[Précédent]

1. Introduction

      La luxation gléno-humérale représente la forme de luxation la plus importante de l'organisme, principalement dans sa forme antéro-interne. L'épaule positionnée à 90° d'abduction et de rotation externe, la stabilité antérieure provient essentiellement du ligament gléno-huméral inférieur. L'incidence de l'instabilité antérieure traumatique est de 1.7% dans la population générale. On retrouve à l'arthroscopie dans environ 85-95% des cas un arrachement du complexe gléno-huméral inférieur, qu'on appelle lésion de Bankart [47]. La persistance de cette lésion du bourrelet glénoïdien, associée aux déformations post-traumatiques de la capsule articulaire joue un rôle prépondérant dans la récidive des luxations [93]. Le taux de récidive est également fonction de l'âge auquel est survenu l'événement initial : de 90% avant l'âge de 20 ans à moins de 10% au-delà de 40 ans. Si le retour au niveau de compétition initial est effectué sans traitement chirurgical, le risque de récidive approche alors les 100% [33].

      Le fil conducteur de ce travail est le patient. En partant de l'accident initial, l'historique de la luxation traumatique et la physiopathologie de la luxation gléno-humérale récidivante, d'Hippocrate à nos jours, sont passés en revue. Le travail de rééducation qui suit l'accident initial est ensuite décrit, celui-ci étant proposé systématiquement à chaque première luxation. En cas de récidive, le patient se voit alors proposer une intervention de stabilisation chirurgicale. Les différentes techniques actuellement abandonnées ou moins employées sont simplement évoquées, pour s'attarder plus particulièrement sur la méthode chirurgicale proposée aux patients de ce travail. Puis, après avoir développé un aspect de la rééducation post-opératoire immédiate, un descriptif du travail sur isocinétique est effectué. Le but de cette technique est la comparaison de la force développée par les deux épaules du patient, le côté non opéré servant de contrôle. De cette façon, une preuve quant à l'intégrité du muscle sous-scapulaire, incisé lors de l'abord chirurgical, pourra éventuellement être démontrée. Enfin une analyse des clichés radiologiques de l'épaule opérée est rendue.


2. Historique

      La première description anatomique de l'épaule et de sa luxation antéro-inférieure remonte au temps d'Hippocrate (460-380 AC). Celui-ci décrit plusieurs méthodes de réductions non chirurgicales, telles que le talon en appui sur une boule enveloppée de cuir et placée au niveau du creux axillaire ou en appui par-dessus l'épaule du thérapeute. Certaines de ces techniques seront ensuite reprises par Galien (131-201) puis au Moyen-Âge par d'autres auteurs [10]. Hippocrate modifie également la technique de ses contemporains, en plaçant un fer chaud au niveau de la portion inférieure du creux axillaire pour rétrécir la capsule articulaire. Il est également le premier à prescrire l'immobilisation du bras au corps pour favoriser la cicatrisation de la capsule en position de rétraction maximale. La première hypothèse d'une rupture capsulaire consécutive à la luxation initiale ne sera posée par Roger de Palerme qu'au XIIIème siècle. Il faudra alors patienter plus de 600 ans pour que la lumière soit jetée sur cette réalité.

      

Fig.1 : Méthode de réduction selon Hippocrate

      

Fig. 2 : Méthode de réduction selon Galien

(Images tirées de " Shoulder Lesions ", H. F. Moseley, E & S Livingstone LTD, 3ème édition)

2.1 Entre théories et réalité

      Vers la fin du XIXème siècle les médecins modernes publient enfin les premières théories décrivant les lésions consécutives et/ou responsables des luxations récidivantes.

      Malgaigne [49] décrit le premier en 1855 l'encoche humérale, qui correspond en réalité à une fracture par impaction de la face postéro-supérieure de la tête humérale sur le bord antéro-inférieur de la glène (Figures 3 et 4). Reprise par Flower [25] en 1861 sur la base d'observations de 41 cadavres, cette description sera étoffée par Hill et Sachs en 1940 [36]. C'est Franke [26] qui effectue en 1898 les premières radiographies mettant en évidence cette encoche. En 1934, Hermodsson [35] fit observer que cette lésion est présente dans la plupart des cas, qu'elle est plus étendue en cas de luxation antéro-inférieure, de récidive de la luxation ou d'un retard dans sa réduction.

      

      

Fig. 3 et 4 : Modèle de l'encoche humérale

(Tiré de " The Shoulder ", Rockwood and Matsen, Saunders, 2ème édition)

      C'est en 1890 que Broca et Hartmann [9] décrivent une atteinte capsulaire pouvant être à l'origine de la luxation récidivante. Ils mentionnent le décollement capsulo-périosté qui portera leur nom, conséquence de l'extension en avant et en dedans du col de l'omoplate de la désinsertion du bourrelet et du ligament gléno-huméral inférieur (Figures 5 et 6). C'est ce dernier élément que décrit Bankart [4] en 1923 qui est actuellement reconnu comme la lésion la plus fréquemment rencontrée dans les luxations gléno-humérales et le facteur responsable des récidives. La plus importante étude ayant confirmé cette théorie est celle de Turkel en 1981[96]. A travers des sections musculaires et ligamentaires progressives sur cadavres, il a bien montré le rôle stabilisateur du ligament gléno-huméral inférieur à 90° d'abduction. En effet, à ce degré d'élévation, le muscle sous-scapulaire s'est déplacé vers le haut. Il libère ainsi le pôle inférieur de la glène, laissant le rôle de dernier rempart stabilisateur antérieur au ligament gléno-huméral inférieur

      

Fig. 5 : Décollement capsulo_périosté de Broca-Hartmann [98]

      

Fig. 6 : Lésion de Bankart [98]

      Plus récemment, certains auteurs ont avancé une étiologie osseuse au phénomène de la récidive. En 1981, Saha [81] décrit des anomalies de la glène, telles qu'une dysplasie réduisant la surface de contact avec la tête humérale ou une diminution de la rétroversion de la glène, qui peuvent favoriser l'instabilité. Ces théories ne seront pas confirmées par d'autres auteurs [18][69] : Ceux-ci ne retrouvent pas de différences significatives dans la rétroversion glénoïdienne chez les patients qui présentent une instabilité en comparaison avec une population normale. Par ailleurs, la diminution de la surface de contact articulaire du côté scapulaire peut être mise sur le compte de fractures du bord antérieur de la glène ou d'un éculement progressif lié aux luxations répétées.

      Le muscle sous-scapulaire a également été à l'origine d'une théorie de l'instabilité par une faiblesse de son rôle stabilisateur antérieur [92] ou en raison d'une dysbalance en faveur des rotateurs externes [21] (muscles sous-épineux et petit rond). La justification de certaines techniques chirurgicales (Putti-Platt, Magnusson) sont issues de ces théories musculaires. Par ailleurs, il est décrit par certains auteurs lors de biopsies per-opératoires des lésions histologiques du muscle sous-scapulaire pouvant expliquer la diminution de l'action stabilisatrice antérieure de celui-ci [28][92].

      Il faut citer encore une des premières théories de l'instabilité. En 1891, Joessel [42] décrit le rôle d'une éventuelle insuffisance des muscles de la coiffe des rotateurs : dans les suites d'une déchirure complète ou même partielle, l'action compressive de ces muscles est diminuée et peut provoquer dans ce cas également une instabilité gléno-humérale. La critique principale de cette étude est l'âge avancé des patients : ce collectif ne correspond pas à l'image du jeune patient victime d'une luxation traumatique.


3. Anatomie de l'épaule

      Formée de trois articulations et deux plans de glissement, l'épaule représente l'articulation la plus mobile du corps humain. Il s'agit en réalité d'un compromis entre stabilité et mobilité. Sont ainsi décrites :

      C'est à cette dernière que ce travail est consacré, les autres n'étant citées que par souci d'information.


3.1 Les os

      La tête humérale, convexe, représente le tiers d'une sphère. Elle regarde en arrière avec un angle d'environ 30° par rapport à l'axe transcondylien de l'humérus. Elle s'articule avec la glène, concave, d'un diamètre inférieur à celui de la tête humérale, de faible profondeur et présentant une rétroversion d'environ 10° par rapport à l'axe de la scapula[98].


3.2 Les muscles


3.2.1 Muscle deltoïde

      Muscle épais et puissant, il recouvre l'articulation gléno-humérale et la portion proximale de l'humérus. Il a pour origine le 1/3 externe de la clavicule, l'acromion et l'épine de la scapula. Son insertion distale est située au niveau du V deltoïdien, sur le bord externe de l'humérus. A travers ses trois chefs, il assure la flexion (portion antérieure) et l'extension (portion postérieure) de l'épaule et participe à l'abduction (portion moyenne) en synergie avec le muscle sus-épineux. Innervé par le nerf axillaire, celui-ci doit être évalué lors de chaque épisode de luxation en raison du risque d'étirement lié au traumatisme.


3.2.2 Muscle sus-épineux

      Faisant partie de la coiffe des rotateurs, il prend son origine dans la fosse sus-épineuse au niveau de la scapula, passe sous l'acromion pour s'insérer sur la partie supérieure du trochiter. Innervé par le nerf supra-épineux, il est le principal initiateur de l'abduction.


3.2.3 Muscle sous-épineux

      Appartenant également à la coiffe des rotateurs, il prend son origine dans la fosse sous-épineuse, il s'insère sur la partie moyenne du trochiter. Innervé par le nerf supra-épineux, il participe à la rotation externe de l'humérus.


3.2.4 Muscle petit rond

      Elément de la coiffe des rotateurs, ce muscle a pour origine le bord latéral de la scapula et s'insère sur la partie postéro-inférieure du trochiter. Innervé par le nerf axillaire, il participe à la rotation externe de l'humérus.


3.2.5 Muscle sous-scapulaire

      Dernier muscle faisant partie de la coiffe des rotateurs, il a pour origine la fosse sous-scapulaire au niveau de la partie ventrale de la scapula. Il croise antérieurement la bourse du sous-scapulaire au niveau du col de la scapula pour s'insérer au niveau du trochin. Innervé par le nerf sous-scapulaire, il participe à l'adduction et la rotation interne de l'humérus.


3.3 Les ligaments et le bourrelet glénoïdien (cf. Annexe 1)

      Au nombre de trois, leur première description est due à Schlemm en 1853 [83]. Plus récemment, c'est encore l'étude de Turkel [96] qui livre la meilleure description des complexes ligamentaires gléno-huméraux, souvent sujets à des variations anatomiques. Leur étude est inséparable de celle du bourrelet glénoïdien auxquels ils sont intimement attachés.


3.3.1 Ligament gléno-huméral supérieur

      Il représente le plus constant et le plus petit des ligaments. Son origine se situe au niveau du pôle supérieur de la glène et du bourrelet. Son insertion se situe au sommet du trochin, vers la gouttière bicipitale. Il empêche la translation inférieure de la tête humérale, bras en abduction et il se met en tension lorsque l'épaule est placée en adduction.


3.3.2 Ligament gléno-huméral moyen

      De taille et de présence variables, son origine se situe sur la moitié supérieure du col de la scapula pour s'insérer sur le trochin, plus médial que l'insertion du muscle sous-scapulaire. De 0° à 45° d'abduction, il participe à la stabilisation antérieure de l'épaule et limite sa rotation externe. A 90° d'abduction, et en l'absence du ligament gléno-huméral inférieur, il exerce un rôle de stabilisation antérieure.


3.3.3 Ligament gléno-huméral inférieur

      Il s'agit du plus large et du plus important des ligaments gléno-huméraux. Formé de trois faisceaux, antérieur, postérieur et axillaire. Les faisceaux antérieurs et postérieurs ont pour origine l'anneau glénoïdien antérieur et postérieur et participent ainsi à la formation du bourrelet. La portion axillaire se situe quant à elle entre les deux autres faisceaux. L'insertion humérale se situe au pôle inférieur du trochin. Relâché en position neutre de l'épaule, ce ligament exerce sa pleine activité de stabilisation antéro-postérieure, l'épaule en abduction à 90°, rotation externe et extension.


3.3.4 Bourrelet glénoïdien

      Structure apparentée à un ligament, il s'agit en fait d'un anneau fibro-cartilagineux qui augmente la profondeur de la cavité glénoïdienne. Il sert de point d'attache aux ligaments gléno-huméraux et au tendon du long chef du muscle biceps dans sa partie supérieure. Anatomiquement, il est relié au cartilage et périoste glénoïdien, ainsi qu'à la synoviale et capsule articulaire.


4. Facteurs de stabilité de l'articulation gléno-humérale [50]


4.1 Les muscles

      Les muscles de la coiffe et la longue portion du biceps, intacts, représentent les stabilisateurs dynamiques entraînant une compression de la tête humérale dans la concavité glénoïdienne. Cette théorie de la concavité-compression participe pour environ 40% de la stabilité articulaire.


4.2 Les ligaments

      De par leur position, ils participent à l'augmentation de la profondeur de la concavité glénoïdienne. Relâchés lorsque le membre supérieur est placé le long du corps, chacun des trois ligaments décrits plus haut se met en tension dans les positions extrêmes de l'épaule.


4.3 La capsule articulaire

      De par son volume restreint, la capsule agit comme un système sous-vide empêchant son expansion. Pour renforcer ce mécanisme, une pression légèrement négative y est maintenue
(~ 4mmHg). Toute effraction de cette structure diminue son rôle stabilisateur passif et augmente la course de translation.


4.4 Proprioception

      Des études histologiques [5] ont révélé la présence de mécano-récepteurs au niveau de la jonction capsulo-tendineuse susceptibles d'agir comme freins aux translations humérales. La stabilisation chirurgicale permet d'améliorer la proprioception diminuée en cas d'instabilité et de distension capsulaire [100].


5. Les instabilités : dans quelle direction ?


5.1 La luxation antérieure

      Elle représente la plus fréquente des luxations gléno-humérales. Située en dessous de l'apophyse coracoïde (95% des cas) [12], elle survient par un mécanisme associant une rotation externe, abduction et extension de l'épaule. Parfois, la tête humérale se retrouve en dessous de la glène, de la clavicule ou plus rarement en intra-thoracique.


5.2 La luxation postérieure

      Correspond à environ 2% des luxations gléno-humérales [12]. De diagnostic difficile, elle passe inaperçue dans 60% [53] à 79% [79] des cas lors de la première consultation. Elle survient plus volontiers en cas de crises épileptiques ou d'électrocution et peut également être bilatérale.

      Dans ce type de luxation, la tête humérale se retrouve en position sous-acromiale, sous-glénoïdienne ou encore sous l'épine de la scapula.


5.3 Les luxations inférieures et supérieures

      Nettement plus rares, elles ne seront pas décrites dans le cadre de ce travail.


6. Classifications

      De nombreuses classifications ont tenté de réunir les entités cliniques des luxations gléno-humérales.

      Nous avons opté dans ce travail pour la classification regroupant l'étiologie et la direction de cette affection.

      On distingue deux types de luxations :

      La luxation traumatique qui résulte le plus souvent d'une chute, soit directe (chute sur le moignon de l'épaule), soit indirecte (chute bras tendu ou bras retenu en arrière, en abduction-rétropulsion-rotation externe).

      La luxation atraumatique qui est la conséquence d'un geste banal ou d'un traumatisme jugé insuffisant pour provoquer une luxation chez un sujet normal (natation ou service au tennis).


6.1 Quelques définitions


6.1.1 Laxité

      On entend par laxité une hypermobilité de l'articulation gléno-humérale permettant un mouvement de translation anormalement élevé ne conduisant pas invariablement à une instabilité. Elle s'évalue en testant la mobilité passive.


6.1.2 Instabilité

      Incapacité de maintenir la tête humérale centrée en regard de la cavité glénoïdienne, compromettant le confort et la fonction de l'épaule.


6.1.3 Appréhension

      Crainte du patient de déclencher, selon la position de l'épaule, une subluxation ou luxation de son articulation. Peut entraîner un handicap professionnel ou sportif, le patient préférant surseoir à certaines de ses activités.


6.1.4 Translation

      Mesure du déplacement de la tête humérale par rapport à la glène. Habituellement limitée par de nombreux facteurs, tels que la pression négative dans l'articulation, l'activité des muscles de la coiffe, des ligaments, de la capsule, etc. (cf. " Facteurs de stabilité de l'articulation gléno-humérale "). Une translation excessive peut mener à la subluxation, voire même à la luxation gléno-humérale.


6.1.5 Subluxation gléno-humérale

      Perte de contact partielle et réversible entre les surfaces articulaires, qui peut être perçue comme une sensation d'instabilité lors de la réalisation de certains mouvements.


6.1.6 Luxation gléno-humérale

      Perte de contact complète et permanente entre les surfaces articulaires, pouvant se réduire spontanément ou à l'aide de manoeuvres facilitantes.


6.2 Types d'instabilités

      Pour faciliter la classification de la grande majorité des patients qui présente des luxations récidivantes, deux acronymes permettant de les regrouper ont été proposés [93].


6.2.1 TUBS

Traumatic

Unidirectional

Bankart

Surgery

      Pour les malades qui se présentent avec une récidive de luxation dans les suites d'un événement initial traumatique, l'instabilité se manifeste presque toujours dans la même direction et nécessite très souvent une chirurgie de stabilisation. En effet, le rôle stabilisateur du complexe ligamentaire gléno-huméral inférieur est supprimé, spécialement lorsque le bras est placé en abduction, rotation externe et légère extension (position d'" armé ").


6.2.2 AMBRI

Atraumatic

Multidirectional

Bilateral

Rehabilitation

Inferior capsular shift

      Ces malades, avec laxité articulaire souvent importante, présentent des récidives de luxations survenant sans événement traumatique initial reconnu, la position du bras n'ayant pas d'importance. Ils se voient proposer en première intention un programme de rééducation de l'épaule pour assurer la stabilisation de l'articulation et, en cas d'échec du traitement conservateur, une chirurgie de stabilisation.


7. Lésions associées aux différents types de luxations


7.1 Lésion de Bankart [4] (cf Figure 6, page 8)

      Il s'agit de la lésion pathognomonique de l'instabilité. Conséquence de la luxation, la lésion typique est une désinsertion du bourrelet et du ligament gléno-huméral inférieur. Bankart n'est pas le premier auteur à avoir décrit cette lésion. Il s'est en effet inspiré des travaux antérieurs de Broca et Hartmann [9], ainsi que de Perthes [66]. En se prolongeant en avant et en dedans du col de l'omoplate, cette désinsertion forme le décollement capsulo-périosté de Broca-Hartmann.


7.2 Lésions associées aux luxations antérieures


7.2.1 Ligaments et capsule

      La principale lésion rencontrée est l'avulsion de la capsule, du bourrelet et du complexe ligamentaire gléno-huméral inférieur au niveau de la glène définie plus haut sous le terme de lésion de Bankart.


7.2.2Fractures

      Ces fractures sont la conséquence soit d'un traumatisme par compression consécutif à une chute sur le moignon de l'épaule, soit par arrachement ostéo-ligamentaire. Elles sont présentes dans 95% des cas et représentent en réalité des lésions de passage [65].

      Sont rencontrées des fractures de la glène (87% des cas), de la tête et des tubérosités humérales (présentes plutôt chez le sujet âgé), voire même de l'apophyse coracoïde par impaction de la tête humérale. La recherche d'une fracture non déplacée de la tête humérale doit se faire avant la réduction pour éviter un déplacement iatrogène du fragment.

      Egalement considérés comme des fractures et présents en cas de luxations répétées, un émoussement du rebord antéro-inférieur de la glène ou la présence au niveau de la tête humérale d'une encoche humérale décrite plus haut peuvent être responsables d'instabilités ultérieures.


7.2.3 Muscles et tendons

      Ce sont les muscles de la coiffe des rotateurs qui sont particulièrement touchés. La fréquence de l'atteinte augmente avec l'âge au moment du traumatisme. D'environ 30% vers l'âge de 40 ans, elle passe à plus de 80% chez les patients âgés de 60 ans et plus [32].


7.2.4 Lésions vasculaires

      Elles se rencontrent plus facilement chez les personnes âgées en raison de la plus grande rigidité de leurs vaisseaux. L'atteinte porte surtout sur la veine ou l'artère axillaire et ses branches. Elles peuvent survenir soit au moment de la luxation, soit lors de la réduction [31]. Les signes associés peuvent être la survenue d'un hématome, la disparition du pouls, une cyanose, pâleur ou froideur périphérique, des dysfonctions neurologiques voire un état de choc.


7.2.5 Lésions neurologiques

      L'atteinte prédomine au niveau du nerf axillaire. Au moment de la luxation, ce nerf, dont une portion chemine le long du bord antérieur du muscle sous-scapulaire, se voit étiré et comprimé lors du déplacement de la tête humérale vers l'avant et le bas. Pouvant être observées chez 30% des patients qui présentent une luxation initiale, la probabilité de ces atteintes dépend de la violence du traumatisme, de l'âge du patient et du délai jusqu'à la réduction [7]. Cependant, cette fréquence de survenue varie selon les auteurs (Table 1).

      Les autres nerfs susceptibles de présenter une atteinte sont le plexus brachial, sans distinction nerveuse, ou ses branches individualisées comme le nerf ulnaire, radial, musculo-cutané et médian.

      
Table 1 : Fréquence des atteintes neurologiques selon différents auteurs
Auteurs Fréquence
De Palma [22] 5%
Mc Laughlin [52] 10%
Rowe [74] 5.4%
Watson-Jones [101] 14%


7.3 Lésions associées aux luxations postérieures


7.3.1 Ligaments et capsule

      L'atteinte la plus fréquemment rencontrée est la " lésion de Bankart postérieure ", qui reflète la désinsertion du bourrelet et du complexe ligamentaire postéo-inférieur au niveau de la glène.


7.3.2 Fractures

      Relativement identiques aux fractures présentes lors de luxations antérieures, elles peuvent se distinguer par la présence d'une " encoche de Hill-Sachs inversée ", située sur la partie antéro-médiale de la tête humérale.


7.3.3 Muscles et tendons

      Il peut arriver de voir des désinsertions de l'attache sur le trochin du muscle sous-scapulaire lors de ces luxations, celui-ci étant soumis à un étirement important.


8. Présentation clinique


8.1 Anamnèse

      Il est important de tenir compte lors de l'anamnèse de la position du bras, de la force appliquée et du levier exercé lors de l'événement initial. Un accident qui survient le bras en extension, rotation externe et abduction favorise les luxations antérieures. Au contraire, les crises épileptiques, les électrocutions ou les chutes bras en adduction, coude fléchi, favorisent les luxations postérieures. Enfin, il faut rester attentif à l'épaule douloureuse pure par accident d'instabilité passé inaperçu , tel que le " dead arm " syndrome [75].

      En cas de récidive, sont consignés la date de l'événement initial, le délai et la méthode pour obtenir la réduction, ainsi que les radiographies éventuelles obtenues avant la réduction. Les traitements entrepris, la fréquence et le mode de survenue des récidives sont également notés. Un interrogatoire précis sur d'éventuelles atteintes neurologiques ou musculaires (lésions partielles de la coiffe des rotateurs) est mené. Sont par ailleurs consignées les laxités exagérées d'autres articulations, comme par exemple le coude, la métacarpo-phalangienne ou les fémoro-patellaires.


8.2 Examen clinique


8.2.1 Luxation antérieure

      La luxation initiale est en général douloureuse. Le patient présente une contracture de la musculature scapulaire cherchant à stabiliser la tête humérale. Celle-ci peut être palpée sous l'apophyse coracoïde, l'espace sous-acromial paraît déshabité (signe de l'épaulette). Le bras est maintenu en légère abduction et rotation externe. Un déficit neurologique [20] ou vasculaire doit être recherché avant la réduction, en raison de la fréquence des lésions associées.


8.2.2 Luxation postérieure

      Peut passer inaperçue en raison de l'absence de déformation clinique évidente, le bras étant par ailleurs positionné en adduction et rotation interne. Cette luxation se caractérise cependant par l'absence de rotation externe de l'épaule (< 0°), une limitation de l'élévation (< 90°) et un arrondi de la région postérieure de l'épaule par opposition au côté sain.


8.3 Bilan radiologique [71]

      Les radiographies permettent de documenter la direction de la luxation (antérieure ou postérieure) et l'existence éventuelle de fractures associées. Ce bilan comprend trois clichés habituels de l'épaule, la comparaison avec le côté sain n'étant pas nécessaire [56] :


8.3.1 Antéro-postérieur (dans le plan de la scapula)

      La première description est due à Grashey en 1923. L'incidence du rayon doit être perpendiculaire à l'interligne, c'est pourquoi le rayon doit être orienté d'environ 30-45° en visant l'apophyse coracoïde. Un cliché normal révèle un interligne visible entre la tête humérale et la cavité glénoïdienne (Figure 7). Dans le cas d'une luxation, il existe une superposition de la tête humérale et de la glène. Une seule incidence ne permet pas d'affirmer la luxation, ni sa direction, c'est pourquoi elle doit être complétée par une deuxième incidence perpendiculaire.

      
Fig. 7: Cliché antéro-postérieur dans le plan de l'omoplate

(Images tirées de Rockwood [71])

8.3.2 Profil d'omoplate

      Sur le profil, la scapula prend la forme d'un " Y ", le pied étant formé par le corps de la scapula, la branche antérieure par l'apophyse coracoïde, la branche postérieure par l'épine et l'acromion. La tête humérale se projette au centre du " Y " sur un cliché normal (Figure 8), alors qu'elle se trouve en position antérieure ou postérieure selon la direction de la luxation.

      
Fig. 8 : Profil d'omoplate [71]


8.3.3 Axial

      C'est à Lawrence en 1915 qu'est due la première description de cette technique. C'est sur ce cliché (Figure 9) que sont le mieux appréciées la direction de la luxation et les lésions osseuses associées (encoche de Hill-Sachs ou lésion de Bankart).

      
Figure 9 : Cliché axial de l'épaule [71]


8.3.4 Echographie

      Examen de dépistage qui permet, dans les mains d'un radiologue expérimenté, de mettre en évidence des lésions des tissus mous péri-articulaires. Sa fiabilité reste cependant inférieure au CT-scan ou à l'IRM.


8.3.5 CT-scan

      Excellent examen qui permet de mettre en évidence les lésions osseuses et dans une moindre mesure les lésions des tissus mous. Couplé à l'arthrographie, sa fiabilité augmente pour les lésions antérieures (lésions du bourrelet, fracture-arrachement du bord antérieur de la glène).


8.3.6 IRM

      De bonne résolution pour les problèmes musculo-tendineux, surtout lorsqu'il est couplé à l'arthrographie, il permet une excellente évaluation de l'atteinte du bourrelet glénoïdien.


9. Diagnostic différentiel des douleurs d'épaule [62]

      Sont décrites dans ce chapitre les lésions aiguës ou chroniques, conséquence d'un choc direct ou indirect, à l'exception des luxations. L'anamnèse et l'examen clinique restent un temps déterminant qui permet de poser un diagnostic dans la plupart des cas. L'âge du patient permet d'orienter le diagnostic vers des lésions plutôt dégénératives chez la personne âgée, alors que la tendance à la laxité favorise les instabilités chez le jeune.


9.1 Douleurs référées

      La plus fréquente de ces plaintes est la radiculopathie cervicale, nécessitant un examen de la colonne cervicale comprenant un status neurologique des membres supérieurs. Parmi les douleurs référées, de préférence du côté gauche, la plus classique reste la cardiopathie ischémique. L'âge du patient et ses antécédents cardio-vasculaires doivent orienter les investigations, puis le traitement. Se rencontrent également la péricardite, les pathologies intra-abdominales (vésicule biliaire, pancréas, ...), ainsi que le syndrome du défilé thoracique, et enfin les pathologies tumorales des tissus mous ou osseux accompagnées de manifestations systémiques (fièvre, baisse de l'état général, douleurs nocturnes, fatigue, perte pondérale, ...).


9.2 Lésions aiguës


9.2.1 Lésions osseuses

      C'est la clavicule qui est le plus fréquemment touchée, par mécanisme direct (chute sur le moignon de l'épaule) ou indirect (main en appui, retenant une chute).

      Moins fréquentes sont les atteintes de l'acromion, de la scapula ou de la coracoïde.


9.2.2 Tissus mous

      Les lésions des tissus mous surviennent surtout dans les sports de contact ; il s'agit souvent de contusions des muscles deltoïdes ou trapèzes. Les entorses de l'articulation acromio-claviculaire surviennent selon le même mécanisme que les fractures de la clavicule et leur traitement dépend de la gravité de la lésion. Des atteintes de la coiffe des rotateurs (chez le sportif plus âgé) ou neurologiques sont également décrites. Il faut savoir rechercher une atrophie de la loge du muscle sus-épineux ou un décollement des ailerons scapulaires en cas d'atteinte respective du nerf sus-scapulaire ou long thoracique.


9.3 Lésions chroniques

      Ces lésions surviennent de préférence dans les sports de lancer. On retrouve des pathologies du bourrelet, de la capsule, du biceps, de la coiffe des rotateurs (tendinopathies calcifiantes, ruptures partielles, ...) ou encore de la voûte coraco-acromiale (bursites ou conflit sous-acromial). Des lésions dégénératives telle qu'une arthrose gléno-humérale ou une atteinte rhumatismale peuvent aussi être évoquées.


10. Risques de récidive après luxation antérieure

      Plusieurs éléments doivent être pris en compte pour estimer les risques de récidive après l'événement initial responsable d'une luxation gléno-humérale antérieure.


10.1 Age du patient

      Plus fréquent à l'âge de 20 ans, le risque de récidive avoisine les 90%. Puis il diminue progressivement pour se situer à l'âge de 40 ans aux alentours des 10-15%. La majorité des récidives se retrouve dans les 24 mois qui suivent l'événement initial [37] [74].


10.2 Traumatisme, sport, sexe, dominance

      Plus le traumatisme initial est important, moins le risque de récidive est élevé. En d'autres termes, si la luxation s'est produite à la suite d'un traumatisme mineur, les risques sont élevés pour qu'elle se produise à nouveau pour un effort minime. Par rapport aux athlètes, les personnes sédentaires présentent une probabilité moins élevée de récidive. Il en est de même pour les personnes de sexe féminin. La dominance ne semble pas affecter les luxations ultérieures [78]. En cas de sport de contact, si le retour au niveau de compétition initial est effectué sans traitement chirurgical, la récidive avoisine les 100% [33].


10.3 Immobilisation

      Les études restent contradictoires. Pour certains auteurs, ni la durée ni les méthodes d'immobilisation n'influencent la récidive [78]. Pour d'autres, il existe une diminution du risque de récidive en cas d'immobilisation supérieure à 3 semaines [90]. En 1996 Hovelius publie une étude de suivi à 10 ans chez 247 patients après luxation initiale non opérée. Les résultats montrent que 52% des patients ne présentent pas de récidive à 10 ans, 23% des patients ont présenté de nombreuses récidives qui ont nécessité une intervention de stabilisation. Les autres patients (22%) qui ont présenté au moins deux épisodes de récidive dans les 2 à 5 ans à la suite de l'événement initial ne montrent pas de récidive à 10 ans sans nouvelle intervention chirurgicale [37]. Les récidives décrites sont indépendantes de la méthode d'immobilisation initiale (bras au corps durant 3 à 4 semaines, brettelle, etc.).


10.4 Fractures associées

      Plus fréquentes chez les patients âgés de plus de 30 ans (23% contre 8%), les fractures du trochiter ne semblent pas être un facteur de mauvais pronostic quant à une éventuelle récidive [37]. Bien au contraire, en cas de fracture, la probabilité d'une intégrité des tendons de la coiffe et du complexe ligamentaire est plus grande.


10.5 Physiothérapie

      Certains auteurs ont rapporté une certaine efficacité d'une thérapie de renforcement des stabilisateurs de l'épaule, particulièrement des muscles sous-scapulaires et sous-épineux. L'efficacité de ce renforcement musculaire se voit surtout lors d'instabilités postérieures (90%), ou lors de luxations antérieures atraumatiques (80%) et dans seulement 12% des cas ayant présenté au moins une luxation traumatique [11].

      En résumé, il semble que les seuls facteurs pronostics qui jouent un rôle prépondérant dans la récidive des luxations soient l'âge du patient au moment du traumatisme et l'importance de celui-ci. De plus, la persistance de la lésion du bourrelet glénoïdien, associée aux déformations post-traumatiques de la capsule articulaire jouent également un rôle important dans la récidive des luxations [93].


11. La rééducation post-luxation

      Ce type de rééducation est en réalité proposé au plus grand nombre de patients dans les suites de l'événement traumatique initial. L'accent principal est mis sur la récupération des amplitudes puis sur le travail de renforcement des muscles de la coiffe des rotateurs et du muscle deltoïde.

      Au stade initial, le patient bénéficie d'une immobilisation par gilet orthopédique pour une durée d'environ 3 semaines, puis un travail de mobilisation passive et active assistée est entrepris pour la récupération des amplitudes. Une fois les amplitudes articulaires récupérées, l'accent est mis sur le travail de renforcement des muscles stabilisateurs de l'épaule, à sec ou sur appareillage iso-cinétique, en travaillant particulièrement le muscle sous-scapulaire et la proprioception de l'épaule.


12. Techniques chirurgicales

      Une fois les différents facteurs qui favorisent les luxations identifiés, la chirurgie est envisagée en cas de récidives multiples compromettant la qualité de vie des patients et la reprise de leur activité physique. De même, si à la suite d'un geste banal le patient présente une luxation (luxation pendant le sommeil ou en nageant), il est raisonnable de proposer alors une stabilisation chirurgicale.

      Les critères de succès de la chirurgie de l'instabilité gléno-humérale sont l'absence de récidive, la restauration d'une mobilité satisfaisante et la reprise d'une activité sportive correspondant à l'attente des patients. C'est pourquoi l'accent est mis sur les interventions qui restituent l'intégrité anatomique de l'articulation [94].

      Dans ce chapitre seront passées en revue les différentes techniques proposées aux patients durant le siècle dernier. Ne seront mentionnées que les techniques chirurgicales les plus connues et qui ont montré un intérêt pour l'évolution du concept de l'instabilité et de son traitement. Un accent particulier sera mis sur la technique nous intéressant dans le cadre de cette étude, à savoir la chirurgie de stabilisation gléno-humérale par réinsertion du bourrelet glénoïdien associée à une plicature capsulaire (capsulorraphie).


12.1 Capsulomyorraphies antérieures

      Techniques qui visent à raccourcir les structures antérieures (muscles, capsule) dans le but de limiter volontairement la rotation externe.


12.1.1 Putti-Platt

      Putti, chirurgien italien, et Platt, chirurgien anglais n'ont jamais publié la technique chirurgicale qu'ils employaient peu après la fin de la Grande Guerre. C'est à Osmond-Clark [61] qu'ils doivent la description de cette technique qui porte leur nom. Après incision distale du muscle sous-scapulaire, la portion distale est rattachée à la capsule antérieure au niveau de la lèvre antérieure de la glène, la portion médiale étant réclinée en position neutre. Des variantes à cette intervention ont été décrites par différents auteurs, nous devons la plus récente à Symeonides qui propose de renforcer l'attache distale sur la glène en y insérant la portion médiane du muscle sous-scapulaire en position de rotation neutre [91]. Les résultats de cette chirurgie ont été décrits par plusieurs auteurs, à l'aide de mesures cliniques [16] [39] [68] ou même sur appareillage iso-cinétique pour un bilan de la force [27]. Il ressort que la principale limitation de l'intervention est le déficit de la rotation externe, la récidive étant comprise entre 11%-20% selon les auteurs. Un déficit de force est également mesuré sur appareillage iso-cinétique.


12.1.2 Magnusson-Stack

      Décrite durant la Dernière Guerre par les auteurs qui lui ont donné leurs noms [48], cette chirurgie nécessite la désinsertion du muscle sous-scapulaire du trochin en emportant une pastille osseuse. Celui-ci est ensuite rattaché sur la partie externe de la gouttière bicipitale. Les complications de cette technique restent la limitation trop importante de la rotation externe qui peut favoriser les subluxations ou luxations postérieures et les lésions du biceps. Son avantage est le taux faible de récidive [43].


12.2 Les butées osseuses

      Il s'agit de techniques qui visent à empêcher la luxation antérieure de la tête humérale lors de la rotation externe par l'apposition d'un greffon osseux, greffon qui augmente la surface de contact entre la tête humérale et la glène.

      Il existe essentiellement deux types de butées :


12.2.1 Eden-Hybbinette

      C'est en 1932 qu'est décrite cette technique chirurgicale [40], employée dès la fin de la Grande Guerre par Eden. Un greffon osseux iliaque est interposé sur la partie antérieure de la glène ; il prolonge ainsi l'appui de la tête dans son excursion antérieure lors de la rotation externe. A long terme, il est décrit une limitation de la rotation externe d'environ 10% par rapport au côté opposé [63], un taux de récidive de 21% non traumatique et une atteinte dégénérative précoce dans 33% des cas dans une étude publiée à propos d'une variante de cette technique [58] (Figure 10).


12.2.2 Trillat

      Après ostéotomie de l'apophyse coracoïde, celle-ci est fixée à la glène à l'aide de clous ou de vis. Là encore, le raccourcissement du muscle sous-scapulaire est inévitable [95] (Figure 10).

      

Fig. 10 : A Technique de Trillat, B Technique de Eden-Hybbinette [54]


12.2.3 Bristow-Helfet

      Pour faire honneur aux principes d'Hippocrate, Helfet décrit en 1958 la technique chirurgicale à laquelle il associe le nom de son ancien supérieur [34]. Après préparation de la pointe du processus coracoïde, celui-ci est rattaché à la glène, avec ses éléments musculo-ligamentaires, après avoir réalisé une courte incision à travers le muscle sous-scapulaire. Ainsi, la portion antéro-inférieure de la glène est renforcée et l'intervention entraîne un effet de butée.

      Cette technique a connu un grand nombre de variantes. Elle ne représente pas notre premier choix dans la chirurgie de stabilisation des épaules instables, surtout en raison de la difficulté d'une éventuelle reprise chirurgicale et de la persistance de la laxité antérieure dans 80% des cas [102].


12.3 Stabilisation par réinsertion du bourrelet et plicature capsulaire

      C'est en 1938 que Bankart [3] décrit la chirurgie de stabilisation gléno-humérale pour luxations récidivantes des épaules traumatiques. Cette intervention devait s'imposer dans les années suivantes comme méthode de référence dans la chirurgie de stabilisation. Bankart a repris les travaux antérieurs de Broca et Hartmann [9], ainsi que de Perthes [66], pour décrire la lésion qui porte son nom. Il s'agit d'une désinsertion du bourrelet et du ligament gléno-huméral inférieur. En se prolongeant en avant et en dedans du col de l'omoplate, elle forme le décollement capsulo-périosté de Broca-Hartmann. Après exposition du rebord antérieur de la glène, il est entrepris un avivement de celui-ci à la curette pour permettre l'apposition de la désinsertion. Puis trois orifices transosseux sont réalisés pour le passage des fils permettant l'amarrage de la lésion de Bankart (Figure 11).

      

Fig. 11 : Préparation des points transosseux [85]

      A cette réinsertion, il y est associé une plicature capsulaire : décrite par Neer en 1980 pour les instabilités multidirectionnelles [57] comme l'" inferior capsular shift ", la capsulorraphie a pour principe le repositionnement après désintertion au niveau du col huméral de la capsule en la remettant sous tension (Figure 12).

      

Fig. 12 : Caspulorraphie de Neer [54]

      Cette technique a été reprise par d'autres auteurs [67] [59] [41] en incisant la capsule en T au niveau de la glène. Ce procédé permet, dans certaines circonstances, d'éviter l'incision du muscle sous-scapulaire (Figure 13).

      

Fig. 13 : Caspulorraphie en T [54]


12.4 Techniques arthroscopiques

      La stabilisation arthroscopique est la dernière des méthodes décrites pour le traitement chirurgical de l'instabilité gléno-humérale. Son importance est croissante depuis le début des années 90. Elle implique un engouement encore modéré en raison des difficultés techniques et du taux de récidive supérieur aux techniques chirurgicales ouvertes. Avec l'expérience grandissante des chirurgiens pratiquant cette technique, le taux de succès tend à se rapprocher des techniques ouvertes.

      Son avantage principal réside dans le respect de l'anatomie, le faible taux de complications infectieuses ou cicatricielles et la qualité esthétique. La diminution du temps opératoire, des pertes sanguines, de l'antalgie post-opératoire [30] et de l'hospitalisation sont également des arguments supplémentaires qui pourraient tendre à augmenter l'indication de ce type de technique.

      La comparaison entre chirurgie ouverte et arthroscopique est publiée dans de nombreuses études (Table 2).

      
Table 2 : Comparaison entre chirurgie ouverte (O) et arthroscopique (A), taux de récidiv exprimé en %
Auteurs Taux de récidive (O/A) en % Echantillon (O/A)
Field [24] 0/8 (O/A) 50/50 (O/A)
Steinbeck [88] 5/17 (O/A) 32/30 (O/A)
Cole [13] 9/16 (O/A) 22/37 (O/A)

      Les complications de la chirurgie arthroscopique sont également dues aux implants mis en place. Ceux-ci peuvent en effet créer des douleurs, des réactions locales ou être sujets à des déplacements secondaires.

      En résumé, la chirurgie arthroscopique garde des indications précises : le patient idéal présente une lésion de Bankart typique, un ligament gléno-huméral inférieur de bonne qualité avec une instabilité unidirectionnelle (TUBS) [15].


12.5 Complications de la chirurgie [46]

      Les complications de la chirurgie des instabilités antérieures de l'épaule peuvent être classées en plusieurs catégories :

      Une mauvaise évaluation de l'instabilité peut tout d'abord être source d'échecs. En effet, en cas d'instabilité de type AMBRI, la stabilisation antérieure uniquement ne prévient pas les luxations qui peuvent survenir dans une autre direction, et d'autant plus si un programme de rééducation bien mené n'a pas été entrepris.

      Il faut relever ensuite les problèmes liés à l'abord chirurgical, pourvoyeur d'infections.

      La persistance d'une instabilité représente une complication importante, voire un échec de la chirurgie. Selon les études, le taux de récidive varie de 0-30%. C'est non seulement la technique chirurgicale qui permet d'expliquer cette variation des résultats, mais aussi l'importance des lésions consécutives aux multiples luxations et la qualité des tissus.

      Puis viennent les complications liées au matériel utilisé. Un déplacement secondaire des vis, agrafes, ancres, ... peut léser les tissus voire favoriser une arthrose.

      On décrit également des complications neuro-vasculaires.

      Si elle est excessive, la limitation de la rotation externe peut être considérée comme une complication, bien qu'elle soit attendue. Variable selon la technique, elle peut représenter un déficit d'environ 21° en moyenne par rapport au côté opposé [39].

      Une arthrose prématurée peut survenir en cas de retension excessive de la capsule antérieure ou en cas de butée qui déborde antérieurement de la glène.

      Enfin, il est décrit une faiblesse du muscle sous-scapulaire liée à l'abord chirurgical et à la section de ses fibres pour permettre l'accès à la capsule antérieure.


13. Rééducation post-opératoire

      Après une immobilisation de 4 semaines dans une brettelle, les patients entament un programme de rééducation qui vise dans un premier temps à restaurer l'amplitude passive, sans travailler la rotation externe. La physiothérapie proposée est effectuée aussi bien à sec qu'en piscine. Dans l'eau, en effet, l'effet de la pesanteur est diminué, les amplitudes passives peuvent être augmentées sans risque avec une douleur très nettement diminuée. Puis, dès la sixième semaine, un travail de récupération de l'amplitude en rotation externe est entrepris, très progressivement.

      Peut alors débuter la deuxième phase de la rééducation, à savoir le travail actif assisté. Ce travail ne peut en effet être effectué qu'après récupération des amplitudes suffisantes. Le but est de renforcer les structures musculaires pour leur permettre de reprendre leur rôle de stabilisateur articulaire. Le travail de renforcement léger, analytique, contre résistance exercée par le thérapeute, permettra au patient de reprendre conscience de la mobilité gléno-humérale. Des exercices d'auto-mobilisation sont enseignés pour le domicile, d'abord en passif à l'aide d'un système de poulie-thérapie, puis en actif à l'aide d'élastiques.

      Grâce à la combinaison de ces traitements, le travail de renforcement actif intensif peut débuter dès la huitième semaine. Celui-ci, toujours effectué sous la supervision du physiothérapeute et du médecin rééducateur, peut être réalisé sur engins mécaniques ou grâce à un appareillage iso-cinétique. D'un renforcement initial en concentrique, en insistant particulièrement sur le travail total, à savoir l'endurance, les répétitions sont effectuées un grand nombre de fois (~ 30 répétitions), sans charge importante, pour éviter le risque de blessure. Puis débute le travail de renforcement sous contrôle iso-cinétique des muscles de la coiffe des rotateurs, en particulier le muscle sous-scapulaire. En effet, celui-ci joue un rôle primordial dans la stabilisation antérieure de l'épaule, puisqu'il agit comme rempart à la translation antérieure de l'épaule.

      La reprise de l'activité sportive est autorisée à partir du quatrième mois.


14. Matériel et Méthode

      D'octobre 1997 à octobre 2000, 29 patients ont été opérés pour instabilité traumatique gléno-humérale de l'épaule (TUBS). Les interventions ont été effectuées par le même chirurgien expérimenté. Celui a employé la technique chirurgicale décrite ci-dessous, à savoir la stabilisation gléno-humérale par réinsertion du bourrelet glénoïdien et plicature capsulaire.


14.1 Technique chirurgicale

      Le patient est installé en position semi-assise, la tête immobilisée dans une têtière, avec la possibilité d'avoir un accès aussi bien antérieurement que postérieurement si nécessaire.

      Prophylaxie antibiotique par une céphalosporine de 2ème génération.

      Voie d'abord delto-pectorale partant de la pointe de la coracoïde et s'étendant sur 5 à 6 cm en regard du sillon delto-pectoral (Figure 14).

      Après discision du tissu sous-cutané, on repère la veine céphalique.

      La veine céphalique sert de repère pour l'exposition du sillon delto-pectoral. Une fois l'espace entre le muscle pectoral et le muscle deltoïde mis en évidence, on écarte ces 2 muscles pour exposer le plan clavi-delto-pectoral. Excision du tissu fibreux recouvrant ce plan, ceci permet de bien visualiser proximalement le bord supérieur du tendon du sous-scapulaire, en bas les vaisseaux circonflexes, médialement le bord latéral du tendon conjoint (coraco-biceps et long chef du biceps) et latéralement la gouttière bicipitale.

      Contrôle de l'intervalle des rotateurs et fermeture de celui-ci par 2 points de Vicryl 1.

      Une fois l'intervalle fermé, incision en U du tendon du sous-scapulaire, en respectant son bord supérieur et en restant à distance des vaisseaux circonflexes. Latéralement, l'incision se fait à 1 cm du bord interne de la gouttière.

      Discision progressive, aussi bien en profondeur que médialement, du tendon du sous-scapulaire en mettant en évidence le plan de clivage entre le tendon lui-même et la capsule. Cette phase de la dissection est importante, afin de respecter le plan capsulaire. Incision en T de la capsule. La longue branche du T, qui est horizontale, se prolonge jusqu'au rebord glénoïdien, au milieu de la hauteur de la glène.

      Mise en évidence de la lésion de Bankart qui est systématiquement mesurée. Avivement du bord antérieur de la glène à l'aide d'une rugine de Cobb. Si l'on est en présence d'une sclérose importante du bord antéro-inférieur de la glène, cet avivement peut se faire à l'aide d'une fraise. Une fois le bord de la glène avivé, mise en place de 2 à 3 ancres (Figure 15), selon l'importance de la désinsertion du bourrelet ; ces ancres se mettent sur le rebord de la glène à 35°- 45° d'inclinaison dans le plan sagittal. L'ancre supérieure se positionne à la partie toute haute de la désinsertion du bourrelet, alors que l'ancre inférieure se positionne au pôle inférieur de la glène. En cas de lésion importante une 3ème ancre est mise entre les 2 premières. Une fois l'ancre implantée, sa tenue est systématiquement testée par un mouvement de forte traction sur les fils (Panacryl n°2).

      A l'aide d'une aiguille de Reverdin, on va chercher en intra-articulaire les fils des ancres pour les faire passer en extra-capsulaire. Une fois les fils passés en extra-capsulaire, ligature de ceux-ci, ce qui permet de réappliquer le bourrelet au contact du bord antérieur de la glène précédemment avivée. Contrôle de la qualité de la réinsertion du bourrelet à l'aide d'un crochet palpateur.

      Réinsertion du " flap " capsulaire inférieur en l'ascentionnant. Cette réinsertion se fait avec 20° d'abduction et une vingtaine de degrés de rotation externe. L'importance de l'ascension du " flap " inférieur dépend de l'importance de la poche capsulaire existante. Réinsertion du " flap " capsulaire supérieur recouvrant le " flap " inférieur. La suture capsulaire s'effectue avec du Vicryl n°1.

      Réinsertion du tendon du sous-scapulaire avec du Vicryl n°2. Là également la réinsertion s'effectue en abduction de 20° et en rotation externe du membre supérieur.

      Point de rapprochement entre le deltoïde et le grand pectoral.

      Point séparé du tissu sous-cutané. Surjet intradermique à la peau.

      

Fig. 14 : Abord delto-pectoral [54]

      

Fig. 15 : Mise en place d'une ancre résorbable [45]


14.2 Ancre résorbable (Panalok 3.5mm MITEK)

      (Information fournie par le fabriquant)

      Ce système comprend une ancre pré-filetée en PLA (homopolymère poly lactide) avec une suture en polyester tressée ou monofilament en polydioxanone doublement serti. La résorption du PLL est presque totale au bout de quatre années. Le PLA s'hydrolyse en acide lactique et entre dans les voies glucidiques normales. La résistance initiale pour le monofilament après deux semaines d'implantation est de 70%, 50% à quatre semaines et 25 % à six semaines, selon résultats d'essais d'implantation sur des animaux. Pour la suture en polyester, aucune diminution significative de la résistance n'est décrite à long terme, se basant sur les mêmes essais. La taille du forage approprié est de 3.5 mm sur 18 mm de profondeur.


14.3 Contrôle

      Sur les 29 patients convoqués pour un contrôle clinique et radiologique, seuls 20 patients (18 hommes et 2 femmes) se sont présentés à la convocation (68%), qui s'est déroulée en moyenne 23 mois après l'opération. Sur les 20 patients, un seul s'est vu proposer la stabilisation chirurgicale des deux côtés en raison d'une instabilité traumatique bilatérale, à 2 ans d'intervalle. Les 9 patients restants (32%) sont perdus de vue malgré nos efforts de recherche.

      Le contrôle des patients a été effectué par un médecin indépendant, spécialisé en rééducation de l'appareil locomoteur.

      Le contrôle proposé aux patients comprenait :

      Des 20 patients contrôlés cliniquement et radiologiquement, seuls 14 (12 hommes et 2 femmes) se sont présentés à l'examen de mesure iso-cinétique (70%), et ce malgré deux convocations supplémentaires.


14.4 Examen clinique (Annexe 2)

      Après anamnèse dirigée, l'examen clinique est effectué sur la base des scores de Constant et Rowe décrits plus bas.

      On retrouve dans le questionnaire annexé différentes rubriques pour lesquelles une explication est nécessaire :


14.4.1 Données générales

      La pratique sportive est regroupée en différents items :

  • Compétition : sportif évoluant dans un championnat et participant à un classement comparatif avec d'autres sportifs.
  • Loisir : sportif non classé dans un championnat mais qui pratique de manière régulière une activité physique en dehors de son travail ( au minimum deux heures par semaine).
  • Actif : individu non sportif qui, de par son activité professionnelle, est amené à effectuer une certaine charge physique (ex. travailleur dans le bâtiment, la restauration, etc.).
  • Sédentaire : individu ne pratiquant pas de sport avec une activité professionnelle peu physique (secteur tertiaire).

      Les types de sport sont regroupés en 5 catégories de risque pour l'épaule, chutes exceptées :

  • Pas de sport : sédentaire n'ayant pas l'occasion de s'engager dans une quelconque activité physique.
  • Sans risque : sport ne comportant pas de risque de luxation pour l'épaule, comme le vélo, etc.
  • Avec contact : sport n'impliquant pas l'épaule à première vue, mais l'exposant à un risque de luxation en cas de contact forcé, comme par exemple le football, le rugby ou les sports d'hiver.
  • Avec armé : le bras est placé en position d'armé, abduction-rotation externe-extension, exposant l'épaule à un risque de luxation. Les sports typiques sont le tennis et le base-ball.
  • Armé/contré : en position d'armé, le bras se voit contré et placé en position d'extrême tension pour l'articulation gléno-humérale. Les sports tels que le basketball, volleyball, handball et les sports de combat en sont un bon exemple.

14.4.2 Le score de Constant [17] (Annexe 3)

      Il s'agit d'un score fonctionnel qui permet l'évaluation de l'épaule pathologique et de l'épaule contro-latérale. Sur un total de 100 points, il prend en compte 4 paramètres :

  • Le niveau de douleur du patient
  • Le niveau d'activité fonctionnelle
  • Les amplitudes articulaires
  • La force

      Ayant une très faible variabilité inter-observateurs, il s'agit d'un score qui permet de bonnes comparaisons dans la littérature.

      La douleur, notée de 0 à 15 points, a été évaluée par une réponse verbale. Le score est de 15 points en absence de douleurs, 10 points en cas de douleur légère, 5 points si la douleur est modérée et 0 si celle-ci est sévère.

      La fonction est notée sur 20 points. Sont pris en compte le handicap professionnel et sportif ainsi que la perturbation pendant le sommeil.

      Les amplitudes articulaires actives sont notées de 0 à 40 points, comprenant la flexion, l'abduction et les rotations (externe coude au corps, interne par rapport à la hauteur de vertèbre en regard du pouce du patient).

      La force est mesurée à l'aide d'un dynamomètre à ressort (Figure 16), la mesure étant effectuée à 3 reprises, la valeur moyenne étant retenue. Le bras est placé à 90° d'élévation dans le plan de l'omoplate. La force obtenue en kilogrammes, est alors multipliée par 2.2 pour un résultat exprimé en pounds. La note maximale est de 25 points.

      

Fig. 16 : Examen de la force selon Constant

Image tirée de " Examen programmé de l'épaule douloureuse chronique " Walch, G. ; Journées Lyonnaises de l'Epaule, 1993

14.4.3 Le score de Rowe [76] (Annexe 4)

      Egalement établi pour être un score fonctionnel. Sur un total de 100 points, il prend en compte 5 paramètres :

  • Le niveau de douleur du patient
  • La stabilité post-opératoire
  • Le niveau d'activité fonctionnelle
  • Les amplitudes articulaires
  • La force

      La douleur, notée de 0 à 15 points, a été évaluée par une réponse verbale. Le score est de 15 points en absence de douleurs, 12 points en cas de douleur légère, 6 points si augmentée en cas d'activité, 3 points si la douleur est modérée ou sévère durant l'activité, et 0 si celle-ci est sévère.

      La stabilité est notée sur 25 points. L'appréhension en est un paramètre important, de même que la présence de subluxations.

      La fonction est notée sur 25 points. Sont pris en compte le handicap professionnel ou sportif et la perturbation du sommeil.

      Les amplitudes articulaires actives sont notées de 0 à 25 points, comprenant la flexion, l'abduction et les rotations (externe coude au corps, interne par rapport à la hauteur de vertèbre en regard du pouce du patient).

      La force est mesurée par rapport au côté sain. La note maximale est de 10 points, note attribuée par défaut au côté non opéré.


14.5 Clichés radiologiques

      Pour tous les patients des clichés radiologiques de l'épaule ont été réalisés. Les deux incidences sont :

      Faisant également partie du bilan radiologique initial, ces radiographies sont effectuées à nouveau lors du contrôle. L'interprétation est faite par un radiologue indépendant du travail. Sont décrites, si elles existent, les lésions ci-dessous :

      
Table 4 : Evaluation radiologique des points d'ancrages selon Rosenberg [73]
Degré Description
0 Invisibles
1 Perceptibles
2 Visibles
3 Visibles avec signes de remodelage osseux

      Les signes d'arthrose sont classés quant à eux selon le tableau ci-dessous (Table 5) et l'Annexe 5 :

      
Table 5 : Classification radiologique des atteintes dégénératives selon Samilson [82]
Degré Description
Stade 0 Pas d'altération radiologique visible
Stade I ou léger Ostéophyte huméral ou glénoïdien < ; 3mm de hauteur
Stade II ou modéré Irrégularité de l'interligne, ostéophyte compris entre 3-7 mm
Stade III ou sévère Pincement de l'interligne, ostéophytes > ; 7 mm de hauteur


14.6 Stabilité subjective

      Une rubrique du questionnaire élaboré pour ce travail évalue de façon subjective les suites de l'intervention et son efficacité sur la stabilité.

      Les 4 rubriques possibles sont :

  1. Enthousiaste
  2. Satisfait
  3. Déçu
  4. Aggravé

      Le patient y répond de façon orale, l'investigateur étant indépendant du chirurgien.


14.7 Protocole Biodex

      L'appareillage employé est le Biodex Système 3 modèle PRO, Inc, NY.

      L'examen est effectué pour une même personne des deux côtés, le côté non-opéré servant de contrôle. Le sujet est assis, le bras positionné en Flexion/Abduction de 30°, dans une position préconisée par Davies [19]. Cette position limite en effet les risques de conflit sous-acromial, plaçant les différentes structures (muscles, ligaments, capsule) en position neutre.

      L'intérêt de cette méthode d'évaluation est qu'elle permet le calcul de la balance musculaire agonistes/antagonistes, et en particulier rotateurs internes/rotateurs externes permettant d'approcher dans notre étude le mécanisme de l'instabilité antéro-postérieure. De plus, cette technique permet de quantifier la force de ces différents groupes musculaires dans les modalités concentriques et excentriques, à la recherche d'une faiblesse pouvant être rattachée à l'intervention chirurgicale (section du muscle sous-scapulaire pour accéder à la lésion de Bankart).

      Rapportée au sexe, la mesure de la force maximale développée est supérieure chez l'homme que chez la femme, alors que le ratio reste inchangé [44].


14.7.1 Protocole

      Le protocole suivant, employé en Clinique de Rééducation, est entrepris :

  • Rotation interne et externe en concentrique à 60°/sec : 5 répétitions
  • Rotation interne et externe en concentrique à 240°/sec : 30 répétitions
  • Rotation interne et externe en excentrique à 90°/sec : 5 répétitions

14.7.2 Mesures


14.7.2.1 Travail total et force maximale

  • Travail total exprimé en Joules pour les vitesses de 60°/sec et 240°/sec pour les rotateurs internes et externes
  • Moment de force maximal (MFM) exprimé en Newton/mètres pour les rotateurs internes et externes, aux vitesses de 60°/sec et 240°/sec en concentrique, et à 90°/sec en excentrique

14.7.2.1 Ratios

  • RE/RI concentrique, ratio standard [84] [86]. Sont considérées comme normales les valeurs comprises entre 0.8-1.
  • RI excentrique/RE concentrique, ratio s'approchant le plus de l'instabilité [1]. Sont considérées comme normales les valeurs comprises entre 1.6-2.
  • RE excentrique/RI concentrique, ratio s'approchant le plus du conflit[84] [86]. Sont considérées comme normales les valeurs inférieures à 1.

14.8 Statistiques

      Pour permettre une comparaison des résultats, un test de Student a été employé, L'hypothèse nulle associée à ce test est la suivante :

      H0 : Les deux échantillons, l'épaule opérée et l'épaule opposée d'un même individu, proviennent de deux populations sous-jacentes ayant la même moyenne.

      Cette hypothèse suppose, par exemple, pour ce qui est de la force du muscle sous-scapulaire, que l'épaule opérée présente la même force que le bras opposé qui sert de contrôle. Par conséquent, le test de Student employé est bilatéral.

      Le résultat du test fournit la p-valeur, à savoir la probabilité d'avoir autant de force dans l'épaule opérée que dans l'épaule contrôle. Le test est significatif à un niveau de confiance de 5% si la p-valeur est inférieure à 0.05.


15 Résultats

      20 patients (18 hommes et 2 femmes) se sont présentés au contrôle clinique proposé en moyenne 23 mois après la stabilisation chirurgicale de leur épaule. Un de ces patients s'est vu proposer la stabilisation des deux côtés, à deux années d'intervalle, ce qui porte le nombre total d'épaules opérées à 21 pour un nombre total de 20 patients.


15.1 Dominance

      Sur les 20 patients, il est dénombré 16 patients droitiers (80%) et 4 gauchers (20%) . 8 de ces patients ont subi une intervention du côté dominant (39%) et 13 du côté non dominant (61%) (Table 6).

      
Table 6 : Répartition des patients selon côté atteint.
Patients droitiers Patients gauchers Epaules droites opérées Epaules gauches opérées Côté dominant Côté non dominant
n=16 (80%) n=4 (20%) n=8 (39%) n=13 (61%) n=8 (39%) n=13 (61%)


15.2 Age des patients


15.3 Pratique sportive


15.3.1 Niveau de la pratique sportive avant la luxation

  • 2 patients (1 homme, 1 femme) ne pratiquaient pas d'activité sportive avant le premier épisode de luxation (10%).
  • 2 patients pratiquaient un sport sans risque, comme la course à pied ou l'aviron (10%).
  • 5 patients (4 hommes, 1 femme) pratiquaient un sport avec contact (sports d'hiver, football) (25%).
  • 8 patients pratiquaient une activité avec armé (natation, grimpe, gymnastique, patinage) (40%).
  • 3 patients pratiquaient un sport avec armé/contré, tels que le volleyball ou les sports de combat (15%).

15.3.2 Niveau de reprise de la pratique sportive

  • 16 patients ont conservé un niveau d'activité superposable à la période pré-opératoire, sans récidive de luxation (80%). Dans ce groupe, on relève 7 patients qui pratiquaient une activité sportive impliquant une compétition. Tous ont pu reprendre leur activité au même niveau qu'avant l'intervention. 1 de ces patients présente cependant une gêne lors des activités de gymnastique, spécialement aux anneaux, sans conséquence sur sa performance.
  • 2 patients ont stoppé leur activité sportive pour des raisons indépendantes de l'intervention chirurgicale (10%). Le niveau d'activité était estimé auparavant comme loisir pour l'un (badminton) et actif pour l'autre (sports d'hiver).
  • 2 patients ont dû diminuer leur niveau d'activité sportive en raison d'une gêne résiduelle à l'épaule opérée (10%).

15.4 Scores


15.4.1 Score de Constant

  • La valeur moyenne du score de Constant du côté opéré est de 93.7 points sur un total de 100 [SD 6.4].
  • La valeur moyenne du score de Constant du côté sain est de 96.7 points sur un total de 100 [SD 4.3].
  • La p-valeur est égale à 0.1.

15.4.2 Score de Rowe

  • La valeur moyenne du score de Rowe du côté opéré est de 90.9 points sur un total de 100 [SD 11.38].
  • La valeur moyenne du score de Rowe du côté sain est de 95.5 points sur un total de 100 [SD 12.2].
  • La p-valeur est égale à 0.2.

15.5 Rotations

      La mesure des rotations externes a été effectuée à l'aide d'un goniomètre dans deux positions : coude au corps (RE1) et épaule en abduction à 90° (RE2).


15.5.1 RE1

  • La valeur moyenne de la rotation externe, coude au corps, du côté opéré est de 61.2° [SD 14.9].
  • La valeur moyenne de la rotation externe, coude au corps, du côté sain est de 73° [SD 12.9].
  • La p-valeur est égale à 0.01.

15.5.2 RE2

  • La valeur moyenne de la rotation externe, épaule en abduction à 90°, du côté opéré est de 89.5° [SD 11.1].
  • La valeur moyenne de la rotation externe, coude au corps, du côté sain est de 99.2° [SD 14.8].
  • La p-valeur est égale à 0.02.

15.6 Récidive

      Sur les 21 épaules opérées, il est retrouvé 1 épisode de luxation (4%) chez un patient opéré du côté gauche (non dominant). La luxation est survenue 6 mois après l'intervention, le patient cherchant à retenir une chute en se tenant à une rampe d'escalier. L'évolution s'est révélée favorable, sans immobilisation secondaire. Lors du contrôle effectué 9 mois après le nouveau traumatisme, le patient n'a pas annoncé de nouvel épisode de luxation et le test d'appréhension est négatif.


15.7 Appréhension

      L'examen clinique de contrôle a révélé lors de la manoeuvre d'appréhension (épaule en abduction et rotation externe à 90°, en imprimant un mouvement de translation antérieure) 10 cas positifs (50%). Ceux-ci présentent une sensation de gêne lors de cette manoeuvre, sensation nettement diminuée lors du test de recentrage (appui antérieur au niveau du moignon de l'épaule).


15.8 Complications

      Aucune nouvelle intervention de stabilisation n'a eu lieu durant les 23 mois de suivi post-opératoire.

      De plus, aucune complication per- ou post-opératoire n'est à enregistrer. Chez un seul patient, la mise en place de la troisième ancre selon la technique décrite ci-dessus n'a pu être effectuée en raison d'une cassure de celle-ci.


15.9 Arrêt de travail

      La période d'arrêt de travail a été en moyenne de 12 semaines chez ces patients [8-14 semaines], pour une durée d'hospitalisation de 4 jours.


15.10 Bilan radiologique

      Le bilan radiologique post-opératoire a été effectué pour tous les patients lors du contrôle clinique. Les radiographies ont été examiné par un radiologue indépendant selon les critères énumérés ci-dessus (14.5). Des exemples sont donnés en Annexe 5.


15.11 Stabilité subjective et satisfaction

      Le taux de satisfaction, tous patients confondus, s'élève à :


15.12 Biodex

      Les résultats du protocole effectué et décrit sous 14.7 sont résumés dans la table suivante (Table 6) :

      Les résultats des moments de force maximale (MFM) ou Peak Torque sont exprimés en Newton/mètres.

      Les résultats du travail total sont exprimés en Joules.

      Pour toutes les valeurs ci-dessous, les vitesses sont exprimées en °/seconde.

      
Table 6 : Résultats du bilan isocinétique effectué chez 14 patients (12 hommes et 2 femmes)
Valeurs moyennes Côté sain Côté opéré p
MFM concentrique RE 60°/sec en N 31 [SD 9.1] 27,5 [SD 7] 3
Travail total RE 60°/sec en J 164,1 [SD 52.1] 120,4 [SD 41] 02
MFM concentrique RE 240°/sec 28,4 [SD 10.3] 29,7 [SD 9.1] 7
Travail total RE 240°/sec 530 [SD 278.2] 397,6 [SD 230.7] 2
MFM concentrique RI 60°/sec 42,9 [SD 16] 37,5 [SD 17.1] 4
Travail total RI 60°/sec 230,5 [SD 92.6] 175,8 [SD 108] 2
MFM concentrique RI 240°/sec 42,64 [SD 18.2] 41,24 [SD 19.1] 8
Travail total RI 240°/sec 925 [SD 491] 742,1 [SD 453] 3
MFM excentrique RE 90°/sec 31,57 [SD 9.6] 25 [SD 9.0] 07
MFM excentrique RI 90°/sec 59,57 [SD 21.4] 56,14 [SD 18.7] 6
Ratio RE/RI concentrique 60°/sec 74,73% 80,76% 4
Ratio RE/RI concentrique 240°/sec 71,36% 77,28% 4
Ratio REe/RIc (90°/60°), ratio de conflit 75,49% 72,49% 7
Ratio RIe/REc (90°/60°), ratio d'instabilité 191,26% 205,94% 3


16. Discussion

      En 1978, Rowe [77] publie une étude de suivi, utilisée actuellement comme série de référence, comprenant 124 patients opérés pour une stabilisation chirurgicale ouverte d'épaules traumatiques instables. 69% des patients présentent une récupération totale de la mobilité. Le résultat était jugé bon à excellent chez 97% des 124 patients opérés par cette technique.

      Dans notre étude, l'âge moyen des patients est de 19.1 ans lors de l'accident initial, et de 23.6 ans lors de la chirurgie de stabilisation. Ces données sont superposables à celles retrouvées dans la littérature pour ce type de population [97][64]. En effet, le traumatisme adéquat à l'origine d'une instabilité type TUBS survient de préférence chez une population de cet âge.

      Concernant le type de sport pratiqué par les 20 patients inclus dans l'étude, 4 patients (20%) ne pratiquaient pas d'activité physique ou pratiquaient une activité estimée sans risque. 16 patients (80%) pratiquaient un sport avec contact, armé ou armé/contré. Le genre d'activité rencontrée ressemble aux patients d'autres études [97], avec une légère prépondérance liée aux sports d'hiver dans notre pays.

      Le taux de satisfaction général est encourageant puisque 100% des patients se déclarent enthousiastes ou satisfaits de la chirurgie. Aucun patient ne dit être déçu ou aggravé par l'intervention chirurgicale, et ce malgré un épisode de récidive chez un patient. Sur les 10 patients présentant une appréhension positive à l'examen clinique, 7 patients (6 hommes, 1 femme) se disent enthousiastes (70%) et 3 patients (2 hommes, 1 femme) se disent satisfaits (30%). Ce taux élevé de satisfaction, malgré l'appréhension clinique présente chez 10 patients (50%), peut paraître surprenant. Cependant, nos patients n'étant pas gênés lors des activités de la vie quotidienne, c'est l'amélioration de leur qualité de vie en général qui a bénéficié de cette intervention.

      Sur le plan de la récidive, le contrôle étant effectué en moyenne 23 mois après l'opération, un seul épisode de luxation est noté (5%). Survenue dans des circonstances particulières, le patient cherchant à se retenir d'une chute, la récidive n'a pas entraîné de complications ultérieures. A signaler que le patient a été opéré du côté non dominant, et qu'il ne pratique pas d'activité physique particulière. Au contrôle, 7 mois après ce nouvel épisode, le patient avait repris ses activités régulières, sans douleurs. L'examen clinique ne révèle qu'un tiroir antérieur et l'absence d'appréhension. Le bilan radiologique ne révèle pas de lésion de Hill-Sachs. Il n'a par ailleurs pas bénéficié d'un complément de rééducation à la suite de cet épisode. Le taux de récidive généralement admis après opération de Bankart est de 3% à 5% [3] [29] [37] [80]. Dans une étude comparable à la nôtre en terme de population et de suivi, Ejerhed et al. [23]décrivent un taux de récidive de 5%. Pagnani et al., dans une étude comprenant 58 patients suivis sur 2 ans, ne décrivent pas de nouvel épisode de luxation après la chirurgie, mais 2 épisodes de subluxations (3%). Ce taux de subluxation est inférieur à celui décrit par Protzman et al. [67]en 1980, où il représente 8% alors que le taux de nouvelles luxations est de 1.2% sur 89 patients que compte l'étude. Enfin, Uhorchak et al. [97]décrivent à propos d'un suivi de 66 patients sur 47 mois un taux de récidive de luxation 3% et de 20 % de subluxations. Ce taux relativement élevé est principalement dû au fait que tous les patients de l'études ont repris une activité sportive impliquant un contact. Dans notre série, le recul est toutefois court (23 mois). Dans les années à venir, on pourrait s'attendre à une augmentation de ce taux de récidive chez cette population jeune, poursuivant une pratique sportive régulière et actuellement asymptomatique de leur épaule.

      La reprise du sport ne concerne que 16 patients pratiquant une activité sportive (80%). 12 patients (75%) ont pu reprendre leur activité physique au même niveau qu'avant l'opération. Un patient (6%) dit être gêné aux activités de gymnastique, spécialement aux anneaux. Cette gêne est cependant sans influence sur ces performances. 2 patients (12%) ont stoppé leur activité physique pour des raisons indépendantes de l'opération, l'un pratiquant le snowboard et l'autre le badminton. 2 autres patients (12%) ont diminué leur pratique sportive (natation et gymnastique) en raison d'une gêne résiduelle à l'épaule opérée. Ce taux réduit d'arrêt nous semble satisfaisant, plaçant le taux de reprise, en ce qui concerne le retour au même niveau de compétition de nos patients, au même niveau que les valeurs retrouvées dans la littérature. En effet, selon d'autres études, le taux de reprise d'activité sportive après stabilisation d'épaules avec ou sans réparation de Bankart est compris entre 83% et 92% [1] [6] [89] [99]. Il faut cependant rester prudent dans l'interprétation des résultats, et être attentif à la technique chirurgicale employée dans certaines études. Certains auteurs, par exemple, ne prennent en compte que les plicatures capsulaires sans la réparation de Bankart [2].

      Le score de Constant, mesuré pour chaque patient au contrôle s'élève en moyenne du côté opéré à 93.7/100 points [SD 6.4] alors qu'il est de 96.7/100 points du côté sain [SD 4.3]. La différence de score entre les deux épaules n'est pas significative (P = 0.1). Pour le même type de population Ejerhed et al. obtiennent des valeurs inférieures aux nôtres en terme de résultat final, puisque la valeur du score de Constant s'élève à 89/100 points du côté opéré, sans comparaison avec le côté sain [23].

      Le score de Rowe s'élève quant à lui en moyenne du côté opéré à 90.9/100 points [SD 11.38], pour 95.5/100 points [SD 12.2] du côté sain. La différence entre les deux côtés n'est de nouveau pas significative, puisque P = 0.2. Par comparaison avec d'autres études traitant du même sujet (chirurgie de stabilisation d'épaule) utilisant le même score, celui-ci se situe dans des valeurs comparables. Il s'élève à 86 points [61-98] pour Ejerhed et al.[23], 93.6 points [49-100] pour Pagnani et al. [64]et à 80 points [40-100] pour Uhorchak et al.[97].

      La rotation externe, bras au corps (RE1), est en moyenne de 61.2° du côté opéré [SD 14.9]. Elle est en moyenne de 73° du côté sain [SD 12.9]. La différence est de 11.8° par rapport au côté sain, soit une diminution d'environ 15% de la rotation externe coude au corps (P = 0.01). Le bras en abduction à 90° (RE2), la valeur moyenne du côté opéré est de 89.5° [SD 11.1], celle du côté sain de 99.2° [SD 14.8] (P = 0.02). La différence est de 9.7°, soit une diminution de 8.5%. Les comparaisons avec d'autres auteurs sont décrites dans le tableau ci-dessous (Table 7). Notre série révèle une limitation plutôt modérée de la rotation externe, relativement superposable aux valeurs retrouvées dans la littérature. Ceci également explique le taux de succès élevé de la reprise de l'activité sportive.

      
Table 7 : Comparaison des rotations externes RE1 et RE2 (ND = Non Disponible)
Auteurs RE1 opéré RE1 sain RE2 opéré RE2 sain P
Cole et al. [14] < ; 11° [SD 10] ND < ; 8° [SD 9.6] ND < ; 0.5
Ejerhed et al. [23] ND ND 65° [20-90°] 91° [80-105°] < ; 0.5
Pagnani et al. [64] 67° [30-95°] 76° 96° [60-120°] 104° < ; 0.5

      Concernant le bilan isocinétique (Biodex), il faut d'abord noter que la comparaison n'a pas été réalisée avec un groupe témoin apparié pour l'âge, le sexe et les autres caractéristiques. Chaque patient est en effet son propre témoin, par son membre supérieur considéré comme sain. Les résultats de notre évaluation ne montrent pas de différence significative entre les épaules opérées et les épaules saines dans les différentes modalités testées, sauf dans le travail total en Joules des rotateurs externes à 60°/seconde (P = 0.02), en précisant que, dans 61% des cas, l'intervention chirurgicale a porté du côté non dominant. Une explication pourrait être liée à la limitation de la rotation externe consécutive à l'intervention. Une autre hypothèse pourrait être l'appréhension de certains patients dans la réalisation de ce geste, malgré l'absence de récidive de la luxation. Par ailleurs, il faut relever l'absence d'altération de la force maximale des rotateurs internes et du ratio fonctionnel se rapprochant le plus de l'instabilité (RI excentrique/RE concentrique). Ces résultats semblent encourageants et ne peuvent être comparés à d'autres évaluations dans la littérature, en raison de l'absence, à notre connaissance, d'études réalisées avec le même type de population. Par ailleurs, la mauvaise reproductibilité inter-appareillage ne permet pas de tirer des statistiques comparables. L'hypothèse selon laquelle on retrouverait une faiblesse des rotateurs internes après chirurgie de stabilité semble non fondée, le travail du muscle sous-scapulaire étant superposable au travail du muscle du côté non opéré. L'apport de la rééducation post-opératoire ne doit pas être sous-estimé dans l'interprétation de ces résultats. Il reste à signaler cependant l'impossibilité de déterminer l'évolution de ces résultats par rapport à la période pré-opératoire, le bilan isocinétique n'ayant pas été effectué.

      Sur le plan radiologique, au contrôle, 50% des clichés présentent une anomalie, classiquement décrite dans la littérature : encoche de Hill-Sachs, fracture de glène, ostéophyte (cf. chapitre 14.5).

      Ainsi, chez les patients pour lesquels des signes de remodelage osseux au niveau du bord inférieur de la glène sont visibles, il a été difficile de faire la différence entre une lésion de Bankart non consolidée et des signes de remodelage osseux en relation avec les ancres résorbables, ceci d'autant plus, qu'en fonction de la durée entre le contrôle et l'accident initial, la lésion de Bankart radiologique peut disparaître. Pour exemple, il est décrit en annexe 6 le cas d'un patient présentant au contrôle radiologique à 4mois de l'intervention la présence d'une lésion de Bankart ayant disparu au contrôle à 30 mois. La visibilité des orifices liée aux implants est présente chez 3 patients (14% des cas), ce qui est inférieur à certaines valeurs retrouvées dans la littérature [23]. Ceci peut être expliqué par l'absence de standardisation au niveau de la lecture des radiographies et l'interprétation de certaines lésions de Bankart comme des signes de remodelage osseux en regard des ancres. Par ailleurs, les modèles d'ancres utilisés étant différents, les comparaison restent hasardeuses. De plus, ces ancres étant radio-transparentes, l'éventualité d'une migration post-opératoire passerait inaperçue. Cependant, une clinique de blocage voire des signes d'arthrose prématurée devraient être présents, ce qui n'est pas le cas dans notre collectif.

      Différentes techniques chirurgicales ont été proposées pour la stabilisation des épaules traumatiques. Certaines (Putti-Platt, Magnusson-Stack) se soldent par une limitation trop importante de la rotation externe [72]. De nombreuses modifications ont été apportées à ce type d'intervention depuis : les unes par chirurgie à ciel ouvert, en modifiant la technique chirurgicale [38], les autres par arthroscopie à l'aide de différents systèmes de réinsertion capsulo-ligamentaire [51] [55] [87]ou également à l'aide d'ancres [70] [60]avec des succès variables selon les études, les meilleurs résultats étant décrits lors de la chirurgie à ciel ouvert [88]. Plusieurs publications mentionnent également la survenue d'effets secondaires imputables aux différents corps étrangers utilisés pour la réparation des lésions capsulaires [8] (réactions granulomateuses, ostéolyse péri-implant). Parmi les autres complications, on mentionne l'arthrose précoce, les lésions cartilagineuses et les récidives de luxation. Dans notre série, n'ont été inclus que les patients porteurs d'une instabilité traumatique récidivante et opérés à l'aide d'ancres résorbables. Par comparaison avec d'autres études, nos résultats sont identiques en terme de récidive et de reprise de l'activité sportive des patients. Le recul n'est cependant pas suffisant (23 mois de suivi) et le collectif faible (20 patients) et non homogène (tous les patients ne pratiquant pas d'activité sportive au même niveau). Les valeurs sont cependant très encourageantes et le taux d'échec satisfaisant.


17 Conclusion

      A travers notre série de 20 patients opérés pour instabilité gléno-humérale post-traumatique par chirurgie ouverte selon Bankart associée à une plicature capsulaire, nous avons pu démontré l'efficacité de cette technique en terme de satisfaction des patients et de reprise de leurs activités sportives. Nous avons eu la chance de n'avoir aucune complication à reporter et avons constaté une bonne corrélation entre nos résultats et ceux publiés dans la littérature. Ces bons résultats sont dus à la rigueur de la technique chirurgicale, actuellement considérée comme " gold standard ", et à l'expérience technique de l'opérateur. Il faut cependant modérer nos résultats au regard du suivi relativement faible (23 mois) et de l'échantillon modeste de patients. L'apport du bilan isocinétique nous a permis de démontrer l'absence de dysbalance musculaire en défaveur côté opéré, motivant la prise en charge intensive de ces patients en rééducation. L'intérêt d'une comparaison pré- et post-opératoire de ces valeurs serait également d'une grande utilité.

      Dans un avenir proche, il faut s'attendre à voir se multiplier les interventions sous arthroscopie avec l'amélioration de l'expérience des chirurgiens, l'efficacité de cette technique s'approchant progressivement de la chirurgie à ciel ouvert. Les ancres résorbables représentent un apport supplémentaire pour le chirurgien, par comparaison avec la technique des points transosseux. Les effets à long terme sont moins connus, le bilan radiologique standard n'étant pas suffisant pour juger d'une éventuelle altération osseuse liée aux implants ou d'une migration secondaire de ceux-ci. Une imagerie complémentaire par arthro-CT pourrait apporter des renseignements supplémentaires dans la compréhension de ces mécanismes.


[Précédent] [Suivant]