In: Journal de l'Enseignement Primaire, 1995, Nº 54, pp. 19-22.


 

 

Une nouvelle étape en vue de la mise en place de la rénovation :
la constitution du Groupe de recherche et d'innovation

 

Monica Gather Thurler

1995


Parallèlement à la préparation de l'appel de projets d'innovation, qui a été acheminé dans les écoles avant Noël, une autre démarche importante a été franchie en vue de la mise en place de la rénovation: la constitution du Groupe de recherche et d'innovation. Dès que possible, le GRI va donc être appelé à devenir fonctionnel, à se donner les moyens pour devenir le groupe de tâche qui a été prévu par le Texte d’orientation sur les trois axes de rénovation de l’école primaire genevoise d’août 1994 de la manière suivante:

"Le GRI est un groupe qui aura pour tâche de soutenir les écoles engagées dans un projet d’innovation, de créer des relations entre elles et avec le reste du système, de les mettre en contact avec des centres de formation et de ressources, de les aider à définir, évaluer, faire évoluer leur projet, de coordonner les efforts, de faciliter la formulation des acquis et leur diffusion à l’ensemble de l’enseignement primaire. Ce sera donc un groupe efficace, à même de prendre rapidement des décisions et de se montrer cohérent face à ses interlocuteurs. Cela suppose une certaine homogénéité de perspectives, la capacité de travailler véritablement en équipe et un leadership affirmé. Le GRI sera composé de cinq à sept personnes partiellement déchargées de leurs tâches durant toute la durée de leur mandat. Elles seront choisies avant tout pour leur compétence à animer un processus d’innovation."

Or, le fonctionnement efficace et cohérent de ce groupe dépendra bien entendu d'une part, de la qualité de ses membres, de leur capacité de mettre en oeuvre les moyens d'action valables et utiles pour leurs interlocuteurs. Mais il dépendra aussi, d'autre part, de la vision qu'en auront ses interlocuteurs, et parmi ceux-ci, en premier lieu les enseignants qui feront appel à lui. Bien entendu, cette vision va se construire et reconstruire à fur et à mesure que le processus évoluera. Mais il me paraît important que d'emblée, une série d’ambiguïtés, de résistances et de malentendus soient levées pour que l'entrée en fonction de ce groupe puisse se faire dans un climat de confiance et de coopération entre tous les acteurs concernés.

Le GRI: un instrument pour faciliter le changement

Toutes les écoles qui ont tenté, jusqu'à ce jour, d'introduire des changements, se rejoignent sur une revendication commune: donnez-nous des accompagnants externes! En effet, il n'est pas facile, pour un groupe de personnes qui a fonctionné dans le passé selon le principe du "chacun pour soi", de soudainement faire équipe, de définir des objectifs communs, de se mettre d'accord par rapport aux démarches à entreprendre pour atteindre ces objectifs, de vérifier régulièrement les progrès réalisés, de garantir la cohérence de ses décisions et la justesse de leur mise en oeuvre. Mais il ne va pas de soi non plus pour une école qui a déjà une certaine habitude de coopérer, de la réflexion sur les pratiques, du travail en équipe pédagogique, d'échapper aux lieux communs, d’élaborer des solutions créatives, d'avancer à un rythme satisfaisant pour chacun.

Pour progresser de manière efficace, sans trop perdre de temps ni sans brûler les étapes indispensables, il faut des méthodes de travail, d'animation, d'auto-évaluation, des capacités de synthèse, l'accès à la documentation, aux expériences et aux savoirs développés ailleurs. Voici donc quelques-unes des tâches de "facilitateur du changement" auxquelles les membres du GRI se trouveront confrontés:

Le GRI: multidisciplinarité et complémentarité

Dans les pays qui possèdent une longue expérience de l'approche du changement scolaire par le projet de l'école, il existe des unités d’intervention dont les membres sont spécialement formés pour le type de tâches que j'ai définies ci-dessus. Dans le cadre de la rénovation, nous nous trouvons confrontés au problème que ce type d’unité d’intervention n'existe pas. Bien entendu, il existe des personnes dans les divers services didactiques et de recherche, qui se sont approprié, au fil des années, ce type de savoir et de savoir-faire. Leur éparpillement ne permet cependant pas une action conjointe et orientée vers des objectifs communs.

La décision de constituer et de former une telle unité semble dès lors raisonnable pour assurer la réussite de la rénovation. Faut-il le rappeler: le rôle du GRI ne consistera point à faire concurrence aux services et aux lieux de formation qui sont déjà en place. Au contraire. Il consistera au contraire à garantir une meilleure utilisation et valorisation des forces en présence.

Pour cette raison, le GRI se composera d'un groupe de personnes provenant d'horizons divers, mais avant tout proches du terrain, réunissant des compétences diverses et complémentaires, capables et prêtes à s’investir dans une démarche qui s’annonce complexe d’avance.

Le GRI: procédure de mise en place

Une vingtaine de personnes ont répondu à l’inscription qui était ouverte fin novembre 1994, en déposant leur candidature. Toutes les personnes ont été reçues pour un entretien, qui visait à vérifier les compétences, la disponibilité et de la conviction avec laquelle ces personnes s’engageaient dans la démarche en cours. Nous savions d’avance que le nombre limité des membres du GRI obligerait sans doute à opérer un choix parmi les candidats. L’ouverture de l’inscription à toutes les personnes travaillant dans l’enseignement primaire avait cependant un double but: inventorier les intérêts et les compétences disponibles et constituer un ensemble de personnes-ressources qui pourront être appelées à coopérer à d’autres tâches dans le cadre de la rénovation.

Il n’a pas été facile de choisir parmi la vingtaine de candidatures qui étaient toutes valables, offrant des profiles souvent très différents, mais intéressants. Finalement, il a été décidé de donner la préférence - avec une exception - aux candidats enseignants. Ceci pour deux raisons:

Ce choix crée d’emblée une série de problèmes. Il y a d’une part la nécessité que ce groupe devienne rapidement opérationnel, puisse assumer les tâches d’accompagnement et de choix des écoles souhaitant faire partie des 10 écoles en innovation d’abord et par la suite, offrir un soutien efficace aux écoles qui entreront dans la rénovation dès la rentrée scolaire en août 1995. Il y aura d’autre part le besoin, pour ces personnes, de pouvoir apprendre leur nouveau métier. Ceci obligera à réagir vite: dès leur entrée en fonction, les membres du GRI participeront à une période intense de documentation et d’auto-formation. Ils s’astreindront à un travail en duo qui permettra une observation mutuelle constante et une vérification de la progression dans le nouveau métier d’intervenants. Ils travailleront en étroite collaboration avec moi-même pour déterminer leurs forces et pour clarifier leur besoin de formation. C’est toute une entreprise mais ce sera jouable.

Le GRI: un groupe sans pouvoir formel

Certains pourrait craindre que la DEP ait voulu mettre en place un nouvel organe de contrôle, un groupe de super-flics, chargés de veiller que les écoles en innovation marchent droit, respectent le contrat et se contentent d’une autonomie approximative. D’autres pourraient craindre que le GRI, avec le temps, développe une dynamique propre, devienne incontrôlable, prenne le pouvoir.

Face à ces craintes, y a-t-il une réponse qui puisse vraiment rassurer? Sinon, celle d’affirmer que l’organigramme prévu par la rénovation définit clairement les responsabilités, que l’inspectorat reste l’organe de contrôle responsable pour les écoles en innovation, ce qui devrait justement permettre au GRI d’exercer pleinement et librement son rôle.

Le GRI: une partie du système à part entière

Il est difficile de prévoir aujourd’hui comment les choses évolueront dans les semaines et mois à venir pour le GRI. Ce que je peux dire, c’est qu’il sera constitué d’ici mi-janvier, que ses membres entreront en fonction au plus tard le 1er février, qu’il sera opérationnel aussi rapidement que possible.

L’inconnue restera l’attitude des écoles face au GRI: les enseignants de ces écoles seront-ils prêts à l’utiliser à bon escient, à accepter que d’anciens pairs viennent les aider, à leur regarder dans les cartes, à connaître les contradictions, tensions, non-dits, conflits, rognes, hésitations, failles et erreurs qui font nécessairement partie de toute démarche de changement? Seront-ils disposés à aider les membres du GRI à apprendre leur métier d’intervenants, de facilitateurs du changement? Seront-ils assez solidaires pour reconnaître le travail fourni par le GRI, pour admettre la répartition des rôles et des fonctions dans cette rénovation?

Ces questions restent ouvertes. Je pense que nous aurons les premières réponses assez rapidement, dès le printemps.