[Précédent]

1. Introduction


1.1 Généralités

      Le diagnostic des infections néonatales précoces représente une des préoccupations importantes du pédiatre et néonatologue, ces dernières évoluant souvent rapidement en septicémies pouvant être fatales si elles sont identifiées et traitées trop tardivement.

      Selon la littérature, l'incidence de sepsis néonatale est de 1 à 5 pour 1000 naissances vivantes. La mortalité des sepsis précoces (survenant avant 7 jours de vie) est conséquente (5 à 20%) avec le taux le plus élevé chez les enfants prématurés.

      Certaines données prénatales : état fébrile maternel avant ou pendant l'accouchement, rupture de poche de plus de 24 heures, présence de streptocoques du groupe B sur le col sont reconnues comme facteurs de risque d'infection pour le nouveau-né, augmentant de façon importante la morbidité et mortalité néonatale si la prise en charge thérapeutique n'est pas assez prompte. A Genève, l'incidence de ces facteurs est de 8,8% ruptures de poche d'une durée supérieure ou égale à 18 heures, 1,6% états fébriles maternels avant ou pendant l'accouchement, 1,6% bactériuries à streptocoques du groupe B, 0,5% antécédents d'infection néonatale à streptocoques du groupe B sur 3500 naissances par an [1].

      En présence d'un ou plusieurs de ces facteurs de risque, nous disposons de la possibilité d'une surveillance clinique attentive, d'un traitement précoce à l'aveugle et de la possibilité d'une surveillance biologique, avec le souhait que cette dernière nous permette de diagnostiquer précocement les nouveaux-nés infectés asymptomatiques.

      La littérature internationale est riche d'articles tentant de définir ou préciser la valeur prédictive et/ou pronostique de certains paramètres biologiques qui permettraient d'aider le pédiatre dans le diagnostic précoce des infections néonatales { numération des globules blancs (GB) à la formule sanguine (FSC), répartition leucocytaire, rapport neutrophiles non segmentés/neutrophiles totaux (NNS/NT) ou rapport neutrophiles immatures (comprenant les neutrophiles non segmentés et les métamyélocytes)/ neutrophiles totaux (I/T), numération plaquettaire, C-réactive protéine (CRP), vitesse de sédimentation}. Plus récemment l'utilité de nouveaux marqueurs inflammatoires (procalcitonine, interleukine 6, interleukine 8, interleukine 1-B, récepteur pour IL-2, cytokines,tumor necrosis factor-alpha ...) a aussi fait l'objet d'investigations [2 à 8].

      En ce qui concerne la formule sanguine et la C-réactive protéine, malgré des résultats discordants, la synthèse des différentes études [9 à 24] permet de retenir comme paramètres biologiques les plus intéressants dans le diagnostic précoce des infections néonatales : la CRP (pathologique si supérieure à 20 mg/l), le rapport neutrophiles neutrophiles non segmentés/neutrophiles totaux (pathologique si supérieur à 0,2), le compte absolu des neutrophiles avec le plus souvent en cas d'infection, une leucopénie dans les 5 premiers jours de vie.

      L'établissement de scores combinant différents paramètres biologiques de même que la répétition des formules sanguines dans les premières 24 heures de vie permettraient d'augmenter la probabilité prédictive d'infection [18].

      Historiquement, à Genève, les résultats de ces études ont concouru à définir une attitude pour les nouveaux-nés avec risque infectieux dont nous allons rétrospectivement étudier l'utilité en évaluant la surveillance biologique et la répétition des examens sanguins dans le but de dépister précocement une infection chez les nouveaux-nés asymptomatiques.


1.2 Recommandations à Genève

      A la maternité de Genève, les recommandations actuelles concernant la surveillance clinique et biologique des nouveaux-nés avec risque infectieux néonatal, en particulier : rupture prolongée des membranes de plus de 24 heures (RP>24h), mère fébrile à plus de 38°C au moment de l'accouchement, streptocoques du groupe B (strepto. B) connus chez la mère (les 2 autres facteurs de risque retenus étant l'infection urinaire c/o la mère et le cerclage) sont les suivantes :

      Le nouveau-né est considéré comme symptomatique s'il présente au moins un des symptômes suivants :

      Les signes biologiques d'infection retenus sont :

      Ces recommandations semblent raisonnables lorsqu'on connaît les conséquences parfois dramatiques d'une infection néonatale à évolution rapide avec instauration d'antibiotiques trop tardive mais présentent toutefois certains inconvénients car elles impliquent chez les nouveaux-nés avec risque infectieux :


1.3 Objectifs de cette étude

      Analyser rétrospectivement à la maternité de Genève les résultats de la surveillance biologique et clinique pendant les 4 premiers jours de vie chez les nouveaux-nés de plus de 35 semaines d'âge gestationnel à risque infectieux maternel.

      Déterminer dans cette population :

      Proposer une nouvelle conduite à tenir pour la maternité de Genève en fonction des résultats de cette étude.


2. Matériel et méthodes


2.1 Population étudiée

      La population de ce travail est constituée des nouveaux-nés de plus de 35 semaines d'âge gestationnel avec risque infectieux nés à la maternité de Genève entre le 03.01.1998 et le 25.09.2000 et qui ont bénéficié selon les recommandations de cet établissement d'une surveillance clinique et biologique pendant les 4 premiers jours de vie.


2.2 Détermination du risque infectieux du nouveau-né

      Le risque infectieux (RI) du nouveau-né est déterminé par les facteurs maternels suivants :

      L'identification des mères présentant ces facteurs de risque pendant la période d'intérêt pour les grossesses de plus de 35 semaines d'âge gestationnel s'est faite par la recherche des codes suivants dans le système informatique de la maternité de Genève :

      Le codage concernant la présence ou non de streptocoques B-hémolytiques du groupe B sur le col et /ou dans les urines n'a été effectué de manière systématique que depuis octobre 1999. Avant cette date, la présence de streptocoques B-hémolytiques du groupe B sur le col et/ou dans les urines était vraisemblablement le plus souvent codée sous le terme large d'infection bactérienne ou parasitaire pendant la grossesse. Nous avons dès lors considéré que tous les nouveaux-nés des mères avec infection bactérienne ou parasitaire pendant la grossesse ayant bénéficié d'une surveillance biologique pendant les 4 premiers jours de vie étaient les nouveaux-nés de mères avec streptocoques B-hémolytiques du groupe B sur le col et/ou dans les urines, les autres nouveaux- nés ayant été exclus.


2.3 Eléments de surveillance du risque infectieux pendant les 4 premiers jours de vie

      Nous avons comparé dans l'étude les éléments suivants :

      Les données de la formule sanguine complète et de la CRP pendant les 4 premiers jours de vie ont pu être obtenues pour les enfants concernés par interrogation du système informatique du laboratoire, système dont l'interrogation est possible depuis janvier 1998.


2.4 Critères d'infection néonatale

      Nous avons considéré comme infectés les enfants avec hémoculture positive ainsi que tous les enfants traités par antibiothérapie plus de 5 jours sur décision du clinicien responsable, s'ils présentaient l'une des caractéristiques suivantes :


2.5 Etude des enfants hospitalisés en néonatologie pour suspicion d'infection

      Nous avons extrait des dossiers de cette population d'enfants les éléments suivants :


2.6 Critères de jugement de l'efficacité de la surveillance biologique

      Nous avons retenu les critères suivants :

      Nous considérons la surveillance biologique comme efficace si elle nous permet de dépister des nouveaux-nés infectés avant l'apparition des signes cliniques, si elle nous permet de conforter notre impression clinique d'enfant infecté ou non infecté et si elle nous permet de distinguer parmi des nouveaux-nés symptomatiques les enfants infectés de ceux qui ne le sont pas.


2.7 Analyse statistique

      Les différences de résultats entre les 2 groupes d'enfants considérés comme infectés et non infectés concernant la formule sanguine, ses composantes et la CRP sont analysées en utilisant des tables de contingence obtenues après recodage des examens (normal-anormal) selon des valeurs seuils pré-définies. La mesure statistique d'association utilisée est le Pearson chi-squared.

      La sensibilité et la spécificité des tests sont analysées en utilisant une table de contingence.

      

      Les valeur prédictive positive (VPP) et valeur prédictive négative (VPN) sont calculées avec une détermination de la prévalence (nombre de valeurs biologiques chez les enfants infectés sur le nombre de valeurs biologiques chez le total d'enfants étudiés) à partir de nos propres données comme suit :

      

      L'intervalle de confiance est calculé pour un niveau du risque de première espèce de 5%, comme classiquement décrit.

      Une valeur de P value < 0,05 a été considérée comme significative.


3. Résultats


3.1 Description de la population étudiée

      476 mères répondaient à nos critères de sélection avec la répartition des risques infectieux suivante :

      

Fig. 1 : Répartition des risques infectieux parmi les 476 mères sélectionnées

      Sur ces 476 nouveaux-nés, 41 ont été hospitalisés en néonatologie, 29 ayant été hospitalisés d'emblée, 12 ayant été transférés en néonatologie dans un 2ème temps, 435 nouveaux-nés ont pu être surveillés auprès de leur mère à la maternité.

      

Fig. 2 : Répartition des différents groupes étudiés

      

Fig. 3 : Evolution des 41 nouveaux-nés hospitalisés en néonatologie

      Les enfants traités 3 à 5 jours sont ceux qui ont présenté une suspicion d'infection non confirmée par la suite.


3.2 Etude des 41 nouveaux-nés hospitalisés en néonatologie


3.2.a Répartition des risques infectieux parmi les nouveaux-nés hospitalisés en néonatologie

      Dans cette population de 41 nouveaux-nés, les risques infectieux étaient répartis comme suit :

  • Rupture de poche de plus de 24h: 28 patientes
  • Strepto.B sur le col et/ou dans les urines: 11 patientes
  • Etat fébrile maternel pré-ou péripartum: 18 patientes parmi lesquelles 14 patientes avaient une rupture de poche de plus de 24 heures et un état fébrile pré-ou péripartum, 1 patiente avait une rupture de poche de plus de 24 heures et un strepto. B sur le col, 1 patiente avait un strepto. B sur le col et un état fébrile pré-ou péripartum.

      

Fig. 4 : Répartition des risques infectieux parmi les 41 nouveaux-nés hospitalisés en néonatalogie retenus pour l'étude


3.2.b Répartition des motifs d'hospitalisation en néonatologie chez les 29 enfants hospitalisés d'emblée en néonatologie et les 12 transférés à 10h de vie ou plus

      

Fig. 5 : Répartition des motifs d'hospitalisation

      La description détaillée concernant les motifs d'hospitalisation en néonatologie se trouve en annexe 1.


3.2.c Détermination du nombre d'enfants traités par antibiotiques et répartition des différentes durées d'antibiothérapie

      Parmi ces 41 dossiers étudiés, 25 enfants ont été traités par antibiothérapie :

  • 12 traités 3 à 5 jours pour une suspicion d'infection non confirmée.
  • 13 traités plus de 5 jours considérés comme infectés.

      

Fig. 6 : Répartition des différentes durées d'antibiothérapie


3.2.d Motifs et date d'introduction des antibiotiques chez les 13 enfants infectés traités plus de 15 jours

      

Fig. 7 : Motifs d'introduction des antibiotiques

      Pour la clarté du graphique, les chiffres notés en abscisse représentent des tranches de 4 heures Par conséquent, les colonnes sur le chiffre 4 représentent le nombre d'enfants infectés traités par antibiotiques entre 0 et 4 heures de vie (incluses), la colonne sur le chiffre 8 le nombre d'enfants infectés traités par antibiotiques entre 4 et 8 heures de vie (incluses), la colonne sur le chiffre 24 le nombre d'enfants traités par antibiotiques entre 20 et 24 heures de vie (incluses) etc...

      8 enfants sur les 13 infectés (61,5%) ont été traités avant 12 heures de vie. Après 12 heures de vie, un seul enfant a été traité sur la base du risque infectieux et des signes biologiques.


3.2.e Etude des 2 enfants infectés pour lesquels le motif d'introduction des antibiotiques était la survenue de signes biologiques d'infection

  • Pour le premier, le risque infectieux consistait en une RP>48h. Le motif d'introduction des antibiotiques à 24 heures de vie était en l'absence de signes cliniques une perturbation des paramètres biologiques à 20 heures de vie (augmentation du nombre de NNS à 4,2 G/l ,du rapport NNS/NT à 0,42 et de la CRP à 73 mg/l). Chez cet enfant , la FSC de 12 heures de vie était déjà pathologique (augmentation du nombre de NNS à 3,4 G/l et du rapport NNS/NT à 0,31).Le dossier médical décrit un status normal mais un enfant « fatigué », ictérique (incompatibilité de groupe), au moment de l'introduction des antibiotiques.
  • Pour le 2ème, le risque infectieux était majeur avec une rupture prématurée des membranes de 36 heures , un état fébrile maternel motivant l'administration de clamoxyl- garamycine à la mère pendant l'accouchement. A 2h de vie, la CRP est élevée à 45-50 mg/l avec 1700/mm3 NNS, un rapport NNS/NT à 0,16, et un traitement d'ampicilline-garamycine est introduit à 5 heures de vie après hémoculture et culture d'urines. Le status de l'enfant est décrit comme normal pendant toute l'hospitalisation. Le bilan infectieux effectué c/o la mère et l'enfant reste négatif. A 18 heures de vie, la CRP est à 15-20 mg/l avec 1000/mm3 NNS. A 3 jours ½ de vie, la CRP est à 10 mg/l avec 0 NNS. Les antibiotiques sont stoppés après 7 jours.

3.3 Analyse statistique comparant les formules sanguines des enfants non infectés avec celles des enfants infectés et détermination des sensibilité, spécificité et valeurs prédictives de la surveillance biologique

      Dans le groupe des 463 enfants non infectés sont compris les 435 restés auprès de leur mère à la maternité, les 16 hospitalisés en néonatologie et non traités, les 12 traités en néonatologie par antibiotiques pendant une durée inférieure à 5 jours pour une suspicion d'infection non confirmée.

      Les 13 enfants considérés comme infectés sont ceux qui ont été traités par antibiotiques pendant une durée supérieure à 5 jours.

      Nous avons dans un premier temps effectué une analyse statistique en utilisant la mesure d'association du Pearson chi-squared comparant les résultats des GB totaux, NNS, NT, du rapport NNS/NT, des plaquettes et de la CRP chez les enfants infectés et non infectés.

      Cette analyse a montré :

      Dans un deuxième temps, nous avons déterminé les sensibilité, spécificité et valeurs prédictives de la surveillance biologique.

      Cette analyse va chercher à déterminer dans quelle mesure la surveillance biologique est un examen fiable dans la détermination des enfants susceptibles de développer une infection.

      Il faut garder à l'esprit pour interpréter ces résultats les éléments suivants :

      Sachant que la première ligne des tableaux représente le nombre de valeurs biologiques dans la norme chez les enfants non infectés en première colonne, les enfants infectés en deuxième colonne, la deuxième ligne représente le nombre de valeurs biologiques pathologiques chez les non infectés en première colonne, les enfants infectés en deuxième colonne.

      A noter que certains enfants ont eu plus qu'un prélèvement sanguin proche de 12 heures de vie et 24 heures de vie, que certains n'ont pas eu les quatre prélèvements, que certains prélèvements n'ont pas compris la détermination de tous les paramètres biologiques, ce qui explique la différence entre le nombre de valeurs biologiques à un temps donné et le nombre d'enfants chez lesquels ces paramètres auraient dû être déterminés.

      
Tabl. 1 : FSC globale à 12 heures de vie
  Non infectés Infectés
Valeurs normales 3588 51
Valeurs pathologiques 345 12

      
  Résultats Intervalles de confiance
Sensibilité 19% 17,8% 20,3%
Spécificité 91,2% 90,3% 92,1%
Valeur prédictive positive 3,4% 2,8% 3,9%
Valeur prédictive négative 98,6% 98,2% 99%
Prévalence 1,6% 1,2% 2%

      Concernant la FSC à 12 heures de vie, nous constatons 12 éléments de la FSC pathologiques sur 63 chez les enfants infectés, soit une sensibilité de 12/63 = 19% et 3588 éléments de la FSC sur 3933 normaux chez les enfants non infectés, soit une spécificité de 3588/3933 = 91,2%.

      Pour une prévalence de 1,6% (63 éléments de la FSC chez les enfants infectés sur 3996 au total), ce test donne une valeur prédictive positive de 3,4% et négative de 98,6%.

      
Tabl. 2 : Neutrophiles non segmentés (NNS) à 12 heures de vie
  Non infectés Infectés
Valeurs normales
(< ; 1,5 G/l)
458 2
Valeurs pathologiques
(> ; 1,5 G/l)
62 4

      
  Résultats Intervalles de confiance
Sensibilité 66,7% 62,6% 70,7%
Spécificité 88% 85,3% 90,8%
Valeur prédictive positive 6% 4% 8,1%
Valeur prédictive négative 99,6% 99% 100.1%
Prévalence 1,1% 0,2% 2%

      Concernant les valeurs de NNS à 12 heures de vie, nous constatons 4 valeurs pathologiques sur 6 chez les enfants infectés, soit une sensibilité de 4/6 = 66,7% et 458 sur 520 valeurs normales chez les enfants non infectés, soit une spécificité de 458/520 = 88%.

      Pour une prévalence de 1,1% (6 valeurs chez les enfants infectés sur 520 au total), ce test donne une valeur prédictive positive de 6% et négative de 99,6%.

      
Tabl. 3 : Neutrophiles non segmentés à 24 heures de vie
  Non infectés Infectés
Valeurs normales
(< ; 1,5 G/l)
456 1
Valeurs pathologiques
(> ; 1,5 G/l)
8 1

      
  Résultats Intervalles de confiance
Sensibilité 50% 45,4% 54,5%
Spécificité 98,2% 97% 99,4%
Valeur prédictive positive 11,1% 8,3% 14%
Valeur prédictive négative 99,8% 99,4% 100,2%
Prévalence 0,4% 0,2% 1%

      Concernant les valeurs de NNS à 24 heures de vie, nous constatons 1 valeur pathologique sur 2 chez les enfants infectés, soit une sensibilité de 50% et 456 sur 464 valeurs normales chez les enfants non infectés, soit une spécificité de 456/464 = 98,2%.

      Pour une prévalence de 0,4% (2 valeurs chez les enfants infectés sur 464 au total), ce test donne une valeur prédictive positive de 11,1% et négative de 99,8%.

      
Tabl. 4 : Neutrophiles totaux à 24 heures de vie
  Non infectés Infectés
Valeurs normales
(5-21 G/l))
347 7
Valeurs pathologiques
(> ; 1,5 G/l)
54 1

      
  Résultats Intervalles de confiance
Sensibilité 12,5% 9,3% 15,7%
Spécificité 86,5% 83,2% 89,8%
Valeur prédictive positive 1,8% 0,5% 3,1%
Valeur prédictive négative 98% 96,7% 99,4%
Prévalence 2% 0,6% 3,3%

      Concernant les valeurs de NT à 24 heures de vie, nous constatons 1 valeur pathologique sur 8 chez les enfants infectés, soit une sensibilité de 12,5% et 347 sur 401 valeurs normales chez les enfants non infectés, soit une spécificité de 347/401 = 86,5%.

      Pour une prévalence de 2% (8 valeurs chez les enfants infectés sur 409 au total), ce test donne une valeur prédictive positive de 1,8% et négative de 98%.

      
Tabl. 5 : Rapport NNS/NT à 12 heures de vie
  Non infectés Infectés
Valeurs normales
(< ;0,2)
294 2
Valeurs pathologiques
(> ; 0,2)
26 4

      
  Résultats Intervalles de confiance
Sensibilité 66,7% 61,5% 71,8%
Spécificité 91,9% 88,9% 94,8%
Valeur prédictive positive 13,3% 9,6% 17%
Valeur prédictive négative 99,3% 98,4% 100,2%
Prévalence 1,8% 0,4% 3,3%

      Concernant les valeurs du rapport NNS/NT à 12 heures de vie, nous constatons 4 valeurs pathologiques sur 6 chez les enfants infectés, soit une sensibilité de 4/6= 66,7 % et 294 sur 320 valeurs normales chez les enfants non infectés, soit une spécificité de 294/320 =91,9 %.

      Pour une prévalence de 1,8 % (6 valeurs chez les enfants infectés sur 320 au total), ce test donne une valeur prédictive positive de 13,3 % et négative de 99,3 %.

      
Tabl. 6 : Rapport NNS/NT à 24 heures de vie
  Non infectés Infectés
Valeurs normales
(< ;0,2)
286 5
Valeurs pathologiques
(> ; 0,2)
9 1

      
  Résultats Intervalles de confiance
Sensibilité 16,7% 12,5% 20,9%
Spécificité 96,9% 95% 98,9%
Valeur prédictive positive 10% 6,6% 13,4%
Valeur prédictive négative 98,3% 96,8% 99,7%
Prévalence 2% 0,4% 3,6%

      Concernant les valeurs du rapport NNS/NT à 24 heures de vie, nous constatons 1 valeur pathologique sur 6 chez les enfants infectés, soit une sensibilité de 1/6=16,7% et 286 sur 295 valeurs normales chez les enfants non infectés, soit une spécificité de 286/295 =96,9 %.

      Pour une prévalence de 2% (6 valeurs chez les enfants infectés sur 301 au total), ce test donne une valeur prédictive positive de 10% et négative de 98,3%.

      Les neutrophiles non segmentés et le rapport NNS/NNT sont les éléments de la FSC qui ont la meilleure sensibilité, qui décroît cependant entre 12 et 24 heures de vie, et une excellente spécificité qui s'améliore encore entre 12 et 24 heures. Les NNS sont les premiers éléments de la FSC à devenir pathologiques chez les enfants infectés.

      

Fig. 8 : Sensibilité et spécificité des NNS, du rapport NNS/NT et des NT à 12 et 24 heures de vie

      L'évolution sous forme graphique des examens biologiques au cours des 4 premiers jours de vie chez les enfants hospitalisés en néonatologie (infectés et non infectés) ainsi que chez les enfants non hospitalisés en néonatologie se trouve en annexe 2.

      La proportion d'examens pathologiques pour les différents éléments des 4 formules sanguines effectuées pendant les 4 premiers jours de vie pour chacun des 3 groupes : enfants non infectés, avec suspicion d'infection non confirmée et infectés se trouve en annexe 3.


4. Discussion

      Notre étude confirme que parmi les nouveaux-nés avec risque infectieux ayant bénéficié d'une surveillance pendant les 4 premiers jours de vie, très peu sont hospitalisés en néonatologie et un nombre encore plus faible est traité pour une infection néonatale. Ces résultats sont concordants avec ceux trouvés dans la littérature ([26],[27],[28],[29],[30]). Ce très faible nombre d'enfants infectés nous oblige à une prudence certaine concernant l'interprétation de nos résultats et les conclusions à en tirer.

      De plus, aucun diagnostic d'infection néonatale n'a pu être prouvée par une hémoculture positive. Nous nous sommes ainsi fiés au jugement de nos confrères cliniciens pour considérer que si l'antibiothérapie avait été poursuivie pendant plus de 5 jours malgré la réception du bilan bactériologique négatif, le diagnostic d'infection néonatale devait être accepté.

      En pratique, cette infection prouvée ou non comporte les mêmes conséquences (séparation mère-enfant, risque de toxicité des antibiotiques, coûts financiers...)

      A noter que 10 sur les 13 mères de nouveaux-nés infectés avaient reçu des antibiotiques avant l'accouchement, ce qui pourrait expliquer une négativation des cultures chez le nouveau-né infecté.

      Ceci est encore plus probable pour les 5 enfants infectés chez qui des germes pathogènes (streptocoque B- hémolytique du groupe B, E. Coli, listéria) ont été retrouvés dans le liquide gastrique et/ou le frottis placentaire.

      En ce qui concerne les facteurs amenant le clinicien à traiter les enfants à risque, plus de la moitié des enfants infectés a été traitée d'emblée pendant les 4 premières heures de vie sur la base de l'importance du risque infectieux seul ou en raison de symptômes cliniques suspects d'infection présents dès la naissance (chap.3.2.d).

      Seul un enfant infecté a bénéficié d'un bilan biologique indicateur d'une possible infection avant l'apparition des signes cliniques. Chez cet enfant la première FSC effectuée à 9 heures de vie était déjà pathologique (leucocytose) et l'introduction de l'antibiothérapie a eu lieu après l'apparition des signes cliniques suspects d'infection à 20 heures de vie. Ce retard ne semble pas avoir eu de conséquences et démontre le peu d'inquiétude qu'engendre un résultat biologique anormal isolé.

      Seuls 2 enfants qui ne présentaient aucun symptôme clinique ont été traités sur la base du risque infectieux et de la perturbation des paramètres biologiques à 3 et 20 heures de vie (élévation pathologique des NNS et de la CRP à 3 heures de vie pour l'un, élévation pathologique des NNS, du rapport NNS/NT et de la CRP à 20 heures de vie pour l'autre alors que les NNS et le rapport NNS/NT étaient déjà pathologiques à 12 heures de vie.)

      Lorsque la décision de traiter est prise sur le bilan biologique, les paramètres les plus utiles pour poser un diagnostic prompt d'infection néonatale précoce sont la valeur absolue des NNS (pathologique si > 1500/mm3) , le rapport NNS/NT (pathologique si >0,2) . Ceci est en accord avec les études effectuées précédemment ([9],[14],[15],[17],[19]).

      Concernant les neutrophiles totaux, nous avons constaté une discordance des résultats avec une différence significative entre enfants non infectés et infectés à 24 et 72 heures de vie mais aucune différence à 12 et 48 heures de vie, discordance que nous avons attribué à la petitesse du collectif.

      La numération plaquettaire, n'a montré aucune utilité dans notre travail et comme la prise de sang capillaire fausse souvent les résultats, elle devrait probablement être abandonnée dans cette indication.

      Quant à la CRP, notre étude n'a pas montré son utilité pour diagnostiquer un enfant infecté asymptomatique. Cependant, les limitations de notre étude liées au faible nombre d'enfants infectés et la confrontation aux nombreux travaux précédents concluant à sa valeur certaine dans le diagnostic précoce des infections néonatales nous obligent à être prudents et à éviter des conclusions hâtives.

      Contrairement aux résultats de nombreuses autres études ([10],[12],[13],[17],[22], annexes 4 et 5) notre travail ne montre en effet aucune différence significative entre les valeurs de CRP effectuées chez les enfants infectés et non infectés et nous sommes frappés par le nombre élevé de valeurs pathologiques chez les enfants non infectés, ces valeurs pathologiques ayant souvent conduit à l'instauration d'une antibiothérapie qui sera finalement stoppée après 3 jours lors de la réception du bilan bactériologique négatif.

      La synthèse de ces résultats montre l'influence prépondérante de l'importance du risque infectieux et de la clinique pour motiver l'introduction d'une antibiothérapie et dans notre étude l'absence d'utilité des FSC et CRP effectuées après 12 heures de vie, alors que les auteurs d'autres études recommandent de répéter les FSC jusqu'à 24 heures de vie [18], ou plus ([17], [21]), pour augmenter la probabilité prédictive d'infection.

      Cet élément appuie nos conclusions visant à limiter le nombre d'examens biologiques et leur répétition et à privilégier une observation clinique attentive. En effet, pour 8 enfants sur 12 transférés en néonatologie à 10 heures de vie ou plus, le motif de transfert a été une perturbation des paramètres biologiques et seuls 2 d'entre eux ont été finalement considérés comme infectés, les 6 autres ayant été séparés inutilement de leurs mères et 3 d'entres eux ayant été traités inutilement par antibiotiques moins de 5 jours (les conséquences psychologiques et financières d'une hospitalisation en néonatologie méritant d'être prises en considération de même qu'une exposition inutile aux effets secondaires des antibiotiques).

      De plus, la valeur prédictive négative très élevée (>99%) des NNS et NNS/NT à 12 heures de vie permet d'exclure le diagnostic d'infection avec une quasi certitude.

      La crainte d'apparition retardée des symptômes en cas d'antibiothérapie maternelle avant l'accouchement s'est par ailleurs avérée non fondée [30].

      Après 12 heures de vie, les examens biologiques peuvent cependant être utiles pour évaluer la réponse au traitement chez les enfants infectés.Nous avons en effet constaté que chez les enfants infectés les valeurs moyennes de NNS et du rapport NNS/NT élevées à 12 heures de vie s'abaissent progressivement après 24 heures de vie lorsque le traitement antibiotique a été introduit pour atteindre des valeurs normales à 48 heures de vie.

      Concernant le rapport coût- bénéfice d'effectuer 3 FSC chez tous les nouveaux-nés avec un des trois risques infectieux retenus pour l'étude, notre travail révéle que cette pratique n'aurait permis de détecter avant l'apparition des signes cliniques une infection réelle que chez 1 enfant, ce qui représente 7.5 % des enfants infectés, soit 0,2 % seulement des nouveaux-nés avec risque infectieux.

      Dans notre étude rétrospective effectuée sur 2 ans, le fait de n'effectuer qu'une seule formule sanguine et CRP à 12 heures de vie au lieu de 3 chez les nouveaux-nés avec risque infectieux aurait permis d'éviter 952 examens et d'économiser environ 48 000 FS d'analyses et de réduire le nombre d'heures de travail des laborantines (comprenant le temps de déplacement en néonatologie, 30 minutes pour effectuer la répartition des GB, 30 minutes pour la vérification fréquemment nécessaire de la numération plaquettaire ...). Ces économies pourraient permettre d'augmenter le nombre du personnel infirmier et des sage-femmes, d'améliorer leur formation dans le but d'optimaliser la surveillance clinique.

      Notre étude montre en effet une assez bonne concordance entre la clinique et l'attitude thérapeutique. Toutefois, la détection ainsi que l'interprétation des signes cliniques suspects d'infection ne sont pas toujours aisées. Elles dépendent en effet de l'attention, de la disponibilité et de l'expérience des infirmières et médecins, le jugement clinique étant un art qui s'acquiert et s'affine avec les années, l'évaluation de l'état général, de la perfusion, du tonus d'un nouveau-né comportant une part de subjectivité. Aussi, une surveillance à la fois clinique et biologique des nouveaux-nés avec risque infectieux peut représenter un facteur de sécurité.


5. Conclusion

      Notre étude montre que l'importance du risque infectieux et la clinique restent le principal motif d'introduction d'une antibiothérapie et que les éléments de la formule sanguine les plus utiles dans le dépistage des nouveaux-nés infectés parmi une population de nouveaux-nés à risque infectieux sont la détermination du rapport neutrophiles non segmentés/neutrophiles totaux et du nombre de neutrophiles non segmentés à 12 heures de vie.

      Les spécificité et valeur prédictive négative élevées de la surveillance biologique à 12 heures de vie montrent que cette dernière permet une bonne discrimination des enfants non infectés. Elle permet d'appuyer l'impression clinique d'enfants sains et de conforter les cliniciens dans leur décision de ne pas traiter par antibiotiques.

      Par contre la sensibilité et valeur prédictive positive basses montrent que la surveillance biologique ne représente pas un argument décisionnel et que les médecins ne doivent pas se baser sur un résultat biologique pathologique pour traiter.

      Dans la plupart des cas, les examens biologiques n'ont permis que de renforcer une suspicion clinique d'infection néonatale. Ces derniers ne semblent donc pas représenter une indication absolue dans la surveillance des nouveaux-nés avec risque infectieux.

      Une formule sanguine complète (ou de façon plus restrictive une détermination du nombre de neutrophiles non segmentés et du rapport neutrophiles non segmentés/neutrophiles totaux) pourrait être effectuée de manière systématique à 12 heures de vie chez les nouveaux-nés avec risque infectieux puis de cas en cas selon l'appréciation du clinicien et pour évaluer la réponse au traitement chez les enfants infectés.


[Précédent] [Suivant]