7ème Semaine internationale du cerveau
Université de Genève
du 15 au 25 mars 2004
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LE CERVEAU MIS AU PARFUM: OLFACTION

Table ronde animée par Isabelle Moncada
19 mars 2004

Flatteuses, plaisantes ou désagréables, à même de raviver de vieux souvenirs oubliés, de créer un fort sentiment de répulsion ou de solliciter notre plus vive attention, les odeurs constituent notre quotidien au même titre qu'elles demeurent un véritable mystère pour la plupart des gens. Tout le monde hume des odeurs en ignorant à peu près tout de leur "fonctionnement" au niveau cérébral, de leur influence sur notre comportement ou sur celui des individus qui nous entourent. Motivée par cette carence de connaissances sur le sujet, la table ronde "Le cerveau mis au parfum: olfaction" entend introduire le public au monde fascinant des odeurs en s'appuyant sur le regard avisé de trois spécialistes du domaines.

Mené par la bout du nez?
Le nez contient un extraordinaire détecteur de composés volatils: les récepteurs olfactifs, des centaines de capteurs moléculaires qui permettent de détecter et de différencier plusieurs milliers d'odeurs, avec une sensibilité et une rapidité surpassant celle de toutes les machines analytiques. Mais combien d'odeurs? Comment et pourquoi? Ce sont ces questions que Christian Margot abordera en montrant d'abord que nous différons toutes et tous par notre sensibilité absolue. Il montrera notamment que la discrimination des odeurs perçues dépend en premier lieu de nos récepteurs, mais fait surtout intervenir notre cerveau. Premier relais du signal odorant capté par le nez, le bulbe olfactif dresse en effet une sorte d'image propre à chaque odeur. Certains éléments de cette image sont ensuite transmis à plusieurs régions du cerveau pour y être analysés et comparés. Dans cette optique, le cortex orbitofrontal réalise l'association des informations olfactives avec d'autres modalités sensorielles comme la vue, la texture et le goût. Cette information multisensorielle servira à établir la valeur émotionnelle de la stimulation rencontrée, de façon à ce que les odeurs puissent induire un conditionnement que les autres modalités sensorielles peuvent influencer. Ce conditionnement semble important dans le sens où il peut permettre d'anticiper l'intérêt ou le danger d'une situation donnée, comme celle d'un aliment non comestible par exemple.

Des nez à la tête
De son côté, Ivan Rodriguez s'exprimera sur le rôle primordial joué par les phéromones, ainsi que par une classe très particulière de leurs récepteurs nouvellement découverts et situés dans le nez de la plupart des mammifères. Présentes dans la salive, la sueur et d'autres sécrétions, les phéromones sont des molécules qui, produites par un animal et perçues par un congénère, induisent un comportement particulier, comme par exemple l'agressivité ou l'excitation sexuelle. Pour la souris, comme pour pratiquement tous les mammifères - à l'exception notable des grands singes et de l'homme - les phéromones jouent un rôle important, voire indispensable à la survie de l'espèce.

Un parfum d'envoûtement
Enfin, Maria Inés Velazco fera partager son expérience au sein de la Division recherche & développement de Firmenich. Située entre la chimie, la physique et la physiologie de la perception, elle traitera des moyens mis en œuvre pour parvenir à une meilleure compréhension des structures fonctionnelles des stimuli chimiques responsables de la perception et de la performance des goûts et des parfums. Pour elle, les odeurs jouent un rôle essentiel dans le système de communication "émotionnel" entre individus. Les parfums, dans des applications cosmétiques, d'hygiène corporelle ou domestiques et les arômes dans des applications alimentaires ou pharmaceutiques sont des vecteurs de ce langage émotionnel. Ils transmettent au consommateur une information sur le produit qu'il essayera et adoptera peut-être. Dans la description d'un produit parfumé ou aromatisé, il y a une information sur sa performance qui s'ajoute au plaisir sensoriel ou nutritionnel qu'il apportera au consommateur. A travers les messages qu'ils envoient à notre cerveau, les parfums et les arômes sont censés nous faire voyager et rêver, nous transporter dans un monde d'émotions. Maria Inés Velazco expliquera dans quelle mesure le cerveau joue un rôle primordial dans la perception des odeurs, les associant à notre mémoire, à notre histoire émotionnelle pour nous informer et nous faire agir au bénéfice de notre survie ou de notre bien-être. Une association qui influence nos préférences, selon qu'une odeur est rattachée à un épisode agréable ou désagréable de notre vie. L'éducation, l'expérience et d'autres facteurs externes comme l'environnement géographique et socioculturel ont aussi un impact sur nos préférences.

Intervenants

Christian Margot est ingénieur-chimiste diplômé de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. En 1985, il poursuit sa formation par une thèse de doctorat en chimie organique. Deux stages postgrades, à Okayama et Stanford, lui permettent d'élargir ses connaissances en synthèse organique et en biosynthèse de terpénoïdes. Il rejoint en 1987 les laboratoires de recherche de Firmenich à Genève pour y développer des procédés de synthèse de molécules odorantes. Un congé sabbatique d'une année lui permet de se familiariser avec la chimiosensation en 1990, dans l'Institut Monell et l'Université de Pennsylvanie à Philadelphie. Depuis, ses recherches portent sur l'étude des relations entre structure moléculaire et odeur d'une part, et les mesures de perception humaine d'autre part.

Ivan Rodriguez étudie la biologie à l'Université de Genève et obtient un doctorat en 1996. Il poursuit ensuite ses études postgraduées à l'Université Rockefeller de New York. Depuis 2001, il est professeur boursier du Fonds national suisse de la recherche scientifique au sein du Département de zoologie et de biologie animale de l'Université de Genève, et membre du Pôle national de recherche Frontiers in Genetics. Il dirige un groupe de recherche s'intéressant principalement aux aspects moléculaires de la perception des phéromones chez les mammifères.

Maria Inés Velazco étudie la biochimie et la chimie à Genève. Elle travaille ensuite dans le secteur R&D de l'industrie agroalimentaire chez Danone en Argentine. Son intérêt pour la chimie des surfaces biologiques et les mécanismes de reconnaissance ligand-récepteur l'amène à obtenir un doctorat en biochimie, mention neurobiologie, de l'Université de Genève pour son travail sur le récepteur de l'acétylcholine. Par la suite, elle étudie les surfaces biochimiques responsables de l'adhésion bactérienne sur des polymères. Depuis 1986, Maria Inés Velazco travaille chez Firmenich où elle est Vice-présidente "analyse et perception" dans la Division R&D.