoup relativement au score d'adaptation maximum, mais ceux du troisième groupe se distinguent des autres par un minimum élevé.

      

Fig. 17 : Distribution du score d'adaptation par groupe de sujets

      Ces résultats montrent que, si dans les groupes I et II, certains individus ont eu des scores d'adaptation élevés et d'autres des scores faibles, dans le groupe III, caractérisé par l'utilisation de plus de coping stratégique, et par plus de coping de base en moyenne (voir résultats de la deuxième question), tous les individus ont un score d'adaptation relativement élevé par rapport aux autres groupes.


6.4 Discussion

      L'absence totale de lien entre le coping de base et le score d'adaptation est étonnante puisque les comportements relevant de cette dimension constituent une part importante, non seulement de l'ensemble des comportements observés, mais aussi des comportements qui se sont avérés adaptés aux circonstances dans lesquelles ils ont été produits (509 / 758 = 67.15%) 47 .

      La très faible corrélation entre coping de protection et score d'adaptation est plus cohérente avec les données portant sur les comportements, puisque la grande majorité des comportements relevant de cette dimension ont été considérés comme inadaptés relativement aux situations dans lesquelles ils ont été mis en oeuvre (210 / 259 = 81.08%).

      La corrélation entre coping stratégique et score d'adaptation indique, quant à elle, que les personnes qui ont réalisé de nombreux comportements relevant du coping stratégique, ont également produit beaucoup de comportements adaptés aux circonstances des situations rencontrées.

      Au vu de ces différents résultats, le coping stratégique et le score d'adaptation semblent donc fortement liés, tandis que les autres types de coping n'entretiennent pas de lien significatif avec le score d'adaptation.

      On pourrait être tenté de réduire ce lien au fait que la proportion de comportements adaptés parmi les comportements stratégiques est plus importante que pour les autres types de comportements. A notre avis cependant, cet élément ne suffit pas pour rendre compte de cette relation : la majorité des comportements observés qui se sont avérés adaptés font partie du coping de base et non du coping stratégique, et plus de la moitié des comportements stratégiques ont tout de même été réalisés dans des conditions pour lesquelles ils se sont avérés inadaptés.

      Il se pourrait par contre, que les individus qui ont réalisé surtout des comportements dont la particularité est de modifier durablement les propriétés mêmes des situations rencontrées, et qui requièrent de ce fait une réflexion et une préparation, soient aussi ceux qui ont eu le plus de facilité à réfléchir et à prendre en compte les propriétés des situations rencontrées, pour trouver dans chacune d'elles les comportements adéquats.

      De ce qui précède nous retiendrons donc que, bien que les comportements relevant des trois types de coping se soient avérés adaptés dans de nombreuses situations, seul le coping stratégique entretient un lien avec la capacité des individus de produire des comportements adaptés aux circonstances des situations rencontrées.

      L'absence de relation entre le score de confrontation et le score d'adaptation nous interpelle: elle implique que le fait d'avoir un style de coping dit "fonctionnel", caractérisé par une forte proportion de comportements visant à résoudre le problème et non à le fuir, n'a aucun lien avec la capacité d'adapter ces comportements aux circonstances des situations.

      Ce résultat est d'autant plus étonnant que, d'une part, le score d'adaptation et le score de confrontation sont tous deux significativement liés au coping stratégique, et d'autre part, que les sujets du groupe stratégique se distinguent significativement de ceux des autres groupes à la fois par un score d'adaptation particulièrement élevé, et par un coping particulièrement fonctionnel.

      Bien que surprenants, ces résultats impliqueraient que deux aspects ou concepts propres au coping, sont distincts l'un de l'autre: le premier se réfère au style de coping d'une personne qui peut être plus ou moins fonctionnel, dépendant de la proportion que prennent des comportements d'évitement ou de retrait, et indépendamment du type des situations dans lesquelles ces derniers sont appliqués. Le deuxième de ces concepts fait, quant à lui, référence à la capacité qu'à l'individu de prendre en compte le contexte de la situation, pour adapter ses propres conduites aux circonstances.

      Afin de pouvoir mieux comprendre ce qu'impliquent ces deux concepts, ainsi que les différents types de coping observés, à partir de la prochaine question nous ne chercherons plus à extraire de nouveaux scores sur la base des conduites du sujet dans le jeu expérimental. Nous analyserons plutôt les liens entre les différents scores déjà mis en évidence, et d'autres variables, issues du jeu expérimental, et externes à celui-ci.


7. Sixième question : coping et indices globaux

      Comme déjà mentionné plus haut, et selon Porter (Porter, 1995), dans le contexte d'un jeu d'ordinateur, même s'il existe une part d'aléatoire, les conduites du sujet sont à considérer comme des déterminants des gains et des pertes subies par l'individu. Ceci étant, après avoir mis en évidence trois types de coping, et après avoir vu que les individus diffèrent quant à l'usage proportionnel qu'ils font de ces trois types, et quant à leur capacité d'adapter leurs comportements aux circonstances, la présente question consiste à rechercher des liens entre ces cinq variables, et différents aspects du déroulement du jeu et de son issue.


7.1 Mesures

      Les premières variables employées ici sont les scores obtenus par les sujets sur les trois types de coping, le score de confrontation et le score d'adaptation (variables nos. 552, 554, 555, 596 et 867).

      La deuxième partie des variables utilisées pour cette question sont les indices globaux liés au déroulement du jeu, définis au chapitre précédent, et dont la distribution a été décrite au début de la présente partie (variables nos. 111, 107, 113, 109, 108, 110, 112, 115).


7.2 Méthode d'analyse

      Trois types d'analyses ont été menées, dépendant de la nature des variables dont le lien est étudié. La relation entre des paires de variables quantitatives a été mesurée au moyen d'une corrélation, et dans un cas d'une corrélation partielle, tandis que pour évaluer le lien entre des variables qualitatives et des variables quantitatives, ce sont des analyses de variances (ANOVAs) qui ont été effectuées. Dans le cas de deux variables qualitatives, nous avons eu recours au test du Chi2 de Pearson.


7.3 Résultats et discussion

      Comme le montre la table no. 24, la durée totale du jeu s'avère liée significativement au coping stratégique, et tendanciellement au coping de base, mais pas au coping de protection ni au score d'adaptation. La relation avec le coping de base, bien que faible, indiquerait que dans ce contexte, plus les individus ont fait des efforts et agi face aux situations de stress rencontrées, plus ces situations ont duré.

      

Table 24 : Corrélations entre types de coping, score d'adaptation et indices globaux

      La relation plus forte entre la durée du jeu et le coping stratégique pourrait s'expliquer, quant à elle, par le fait que ce type de coping comprend le comportement no. 97. Ce dernier consiste à se réfugier dans un lieu sûr et à y séjourner pendant plusieurs secondes, voire plusieurs minutes, impliquant que le sujet s'accorde un peu de répit pour réfléchir à la situation, et probablement pour planifier la suite des événements.

      Ainsi, le fait de chercher à agir sur les facteurs qui sont à l'origine du stress nécessiterait la capacité de prendre du temps pour penser, et aurait pour conséquence que cette façon de gérer les situations prend définitivement plus de temps, qu'une attitude qui consiste à y réagir au fur et à mesure (coping de base) ou à s'en protéger momentanément (coping de protection).

      Le nombre de victoires remportées par le joueur sur les différents types d'ennemis est lié positivement au coping de base, au coping stratégique, au score de confrontation et au score d'adaptation, mais pas à la protection. Ceci paraît sensé puisque à la fois le coping de base et le coping stratégique comprennent des stratégies qui consistent à éliminer des ennemis, tandis que le coping de protection n'en comprend aucune.

      Aussi, si le lien entre le nombre de victoires remportées et le coping stratégique est plus fort qu'avec le coping de base, c'est probablement parce que parmi le coping stratégique se trouvent des comportements complexes, qui consistent à bloquer les ennemis dans une partie du labyrinthe, et à les éliminer les uns après les autres, alors que les comportements élémentaires compris dans le coping de base ne permettent généralement pas de remporter plusieurs victoires successives.

      Le score final du joueur est quant à lui corrélé uniquement au coping stratégique, au score de confrontation et à la capacité d'adaptation. Le score final dépendant à la fois du nombre de victoires, des bonus récoltés et de la capacité à préserver son agent, ces résultats confirment le fait que même si le coping de base permet de remporter de nombreuses victoires, il n'est pas possible pour le joueur d'avoir un score final élevé s'il n'a pas cherché parallèlement à préserver l'intégrité de son agent. Il semblerait, au vu de cela, que l'absence de lien entre le coping de base et le score final soit liée, d'une manière ou d'une autre, à l'absence de relation entre ce type de coping et la capacité d'adaptation.

      Le nombre de pertes est également lié (négativement) au coping stratégique, mais pas au coping de base, ni au coping de protection, ou au score de confrontation. Le lien entre score d'adaptation et nombre de pertes n'a rien d'étonnant puisque ce score a été calculé sur la base des pertes subies dans chaque situation, et que cette variable s'est avérée fortement corrélée au coping stratégique mais pas aux autres formes de coping. Cependant, l'absence de relation avec le coping de base et avec le coping de protection reste surprenante si l'on se souvient, d'une part, que le coping de base est très important quantitativement et proportionnellement par rapport aux autres types de coping, et d'autre part, que les comportements de protection sont par définition censés parer, ne serait-ce que temporairement, à la vulnérabilité de l'agent face au risque de subir des pertes.

      L'absence de relation entre le score de confrontation et le nombre de pertes, le nombre de blessures, ainsi que le temps d'exposition à des risques élevés, est d'une très grande importance. Rappelons que les pertes et les blessures ont été considérées comme les critères par excellence, d'un coping adapté dans ce contexte. Si ces critères ont été employés pour définir, situation par situation, quels étaient les comportements qui peuvent être considérés comme adaptés, ces indices sont également des critères d'adaptation pour l'ensemble du jeu, toutes situations confondues.

      Ceci étant, l'absence de lien entre ces indices et le score de confrontation est d'autant plus frappante qu'elle contraste avec les relations significatives entre ces mêmes indices et le coping stratégique et le score d'adaptation. Ces résultats indiquent que, dans ce contexte, il ne suffit pas d'avoir tendance à se confronter au problème pour parvenir à des résultats concrets en termes de risques encourus, de pertes ou de blessures, il est nécessaire de savoir quand et comment s'y prendre, et là, seule la capacité d'adaptation joue un rôle significatif.

      Comparée au lien entre le coping stratégique et le nombre de pertes, l'absence de lien entre cet indice et le score de confrontation peut s'expliquer par le fait que le coping de base, dont les comportements ne modifient pas nécessairement les conditions qui sont à l'origine du stress, constitue une part importante de ce dernier.

      Etant donné les liens trouvés lors de la question précédente entre le coping stratégique et le score d'adaptation, et puisque ces deux variables sont corrélées significativement et négativement au nombre de pertes d'agent, il nous a semblé nécessaire de vérifier si, relativement à cette dernière variable considérée comme le critère d'un coping adapté dans ce contexte, le score d'adaptation offrait réellement une information qui n'était pas contenue dans le coping stratégique.

      Autrement dit, nous nous sommes demandés si, outre le fait d'avoir régulièrement recours à des comportements stratégiques, et ceci quelle que soit la situation rencontrée, le score d'adaptation jouait réellement un rôle en soi, favorisant une réduction des pertes subies.

      Pour répondre à cette question, une corrélation partielle a été calculée entre le score d'adaptation et le nombre de pertes d'agent, le score de coping stratégique étant introduit ici comme variable contrôlée. Cette analyse a montré que, une fois l'usage du coping stratégique contrôlé, le score d'adaptation était toujours lié négativement et significativement au nombre de pertes subies (r = -.323, p Ł.05). Ce résultat indique que si le fait de recourir régulièrement à des comportements stratégiques est très adapté puisque le nombre de pertes en est fortement réduit, il est également important de savoir adapter ces comportements, et ceux qui relèvent des autres types de coping, aux circonstances précises des situations rencontrées. Ceci implique aussi que la capacité d'adaptation, représentée dans ce contexte par le score d'adaptation, ne peut définitivement pas être réduite au fait d'utiliser régulièrement des comportements stratégiques.

      Le nombre de fois où les joueurs se sont trouvés dans une situation à haut risque n'est pas lié aux différentes formes de coping ou à l'usage proportionnel qui en est fait, ni au score d'adaptation, indiquant que tous les sujets ont du faire face à de telles situations dans la même mesure, quelle que soit leur façon de les anticiper ou d'y réagir.

      Par contre, le temps passé dans ces situations est négativement, et significativement lié au coping de base et au coping stratégique, tendanciellement au score d'adaptation et pas du tout au score de confrontation.

      Ces résultats impliquent que le fait de faire des efforts quels qu'ils soient lorsqu'on se trouve dans une telle situation a pour effet de réduire le temps d'exposition au risque, et ce d'autant plus si ces efforts consistent à modifier les conditions de la situation qui sont à l'origine du risque élevé. Le fait de se protéger momentanément ne résout quant à lui pas le problème, ni n'a d'effet sur la durée du risque, de même le fait d'avoir une tendance générale à adopter des comportements de confrontation du problème.

      Si l'on compare ces derniers résultats avec ceux qui portent sur la durée totale du jeu, on peut en conclure que le fait de s'arrêter, de réfléchir et de planifier des stratégies qui modifient les conditions qui sont à l'origine du stress prend du temps, mais ne prolonge pas l'exposition au risque pour autant. Ce résultat pourrait s'expliquer par le fait que plusieurs des comportements qui font partie du coping stratégique nécessitent une planification, et constituent de ce fait une forme de coping anticipateur. Il est très probable en effet, que les personnes qui ont un score élevé sur cette dimension de coping aient pris du temps en dehors des situations hautement risquées, et avant celles-ci, pour préparer leur façon d'agir, de sorte que quand ces situations se sont présentées, elles aient été capables d'y faire face plus rapidement, réduisant ainsi la durée de l'exposition au risque.

      Par ailleurs, les différents résultats apportés pour répondre à la présente question, indiquent que si le coping de base et le coping stratégique sont utiles dans ce contexte, le coping de protection lui n'a pas d'effet significatif sur la façon dont le jeu se déroule ni sur la qualité de son issue.

      Ces résultats viennent confirmer les interprétations proposées pour ce type de coping: s'il est possible qu'il ait une fonction, comme c'est aussi le cas de certaines conduites d'évitement ou de retrait, qui peuvent avoir une utilité pour un individu à un moment donné, mais qui typiquement n'ont pas d'effet mesurable en termes de résolution du problème, le coping de protection n'a définitivement pas d'effet sur la situation concrète qui est à l'origine du stress, et ce type de coping ne devrait pas prendre la place des autres formes qui visent à agir sur les conditions de celle-ci.

      Lors de la cinquième question, il apparaissait déjà que le coping stratégique se distingue des deux autres types par son lien étroit avec le score d'adaptation. La présente question nous a permis de constater qu'il est également lié à d'autres aspects du déroulement du jeu et de son issue. Reste à savoir maintenant si, et comment, la façon de percevoir ou d'appréhender les situations rencontrées est liée au coping.


8. Septième question : coping et évaluation cognitive

      Si l'on se réfère au modèle de Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), et comme exposé dans la partie théorique de ce travail, les processus d'évaluation cognitive (appraisal) et de coping sont en constante interaction dès lors qu'une situation est évaluée par l'individu comme stressante. Ainsi, la façon dont la situation est évaluée a un effet déterminant sur les émotions ressenties (Scherer, 1984) et sur les efforts qui vont être déployés pour y faire face, tandis que ces derniers et leurs résultats sont constamment réévalués, et déterminent ainsi la suite des événements (Lazarus & Folkman, 1984).

      Dans le cadre du jeu expérimental, nous avons tenu à vérifier si des liens peuvent être établis entre l'évaluation cognitive des situations et le coping des adolescents. Dans ce but quelques variables ont été sélectionnées sur la base de la littérature pour leur lien reconnu avec le coping, et ont été intégrées aux questionnaires automatiques apparaissant après chaque situation du jeu et à la fin de celui-ci.

      Etant donné qu'au moment de formuler ces questions, nous ne savions pas quels seraient les résultats des premières questions de recherche, aucune hypothèse spécifique concernant ces liens n'a pu être formulée au préalable, et cette septième question consiste à se demander s'il y a un lien entre ces différents aspects de l'évaluation cognitive et les conduites observées dans ce contexte.


8.1 Mesures

      Pour l'étude de cette question, le score moyen d'adaptation, de même que les scores obtenus sur les trois types de coping retenus, et le score de confrontation, ont été employés (variables nos. 552, 554, 555, 596 et 867). Ils ont été mis en relation avec les scores de stress perçu, d'attribution causale lors de situations négatives, de contrôlabilité et de confiance en soi, de volonté de compétition, et de satisfaction, autrement dit avec les variables nos. 59, 58, 82, 83, 79, 85, 84, 76, 77, 78 et 81.


8.2 Méthode d'analyse

      Comme pour la question précédente, la relation entre des paires de variables quantitatives a été mesurée au moyen d'une analyse de corrélation, tandis que pour évaluer le lien entre une variable qualitative et une variable quantitative, c'est une analyse de variance (ANOVA) qui a été réalisée.


8.3 Résultats et discussion

      Comme on peut le voir dans la table no. 25, très peu de liens ont été trouvés entre l'évaluation cognitive et le coping, mais les quelques relations significatives qui ont tout de même pu être mises en évidence font sens.

      

Table 25 : Corrélations entre types de coping, score d'adaptation et évaluation cognitive

      Relevons tout d'abord que tant les trois types de coping, que la capacité d'adaptation aux situations rencontrées, ou le score de confrontation, n'entretiennent aucun lien significatif avec le stress perçu, avec l'attribution externe, et avec la volonté de compétition.

      Ces résultats indiquent que les personnes qui ont été plus stressées dans ces situations n'ont pas eu une manière différente d'agir que celles qui étaient moins stressées, alors qu'on aurait pu s'attendre à des différences qualitatives du type de celles que Doerner a trouvées (Doerner & Pfeifer, 1993).

      En effet, lorsqu'il a comparé les conduites de deux groupes de joueurs dans le contexte d'un jeu d'ordinateur de type micromonde, les joueurs du premier groupe n'étant pas "sous stress", et ceux du deuxième groupe étant placés dans une condition stressante (bruits discontinus à durée et intensité variable), cet auteur a trouvé des différences importantes à différents niveaux (Doerner & Pfeifer, 1993) : le groupe de sujets "sous stress" se caractérise par un surcroît d'activité et par des réactions "sur dosées", par une moindre variété des conduites, et par une tendance à ré-agir aux problèmes qui surviennent, au lieu de tenter de les prévenir (Doerner & Pfeifer, 1993).

      Ces sujets ne commettent pas plus d'erreurs que les autres, et s'ils effectuent nettement plus de conduites, celles-ci ont souvent peu d'utilité tout en étant coûteuses pour le joueur (Doerner & Pfeifer, 1993). Selon cet auteur, tout se passe comme si les sujets en condition de stress adoptaient un mode de fonctionnement qui consiste à traiter les problèmes de façon découpée, un aspect après l'autre, ce fonctionnement ayant pour avantage de favoriser la reconnaissance des caractéristiques précises des situations, et d'éviter de se perdre dans des détails (Doerner & Pfeifer, 1993).

      Au vu de ces résultats, si l'on considère le fonctionnement "découpé" qui consiste à régler les problèmes rencontrés au fur et à mesure qu'ils surviennent, sans chercher à les prévenir, alors le stress perçu dans notre jeu expérimental aurait pu entretenir un lien négatif avec le coping stratégique et avec le coping de protection, et positif avec le coping de base, les comportements de ce dernier type étant justement de type ré-actif plutôt que préventif, et souvent inadaptés aux circonstances. Aussi, si les sujets stressés ont tendance à réaliser des comportements peu adaptés (Doerner & Pfeifer, 1993), on aurait pu s'attendre à une corrélation négative entre capacité d'adaptation et stress perçu.

      Le fait que nos résultats ne ressemblent en rien à ceux de Doerner, et que dans notre expérience le stress n'entretienne pas de relation avec le coping pourrait s'expliquer de deux manières. Premièrement, dans l'expérience de Doerner, ce sont des différences entre deux groupes qui sont observées, le premier n'ayant "pas de stress" et le deuxième étant placé dans des conditions de stress. Ainsi ce n'est pas la sensibilité des personnes au stress qui est mesurée, mais bien l'effet d'une condition expérimentale sur le comportement des individus, indépendamment du vécu subjectif, et sans graduation possible.

      Deuxièmement, notre jeu expérimental a pour but principal de mesurer la gestion du stress, il a donc été conçu de manière à ce que tous les sujets y soient confrontés, et disposent de moyens pour y faire face, tandis que dans l'étude de Doerner, le stress est négatif, extérieur à la tâche que le sujet doit compléter, et le but n'est pas d'y faire face mais de parvenir à fonctionner malgré les perturbations engendrées par celui-ci, les sujets n'ayant aucun moyen de le réduire ou de le gérer à proprement parler. Ainsi, les quatre variables retenues pour représenter le coping dans notre expérience font référence à des stratégies de gestion du stress et non pas au fonctionnement du sujet malgré la constance de celui-ci.

      L'absence de lien entre volonté de compétition et coping indique que la motivation des sujets, ou l'importance que ceux-ci ont accordé à l'idée de figurer parmi les dix meilleurs joueurs, n'a pas eu de lien avec la façon dont ils ont géré les situations rencontrées. On aurait pu peut être s'attendre à ce que les personnes plus motivées se donnent plus de peine, et fassent plus d'efforts en tous genres, que celles qui étaient moins motivées. Cependant, ces résultats sont peu surprenants puisque le jeu expérimental a été conçu de manière à ce que, indépendamment de leur motivation à gagner des points, les individus soient pris dans des situations de stress où ils n'ont pas d'autre choix que de se donner de la peine, et faire de leur mieux pour observer la consigne qui leur est donnée.

      Les résultats relatifs à l'attribution causale dans ce jeu peuvent sembler à priori surprenants. En effet, dans la littérature en psychologie, l'attribution causale interne est généralement considérée comme une ressource positive pour le coping (Holahan et al., 1996; Lazarus & Folkman, 1984), et le bien être (Taylor & Brown, 1988). Selon ce dernier auteur, l'illusion de maîtrise et la perception d'un contrôle exagéré feraient partie du fonctionnement normal de l'individu, et auraient pour fonction de maintenir une image de soi positive ; cet "optimisme irréaliste" favoriserait entre autres la capacité de s'engager dans un travail productif, et serait particulièrement utile lorsqu'une personne est menacée (Taylor & Brown, 1988), comme c'est le cas dans une situation de stress.

      Dans cette même optique, l'attribution causale externe est quant à elle considérée comme nuisible car elle entraînerait un sentiment d'impuissance face aux situations rencontrées, et découragerait de ce fait le recours à des efforts de coping centrés sur le problème (Lazarus & Folkman, 1984).

      Dans la présente expérience cependant, où les scores d'attribution causale se réfèrent uniquement à des situations négatives, il semblerait que cela soit le contraire : les personnes qui s'attribuent moins à elles-mêmes ce qui leur arrive de négatif, ont plus confiance en leurs capacités de gérer les situations rencontrées (r = -.521, p Ł .01), et produiraient des comportements plus adaptés aux circonstances. Malgré l'absence de lien entre attribution causale externe et coping, ces résultats relatifs à l'attribution interne vont dans le même sens que les résultats de plusieurs auteurs qui se sont intéressés spécifiquement à des situations négatives.

      Ainsi Perrez et collègues ont montré que le fait d'attribuer un événement négatif à des causes externes, avait un effet positif sur les émotions ressenties à très court terme (Perrez, Wilhelm, Schoebi, & Horner, 2001). Snyder a montré, quant à lui, que l'attribution d'un échec à des facteurs externes, et non pas à la performance propre, avait un effet positif sur l'estime de soi, l'attribution d'une situation négative (perte d'emploi) à des causes internes prédisant une faible estime de soi et de la dépression (Snyder & Higgins, 1988). De ces différents résultats nous retiendrons donc que l'attribution à des causes internes n'a pas seulement des effets positifs, puisque dans des situations stressantes négatives, elle pourrait même s'avérer nuisible.

      Dans le contexte de notre jeu expérimental, et comme spécifié dans la partie méthode, la notion de contrôlabilité fait référence aux propriétés générales des situations qui ont été manipulées, comme par exemple le nombre d'ennemis présents, la vitesse de jeu, etc. tandis que le potentiel actuel de coping du sujet se réfère à l'état de l'agent à un moment précis, dépendant notamment des outils dont il dispose, des agents en réserve qui lui restent, etc. (Kaiser & Wehrle, 1996).

      Au vu de cela, et comme déjà mentionné plus haut, les items portant sur la contrôlabilité générale des situations, et sur la confiance que les individus ont en leurs propres capacités de gérer les situations rencontrées, ont été volontairement formulés d'une manière très différente l'un de l'autre, et il semblerait que ces deux variables n'entretiennent pas les mêmes liens avec le coping.

      La première de ces questions porte essentiellement sur combien la personne pense que, indépendamment de ses capacités propres à ce moment précis, quelqu'un en général peut faire quelque chose dans pareille situation. La deuxième question, quant à elle, concerne l'impression que le sujet a, d'avoir les capacités nécessaires pour en ce moment même, gérer correctement la situation, indépendamment de combien celle-ci est réellement difficile.

      Comme le montre la table ci-dessus, la contrôlabilité générale tend à être liée au coping de base seulement, tandis que la confiance en soi est liée significativement au coping stratégique. Si l'on considère ces deux résultats, en partant du principe que l'évaluation cognitive est un corrélat du coping, alors il semble que le fait de penser de manière générale que quelque chose peut être fait dans une situation donnée, soit lié au nombre d'efforts élémentaires fournis, mais ces efforts ne sont pas ciblés, et si l'on se rappelle l'absence de lien entre coping de base et capacité d'adaptation, ces efforts sont rarement efficaces.

      En revanche, les personnes qui ont confiance en leurs propres capacités de faire face s'attaquent plus directement au problèmes rencontrés, et ce type de coping s'est montré nettement plus efficace.

      On peut donc dire pour résumer ces interprétations, que le fait de percevoir des situations comme contrôlables augmente le nombre d'efforts fournis, et fait que les personnes ont tendance à être moins passives de manière générale. Mais ces efforts ne sont pas forcément utiles ni suffisants, de ce fait il est nécessaire d'avoir aussi confiance en ses propres capacités de coping, puisque les personnes qui se sentent capables d'affronter les situations tentent réellement plus d'agir directement sur les conditions qui sont à l'origine du stress, ces stratégies s'étant avérées plus efficaces.

      Enfin, la satisfaction que les sujets retirent de la façon dont ils ont géré les situations rencontrées est liée significativement au coping stratégique et au score de confrontation, et tendanciellement, mais négativement, au coping de protection. Ces résultats laissent penser que le fait d'agir sur les conditions qui sont à l'origine du stress, procure un sentiment de satisfaction, tandis que le fait de se protéger momentanément sans chercher à modifier durablement les paramètres qui mettent en danger l'agent, laisse une impression négative aux individus, puisque ceux-ci n'ont pas le sentiment d'avoir bien géré les situations.

      Pour conclure, on peut dire que parmi les variables liées à l'évaluation cognitive qui ont été mesurées, l'attribution causale interne, la confiance en soi, la satisfaction, et la contrôlabilité générale sont les seules qui entretiennent des liens tendanciels ou significatifs avec le coping, liens qui restent relativement faibles même s'ils font sens.


9. Huitième question : Effets du genre sur le coping

      Comme vu plus haut dans la revue de littérature sur le coping à l'adolescence, plusieurs auteurs ont trouvé des différences liées au genre. Si l'on se réfère au modèle en trois dimensions de Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990), il semblerait que les filles utilisent plus que les garçons des stratégies de coping actives et internes, le retrait étant employé dans la même mesure par les individus des deux sexes (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Aussi, les filles se stresseraient plus, et se prépareraient plus que les garçons à la survenue d'un éventuel problème, mais lorsque celui-ci survient, elles auraient plus tendance à le régler directement avec la personne concernée, et demanderaient plus facilement de l'aide à autrui (Seiffge-Krenke, 1995; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990). Les garçons, quant à eux, auraient plutôt tendance à attendre que le problème soit imminent pour s'en occuper, et préféreraient essayer de le gérer par eux-mêmes (Boekaerts, 1996; Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Au vu de ces résultats, nous nous sommes demandés quelle était la part des différences individuelles observées dans notre contexte expérimental qui s'expliquait par la variable genre, sachant qu'une des particularités de notre méthode, est que les situations rencontrées sont exactement les mêmes pour les filles et les garçons, alors que dans la réalité, le type des situations qui sont jugées stressantes de même que leur fréquence, varient déjà en fonction du genre (Frydenberg, 2000). Plus précisément, nous avons cherché à savoir si, et dans quelle mesure, le genre des sujets avait un effet sur le type de stratégies mises en oeuvre, sur l'usage proportionnel des différents types de coping, et sur la capacité d'adaptation.


9.1 Mesures

      Les mesures employées pour répondre aux questions ci-dessus sont les scores obtenus par les sujets sur les trois types de coping retenus, leur score de confrontation, leur score moyen d'adaptation, et enfin, leur appartenance à l'un ou l'autre des trois groupes de sujets mis en évidence lors de la question deux (variables nos. 552, 554, 555, 556, 596 et 867).

      Le genre des sujets constitue une seule variable catégorielle (variable no. 5), et, afin de contrôler les éventuels effets de l'âge, deux variables ont été employées : la première est quantitative, il s'agit de l'âge en années (variable no. 6), la deuxième est la variable catégorielle, qui constitue un recodage en deux catégories autour de la médiane, de la variable d'âge quantitative (no. 7).


9.2 Méthode d'analyse

      Une analyse de covariance a été réalisée pour chacun des scores de coping retenus (VD) avec pour variable indépendante le genre, l'âge (variable no. 6) étant introduit comme covariable. Un test du Chi2 a aussi été mené pour voir si la répartition des sujets entre les trois groupes (variable no. 556) était la même pour les filles et les garçons.


9.3 Résultats et discussion

      La table no. 26 comprend les moyennes et les écarts-types des filles et des garçons sur les cinq variables de coping retenues, de même que les résultats des ANCOVAs y relatives.

      

Table 26 : Coping par genre : moyennes, écarts types et résultats des ANCOVAs

      Si les garçons ont une moyenne légèrement plus élevée en coping de base que les filles, cette différence n'est pas significative. Pour les deux autres types de coping, et pour le score d'adaptation, les scores des filles sont significativement plus faibles que ceux des garçons : les filles produisent moins de comportements stratégiques et moins de comportements de protection que les garçons. Elles ont aussi un score d'adaptation plus faible que ces derniers.

      Ces résultats indiquent d'une part, que de manière générale, les filles ont produit moins de comportements que les garçons, indépendamment du type de coping, et d'autre part, que les garçons ont été mieux à même d'adapter leurs comportements aux situations rencontrées dans ce contexte. Mais le fait que ces différences ne soient pas significatives pour le coping de base, pourrait vouloir dire que les filles ont surtout été moins inventives et moins spécifiques : rappelons que le coping de protection et le coping stratégique ont en commun le fait qu'il s'agisse principalement de comportements nouveaux, qui n'ont pas été appris et exercés durant l'entraînement, et que les individus ont du créer eux-mêmes, notamment en combinant des conduites apprises. Ainsi, plus que les garçons, les filles auraient eu recours à des comportements appris.

      Le fait que les filles aient un score d'adaptation plus faible que les garçons est probablement lié au fait que ceux-ci ont utilisé sensiblement plus de comportements stratégiques qui, eux, sont corrélés fortement au score d'adaptation. Cependant, comme confirmé lors de la sixième question, la capacité des individus à adapter leurs conduites aux circonstances des situations ne peut pas être réduite à la simple utilisation de comportements stratégiques, quelle que soit la situation rencontrée.

      Dans ce contexte, le genre n'a pas eu d'effet sur la fonctionnalité du coping : les filles et les garçons ne diffèrent donc pas quant à la proportion que prend le coping de protection par rapport aux deux autres types de coping. Ce résultat montre que, si les filles et les garçons ont eu une façon différente de gérer les situations dans ce contexte, les garçons ayant plus souvent recours à des comportements stratégiques et de protection, ce dernier type de coping reste largement minoritaire pour les deux groupes, et bien en dessous de la limite de la fonctionnalité (= 1 / 5) définie par Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1994).

      Le fait que les garçons aient eu plus souvent que les filles, recours à des comportements stratégiques, est à l'opposé des différences de genre décrites dans la littérature (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996; Seiffge-Krenke, 1994; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990). A titre d'exemple, Seiffge-Krenke a montré que les filles rapportaient utiliser plus de coping actif et de coping interne que les garçons, ces deux styles de coping ayant pour point commun de viser une résolution du problème (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990), à l'instar du coping stratégique dans le jeu expérimental.

      Précisons par ailleurs, que si l'âge a été contrôlé pour cette analyse, et de ce fait introduit comme variable contrôlée, il s'avère que les jeunes adolescents ont un score de confrontation significativement plus faible que les adolescents plus âgés (F (1, 45) = 4.386, p Ł.05, h2 = .089), la corrélation entre ce score et l'âge au moment de l'expérience étant également significative (r = .298, p \u8804\'3d .05).

      Bien que ces différences ne fassent pas l'objet d'une question de recherche, notons que ces résultats divergent de ce qui est dit à ce propos dans la littérature, plusieurs auteurs ayant en effet observé que le coping centré sur le problème était relativement stable au cours de l'adolescence (Boekaerts, 1996; Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996).

      Le test du Chi2, réalisé entre la variable genre, et la classification des individus en trois groupes, n'est pas significatif (Chi2 (2) = 3.60, p >.10). On note cependant que dans les groupes II et III, caractérisés respectivement par une préférence pour le coping stratégique et pour le coping de protection, la majorité des sujets sont des garçons, alors que le premier groupe, caractérisé par un score plus faible sur ces deux types de coping, est composé majoritairement de filles.

      
Table 27 : Répartition des filles et des garçons dans les 3 groupes définis par le coping
Effectifs observés
Effectifs théoriques sous Ho
Groupe I Groupe II Groupe III Total
Garçons 22.9 % = 11
28.87 %
6.3 % = 3
4.12 %
10.4 % = 5
6.61 %
39.6 % = 19
Filles 50 % = 24
44.03 %
4.2 % = 2
6.28 %
6.3 % = 3
10.08 %
60.4 % = 29
Total 72.9 % = 35 10.4 % = 5 16.7 % = 8 100% = 48

      Ce résultat est relativement étonnant si l'on considère la proportion des filles et des garçons qui se trouve dans le groupe simple (I) : en effet, alors que seulement 57.89% des garçons font partie de ce groupe, ce sont 82.76% des filles qui s'y trouvent. Ainsi, une nette majorité des filles se caractérise par un usage du coping de base proportionnellement très élevé relativement aux deux autres types de coping, tandis que presque la moitié des garçons (les 42% restant) ont utilisé cette forme de coping dans une moindre proportion (voir aussi descriptifs de ces groupes en question deux).

      Ces résultats font sens si on les met en relation avec les différences de genre observées en termes de confiance en soi. Rappelons en effet que les filles ont eu significativement moins confiance en leurs propres capacités de faire face, et que cette variable est liée positivement et significativement au coping stratégique.

      Au vu de ce qui précède, on serait tenté de dire que dans ce contexte particulier d'un jeu d'ordinateur, probablement les garçons sont plus à l'aise, ce qui fait qu'ils ont plus confiance en eux-mêmes et que, de ce fait, ils ont plus souvent recours à des comportements stratégiques. Seulement, il semble qu'il s'agisse d'un phénomène plus général, cette différence de genre relative à la confiance en ses propres compétences ayant également été mise en évidence dans d'autres contextes : à titre d'exemple, Bandura note qu'avec l'âge, les filles ont de moins en moins confiance en leurs compétences dans le domaine des mathématiques (Bandura, 1997, p. 430), aussi, les filles auraient de manière générale, tendance à avoir une estime de soi plus faible que les garçons (Seiffge-Krenke, 1998, p. 167).

      Pour conclure, nous retiendrons que les garçons se distinguent des filles par un recours plus fréquent à des comportements dits "nouveaux", que ceux-ci aient pour particularité d'agir sur les conditions qui sont à l'origine du stress ou de parer momentanément à la vulnérabilité de l'agent, et par une capacité d'adaptation supérieure dans ce contexte. La différence de genre observée en termes de capacité d'adaptation est probablement liée au fait que les filles emploient moins de coping stratégique que les garçons, mais ne peut se réduire à cela.

      A ce stade, ces différences de genre restent donc difficiles à interpréter, et semblent même contraires à la littérature dans ce domaine. Ces données seront donc rediscutées dans la suite de ce travail, à la lumière des liens trouvés entre le coping dans le cadre du jeu expérimental, et des variables externes à celui-ci.


10. Neuvième question: Coping in situ et coping mesuré par un questionnaire

      Afin de pouvoir comparer le coping dans un contexte expérimental, avec le coping tel qu'il est mesuré de façon plus traditionnelle, nous avons tenu à mettre en relation les résultats de notre expérience avec ceux d'un questionnaire de coping.

      Plus précisément, nous avons pour cela administré aux participants un questionnaire de stress et de coping, développé sur la base de deux outils fréquemment cités dans la littérature, et qui ont déjà été utilisés dans différents pays : le CASQ et le Problem Questionnaire (Seiffge-Krenke, 1995 ), voir aussi au chapitre méthode pour plus de détails sur ces questionnaires.

      Ne sachant pas au préalable, quels seraient les types de coping qui ressortiraient des conduites observées tout au long du jeu expérimental, nous n'avons pas formulé d'hypothèses précises sur la nature des relations entre les données issues de ce contexte et du questionnaire.

      A posteriori cependant, c'est à dire après le traitement des questions de recherche précédentes, il semble possible d'établir un certain parallèle entre le coping actif et le coping stratégique d'une part, et entre le coping de protection et le retrait d'autre part.

      En effet, si le coping stratégique a pour particularité de s'attaquer au problème qui est à l'origine du stress, et de chercher à modifier les conditions de l'environnement dans ce sens là, les stratégies comprises dans le coping actif du modèle de Seiffge-Krenke vont dans le même sens puisqu'elles consistent à tenter de manière active à résoudre le problème (Seiffge-Krenke, 1995).

      Le coping de protection, quant à lui, semble caractérisé par le fait qu'il permet à la personne de se retirer du jeu et de la pression continue qui en résulte, ne serait-ce que pour quelques secondes, ce qui nous semble proche au niveau sémantique, des conduites d'évitement et de retrait comprises dans le troisième facteur de Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995).

      Il serait difficile de chercher à établir un parallèle entre le coping interne décrit par cet auteur, et des conduites observées dans le jeu expérimental, étant donné que la présente méthode ne permet précisément pas de mesurer des stratégies qui se déroulent à un niveau purement cognitif, et qui ne se traduisent pas par des comportements.

      Inversement, comme déjà discuté plus haut, le coping de base observé dans le jeu expérimental ne semble pas directement lié à un concept central qui pourrait être retrouvé dans des types de coping décrits dans la littérature.

      Malgré ces derniers éléments, nous avons voulu vérifier si les types de coping mis en évidence dans notre contexte expérimental entretiennent des liens avec les styles de coping décrits par Seiffge-Krenke, et mesurés par le présent questionnaire.

      Afin de voir si les personnes qui ont un coping dit "fonctionnel" dans le contexte expérimental, ont également un coping "fonctionnel" lorsqu'ils rapportent verbalement ce qu'ils feraient dans des situations de stress hypothétiques, le score de confrontation a été comparé au rapport entre les styles de coping actif et interne, et le retrait.

      Nous avons également vérifié si les sujets qui appartiennent aux trois différents groupes mis en évidence lors de la deuxième question de recherche, diffèrent quant à la fonctionnalité de leur coping telle qu'elle est mesurée par le questionnaire.

      Bien que dans le contexte expérimental le score d'adaptation ne soit pas lié au score de confrontation, nous avons également recherché des liens entre la capacité d'adaptation dans le jeu et la fonctionnalité du coping telle qu'elle est mesurée par le questionnaire.

      Finalement, nous avons voulu voir si le stress engendré par le jeu expérimental est lié au stress que les personnes pensent percevoir si elles devaient affronter les situations décrites dans le questionnaire.


10.1 Mesures

      Pour représenter le coping dans le contexte expérimental, nous avons repris les mêmes cinq variables que pour les questions précédentes, à savoir les scores obtenus par les sujets sur les trois types de coping, leur score de confrontation, et leur score d'adaptation (variables nos. 552, 554, 555, 596 et 867). La variable no. 59 représente, quant à elle, le stress engendré par le jeu expérimental, et la variable no. 556, la classification des sujets obtenue lors de la deuxième question de recherche 48 .

      Pour le questionnaire de stress et de coping, les variables employées (nos. 1501 à 1652) se trouvent dans le fichier no. 8, voir annexe no. 6.


10.2 Méthode d'analyse

      Avant de décrire les analyses, menées pour rechercher des liens entre le coping dans le jeu expérimental et tel qu'il est mesuré par le questionnaire, il est nécessaire de préciser par quelle démarche les scores de coping ont été calculés pour ce dernier.

      Comme déjà dit plus haut, ce questionnaire est une synthèse de deux questionnaires de Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995) qui comprend six situations. Pour chacune d'elles, le sujet doit d'abord indiquer combien il serait stressé s'il rencontrait pareille situation, et ensuite dire pour chacune des vingt stratégies de coping qui lui sont proposées, combien il est probable qu'il l'emploie s'il devait y faire face.

      Sur cette base un score de stress perçu a été calculé, qui correspond à une moyenne du stress perçu dans les six situations du questionnaire (variable no. 1627 = moyenne des variables nos. 1501, 1522, 1543, 1564, 1585, 1606).

      Conformément à la méthode décrite par Kavsek et Seiffge-Krenke (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996), pour chacune des 20 stratégies de coping une somme a été calculée sur l'ensemble des situations du questionnaire. Notons que dans le questionnaire CASQ employé par ces auteurs, les sujets répondent par oui (= 1) ou par non ( = 0) pour dire s'ils utiliseraient chacune des 20 stratégies proposées pour chaque situation de stress.

      Dans le questionnaire de coping que nous avons employé (voir en annexe no. 8), le format des réponses a été modifié afin d'obtenir des scores plus nuancés, et de pouvoir calculer sur cette base, un score quantitatif : pour chaque stratégie, le sujet indique, sur une échelle Likert à 4 points, dans quelle mesure il l'utiliserait (1 = certainement pas, 2 = c'est peu probable, 3 = c'est très probable, et 4 = certainement).

      En dépit de ce changement entre le questionnaire original et notre version synthétique, c'est la méthode décrite par Kavsek et Seiffge-Krenke (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996) qui a été employée, les six réponses du sujet pour chaque stratégie de coping proposée ont donc été sommées, aboutissant à des scores dont la valeur se situe entre 0 et 18.

      Toujours selon la méthode décrite par ces deux auteurs, une analyse en composantes principales (ACP) a été menée sur la base des 20 variables ainsi obtenues (variables nos. 1628 à 1648), sans, puis avec rotation Varimax, et limitant le nombre de facteurs à trois.

      Des scores de coping actif, interne et de retrait ont ensuite été calculés sur la base du modèle théorique décrit par Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995) (variables nos. 1649- 1651), et un alpha de Cronbach a été calculé pour chaque facteur issu de ce questionnaire.

      Une variable supplémentaire a été créée (no. 1652), qui correspond à la relation entre la somme des scores de coping actif et de coping interne par rapport au coping de retrait (variables nos. (1649 + 1650) / 1651). Nous nous référerons à cette variable en termes d'indice de fonctionnalité.

      Suite à ces différentes démarches, des corrélations ont été calculées entre le stress dans le jeu et le stress dans le questionnaire (variables nos. 59 et 1627). Puis les scores de coping issus de ce questionnaire (variables nos. 1649 à 1652) ont été mis en relation de la même manière, avec les cinq scores de coping issus du jeu expérimental (variables nos. 552, 554, 555, 596 et 867).

      Une analyse de variance a par ailleurs été menée avec pour variable dépendante l'indice de fonctionnalité (variable no. 1652) décrite ci-dessus, et pour variable indépendante la classification des sujets en trois groupes réalisée lors de la deuxième question (variable no. 556).


10.3 Résultats et discussion

      L'ACP, réalisée sur les données du questionnaire de coping, a résulté en une solution relativement proche du modèle théorique décrit par l'auteur du CASQ (Seiffge-Krenke, 1995). Cependant, alors que les deux premiers facteurs correspondraient assez bien au modèle théorique, le dernier comprend deux stratégies (nos. 2 et 5) qui n'ont rien à voir avec les autres (nos. 7, 9, 14 et 16) ce qui le rend difficile à interpréter.

      Ceci étant, et bien que les alphas de Cronbach obtenus sur ces facteurs soient plus élevés que ceux des facteurs "théoriques" (.77, .65 et .73 versus .77, .66 et .58), ce sont ces derniers qui ont été conservés en raison précisément de leur fondement théorique et empirique, et de la clarté de sens offerte par chacun d'eux.

      La table no. 28 ci-dessous comprend donc les trois styles de coping décrits par Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995), et les alphas de Cronbach y relatifs, obtenus sur les données du présent échantillon au moyen du questionnaire de stress et de coping. La solution factorielle obtenue au moyen de l'ACP, se trouve quant à elle en table 1 de l'annexe no. 9.

      
Table 28 : Reproduction sur la base de nos données, du modèle tri-factoriel décrit par Seiffge-Krenke
Facteur de coping & Alpha de Cronbach Stratégies
Coping actif
a = .77
1. Je discute du problème avec mes parents ou avec d'autres adultes
2. Je parle tout de suite du problème dés qu'il apparaît et je ne m'inquiète pas trop
3. J'essaie d'obtenir de l'aide auprès de professionnels (bureau de placement, consultation pour jeunes)
6. J'essaie de parler du problème avec la ou les personnes concernées
15. Je recherche de l'information dans des magazines, des encyclopédies ou des livres
18. J'essaie de me faire aider ou/ et réconforter par des personnes qui sont dans une situation semblable
19. J'essaie de résoudre le problème avec l'aide de mes copains
Coping interne
a = .66
4. Je m'attends au pire
5. J'accepte mes limites
10. Je réfléchis au problème et j'essaie de trouver différentes solutions
11. Je fais des compromis
13. Je me dis qu'il y aura toujours des problèmes
14. Je ne pense au problème que quand il survient
Retrait
a = .58
7. Je me comporte comme si de rien n'était
8. J'essaie de laisser sortir mon agressivité en me défoulant (avec de la musique forte, en conduisant mon vélomoteur, en dansant, en faisant du sport etc.)
12. Je laisse sortir ma colère ou mon désespoir en criant, pleurant, claquant des portes, etc.
16. J'essaie de ne pas penser au problème
17. J'essaie d'oublier le problème avec de l'alcool, des drogues ou des médicaments
20. Je me retire dans ma coquille parce que je ne peux de toute façon rien y changer

      La distribution des scores obtenus par les sujets de notre échantillon sur ces trois styles de coping et présentée en table 29. Ces résultats montrent que le coping actif est le style de coping le plus utilisé par les sujets, suivi du coping interne, le retrait étant le style auquel les adolescents du présent échantillon ont eu le moins recours.

      
Table 29 : Distribution des styles de coping dans notre échantillon (n = 48)
  Min. Max. M (SD)
Coping actif 42 138 103.34 17.63
Coping interne 36 121 90.79 15.21
Retrait 36 89 65.95 11.99

      Note : les scores minimum possibles pour ces trois styles de coping, sont respectivement de 42, 36, et 36. Les scores maximum possibles pour ces mêmes scores sont 210, 180, et 180. (Comme on peut le voir ci-dessus en table 28, l'échelle de coping actif comprend 7 items, tandis que le coping interne et le retrait sont représentés par 6 items chacun. Le questionnaire comprend 6 situations et tous ces items sont évalués dans chacune d'entre elles, au moyen d'une échelle Likert allant de 1 = pas du tout à 5 = tout à fait).

      Une comparaison 49  de ces données avec la distribution de ces scores dans l'échantillon décrit par Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995) a montré que si l'usage proportionnel des trois styles de coping va globalement dans le même sens pour les deux échantillons (actif > interne > retrait), les sujets du présent échantillon utilisent plus de retrait, et moins de coping actif.

      Les analyses de corrélation entre le coping dans le contexte expérimental et les données issues de ce questionnaire sont présentées en table no. 30. La majorité de ces corrélations sont cependant nulles et non significatives, et aucun lien direct n'a pu être trouvé entre un type de coping extrait des données expérimentales, et son éventuel équivalent dans le questionnaire. Plus précisément, le coping stratégique n'entretient aucun lien avec le coping actif, et le coping de protection n'est pas lié au retrait, bien que comme vu plus haut, il existe, à notre avis, un certain parallèle, au niveau sémantique, entre les comportements qui en font partie.

      

Table 30 : Données expérimentales vs. questionnaire de coping

      Parmi les liens significatifs toutefois, on note que le coping de protection est corrélé négativement avec le coping actif, ce qui paraît sensé : les personnes qui, face à une situation de stress quotidienne, disent avoir recours à des stratégies qui visent à résoudre le problème, ont eu moins recours à des comportements de protection dans le cadre du jeu expérimental.

      La relation négative entre le score d'adaptation et le coping actif est difficile à comprendre. On pourrait s'attendre en effet à ce que les personnes qui sont capables d'adapter leurs conduites aux circonstances, adoptent un style de coping actif dans les situations de la vie quotidienne. Il faut dire cependant que le questionnaire de coping ne fournit pas une mesure de l'adéquation des stratégies employées face aux situations spécifiques, ce qui rend difficile de juger de l'adéquation de ces stratégies, au contexte de leur application. Il n'est donc pas possible sur la base des présentes données de comprendre ce résultat.

      La corrélation la plus élevée et la plus significative trouvée entre les données expérimentales et celles du questionnaire, est celle qui relie le score de confrontation à l'indice de fonctionnalité, c'est à dire à la proportion entre coping actif et interne par rapport au retrait. Notons que cette corrélation est également très significative chez les filles et les garçons séparément (rgarçons = .683 (p Ł.05) ; rfilles = .523 (p Ł.05) 50 ).

      Ce lien montre que, même si à titre individuel, aucun type de coping dans le jeu n'est lié avec son équivalent potentiel, en termes de fonctionnalité, les deux types de mesures se rejoignent.

      Ainsi, les personnes qui dans le jeu, ont eu un style de coping caractérisé par la confrontation au problème, et par une moindre proportion de comportements de protection, adopteraient des conduites dites "fonctionnelles" pour gérer des situations de la vie quotidienne. Inversement, les personnes qui, dans le jeu expérimental, se caractérisent par un recours excessif à des comportements de protection, auraient, face à des situations stressantes de leur vie quotidienne, un coping dit "dysfonctionnel".

      L'appartenance des sujets aux différents groupes (simple, évitement, stratégique) issus de la deuxième question de recherche sur la base des scores de coping stratégique et de protection, n'a pas d'effet significatif sur l'indice de fonctionnalité du coping établi sur la base du questionnaire (F (2, 31) = .271, p >.10, h2=.017).

      

Fig. 18 : Indice de fonctionnalité mesuré sur la base du questionnaire

      Cependant, comme le montre la figure 18, et même si les moyennes de ces trois groupes ne sont pas significativement différentes, la distribution de ce score a tout de même une apparence très différente pour chacun de ces groupes. Cette figure montre en effet que, si les médianes des trois groupes sont relativement proches, celle du groupe évitement (II) est inférieure aux deux autres, et surtout, les sujets des groupes simple et stratégique (I et III) ont pour la plupart un score plus élevé, impliquant que leur coping est de manière générale plus fonctionnel.

      Au vu des différents résultats apportés pour répondre à cette question, on serait tenté d'émettre l'hypothèse que les comportements observés dans le contexte expérimental restent très différents des stratégies susceptibles d'être employées dans des situations de la vie quotidienne, raison pour laquelle aucune relation directe n'est observée entre ces styles, mais qu'en termes de fonctionnalité, il existe un recoupement entre ces deux contextes.

      Notons que, comme le montre la table 31, dans le jeu expérimental, la proportion du coping de protection est très faible pour la majorité des sujets, atteignant même des proportions ridicules pour quelques-uns uns d'entre eux, tandis que pour les données issues du questionnaire, les sujets du présent échantillon se situeraient pour la majorité, en dessous de la relation qualifiée de "fonctionnelle" par Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1994). A ce stade, nous manquons d'éléments pour expliquer ce dernier résultat, nous le considérerons comme une particularité de notre échantillon.

      
Table 31 : Scores proportionnels de coping : données expérimentales et questionnaire
  Min. Max. M (SD)
Score de confrontation 2.86 64 13.75 13.84
Indice de fonctionnalité 1.82 4.30 3.02 62

      De ce qui précède, nous conclurons que, si les stratégies de coping observées dans ces deux contextes sont probablement trop différentes pour être liées entre elles, une relation importante a cependant été mise en évidence entre la fonctionnalité du coping dans le contexte expérimental, et face à des situations de la vie quotidienne.

      Cette relation confirme par ailleurs une des hypothèses de base, implicite mais sous-jacente à l'élaboration du présent jeu expérimental, à savoir que, même si ce qui se passe dans un micromonde est très différent de ce qui se passe dans la réalité quotidienne, les personnes qui se trouvent face à ces deux sortes de situations sont les mêmes, et leurs conduites dans un environnement devraient être, dans une certaine mesure, en rapport avec leur façon d'aborder les situations rencontrées dans l'autre environnement.

      Autrement dit, les adolescents qui ont participé à cette recherche ont leurs préférences et leurs façons de faire habituelles lorsqu'ils font face à des situations stressantes de la vie quotidienne. Nous avons postulé que ces préférences et ces habitudes auraient un effet sur la façon d'aborder les situations du jeu expérimental, sans quoi celui-ci n'aurait pas de raison d'être, et les résultats de la présente question ont montré qu'en termes de fonctionnalité des habitudes de coping, cette hypothèse est vérifiée.

      Ces éléments nous amènent à la question de la validité externe de la présente méthode, et afin que celle-ci puisse être discutée, la dernière question de recherche consiste à décrire quelques liens trouvés entre les données expérimentales, et d'autres mesures externes.


11. Dixième question : exploration des liens avec des mesures externes

      Cette dixième et dernière question de recherche est motivée par deux éléments. Premièrement, la méthode expérimentale employée pour ce travail se déroule dans le contexte d'un laboratoire. Or, même si la méthodologie des micromondes est censée être plus proche d'un environnement naturel que la méthode expérimentale classique (Brehmer & Doerner, 1993), il n'en reste pas moins que les individus sont face à un ordinateur et non face à des personnes réelles, et surtout, ils se trouvent face à des enjeux qui sont limités au cadre expérimental et qui n'auront aucune incidence sur leur vie.

      Deuxièmement, étant donné que le jeu expérimental dont il est question tout au long de ce travail, a été développé pour, et dans, le cadre de celui-ci, et qu'il ne s'agit pas d'une méthode déjà connue, reconnue et validée, il nous a semblé pertinent, à titre exploratoire, d'exposer les liens qui ont pu être mis en évidence entre les données expérimentales, et d'autres variables, externes à ce contexte.

      C'est pour ces mêmes raisons que lors de la précédente question les comportements des sujets dans le contexte expérimental ont été comparés à ceux que les adolescents utiliseraient dans des situations hypothétiques de leur vie quotidienne.

      A présent, des comparaisons vont être faites à deux niveaux : les variables issues des mesures externes seront comparées d'une part, à celles qui portent sur l'évaluation cognitive des situations du jeu expérimental, et d'autre part, aux différents scores représentatifs du coping dans ce contexte.

      Comme c'était déjà le cas pour d'autres questions, ne sachant pas au préalable ce qui ressortirait des comportements observés dans le contexte expérimental, aucune hypothèse n'a été définie au départ, si ce n'est que nous nous attendions à trouver une certaine logique, ou une certaine cohérence dans les liens qui pourraient être trouvés.

      Etant donné que ce travail a pris place dans le cadre d'un projet FNRS (voir annexe no. 10) que nous avons été chargés de réaliser conjointement avec d'autres équipes de recherche, il nous a été possible de choisir un certain nombre d'instruments externes au contexte expérimental.

      Ces instruments ont été sélectionnés à la fois pour nous permettre de répondre à la présente question de recherche, et pour satisfaire aux besoins du projet FNRS, et des autres collaborateurs impliqués dans celui-ci. Il s'agit, comme annoncé dans la partie méthodologique, du questionnaire "Moi et ma santé" (Bonino, 1998), du questionnaire sur la vie familiale (Schneewind & Weiss, 1996), et de l'épreuve du B 53 (Bonnardel, 1972) mesurant l'intelligence fluide.

      Ces différents instruments ont été sélectionnés pour permettre l'exploration des liens entre le coping dans le jeu expérimental et d'une part, certains aspects du fonctionnement de l'adolescent (confiance en soi, optimisme, stress vécu, comportements problématiques, etc.) de même que son intelligence fluide, et d'autre part, quelques caractéristiques du fonctionnement familial (cohésion, adaptabilité, sévérité des parents, rigidité des règles en vigueur, etc. ).

      Précisons que le questionnaire sur la vie familiale a également été administré aux adolescents francophones, recrutés par l'équipe de recherche fribourgeoise selon les mêmes critères que le présent échantillon. Pour l'exploration des liens entre le jeu expérimental et ce questionnaire, seules les données du présent échantillon ont été utilisées. Cependant, pour établir la validité interne de cet instrument, les données de l'ensemble des adolescents francophones ont été employées (n = 99).


11.1 Mesures

      Les variables sélectionnées pour représenter le jeu expérimental sont :

  • pour l'évaluation cognitive : le stress perçu, l'attribution causale lors de situations négatives, la contrôlabilité, la confiance en soi, la volonté de compétition et la satisfaction (variables nos. 59, 58, 82, 83, 79, 85, 84, 76, 77, 78 et 81)
  • pour le coping : les scores obtenus sur les trois types retenus, le score de confrontation et le score d'adaptation (variables nos. 552, 554, 555, 596 et 867).

      Les variables externes sont :

      pour le questionnaire "Moi et ma santé", les échelles : optimisme (A), confiance en soi / succès scolaire (B), confiance en soi / coping (D), sévérité des parents (H), nombre de règles strictes (I), support parental et d'autres adultes (J), stress des 6 derniers mois (L), et comportements Problématiques multiples (N) (variables nos. 1653 à 1660)

  • pour le questionnaire sur la vie familiale : les échelles de cohésion, adaptabilité et communication (variables nos. 1661- 1663)
  • le score d'intelligence fluide mesuré par l'épreuve B 53 (variable no. 1664)
  • l'indice de fonctionnalité du coping a aussi été repris ici (variable no. 1652).

11.2 Méthode d'analyse

      A l'instar des questions précédentes, des analyses de corrélations (Pearson) ont été réalisées pour rechercher des liens entre des paires de variables quantitatives.

      En fonction des résultats obtenus, une corrélation partielle a été calculée entre le B 53, le score de confrontation et le score d'adaptation (variables nos. 1664, 596 et 867), pour laquelle l'âge (variable no. 6) a été introduit comme variable contrôlée.

      Une deuxième analyse de corrélation partielle a été calculée entre le score du B 53 et le score d'adaptation (variables nos. 1664 et 596), avec pour variable contrôlée le coping stratégique (variable no. 555).

      Par la suite, une analyse de variance a été menée avec pour variable dépendante le score obtenu à l'épreuve du B 53, et pour variable indépendante le genre (variables nos. 1664 et 5). Enfin, ce sont trois analyses de co-variance qui ont été réalisées (ANCOVAs), toutes avec pour variable indépendante le genre, pour variable dépendante le score d'adaptation (variables nos. 5 et 596), et avec pour variables contrôlées respectivement le coping stratégique uniquement, le score obtenu au B 53 uniquement, puis les deux (variables nos. 555 et 1664).


11.3 Résultats et discussion

      La table no. 32 ci-après comprend les corrélations trouvées entre les données expérimentales et des variables se rapportant à l'individu et à son fonctionnement.


1) Confiance en soi et autres concepts (Moi et ma santé)

      Parmi ces résultats, notons tout d'abord que l'optimisme et la confiance en ses propres capacités de coping, telles qu'elles sont mesurées par le questionnaire Moi et ma santé (Bonino, 1998), n'entretiennent aucun lien avec tant l'évaluation cognitive, que le coping dans le jeu expérimental. Ce résultat quelque peu décevant, peut s'expliquer par le fait que les items compris dans ces deux échelles se rapportent à des situations peu spécifiques ou pas actuelles : l'optimisme porte plutôt sur les attentes du sujet pour le futur plus ou moins lointain (aller à l'université, avoir une maison, une vie de famille tranquille, etc.). Les items de la confiance en ses propres capacités de coping ont trait quant à eux, à des situations présentes, mais peu précises (faire face aux problèmes de la vie quotidienne, prendre des décisions importantes, apprendre de nouvelles habiletés). En comparaison avec la confiance en soi telle qu'elle est mesurée in situ, face aux événements spécifiques du jeu expérimental, il se peut que ces deux échelles soient trop abstraites et les données expérimentales trop spécifiques à ce contexte.

      

Table 32 : Données expérimentales et variables externes portant sur l'individu et son fonctionnement

      En revanche, la confiance en soi par rapport à différents aspects de la scolarité, qui comprend des items plus spécifiques que les deux échelles précédentes, entretient des liens significatifs avec le vécu émotionnel, et différentes variables de l'évaluation cognitive, mais pas avec le coping.

      En effet, les personnes qui ont confiance en leurs propres capacités de réussite et de reconnaissance scolaire rapportent plus d'émotions positives, et moins d'émotions neutres, dans le contexte expérimental. Elles attribuent plus souvent leurs échecs à des causes externes, sont plus motivées pour entrer en compétition, et finalement, sont plus satisfaites de la façon dont elles ont géré les situations rencontrées.

      Ce résultat implique que si l'on compare l'évaluation cognitive et le vécu émotionnel dans le contexte expérimental, à des variables portant sur une situation relativement spécifique, des liens sont trouvés qui font sens. Nous en retiendrons que les adolescents qui sont confiants dans leurs possibilités de réussite scolaire ont été plus motivés, plus impliqués et plus satisfaits d'eux-mêmes dans ce contexte expérimental. Par ailleurs, le fait que ces mêmes adolescents attribuent plus souvent leurs échecs à des causes externes, va dans le même sens que l'observation, déjà faite auparavant (voir discussion de la septième question), selon laquelle il semble préférable, suite à une situation d'échec, et dans une certaine mesure, d'en attribuer la cause à des facteurs externes, et non internes.


2) Stress (Moi et ma santé)

      Tel qu'il est mesuré par le questionnaire Moi et ma santé, le stress vécu au cours des six derniers mois, et qui se rapporte aux domaines de l'école, de la vie familiale et sociale, n'est pas lié au stress engendré par le jeu expérimental, et tendanciellement seulement, au stress provoqué par le fait de participer à une expérience dans un laboratoire. Plus précisément, c'est l'item qui se rapporte au stress vécu dans le domaine de la vie sociale, qui est lié significativement au stress provoqué par la participation à une expérience en laboratoire (r = .399, p Ł.05). Ceci implique que les adolescents qui ont été stressés dans les mois qui précèdent, par des situations sociales ou d'interaction avec des pairs, ont aussi été stressés par le fait de devoir participer à une expérience.

      Ceci étant, le stress vécu au cours des six derniers mois est tout de même lié au vécu émotionnel dans ce contexte expérimental. Les adolescents qui ont vécu beaucoup de stress dans les mois qui précèdent rapportent significativement plus d'émotions négatives au cours du jeu expérimental, ils ont significativement moins confiance en eux-mêmes, et sont, en fin de compte, significativement moins satisfaits de la façon dont ils ont géré cette situation.

      Ces résultats impliqueraient que l'évaluation cognitive des situations rencontrées, de même que le vécu émotionnel, est influencé par le stress vécu dans la période qui précède : les sujets qui ont vécu moins de stress dans ces différents domaines de leur vie étant pour ainsi dire "mieux partis" pour aborder les situations de stress à venir, et notamment la situation expérimentale.


3) Comportements problématiques multiples (Moi et ma santé)

      L'indice de comportements problématiques multiples, évalué par le questionnaire Moi et ma santé, est lié significativement, et négativement, avec le nombre d'émotions positives, positivement avec le nombre d'émotions neutres, négativement avec la satisfaction générale, et enfin, tendanciellement avec l'attribution causale interne lors de situations négatives.

      Ces résultats indiquent que les adolescents qui disent avoir consommé de l'alcool, fumé des cigarettes ou / et pris de la drogue, ou eu des rapports sexuels complets avec un partenaire du sexe opposé, ont eu dans le contexte expérimental, un vécu émotionnel moins positif, parfois ils sont peut être restés relativement détachés de ce qui se passe ou se sont moins impliqués dans la tâche (nombre d'émotions neutres). Ils se sont également montrés moins satisfaits d'eux-mêmes, et ont eu tendance à s'attribuer plus la cause de situations négatives ou d'échecs. Ces différents résultats font sens, et montrent que le fait d'avoir recours à des comportements problématiques dans la réalité, est lié à la façon dont l'adolescent évalue une situation rencontrée, au vécu émotionnel qui s'en suit, et au sentiment de satisfaction ou d'insatisfaction qu'il en retire.

      Le fait que ces comportements problématiques soient corrélés positivement avec le nombre d'émotions neutres, alors que la confiance en ses propres capacités de réussite scolaire l'est aussi, mais négativement, semble indiquer que le fait de rapporter des émotions neutres dans ce contexte, constitue en quelques sortes un indice d'implication versus de détachement, par rapport à ce qui se passe dans le jeu. Le vécu émotionnel étant rapporté par les adolescents, il reste difficile de savoir, lorsque ces derniers se disent "neutre / indifférent", s'ils le sont réellement, ou s'ils évitent de laisser voir les émotions réellement ressenties. Si tel est le cas, le fait de ne pas se dire touché émotionnellement par ce qui se passe pourrait être une forme de contrôle émotionnel, ou une stratégie destinée à maintenir une certaine contenance, autrement dit à ne pas montrer une autre image que celle d'une personne forte et insensible.


4) Intelligence fluide (B 53)

      Le score d'intelligence fluide, mesuré au moyen de l'épreuve B 53 (Bonnardel, 1972), est fortement et significativement corrélé au coping stratégique, au score d'adaptation, et au score de confrontation.

      Ce résultat, qui est probablement parmi les plus intéressants de ceux qui ont pu être trouvés dans ce travail, montre que, si la capacité d'adaptation et l'indice de fonctionnalité n'entretiennent aucun lien, l'intelligence fluide est elle liée à ces deux aspects du coping.

      Sur la base de ces résultats, une analyse de corrélation partielle a été menée entre d'une part, le score d'adaptation et le score de confrontation, et d'autre part, le score obtenu à l'épreuve du B 53, l'âge des sujets étant introduit comme variable contrôlée.

      Cette analyse a montré qu'une fois l'effet de l'âge contrôlé, le lien entre le score d'adaptation et l'intelligence fluide reste significatif (r = .395, p Ł.01) de même le lien entre cette dernière et le score de confrontation (r = .329, p Ł.05).

      Cependant, alors que l'âge n'est pas corrélé significativement avec le score d'intelligence fluide (r = .234, p >.10), une différence significative de genre a été observée. Une analyse de variance réalisée sur les scores du B 53 a montré en effet que les garçons ont des scores significativement supérieurs à ceux des filles (Mfilles = 39.69; SDfilles = 7.21; Mgarçons = 44.58; SDgarçons = 8.64 ; F (1, 46) = 4.510, p Ł.05, h2=.089).

      Sur la base de ces derniers résultats, nous nous sommes demandés si la différence de genre, observée relativement à la capacité d'adaptation, et largement due à l'usage significativement plus fréquent du coping stratégique par les garçons, était due à une préférence liée au genre pour ce type de comportements, ou à l'intelligence fluide, avérée supérieure en moyenne chez ces derniers.

      Autrement dit, par cette question, nous avons cherché à savoir si le score d'adaptation mesurait bien la capacité des individus à adapter leurs conduites aux circonstances, ou s'il reflétait uniquement une préférence pour un style de coping particulier. Trois analyses de co-variance ont été réalisées pour répondre à cette dernière question, dont les résultats figurent en table 33.

      

Table 33 : ANCOVAs testant l'effet du genre (VI) sur le score d'adaptation (VD)

      Les résultats de ces analyses indiquent que, lorsque l'effet du recours à des comportements de coping stratégiques est contrôlé, les garçons ont un score d'adaptation tendanciellement plus élevé que les filles, et lorsque l'effet de l'intelligence fluide est contrôlé, cette différence de genre reste même significative. Par contre, lorsque ces deux variables sont contrôlées, la différence de genre n'est plus significative.

      Ceci implique d'une part, que les différences de genre observées relativement à la capacité d'adaptation s'explique en partie par ces deux autres variables, mais qu'une fois l'effet de celles-ci neutralisé, la capacité d'adaptation n'est plus liée au genre.

      D'autre part, ces résultats montrent que la capacité d'adaptation dans ce contexte expérimental est fortement liée à ces deux mêmes variables, à savoir le coping stratégique, et l'intelligence fluide.

      L'absence de relation entre l'intelligence fluide et le score d'adaptation, une fois le coping stratégique contrôlé (r = .144, p >.10), confirme, quant à elle, que la relation entre ces deux premières variables, passe entièrement par la troisième.

      Sur la base de ces différents résultats, il semble possible de dire que les personnes qui ont un score d'intelligence fluide élevé, ont, dans le contexte de ce jeu expérimental, plus souvent recours à des comportements stratégiques, et obtiennent un score d'adaptation plus élevé.

      Par ailleurs, afin de vérifier si le fait que les garçons avaient utilisé plus de coping stratégique que les filles, s'expliquait uniquement par leur score d'intelligence fluide plus élevé, ou si une préférence pour la nature des comportements qui font partie de ce type jouait aussi un rôle, une analyse de covariance a été réalisée entre le genre (VI) et le coping stratégique (VD), le score obtenu à l'épreuve du B 53 étant introduit comme covariable. Cette analyse a montré qu'une fois l'intelligence fluide contrôlée, le genre n'avait plus d'effet significatif sur l'usage du coping stratégique (F (1, 45) = 1.707, p >.10, h2 = .037). Ceci nous permet de dire que les différences de genre observées, à la fois en termes de coping stratégique, et en termes de capacité d'adaptation, sont imputables pour leur grande partie, à l'intelligence fluide, et non à des préférences d'une autre sorte.

      Prenant en compte l'ensemble des résultats qui ont trait aux relations entre l'intelligence fluide et le coping dans le contexte expérimental, nous sommes tentés, pour conclure, de dire que l'intelligence fluide semble favoriser le choix de conduites qui sont de manière générale, plus adaptées (score de confrontation + coping stratégique), et que par ce biais, elle influence la capacité des individus à s'adapter aux circonstances des situations qu'ils rencontrent (score d'adaptation).

      Il est intéressant de voir que, si dans le contexte expérimental, la fonctionnalité du coping est significativement liée à l'intelligence fluide, cette dernière ne semble pas liée à la proportion du coping actif et du coping interne par rapport au retrait, telle qu'elle est mesurée au moyen du questionnaire de stress et de coping (r =.187, p > .10). Ce résultat indique que lorsque les comportements de coping sont mesurés en situation, la fonctionnalité du coping est liée significativement avec l'intelligence, cependant, lorsque ces comportements de coping sont rapportés verbalement, et relativement à une situation hypothétique, ce lien ne peut pas être établi.

      Parmi les différents aspects du fonctionnement des individus mis en relation avec les données expérimentales, seules quelques variables semblent influencer l'évaluation cognitive et le vécu émotionnel, l'intelligence fluide étant la seule à entretenir un lien direct avec plusieurs aspects importants du coping.


5) Fonctionnement familial (Moi et ma santé + questionnaire sur la vie familiale)

      La table no. 34 comprend les corrélations trouvées entre quelques aspects du fonctionnement de la famille des adolescents (questionnaire Moi et ma santé (Bonino, 1998), et questionnaire sur la vie familiale (Schneewind & Weiss, 1996)), et les données expérimentales.

      Des données comprises dans ce tableau, il ressort que la sévérité des parents, telle qu'elle est perçue par les adolescents, est liée significativement et négativement avec la confiance en soi, avec le score de confrontation, et avec la satisfaction dans le jeu. Ces résultats indiquent que les adolescents qui perçoivent leurs parents comme étant très sévères, ont, dans ce contexte expérimental, abordé les situations rencontrées en ayant moins confiance en leurs propres capacités d'y faire face, ils se sont relativement peu confrontés aux problèmes rencontrés, et ont plus cherché à les éviter ; enfin, ils se sont montrés peu satisfaits d'eux-mêmes. On peut donc dire que telle qu'elle est perçue par les adolescents, la sévérité des parents a un effet négatif à la fois sur la façon d'appréhender les situations, et sur le coping.

      Le nombre de règles familiales strictes représente en quelques sortes le degré de contrôle exercé par les parents sur les activités des adolescents (horaires, choix des activités, des amis, etc.). Cette variable a un effet tendanciel seulement sur la façon dont les adolescents ont abordé les situations du jeu expérimental, et ne semble pas avoir influencé du tout le choix des stratégies de coping. Plus précisément, les adolescents qui disent obéir à un nombre élevé de règles strictes, ont tendance à être plus stressés par les situations du jeu expérimental, et à avoir moins de confiance en leurs propres potentialités de faire face.

      

Table 34 : Données expérimentales et variables externes liées au support social et au fonctionnement familial

      Le support social dont les adolescents bénéficient auprès des adultes de leur entourage (parents ou / et autres adultes), est lié significativement avec la volonté de compétition, et tendanciellement mais négativement, avec le nombre d'émotions négatives. Le lien significatif entre le support social et la volonté de compétition implique que les adolescents qui se sentent mieux encadrés ou soutenus par les adultes de leur entourage, se sont plus impliqués dans la situation expérimentale.

      La cohésion au sein du système familial, c'est à dire le degré auquel l'adolescent perçoit les membres de sa famille comme étant proches et partageant un sentiment d'appartenance, est lié positivement à l'attribution causale externe lors de situations négatives. Ce résultat semble cohérent avec les résultats obtenus par Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995), selon lesquels la cohésion familiale serait un des précurseurs d'un coping adapté chez les adolescents.

      Etant donné, que le fait d'attribuer la causalité d'un échec ou d'une perte à des facteurs externes semble faire partie d'un fonctionnement "sain" à priori, ou favorable au bien être de l'individu, on peut dire que si la cohésion familiale est liée à cette variable, alors elle favorise une évaluation cognitive de la causalité qui tend à profiter à l'individu.

      L'adaptabilité de la famille est, quant à elle, liée significativement à la contrôlabilité générale des situations, et significativement aussi, mais négativement, au stress engendré par l'expérience en laboratoire. Si cette variable n'a aucun effet direct sur les comportements de coping, elle a une influence non négligeable sur la manière d'appréhender les situations. Ainsi, les adolescents, dont la famille (selon leurs dires) semble s'adapter relativement bien à des situations imprévisibles ou problématiques, ont été moins stressés par le fait de participer à une expérience dans un contexte inconnu comme celui d'un laboratoire. De plus, ils ont estimé les situations rencontrées comme étant très contrôlables. Sur cette base, on peut dire que le fait de voir que sa famille est capable de s'adapter à toutes sortes de situations, ou de problèmes, favorise chez l'adolescent, une attitude positive face aux situations, celles-ci étant vécues comme plus maîtrisables et provoquant moins de stress.

      Enfin, la communication au sein de la famille est liée significativement à l'attribution externe lors de situations négatives, et significativement aussi, mais négativement, au stress provoqué par l'expérience en laboratoire. Au même titre que le lien entre attribution causale externe et cohésion familiale, ces relations s'expliquent à un niveau relativement général, par le fait que le bon fonctionnement de la communication entre les membres de la famille aurait pour effet que l'adolescent est moins stressé dans une situation qui lui est nouvelle, et lorsque celle-ci s'avère être un échec, il en attribue la cause à des facteurs externes, ne se laissant ainsi pas trop perturber.

      Pour conclure relativement à l'ensemble des variables liées au fonctionnement familial, on peut dire qu'à l'exception de la sévérité des parents, elles n'ont pas eu, dans ce contexte, un effet direct sur le coping. Ces différents aspects du fonctionnement familial ont cependant influencé, chacun à sa façon, l'évaluation cognitive des situations et le vécu émotionnel. Dans l'ensemble, les liens trouvés ici montrent qu'un fonctionnement familial, caractérisé à la fois par des bonnes relations entre les membres (cohésion, communication), et par une certaine souplesse ou flexibilité face aux problèmes rencontrés (adaptabilité, sévérité moindre des parents et pas trop de règles strictes), favorise une évaluation positive de la situation et de la personne face ou suite à celle-ci, et entraîne que l'adolescent perçoit moins de stress.

      Ces derniers éléments étant susceptibles de préserver le bien-être des adolescents, et de favoriser un coping adéquat, il est probable que, par le biais de ceux-ci, le fonctionnement au sein du système familial ait tout de même un effet indirect sur le coping, même si celui-ci n'a pas pu être étudié dans ce contexte.

      Ceci étant, et pour conclure cette dernière question, nous retiendrons des données discutées ici, que bien que le jeu expérimental représente un contexte très particulier, et probablement assez différent des situations rencontrées au quotidien par les adolescents, des liens ont pu être mis en évidence avec des mesures externes, liens qui pour la plupart, sont cohérents à la fois entre eux, et avec la littérature dans le domaine du coping à l'adolescence.


VI Discussion générale et conclusions


1. Abrégé des objectifs et des résultats

      Dans le cadre de ce travail, nous avons eu pour but d'étudier en situation, les comportements de coping des adolescents. Conformément à cet objectif, un jeu d'ordinateur interactif a été développé, testé, puis administré à des adolescents. Cette méthode expérimentale nous a permis d'observer et de mesurer des comportements de coping mis en oeuvre face à différents types de situations stressantes.

      Après que des procédures informatiques aient été mises au point pour permettre une analyse contextuelle de ces conduites, les résultats issus de cette dernière ont pu être analysés d'un point de vue statistique, afin de répondre à dix questions de recherche.

      La première partie de ces questions portait de façon plus ou moins directe sur le concept de fonctionnalité du coping, et sur sa mesure. Par le biais de ces questions nous avons tenté d'opérationnaliser deux façons traditionnelles de concevoir ce qui fait un coping fonctionnel.

      D'abord, à l'image des travaux de Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1993; Seiffge-Krenke, 1994), nous avons cherché à établir une typologie des comportements observés, indépendamment des situations dans lesquelles ils avaient été produits, pour voir ensuite dans quelle proportion les adolescents utilisaient ces différents types de coping, certains d'entre eux étant supposés plus efficaces que d'autres, de par leur contenu et leur ressemblance à des dimensions décrites dans la littérature.

      Ensuite, suivant la théorie de Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), et indépendamment des analyses menées dans la perspective ci-avant, la fonctionnalité de chaque comportement de coping a été évaluée pour chacune des situations de stress du jeu expérimental. Sur cette base, un score d'adaptation a été calculé pour chaque sujet, qui représente sa capacité à produire des comportements adaptés dans les différentes situations rencontrées.

      La deuxième partie des questions de recherche a consisté à mettre en relation les quelques variables ainsi construites pour représenter le coping dans le jeu expérimental, avec d'autres variables issues de ce contexte, mais aussi, avec des données externes à celui-ci.

      Avant de mettre en perspective nos résultats avec la littérature scientifique, de parler de la spécificité de la méthode employée et des limites y relatives, nous proposons de reprendre les résultats essentiels de ce travail en quelques points.


1.1 Typologie des comportements observés

      Des comportements de coping observés dans ce contexte expérimental, il ressort que la distinction majeure qui peut être faite entre ces derniers, revient à séparer les comportements de base, des comportements dits "nouveaux", autrement dit l'action de la réaction, ou encore le simple du complexe. En effet, si les comportements de base, qui constituent 70% des comportements observés, sont tous des réactions simples, rapides, et qui peuvent être réalisés de manière imprévue par la simple application d'un outil, tous les comportements dits "nouveaux" (27%) nécessitent une anticipation, voire une planification, puisqu'ils consistent à combiner entre eux différents éléments (propriétés de l'environnement, outils).

      La figure no. 19, reproduite avec l'autorisation de l'auteur, nous semble parfaitement illustrer cette distinction entre le coping de base, et les autres comportements dits "nouveaux". Cette image, introduite par Grigorenko et Sternberg (Grigorenko & Sternberg, 1995) pour représenter la différence entre les styles de pensée libéral et conservatif, est commentée par ce qui suit : "Certains d'entre nous préfèrent des façons plus traditionnelles de faire les choses, tandis que d'autres cherchent à développer de nouveaux moyens." (Grigorenko & Sternberg, 1995, p. 226).

      Dans le présent contexte, les comportements de base qui ont été appris et exercés durant l'entraînement, sont clairement distincts des autres que les adolescents ont du inventer et tester, alors qu'ils se trouvaient face à des circonstances qui mettaient en échec ce qu'ils avaient appris auparavant. Or, dans le jeu expérimental, à l'instar de ce que montre cette image, si les comportements de base sont nécessaires et permettent d'atteindre certains objectifs, leur résultat est limité en comparaison avec ce qu'il est possible de réaliser en créant du nouveau.

      

Fig. 19 : Illustration de Grigorenko et Sternberg (Grigorenko & Sternberg, 1995, p. 226)

      Outre cette première distinction importante, les comportements dits "nouveaux" comprennent deux types de coping dont les fonctions semblent diamétralement opposées : le coping stratégique et le coping de protection. Le coping stratégique, qui représente 16% des observations, comprend des comportements qui impliquent soit une modification durable des propriétés de l'environnement, soit une réflexion sur la situation. Le coping de protection quant à lui, regroupe des comportements (11%) dont la seule utilité est de parer momentanément à la vulnérabilité de l'agent qui représente le sujet dans le jeu.

      Ces trois types de coping semblent correspondre à des dimensions fréquemment décrites dans la littérature. Ainsi, tandis que le coping de base et le coping stratégique s'apparentent au coping d'approche (Seiffge-Krenke, 1995) ou centré sur le problème (Cosway et al., 2000 ; Parker & Endler, 1992), le coping de protection semble quant à lui très semblable à l'évitement (Cosway et al., 2000 ; Parker & Endler, 1992) ou au retrait (Seiffge-Krenke, 1995).


1.2 Fonctionnalité et liens avec des variables externes

      Deux scores ont été créés sur la base des comportements observés dans le jeu expérimental, pour représenter les deux approches théoriques de la notion de fonctionnalité du coping.

      La proportion entre coping d'approche et coping d'évitement étant considérée comme un indicateur de la fonctionnalité du coping (Seiffge-Krenke, 1993; Seiffge-Krenke, 1994), un score de confrontation a été calculé, qui correspond à la proportion entre coping de base et coping stratégique réunis, par rapport au coping de protection.

      Indépendamment de la question des types de coping, un score d'adaptation a ensuite été calculé pour chaque sujet, qui représente sa capacité à produire des comportements considérés comme adaptés dans les différentes situations du jeu expérimental.

      L'étude des relations entre ces deux derniers scores, l'usage des différents types de coping, et des variables externes au jeu expérimental, a mis en évidence de nombreux liens, dont nous ne retiendrons que les principaux.

      Ainsi, ces analyses ont montré que le fait de recourir à du coping stratégique est lié aux deux mesures de fonctionnalité sus-mentionnées, c'est à dire au score d'adaptation et au score de confrontation. Ce résultat indique que les personnes qui ont souvent recours à des comportements dont la particularité est de modifier durablement les propriétés de la situation, se sont montrés plus aptes à produire des comportements adaptés dans les différentes situations du jeu, et ont une tendance générale à employer plus de comportements d'approche que de comportements d'évitement. Notons cependant que le score d'adaptation et le score de confrontation ne semblent pas liés entre eux.

      L'intelligence fluide, telle qu'elle est mesurée par l'épreuve du B 53, est significativement liée à l'usage du coping stratégique, et aux deux mesures de la fonctionnalité du coping dans le contexte expérimental. Autrement dit, les personnes qui ont un score élevé dans cette épreuve, ont plus souvent recours à des comportements stratégiques, et ont à la fois la capacité d'adapter leurs conduites aux propriétés spécifiques des situations rencontrées, et un coping qui, de manière générale, relève bien plus de l'approche que de l'évitement, et qui de ce fait, peut être considéré comme fonctionnel.

      Le score de confrontation est quant à lui significativement lié au degré de fonctionnalité du coping tel que celui-ci est évalué par le questionnaire de stress et de coping employé parallèlement à la situation expérimentale. Ce résultat implique que les adolescents qui, sur la base de ce questionnaire, auraient un coping fonctionnel dans la réalité, ont, dans le jeu expérimental également, une proportion entre coping d'approche et coping d'évitement qui peut être considérée comme fonctionnelle. Notons cependant qu'à titre individuel, les différents types et styles de coping, mesurés respectivement dans le jeu expérimental et au moyen de ce questionnaire, n'entretiennent que très peu de relations.

      Ces derniers points impliquent que, malgré la spécificité de la méthode que nous avons employée, l'attitude générale des sujets n'est pas si différente de ce qu'elle serait, selon leurs dires, face à des situations réelles. Cependant, dans le contexte du présent micromonde, le fait d'avoir un coping "fonctionnel" ne signifie pas que l'on est capable de s'adapter aux circonstances précises des situations.

      Pour cela il faut, d'une part, avoir tendance à agir d'une manière très ciblée en modifiant de manière durable les conditions qui sont à l'origine des problèmes rencontrés, et d'autre part, être capable tout de même, lors de l'application de ces stratégies, et de celles qui relèvent des autres types de coping, de prendre en compte les propriétés du contexte au même moment. Il n'est malheureusement pas possible, à ce stade, de savoir si le fait qu'un coping dit fonctionnel n'ait pas d'effet sur l'adaptation des individus dans le jeu expérimental, constitue une particularité de ce type d'environnement, ou si c'est également le cas dans des situations de la réalité.

      Dans le cadre d'une future étude, il serait donc essentiel de pouvoir approfondir cet aspect, par exemple en mesurant le degré de conformité aux règles de comportement décrites par Reicherts (Reicherts, 1999).

      Pour conclure cet abrégé des résultats obtenus, et avant de mettre ces derniers en rapport avec la littérature scientifique et de discuter des aspects méthodologies de notre travail, notons encore que les garçons du présent échantillon ont eu des scores significativement plus élevés que les filles pour ce qui est de l'usage du coping stratégique, et du score d'adaptation. Cette différence de genre semble s'expliquer largement par le fait que les garçons aient également obtenu des scores significativement plus élevés que les filles à l'épreuve du B 53.


2. Considérations méthodologiques et mise en perspective

      Tout d'abord, rappelons qu'à notre connaissance, la démarche que nous avons entreprise, et qui consiste à étudier le coping au moyen d'un jeu expérimental de type micromonde, constitue une innovation, tant auprès des adolescents qu'auprès des adultes.

      Ceci étant, et compte tenu des nombreuses limites méthodologiques liées au fait que la majorité des recherches sur le coping sont basées sur le rapport verbal des sujets, notre travail constitue un exemple unique, de l'application d'une méthodologie moderne, complexe certes, mais susceptible de parer à une grande partie de ces limites.

      Dans la présente recherche, le coping a été étudié selon un plan à mesure répétée (chaque individu est confronté à plusieurs situations de stress) imbriqué dans un design inter-individuel (tous les individus sont confrontés à cette même série de situations), exactement comme l'a suggéré Lazarus (Lazarus, 2001).

      Etant donné que, tant les situations stressantes, que les moyens à disposition sont standardisés, les différences inter-individuelles observées sont imputables aux compétences et au fonctionnement des individus. Outre ces différents aspects d'ordre général, le jeu expérimental développé dans le cadre de ce travail a eu pour avantages que :

      Ceci étant, si la méthodologie que nous avons développée semble à la base, satisfaire différentes exigences d'ordre théorique et méthodologique auxquelles de nombreux instruments de mesure ne répondent pas, le présent travail a, dès le départ, été très en marge de ce qui se fait traditionnellement dans la recherche sur le coping, ce qui lui a valu un statut particulier.

      En effet, s'agissant de la première fois qu'un jeu d'ordinateur de type micromonde est utilisé pour étudier le coping, ce travail a été mené dans un but exploratoire, et reste difficilement comparable à d'autres mesures, entraînant qu'il est difficile de préciser sa validité externe.

      Aussi, ne s'agissant pas d'un questionnaire, dont la validité interne peut être établie au moyen d'indices tels l'Alpha de Cronbach, il est difficile de savoir sur quelle base cette validité peut être établie.

      A notre sens, il n'existe donc pas, à ce stade, d'autre mesure de sa validité que la cohérence. Cette cohérence doit être recherchée d'une part, entre les différents types de variables propres au jeu expérimental (évaluation cognitive, coping, déroulement du jeu), et entre ces données expérimentales et des variables externes à ce contexte, et d'autre part, entre l'ensemble de ces résultats et la littérature dans ce domaine.

      Dans l'ensemble, la grande majorité des liens qui ont pu être mis en évidence entre ces différents types de variables font sens, et sont cohérents avec la littérature sur le coping à l'adolescence, et même à l'âge adulte. Cependant, plusieurs points méritent d'être discutés de façon plus détaillée.

      De manière générale, les relations trouvées entre le coping dans le contexte expérimental et tel qu'il est mesuré au moyen du questionnaire de stress et de coping sont satisfaisantes : effectivement, si les comportements observés dans le jeu paraissent très spécifiques à ce contexte, les fonctions autour desquelles ils ont pu être regroupés sont très proches des fonctions principales du coping décrites dans la littérature. Aussi, bien qu'aucun lien direct n'ait pu être établi entre les styles de coping mesurés par le questionnaire et les types de coping mesurés dans le jeu expérimental, en termes de fonctionnalité, ces deux types de mesures se rejoignent, indiquant que les personnes qui ont une façon dysfonctionnelle de gérer les situations décrites dans le questionnaire, ont dans le jeu également, trop souvent recours à des comportements de protection, qui semblent équivalents à l'évitement ou au retrait.

      Le fait que le coping stratégique se soit avéré plus adapté que les autres types de coping, est cohérent avec le parallèle fait entre ce type de conduites observées dans le jeu expérimental, et le coping d'approche ou centré sur le problème, qui, lui aussi, est considéré comme adapté de manière générale en raison de son association à un meilleur ajustement des adolescents (Compas et al., 2001) et des adultes (Zeidner & Saklofske, 1996).

      Les différences de genre observées en termes de coping dans le jeu expérimental semblent de premier abord, aller dans le sens contraire de ce qui est décrit dans la littérature. Différents auteurs ont trouvé, en effet, que les filles ont tendance à recourir plus souvent que les garçons à du coping actif et interne, autrement dit à des stratégies centrées sur le problème (Boekaerts, 1996; Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996). Dans notre contexte, le genre semble avoir eu un effet inverse puisque les garçons ont plus souvent eu recours à ce même type de stratégies, et que leur score d'adaptation est significativement plus élevé que celui des filles. Plusieurs éléments méritent d'être avancés pour tenter d'expliquer ces résultats quelque peu surprenants.

      Premièrement, Kavsek propose que, si les filles ont plus souvent recours à du coping actif que les garçons, c'est principalement parce qu'elles ont une tendance générale à rechercher la sympathie d'autres personnes, à partager avec elles leurs préoccupations, et à leur demander du réconfort, des conseils et de l'aide, quelle que soit la nature du problème rencontré (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996). Or, dans le jeu expérimental, de tels comportements sont possibles dans une certaine mesure (cf. téléphone), mais ils ne constituent pas la grande majorité des comportements qui font partie du coping stratégique, alors que, tel qu'il est mesuré par Seiffge-Krenke et Kavsek, le coping actif comprend surtout des stratégies de cette sorte (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996; Seiffge-Krenke, 1994). Ainsi la composante essentiellement sociale du coping actif n'étant pas présente dans la même mesure dans le contexte expérimental, il n'y a pas de raison, à priori, pour que les filles emploient plus cette forme de coping.

      Deuxièmement, après que des liens aient été trouvés entre le coping stratégique et l'intelligence fluide, et ayant vu que le genre a eu un effet significatif sur cette dernière en faveur des garçons, nous avons pu constater qu'une fois contrôlé l'effet de l'intelligence sur l'utilisation du coping stratégique, il ne restait plus aucun effet imputable au genre. Autrement dit, à intelligence égale, les filles et les garçons ont eu recours au coping stratégique dans la même mesure. Ceci montre que, même si dans le contexte expérimental, le coping stratégique est moins basé sur une composante sociale que le coping actif tel qu'il est défini dans le modèle de Seiffge-Krenke, cet élément ne semble pas être à l'origine des différences de genre observées en termes de coping stratégique.

      Cela étant, notons que les différences de genre que nous avons trouvées au B 53 semblent cohérentes avec la littérature dans le domaine de l'intelligence, et il se pourrait fort bien que, si les hommes et les femmes diffèrent en termes d'aptitudes cognitives et de styles cognitifs, ces différences aient également influencé le coping dans notre contexte expérimental.

      Halpern note en effet que, malgré une certaine variabilité dans le temps et selon les tests employés, les hommes ont régulièrement des performances supérieures à celles des femmes, tant dans des tâches faisant appel à des aptitudes visuo-spatiales et spatio-temporelles, que dans des épreuves portant sur les aptitudes numériques (Halpern, 1992). Il se pourrait donc fort bien, et c'est la notre troisième tentative d'explication, que les liens qu'entretiennent le coping dans le jeu expérimental avec le score d'intelligence fluide, proviennent justement de cette composante visuo-spatio-temporelle, présente à la fois dans le jeu d'ordinateur et dans le B 53, et qui aurait entraîné une supériorité des garçons dans les deux contextes.

      Par ailleurs, Halpern remarque aussi que les femmes ont systématiquement des résultats inférieurs à ceux des hommes dans les épreuves pour lesquelles le temps est limité, et pour expliquer cette différence, elle émet l'hypothèse que les femmes sont de manière générale plus prudentes, et prennent plus de temps à sélectionner une réponse (Halpern, 1992). Ces éléments paraissent très proches de la notion de réflexivité (vs. impulsivité) (Ancillotti, 1985; Kagan, 1964; Messer, 1976), définie par une tendance à prendre plus de temps et à faire moins d'erreurs lors de la résolution de problèmes dans des conditions d'incertitude, les personnes réflexives étant également plus anxieuses à l'idée de commettre des erreurs (Messer, 1976). Selon ce dernier auteur, lorsque des différences de genre sont trouvées, elles vont toujours dans le même sens, à savoir que les femmes sont plus réflexives et les hommes plus impulsifs (Messer, 1976).

      Les arguments de Halpern et de Messer nous semblent intéressants car, bien que le temps ne soit pas limité dans le jeu expérimental, l'urgence des situations rencontrées fait qu'il est nécessaire de prendre des décisions rapides. Un quatrième élément hypothétique peut donc être avancé pour tenter d'expliquer les différences de genre observées en termes de capacité d'adaptation. Selon cette hypothèse, les garçons auraient été plus rapides à analyser le contexte et à agir en fonction de celui-ci, entraînant une meilleure capacité d'adaptation que les filles dans le jeu expérimental.

      Enfin, une dernière hypothèse peut être avancée pour expliquer le fait que les garçons aient eu recours plus souvent que les filles au coping stratégique. Cette hypothèse fait appel à la notion de dépendance - indépendance à l'égard du champ visuel (DIC) (Huteau, 1987; Witkin, Oltman, Raskin, & Karp, 1971), décrite aussi en termes de différenciation par rapport à l'environnement (Huteau, 1987). Il semblerait, au vu de la littérature, que les garçons soient systématiquement plus indépendants à l'égard du champ (Huteau, 1987) ce qui, dans le cadre du jeu expérimental, pourrait expliquer qu'ils aient réalisé plus de comportements stratégiques, dont la particularité est qu'ils constituent une combinaison d'actions plus simples, apprises dans un contexte différent (l'entraînement) mais qui, réalisées conjointement, permettent de résoudre des problèmes nouveaux.

      Au vu de ces dernières hypothèses, il serait important, dans une future recherche, de pouvoir approfondir les liens entre le coping dans ce type de contexte expérimental, et les différents styles et aptitudes cognitives discutés ci-dessus.

      En attendant cela, les liens trouvés entre l'intelligence fluide et le coping dans ce contexte comptent, à notre avis, parmi les plus importants qui aient été mis en évidence lors de cette étude. Ces liens font sens, ils impliquent que l'intelligence fluide est liée à la capacité des individus, d'une part, à utiliser des stratégies de coping qui visent à résoudre le problème à sa base, et d'autre part, au fait de ne pas avoir recours excessivement à des stratégies de retrait ou d'évitement.

      Alors que Zeidner avait émis plusieurs hypothèses relatives aux effets que pourrait avoir l'intelligence sur le coping (Zeidner, 1995), cet auteur a aussi relevé que de tels liens n'ont jusqu'ici pas été trouvés, et peut être pas même recherchés. Si plusieurs auteurs se sont intéressés aux liens entre le coping et l'intelligence émotionnelle (Ben Zur, 1999; Salovey, 1999 ), il semble donc que le coping n'ait pas été mis en relation avec d'autres aspects plus "classiques" de l'intelligence comme l'intelligence fluide.

      Dans la présente étude, en plus des liens significatifs observés entre le coping et l'intelligence fluide, cette dernière s'avère liée tendanciellement à la confiance en soi et à la satisfaction, et tendanciellement aussi, mais négativement, au nombre d'émotions négatives rapportées. Ces différents résultats semblent également aller dans la même direction que les hypothèses de Zeidner (Zeidner, 1995), selon lesquelles l'intelligence rendrait les individus moins susceptibles au stress.

      Rappelons par ailleurs, que les scores obtenus au moyen du B 53 n'entretiennent aucun lien avec le coping tel qu'il est mesuré par le questionnaire de stress et de coping, alors qu'il s'agit des mêmes sujets, et que la fonctionnalité du coping dans le jeu, et telle qu'elle est mesurée par le questionnaire, sont significativement liées.

      Ceci étant, on pourrait penser qu'il s'agit d'une particularité des micromondes, à savoir que l'intelligence jouerait un rôle important dans les conduites que les sujets mettent en oeuvre face à ce type de simulations. Seulement, parmi les auteurs qui ont employé des micromondes dans la recherche en psychologie, la plupart déplorent justement une grande difficulté, et pour quelques-uns uns d'entre eux une totale impossibilité même, à mettre en valeur des liens entre le comportement dans cet environnement, pourtant très variable d'un individu à l'autre, et des données externes à ce contexte, comme par exemple des tests d'intelligence ou de personnalité (Brehmer & Doerner, 1993; Funke, 1988).

      Un de ces auteurs relève même que, lors d'une condition "transparente", dans laquelle toutes les relations existant entre les différentes variables de la simulation sont expliquées au sujet, des liens ont tout de même été trouvés avec un test de QI (Funke, 1988). Mais une telle condition "transparente", implique que le sujet peut, avant d'agir, anticiper les effets exacts de chacune de ses actions sur les différents paramètres de la situation. Or, le but même des micromondes est de simuler la complexité des situations de la réalité et le fait que celles-ci ne sont justement pas "transparentes". Pour cet auteur donc, ces liens remettent en cause la validité des tests d'intelligence, au lieu d'établir celle de la situation expérimentale en question (Funke, 1988).

      Cependant, puisqu'il n'est pas une telle "transparence" dans le jeu expérimental, nos résultats, s'ils venaient à être confirmés lors d'une prochaine étude, montreraient qu'il est possible de trouver des liens entre le comportement des individus dans le cadre d'un micromonde, et leurs performances lors d'un test d'intelligence. Un tel résultat serait susceptible d'entraîner une remise en question de l'explication, fournie par les auteurs cités ici, pour justifier l'absence de liens entre leurs données expérimentales et des mesures plus traditionnelles de l'intelligence.

      A notre connaissance, la relation mise en évidence ici entre le coping et l'intelligence, représente donc une première, tant dans le domaine du coping à l'adolescence, que dans le domaine de la résolution de problèmes complexes, telle que celle-ci est étudiée au moyen de ce type d'environnement.

      Il serait intéressant de pouvoir approfondir ce lien, pour voir, notamment, si c'est bien l'intelligence fluide qui est liée au coping, ou s'il s'agit d'une composante plus spécifique, telle certaines aptitudes discutées plus haut, ou encore telle la mémoire de travail.

      À ce propos, notons que selon Carpenter et Just (Carpenter & Just, 1990), une part importante de ce qui est mesuré par les matrices de Raven (Raven et al., 1998) a trait à la capacité des individus à générer et à garder en mémoire plusieurs objectifs intermédiaires lors de la résolution d'un problème. Or, dans le contexte expérimental, les comportements compris dans le coping stratégique se distinguent des autres par le nombre important d'éléments que le sujet doit considérer simultanément entre le moment de leur planification et le moment de leur réalisation.

      De même pour produire des comportements qui soient adaptés aux circonstances des situations, le sujet doit prendre en compte plusieurs aspects du contexte, et les garder en mémoire au fur et à mesure qu'il agit. Au vu de cela, il se pourrait donc fort bien que la mémoire de travail explique une part importante de la variance observée en termes de coping stratégique et de capacité d'adaptation dans le jeu expérimental, ce qui contribuerait aussi à expliquer les liens mis en évidence entre ces scores de coping, et l'intelligence fluide.

      Mais, si comme nous l'avons vu jusqu'ici, la grande majorité des liens qui ont pu être mis en évidence dans ce travail entretiennent une certaine logique, ils sont tempérés par un nombre bien plus important de non-liens, ou de liens non significatifs.

      Ainsi par exemple, bien que l'évaluation cognitive soit considérée comme fortement liée au processus de coping (Lazarus & Folkman, 1984), et même si les liens qui ont été trouvés entre ce processus et quelques aspects de l'évaluation cognitive sont tout à fait cohérents, ces derniers sont faibles et minoritaires.

      Etant donné que les adolescents rapportent un vécu émotionnel tout à fait cohérent avec la nature des situations présentées, l'absence de lien entre le stress provoqué dans ce contexte, et externe à celui-ci ne devrait pas remettre en question la qualité de cette manipulation pour la présente expérience. A l'avenir cependant, il serait utile de mesurer des indices physiologiques liés au stress (rythme cardiaque (ECG), présence de cortisol dans la salive, conductance de la peau, tension musculaire (EMG), etc.), afin de vérifier plus précisément l'intensité du stress perçu dans ce contexte, et, dans la mesure du possible, de pouvoir comparer celle-ci à des mesures prélevées lors de situations de stress extérieures au laboratoire. A titre d'exemple, le degré de stress perçu par les adolescents dans des situations de la vie quotidienne, pourrait être évalué par la méthode d'auto observation développée par des auteurs comme Reicherts et Perrez (Perrez et al., 1998; Reicherts, 1999).

      Aussi, dans le cadre d'une recherche future, il serait nécessaire d'une part, de mesurer les comportements des adolescents à plusieurs reprises, face à un jeu expérimental similaire, dont le scénario serait légèrement modifié entre les deux passations, mais où les moyens à disposition resteraient les mêmes, ce qui permettrait de mesurer la fidélité test-retest de cette méthode. D'autre part, il serait important d'administrer le présent jeu expérimental à une population d'adolescents plus conséquente, voire à différents types de populations, afin qu'il soit possible de répliquer la structure des données trouvée dans la présente étude. Ces deux objectifs pouvant chacun faire l'objet d'un travail de thèse à part entière, il ne nous a pas été possible de les réaliser dans le cadre du présent travail.

      Si les résultats de cette étude demandent encore à être répliqués avant de pouvoir être généralisés à d'autres contextes, ils ont néanmoins le mérite d'ouvrir la discussion sur des questions fondamentales pour la recherche sur le coping.

      Mais avant d'aborder ces questions, il convient de préciser que l'ensemble des résultats discutés ici, s'ils ont toute leur importance, ont une validité qui est limitée, en raison notamment des éléments suivants :

      Tout d'abord, notre étude ne compte que 48 adolescents, ce qui a entraîné que, lorsque nous avons cherché à établir une typologie de ces sujets, sur la base de l'usage qu'ils font des différents types de coping, deux des trois groupes ainsi mis en évidence comptent moins de dix sujets.

      La répartition des individus dans ces groupes semble toutefois intéressante : il paraît possible en effet que, dans un groupe d'individus tout-venant, la majorité d'entre eux ait une façon relativement banale voire "normale" (au sens de la norme) de faire face aux situations de stress, et qu'aux extrêmes, deux groupes minoritaires soient caractérisés l'un, par un coping particulièrement créatif et efficace, et l'autre, par des comportements qui pourraient tendre vers un dysfonctionnement.

      Il serait intéressant de pouvoir répliquer le résultat de cette classification auprès d'un échantillon plus important afin de voir si ces proportions se retrouvent. Cependant, dans la présente étude, cette typologie peut difficilement être utilisée pour avancer des hypothèses sur le fonctionnement propre aux individus de chacun des groupes ainsi mis en évidence, c'est pourquoi elle n'a pas été reprise dans cette discussion.

      Une autre limite importante de ce travail réside dans le fait que les scores qui ont été à plusieurs reprises mis en relation les uns avec les autres, ne sont en principe, pas complètement indépendants puisqu'ils ont été construits, au moyen de procédures indépendantes certes, mais sur la base des mêmes observations.

      Dans une future recherche, on pourrait par exemple imaginer que, si les sujets sont confrontés à un nombre plus important de situations, les conduites observées dans une partie de ces situations pourraient être utilisées pour créer un score d'adaptation, et les conduites observées dans d'autres situations comparables seraient utilisées pour calculer un score de confrontation. Ainsi ces différents scores ne seraient pas basés sur les mêmes observations, ce qui rendrait ces deux variables plus indépendantes.

      À plusieurs reprises, lors de ce travail, nous avons opté pour une analyse qualitative des relations entre les comportements observés, ou entre différentes variables. Ainsi, par exemple, pour définir des comportements adaptés dans chacune des situations, nous n'avons pas calculé une corrélation entre chaque comportement et le nombre de pertes, de crainte de devoir écarter des analyses tous les comportements qui auraient été réalisés une seule fois ou très rarement.

      Dans le même ordre d'idée, l'analyse de clusters qui a permis de mettre en évidence une typologie des comportements, a été réalisée sur des variables binaires de type présence-absence, faisant ainsi abstraction de la fréquence à laquelle chacun de ces comportements a été réalisé par chaque sujet. Mais si nous avons choisi cette façon de faire, c'est parce que nous avions l'idée qu'un comportement qui n'a été réalisé qu'une seule fois peut être tout à fait intéressant et adapté, et il nous aurait paru regrettable de devoir laisser de côté tous ces comportements rarissimes et souvent extra-ordinaires.

      Cependant, nous ne sommes pas sans savoir que, si nous avions pris en compte l'aspect quantitatif de ces variables, nos résultats auraient peut-être été moins spécifiques, mais plus significatifs. A l'avenir donc, il serait important, en sus de ce qui a déjà été fait, de mener des analyses sur la base de données quantitatives, afin de comparer les différents résultats obtenus au moyen de ces deux méthodes.

      Pour terminer avec les limites de notre travail, notons que les adolescents qui ont participés à notre recherche ont été recrutés dans le cadre du projet FNRS décrit en annexe no. 10, et dont la nature a probablement biaisé largement la représentativité de notre échantillon. Du fait que les adolescents et leurs deux parents devaient être d'accord de participer et de s'impliquer beaucoup dans cette étude, d'une part, les familles monoparentales étaient exclues de cette recherche, et d'autre part, nous pouvons émettre l'hypothèse que seules les familles qui bénéficient d'une assez bonne entente entre leurs membres se sont portées volontaires. Ces différents éléments font que nous ne pouvons pas prétendre que ce groupe d'adolescents est représentatif des jeunes de cet âge à Genève et en Suisse Romande, à l'avenir il serait donc aussi important de répliquer cette étude auprès d'une population plus variée d'adolescents.

      En dépit de ces limites, nous sommes tentés de dire que les résultats de la présente recherche, semblent, somme toute, relativement satisfaisants. Si, comme cela semble caractéristique des recherches menées avec des micromondes, on relève beaucoup de non-liens avec des variables externes à ce contexte, les comportements de coping observés font sens, et entretiennent quelques liens, peu nombreux certes, mais qui sont tout à fait cohérents avec les autres variables, et avec les descriptions du coping qui se rapportent à des situations de la réalité. Nous pensons que deux éléments essentiels sont à retenir de la présente étude.

      Premièrement, celle-ci a montré qu'il est possible de développer de nouvelles méthodologies plus complexes, et qui sont censées être plus proches de la réalité, que les outils de mesure traditionnels. De telles méthodologies permettent à la fois de parer aux différentes limites propres à l'usage du rapport verbal comme unique source d'information, et de satisfaire les conditions d'une mesure qui soit rigoureuse d'une part, et cohérente avec les différentes conceptions théoriques du coping d'autre part.

      Deuxièmement, le fait de mesurer le coping in situ, a donné lieu à des informations qui n'avaient pas pu être mises en évidence auparavant, et qui méritent d'être approfondies. Nous pensons tout particulièrement ici au lien entre le coping et l'intelligence, et au fait que les deux mesures de la fonctionnalité n'entretiennent pas de relation.

      Ces deux éléments laissent espérer qu'à moyen terme, le recours à une méthodologie de ce type devrait nous permettre d'en savoir plus sur le coping des adolescents, et probablement aussi sur celui des adultes. À ce point de la discussion, et comme annoncé plus haut, il nous semble nécessaire d'aborder deux questions fondamentales, qui découlent directement des résultats de notre recherche.


3. Réflexions sur le fond

      Tout d'abord, étant donné les liens mis en évidence entre l'intelligence fluide et le coping, tel qu'il est mesuré dans ce contexte, il semble nécessaire de se demander si ce que nous avons mesuré au moyen de la présente méthode expérimentale, est bien du coping.

      En effet, si comme nous l'avons vu plus haut, ce qui ressort de nos données est que le coping stratégique joue un rôle prédominant dans la capacité des sujets à faire face aux situations rencontrées, et si l'usage de ce type de comportements semble largement lié à l'intelligence fluide telle qu'elle peut être mesurée au moyen du B 53, il paraît légitime de se demander si réellement nous avons mesuré quelque chose de différent, ou si ce que mesure le jeu est équivalent à ce qui est mesuré dans cette épreuve.

      À notre avis, il y a peu de doutes sur le fait que dans ce qui est mesuré au moyen du jeu, l'intelligence fluide joue un rôle important, comme c'est probablement le cas aussi pour les micromondes destinés à étudier la résolution de problèmes complexes.

      En ce sens, on pourrait dire que le présent jeu expérimental est une mesure parmi d'autres de l'intelligence fluide, ou de la capacité des individus à résoudre des problèmes. De la même manière on peut penser que certaines épreuves cognitives, destinées à mesurer l'intelligence fluide ou la résolution de problèmes, pour autant qu'elles soient assorties d'une contrainte temporelle, mesurent probablement aussi une part de coping. Il semble donc légitime de penser qu'il y a un chevauchement entre ce qui est mesuré par de telles épreuves cognitives, par les micromondes développés pour mesurer la résolution de problèmes complexes, et le jeu expérimental conçu dans le cadre de notre travail.

      Mais précisons que même pour les épreuves cognitives destinées à mesurer l'intelligence fluide ou la résolution de problèmes, et qui, à l'instar des micromondes employés pour l'étude de la résolution de problèmes complexes, sont dotées d'une contrainte temporelle, le stress qui en fait partie est un élément que le sujet ne peut pas maîtriser.

      Ainsi, on pourrait dire que dans ces épreuves l'individu est limité dans le temps pour compléter la tâche, ce qui très probablement induit un certain degré de stress, mais ce stress n'est généralement ni mesuré ni pris en compte, et l'objet de l'analyse ne réside pas dans la façon qu'a le sujet d'y faire face. Plutôt, on mesure la capacité de fonctionnement de l'individu dans une telle condition de stress.

      Dans le jeu expérimental que nous avons développé, non seulement il s'agit d'un environnement complexe et stressant de façon inhérente, comme c'est le cas aussi des autres micromondes, mais en plus de cela, les problèmes mêmes que les sujets doivent gérer ont été conçus de manière à induire des émotions spécifiques, tout en simulant, autant que possible, les caractéristiques de différentes sortes de stresseurs que les adolescents rencontrent dans leur vie quotidienne.

      Ainsi, non seulement l'environnement est dynamique, opaque et complexe, mais en plus, le sujet doit poursuivre des objectifs conflictuels, et trouver des solutions nouvelles à des problèmes qui mettent en échec ce qu'ils ont appris jusque-là, tout en recevant des messages plus ou moins agréables de la part de l'ange gardien. Mais surtout, ce qui fait la différence entre notre jeu expérimental et d'autres tâches destinées à mesurer l'intelligence fluide ou la résolution de problèmes complexes, c'est que dans ce contexte, dans toutes les situations, le joueur dispose de moyens qui, s'il les met en place, lui permettent de réduire le degré de stress auquel il est confronté. Aussi, notre analyse porte précisément sur la nature des comportements mis en place, et non pas uniquement sur un critère de réussite comme le score final par exemple.

      En ce sens, nous pensons que oui, le jeu expérimental développé dans ce travail mesure probablement certains aspects de l'intelligence fluide ou de la résolution de problèmes, mais d'une part, le vécu émotionnel du sujet est pris en compte, et d'autre part, nous analysons la nature des efforts mis en oeuvre par les individus pour réduire l'intensité du stresseur, et non pas leur capacité de réfléchir malgré ces derniers.

      Ceci étant, une deuxième question se pose, à laquelle nous ne pouvons pas répondre sur la base de cette étude, mais qui mériterait néanmoins d'être approfondie, tant par les chercheurs du domaine du coping, que par ceux qui étudient le fonctionnement cognitif, et si possible de concert.

      Si effectivement il semble qu'il y ait un recoupement important entre ce qui est mesuré dans des épreuves d'intelligence fluide, de résolution de problèmes, complexes ou non, et dans un jeu expérimental comme le nôtre où nous considérons que ce qui est mesuré est du coping, alors il convient de se demander quels sont les mécanismes qui sont sous-jacents à ces différents concepts, et est-ce que certains d'entre eux sont communs à ces différents construits.

      Comme nous l'avons vu plus haut, la mémoire de travail joue un rôle important dans l'intelligence fluide telle que celle-ci est mesurée par des épreuves du type de celle qui a été employée ici. Si dans une future étude, il était montré que la mémoire de travail joue aussi un rôle important dans le fait de recourir à des comportements stratégiques, il est probable que ce concept explique une partie des liens mis en évidence dans la présente étude. Mais il est encore plus probable qu'il ne s'agisse pas du seul processus en cause, et qu'un certain recoupement existe entre l'ensemble des mécanismes qui sont sous-jacents au coping, et l'ensemble de ceux qui sous-tendent l'intelligence fluide.

      À l'avenir il serait donc important de pouvoir traiter cette question en utilisant, parallèlement à un même type de jeu expérimental, des épreuves destinées à mesurer différentes capacités cognitives plus spécifiques, supposées jouer un rôle dans l'intelligence fluide et dans la capacité des individus à résoudre des problèmes, mais aussi dans leur capacité à s'adapter aux circonstances des situations de stress qu'ils rencontrent au quotidien. Nous pensons qu'une fois de telles études réalisées, la recherche tant sur le coping que dans le domaine de l'intelligence et de la résolution de problèmes, aura fait un grand pas en avant.


4. Perspectives pour le futur

      Le présent travail de thèse constitue un tout premier pas vers l'utilisation d'une méthodologie d'avenir, qui gagnerait à être appliquée plus largement à la recherche sur le coping, mais aussi à d'autres domaines de la recherche en psychologie. Cependant, avant d'élargir le champ d'application de cette méthode, et comme déjà mentionné plus haut, il est nécessaire, dans un premier temps, d'approfondir sa validité.

      Dans ce but, et étant donné les premiers résultats de notre étude, nous pensons que les liens trouvés entre les données expérimentales, et d'autres, externes à ce contexte, devraient être explorés de manière plus approfondie, notamment en ayant recours à une variété de mesures qui, idéalement, ne devraient pas être basées exclusivement sur le rapport verbal des individus.

      Parallèlement à cela, il semble essentiel de voir si les différents résultats de cette expérience peuvent être répliqués, d'une part, auprès d'un échantillon plus grand, et d'autre part, auprès de populations diverses.

      Ainsi, à l'instar de la démarche entreprise par Kavsek, qui consistait à voir si la structure sous-jacente aux stratégies de coping était la même auprès de différents groupes d'âge (Kavsek & Seiffge-Krenke, 1996), différentes populations pourraient être comparées relativement à la structure qui émerge de leurs conduites. A titre d'exemple, de telles comparaisons pourraient être menées entre les filles et les garçons ou les hommes et les femmes, entre les adultes et les adolescents, entre des groupes constitués de sujets tout-venant et des populations "cliniques" diverses, etc.

      Ceci étant dit, nous allons, pour conclure, évoquer deux domaines auxquels il nous semble que notre jeu expérimental pourrait être appliqué une fois sa validité confirmée.

      Le premier champ d'application d'une telle méthode serait le domaine de l'évaluation psychologique : soit à titre diagnostic, soit dans le cadre de procédures d'embauche, de sélection, ou d'orientation, un tel setting expérimental permettrait, s'il était écourté, d'observer et de mesurer les comportements de coping réels des individus, sans devoir passer par leur rapport verbal, et de les comparer aux conduites d'autres individus face à une même situation. A titre d'exemple, une telle méthode pourrait être employée à des fins de prévention, ou de dépistage, auprès de populations dites "à risques".

      Le deuxième champ d'application d'un tel jeu expérimental serait l'éducation, ou l'entraînement du coping, dans une optique thérapeutique ou de remédiation, afin que le sujet acquière une façon plus adaptée de gérer les situations stressantes qu'il rencontre.

      Dans le domaine de la résolution de problèmes complexes, des jeux d'ordinateurs de type micromonde ont déjà été utilisés dans un but similaire, et quelques cas ont été décrits. Les auteurs ont relevé d'une part, qu'à force d'être confronté à un même jeu expérimental, et sans pour autant s'en rendre compte, un sujet avait peu à peu adapté ses stratégies aux propriétés du contexte (Gonzalez & Cathcart, 1995). D'autre part, il semblerait que les capacités acquises dans un tel contexte soient souvent transférées directement à des activités de la vie quotidiennes (Porter, 1995), indiquant que malgré la particularité de ce type d'environnement, les sujets sont susceptibles d'exporter ce qu'ils y apprennent à d'autres contextes.

      Le développement de cette méthodologie, si elle n'en est qu'à ses débuts, pourrait donc trouver son utilité, non seulement dans la recherche en psychologie, mais peut être aussi dans un domaine plus appliqué, en milieu professionnel ou clinique.

      La recherche que nous avons menée s'inscrit de ce fait dans une démarche plus large, qui, fondée sur la théorie, et en ayant recours à des méthodes à la fois modernes et scientifiques, devrait favoriser l'avancement de la recherche en psychologie.


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