In M. Bonami et M. Garant (dir.) Systèmes scolaires et pilotages de l'innovation : émergence et implantation du changement, Bruxelles : De Boeck, pp. 145-168.  

 


 

 

 

Innovation et coopération : liens et limites

 

 Monica Gather Thurler 

1996


I. L'exercice d'une profession exige-t-il une coopération régulière?

1.1 Savoir travailler efficacement ensemble
Quelques éléments évidents

Des caractéristiques moins connues

Une grande hétérogénéité

Un idéal inaccessible?

1.2 Savoir travailler en équipe à bon escient

1.3 Savoir faire face aux résistances, obstacles et paradoxes de la coopération

II. La coopération favorise-t-elle le processus de professionnalisation?

2.1 La professionnalisation interactive

2.2 Le travail d'équipe comme source de professionnalisation

En guise de conclusion...

Bibliographie


Depuis une vingtaine d’années, les finalités, approches et contenus des processus des changements en éducation se sont considérablement modifiés. Avant les années ‘80, on pensait en général ces changements en termes linéaires et politiques, en termes de réformes de programmes ou de structures allant de haut en bas, qui reléguaient les enseignants au statut d’exécutants de décisions prises par les autorités. Le constat d’échec de cette manière de faire a amené les chercheurs, les autorités - et dans beaucoup de cas également les associations d’enseignants - à adopter une stratégie différente. Celle-ci consiste à accorder davantage d’autonomie et de responsabilité aux enseignants dans le contexte de leur établissement, à repenser les rapports d’autorité à l’intérieur du système scolaire, à redéfinir les modalités d’évaluation dans le sens d’une démarche qui consiste à "rendre des comptes" au lieu d’être contrôlé, à relier le chantier de l’innovation scolaire au thème de la professionnalisation du métier, autrement dit son évolution vers une profession à part entière.

C’est notamment le défi de la rénovation qu’a entreprise le canton de Genève depuis la rentrée scolaire 1994. Dans le cadre de ce projet qui va durer jusqu’en 2002 et qui englobera la totalité des écoles primaires du canton, les enseignants sont invités à travailler sur les trois axes suivants: individualiser les parcours de formation, apprendre à mieux travailler ensemble, placer les enfants au coeur de l’action pédagogique. En ce qui concerne le deuxième de ces axes, le texte d’orientation publié par les autorités scolaires genevoises insiste sur le fait que "...travailler ensemble représente une occasion d’aller vers la professionnalisation".

L’analyse qui suit est entreprise en liaison avec ce projet, qui représente une démarche innovante de grande envergure, dans la mesure où les enseignants sont appelés à élaborer et à mettre en oeuvre, au sein de leur école, de nouvelles structures et approches pédagogiques.

J’aurais pu, dans le cadre de cette analyse, cibler d’autres éléments du projet, par exemple la stratégie dans son ensemble, le problème de la formation des cadres, voire des intervenants, la nécessité de développer une stratégie pour mettre en réseau les divers établissements, les acteurs individuels et collectifs. Il se trouve que le problème de la coopération me paraît central dans la mesure où il est important de mieux le cerner pour mieux le maîtriser, de dépasser les idéologies du groupe des années ‘60 pour parvenir à de nouveaux fonctionnements, plus efficaces et appropriés aux apprentissages des uns et des autres.

Une démarche innovatrice basée sur les établissements, leur demandant de déposer leur projet d’innovation, d’en définir ensemble l’objet et le contenu, confronte les enseignants à des problèmes de communication, à la diversité des représentations de leurs collègues, à des tensions et des conflits qui sont d’ordre relationnel et psychologique autant que didactique et pédagogique. La coexistence pacifique et souvent anonyme qui se limitait, jusqu’alors, aux discussions amicales et plus ou moins anodines du genre "thé ou café?" (Duterq, 1991), à l’échange de matériel et d’informations, ou même, dans les meilleurs des cas, à l’organisation de quelques fêtes collectives, ou à des formations communes au sein de l’établissement, éclate face aux exigences de formuler un projet d’innovation commun. Viser l’autonomie et la responsabilité des enseignants suppose, en effet, l’existence d’une série de principes de fonctionnement qui ne peuvent être séparés les uns des autres: des accords internes en ce qui concerne les méthodes de travail et les objectifs communs; une réflexion commune et constante sur les pratiques, les conditions de travail, les possibilités de développement; des mesures aptes à faire évoluer les pratiques, par exemple la planification commune, l’observation mutuelle entre enseignants, l’observation participante et le dialogue; et, enfin, la mise en place d’un système d’auto-évaluation continu et systématique, pour vérifier la cohérence entre les pratiques et les objectifs visés.

Viser la professionnalisation, entendue dans cette perspective, conduit en outre à accepter le principe d’une évolution lente, mais qu’il est possible d’accélérer en modifiant la formation initiale et continue, en renégociant le statut administratif et le mode de gestion des écoles, le cahier des charges et les possibilités de carrière des enseignants, leur participation à la recherche et à des projets d’innovation. Cela amène également à se demander si l’on va mieux ou plus vite vers la professionnalisation par un cheminement solitaire ou en interaction avec autrui. Conquérir son autonomie professionnelle et assumer les responsabilités correspondantes, est-ce avant tout une affaire individuelle? Ou est-ce le résultat d’une pratique coopérative?

La question n’est pas triviale. Les exemples qui mettent le doigt sur les difficultés liées à l’obligation de travailler ensemble ne manquent pas. Perrenoud, dans un article récent (1994b), relève que "...travailler en équipe pédagogique, c’est partager sa part de folie".

Pourtant, les travaux récents sur l’innovation incitent aujourd’hui les enseignants à dépasser le "culte de l’individualisme" (Gather Thurler, 1994 c), à unir leurs forces pour construire ensemble une nouvelle vision de l’école et pour lutter contre l’échec scolaire. Je vais donc tenter de discuter les liens possibles ou nécessaires entre innovation et coopération. Dans ce but, je m’intéresserai à la coopération au sein de l’établissement sous deux angles complémentaires:

D’où les questions suivantes, qui vont nous accompagner durant cet essai:

I. L’exercice d’une profession exige-t-il une coopération régulière?

II. La coopération favorise-t-elle le processus de professionnalisation?

  

I. L’exercice d’une profession exige-t-il
une coopération régulière?

 En reprenant les critères de Lemosse (1989), on s’aperçoit que la coopération n’est pas nécessairement un élément central de la définition d’une profession. En effet, cette définition laisse dans le flou la question de savoir si l’exercice du métier est mieux garanti par des combattants solitaires ou par des gens travaillant ensemble. Un seul des critères fait référence au groupe professionnel, en parlant d’une "activité régie par une forte organisation et une grande cohésion internes". Mais l’appartenance à une corporation n’implique pas une coopération professionnelle au jour le jour. Médecins, avocats, architectes, chercheurs, créateurs ne travaillent pas systématiquement ensemble. Ils travaillent même chacun pour soi, qui dans son cabinet, qui dans son bureau, pour se retrouver de temps à autre dans le cadre de congrès, de rencontres organisées par leur corporation, de groupes informels, ou de projets communs de recherche et de développement.

Il y a des raisons de penser que l’efficacité du professionnel n’est pas systématiquement plus grande s’il coopère au sein d’une équipe. Pour décider de trépaner un accidenté de la route qui risque une hémorragie cérébrale, pour défendre une cause difficile devant le tribunal, pour peaufiner un projet de construction, pour interpréter une analyse biochimique, le médecin, l’avocat, l’architecte et le chercheur se trouveront souvent seuls, sans recours à des collègues, compte tenu du moment de la journée, de l’urgence de la tâche, du prestige, des revenus ou des responsabilités personnelles en jeu. S’ils travaillent au sein d’une équipe, celle-ci sera d’ordinaire pluridisciplinaire: en tant que spécialiste, chacun assumera seul ses responsabilité dans son domaine d’expertise.

Face à leurs élèves, les enseignants se trouvent également seuls, la plupart du temps, à l’exception de quelques dispositifs de formation ayant introduit le team-teaching et le décloisonnement. Dans la plupart des systèmes scolaires, ils fonctionnent comme individus, et cherchent, en tant que tels, à améliorer leur pratique. Certains résultats de recherches, dont ceux de Staessens (1993), Perrenoud (1993b), suggèrent même qu’il vaut mieux être efficace tout seul que faire partie d’une équipe pédagogique sans âme ni cohérence…

Lorsqu’on interroge les enseignants sur l’efficacité du travail en groupe, ils sont généralement assez critiques: ils évoquent l’absence d’animation, (qui entraîne) une mauvaise gestion du temps, la difficulté de s’en tenir à l’essentiel, le fait que la plus grande partie des réunions est consacrée aux questions administratives, l’incapacité de prendre des décisions concertées, etc. Ils préfèrent souvent d’autres formes de coopération, notamment la conversation dans un réseau informel, comme façon économique de résoudre les problèmes et d’obtenir un minimum de soutien (Huberman, 1983, 1988; Niais, Southworth & Yeomans, 1989; Gather Thurler, 1992b). Ces solutions spontanées suffisent à éviter le sentiment d’isolement et à partager les responsabilités face aux difficultés du métier, sans pour autant tomber dans la lourdeur des réunions réunissant l’ensemble du corps enseignant. Ne pourrait-on alors se contenter d’affirmer qu’à l’instar d’autres professions, il suffirait que les enseignants soient bien préparés à faire leur travail dans le cadre de leur classe, qu’ils suivent des cours de perfectionnement lorsque cela s’avère nécessaire, qu’ils se tiennent au courant des nouveautés pédagogiques, didactiques et méthodologiques? Pourquoi alourdir leur tâche au sein de l’établissement? Pourquoi imposer une coopération dont la plupart ne veulent pas? Pourquoi se disperser dans des réunions de groupe? N’est-il pas plus simple et plus réaliste de renforcer la responsabilité individuelle des enseignants face à leurs élèves, de leur donner les outils nécessaires pour mieux gérer leur classe, de réduire les réunions avec leurs collègues au strict nécessaire, de dégager un maximum de temps pour la programmation didactique individuelle, d’éviter les interminables négociations dues aux divergences d’objectifs, aux conflits d’opinions, aux rapports de force?

Contre cette tentation et ce mythe de "l’individualisme efficace", aussi compréhensibles soient-ils, je soutiendrai que la coopération intensive fait partie de la profession enseignante si on la souhaite à la hauteur des enjeux. Les entraides occasionnelles, les conversations de salle des maîtres, les "trucs qu’on se passe" ne suffisent pas pour venir à bout des problèmes que pose le métier, soit dans le quotidien, soit dans la gestion à moyen et à long terme. Ainsi, lorsqu’il doit réorganiser sa classe pour tenir compte de l’arrivée de plusieurs enfants migrants, l’enseignant peut tenter de gérer ce problème tout seul. Il peut aussi faire appel à des intervenants externes ou demander des "tuyaux" à un collègue qui a vécu ou est en train de vivre une situation semblable. Il peut encore présenter le problème lors d’une réunion à la salle des maîtres, pour s’entendre dire qu’il n’est pas le seul et que chacun porte sa croix, ou, dans le meilleur des cas, pour recevoir l’expression de l’empathie de ses collègues. Il est seul, néanmoins, pour décider d’alléger le programme ou d’aménager l’évaluation pour ces élèves, afin de leur laisser le temps de s’adapter. Seul pour affronter les parents, pour se défendre face à l’inspecteur, seul, en fin de compte, pour décider de se battre ou de laisser tomber. A la fin de l’année, lorsqu’il s’agira de décider de la promotion ou du redoublement de ces élèves, il se retrouvera seul à prendre les risques. Seul, mais pas indépendant, car il sait que ses collègues vont hériter de ses élèves et qu’on ne lui pardonnerait pas de trop grands écarts à la norme (Hutmacher, 1993). Pour créer des solutions à la mesure du problème de l’accueil simultané de nombreux enfants migrants, ne sachant pas la langue de l’enseignant, d’origines diverses, parfois très peu ou pas du tout scolarisés, il faut inventer des dispositifs qui dépassent la classe et exigent la mise en commun des forces, des espaces, des talents de plusieurs enseignants, bref l’émergence d’une véritable coopération au sein de l’établissement.

On pourrait multiplier les exemples pour montrer que la réalité à laquelle les enseignants sont confrontés appelle la coopération, plus souvent sans doute que dans d’autres métiers. Le médecin, l’avocat, le chercheur sont moins dépendants les uns des autres, alors que les enseignants sont "embarqués dans la même galère", une école de quartier, avec des familles qui ont plusieurs enfants, des élèves qui suivent leur scolarité en passant d’un enseignant à l’autre. En dépit des mille et une raisons qui plaident pour l’individualisme, l’enseignant, s’il veut affronter les vrais problèmes, ne peut échapper à la coopération, parce qu’il travaille dans un champ où son action est constamment et fortement dépendante de l’action des autres.

Reste à préciser à quel niveau cette coopération est requise. Elle peut représenter, dans sa forme la plus simple et modeste, une forme de cohabitation pacifique (Gather Thurler, 1992b) entre les membres du groupe, qui définissent clairement les territoires et les tâches des uns et des autres, qui conviennent d’un certain nombre de règles de jeu permettant d’éviter les conflits et les confusions de rôles, de dépasser l’isolement et de garantir un bon climat et un certain bien-être des divers acteurs. Sous sa forme la plus complexe et exigeante, la coopération peut résulter d’une longue négociation, qui aboutit à un contrat, avec des objectifs communs et l‘organisation correspondante. Il ne s’agit pas ici uniquement d’un aménagement "pratique", au sens d’une meilleure répartition des tâches et d’une clarification des rôles, mais au contraire, d’une prise de conscience et d’un parti pris. Une conscience que travailler ensemble permet d’avancer autrement que de travailler chacun pour soi, permet d’autres confrontations, d’autres ambitions, d’autres formes d’échange. Le parti pris de faire avancer l’ensemble des personnes concernées, de profiter au maximum de l’apport de chacun, de former un tout, avec des valeurs, croyances et objectifs partagés, régulièrement rediscutés et mis à jour.

Pour devenir une véritable profession, le métier d’enseignant pourrait par conséquent s’approcher de ces formes exigeantes de coopération, les incorporer progressivement à la culture professionnelle de la majorité des enseignants. Face à un problème complexe, lorsque chacun mesure sa propre incompétence ou du moins ses limites, il deviendrait facile d’admettre qu’il vaut mieux coopérer que tâtonner seul dans son coin, partager les risques et périls, se constituer en équipe efficace, au moins le temps de surmonter le problème en cause.

A la question de savoir si "l’exercice d’une profession exige une coopération régulière?", je réponds donc clairement par l’affirmative, du moins pour ce qui concerne l’enseignement.

C’est aussi la conclusion de Perrenoud, qui inclut la coopération dans son inventaire des "corollaires de la professionnalisation" (1993 d, 1994 b). Selon cet auteur, la professionnalisation:

 La coopération passe par une attitude et une culture, mais exige aussi des compétences. J’en distinguerai trois, étroitement complémentaires:

1. Savoir coopérer efficacement et passer d’une "pseudo-équipe" à une véritable équipe.

2. Savoir discerner les problèmes qui appellent une coopération intensive. Etre professionnel, ce n’est pas travailler ensemble "par principe", c’est savoir le faire à bon escient, lorsque c’est plus efficace. C’est donc participer à une culture de coopération, y être ouvert, savoir trouver et négocier les modalités de travail optimales, en fonction des problèmes à résoudre.

3. Savoir percevoir, analyser et combattre les résistances, obstacles, paradoxes et cul de sacs liés à la coopération, savoir s’auto-évaluer, porter un regard compréhensif sur un aspect de la profession qui n’ira jamais de soi, vu sa complexité.

Reprenons-les une à une.

 

1.1 Savoir travailler efficacement ensemble

 Il ne s’agit pas seulement d’un autre mode de faire, c’est aussi un autre mode de penser. Durant leurs diverses phases de socialisation - en famille, durant leur propre scolarité, durant leur formation, durant les premières années d’insertion dans un établissement - les enseignants sont avant tout préparés à la perspective d’assumer individuellement leurs responsabilités face aux problèmes qu’ils rencontreront. En outre, ils sont quotidiennement confrontés à une culture organisationnelle qui, tout en prônant aujourd’hui le travail en groupe, accorde très explicitement la priorité aux performances individuelles, tant pour les maîtres que pour les élèves. On ne tient compte de l’équipe qu’en second lieu, on la considère comme une "cerise sur le gâteau". Pensons par exemple au système du salaire au mérite, à l’évaluation individuelle de l’enseignant par l’inspecteur, aux horaires, qui ne favorisent guère la coopération, aux plans d’études qui sont soit trop explicites, soit trop restrictifs pour pousser les enseignants à se mettre ensemble et à définir une voie commune. La plupart des enseignants valorisent les capacités individuelles, tout en voyant d’un mauvais oeil ceux qui sortent trop nettement du rang! Cette attitude l’emporte sur l’idée que "Tous sont dans le même bateau" ou que "Si l’un échoue, tous échouent avec lui".

Même lorsqu’ils sont convaincus de la nécessité de coopérer, la bonne volonté ne suffit pas. En passant en revue les diverses écoles que je connais et en me référant à des recherches récentes sur les équipes efficaces (Katzenbach & Smith, 1993, et al.), deux constats s’imposent:

a) dans beaucoup de cas, les connaissances actuelles en matière de formes efficaces de coopération font défaut;

b) lorsqu’elles sont présentes, elles ne sont pas systématiquement mises en oeuvre.

Voici quelques-unes des caractéristiques des équipes efficaces. Elles paraissent des conditions de base à mettre en place pour travailler ensemble.

 

Quelques éléments évidents

Exigences élevées

Le succès d’une équipe dépend davantage de la poursuite commune d’un standard élevé de performance que d’activités favorisant la dynamique de groupe, d’incitations particulières ou encore de responsables charismatiques. On constate souvent que les équipes efficaces se sont constituées sans soutien de la part des autorités. Inversement, des équipes "potentielles", sans de telles exigences, ne parviennent pas à devenir de véritables équipes.

Conditions-cadres adéquates

La composition équilibrée de l’équipe, les compétences complémentaires de ses membres, leur unité de vue dans l’approche pédagogique et par rapport aux finalités, la répartition des responsabilités sont autant de conditions d’un fonctionnement efficace. Lorsque l’une d’elles fait défaut, l’équipe risque de "s’égarer". Malgré cela, la plupart des équipes négligent un ou plusieurs de ces facteurs.

Vision commune des moyens pour parvenir aux buts

A l’intérieur d’une école, on peut être performant de manière très différente et à des niveaux divers. On peut, par exemple, coopérer au développement d’un projet global (par exemple, la mise en place d’une pédagogie différenciée), à une démarche pédagogique (par exemple, l’amélioration de la capacité de lecture à tous les degrés) ou à une production (par exemple d’une pièce de théâtre), ou encore viser une meilleure gestion (clarification des tâches de l’équipe de direction). Souvent, les équipes ne perçoivent que quelques-unes de ces possibilités de coopération et perdent ainsi de multiples occasions de se renforcer.

Importance accordée à la responsabilité collective

Nous nous sentons mal à l’aise lorsque notre avancement (sur le plan de l’apprentissage, ou sur celui d’une promotion à l’intérieur du système) dépend d’autrui. On pense volontiers "qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même". La simple idée de partager des responsabilités et des objectifs avec autrui met mal à l’aise, fait peur, et déclenche des mécanismes de défense de toutes sortes: peur d’être jugé ou mal compris, peur que l’autre ne sache pas entendre, écouter, voir… Les équipes efficaces ont surmonté ces parti pris individualistes et acceptent que la responsabilité soit également collective.

Des caractéristiques moins connues

A côté de ces éléments qui sautent aux yeux, il existe d’autres qui sont moins faciles à repérer.

Pas de nombrilisme coopératif

Les meilleures équipes accordent davantage d’importance à la résolution de problèmes qu’à leur fonctionnement en tant qu’équipe. Le rôle du "leader" est moins central, du fait que les membres de l’équipe se relaient dans l’animation et dans la gestion. Pour de telles équipes, l’équipe et le travail d’équipe ne se situent pas au même niveau de préoccupation: on ne s’attache pas d’abord à "devenir une véritable équipe", on poursuit un objectif commun, qui a du sens pour chacun des membres de l’équipe et justifie leur coopération.

Un cadre de référence commun

Les équipes efficaces ne réinventent pas à leur échelle le système scolaire et la politique de l’éducation, elle s’inscrivent dans le cadre d’objectifs généraux mais ambitieux, s’attachent à les spécifier et surtout à les atteindre à leur manière. On aurait donc tort de croire qu’on rend les équipes plus efficaces en les invitant à formuler des projets à leur guise, sans mettre en place un cadre de référence plus large et un dispositif concerté qui oblige les équipes à rendre compte de leur démarche, à s’auto-évaluer en fonction de critères explicites et à introduire les régulations nécessaires.

Les représentants de la hiérarchie perçus comme des partenaires

Les équipes efficaces ont une attitude peu compliquée, émancipée et confiante face à la hiérarchie, aux structures et aux processus formels. Plutôt que les combattre, elles les intègrent, les reconnaissant en tant qu’éléments-noyaux de l’organisation à laquelle elles appartiennent et ne les mettent en question que lorsqu’ils font obstacle au développement en cours. Les équipes efficaces sont le meilleur terrain pour intégrer les nouveaux principes pédagogiques: elles les analysent, les confrontent au contexte, les adaptent en faisant sauter, si nécessaire, les limites structurelles. Ceux qui considèrent les équipes comme alternatives aux structures hiérarchiques n’ont pas compris qu’elles en dépendent en tant qu’éléments de coordination, de facilitation et de feed-back.

Leadership coopératif

Les équipes efficaces réussissent à intégrer de manière naturelle les compétences individuelles et l’apprentissage collectif. Si elles réussissent là où d’autres échouent, c’est parce qu’elles parviennent à traduire des objectifs à long terme en situations-problèmes, qui seront résolues en exploitant les compétences existantes - et, si nécessaire, en développant les compétences requises pour accomplir la tâche. Les idées nouvelles - déviantes, dérangeantes, insolites - sont acceptées, reprises sans complexes, appliquées et adaptées au contexte; leurs effets sont ensuite évalués. Cette démarche va bien au delà de simples échanges de trucs et de recettes, elle s’inscrit dans une logique de résolution de problèmes, qui fait appel à la créativité et à la participation de chacun. Il s’agit d’accepter qu’on ne peut pas être le meilleur à chaque moment, qu’il ne sert à rien de réinventer constamment la roue, que l’idée de l’autre, reprise et adaptée, peut être plus efficace qu’une longue recherche en solitaire, qu’on peut apprendre et se développer chacun pour soi aussi bien que tous ensemble.

L’action commune pour mieux agir

Les équipes efficaces se perçoivent en tant qu’unités opérationnelles prioritaires dans le fonctionnement du système scolaire. Pour faire face aux problèmes qui dépassent la capacité de jugement et d’action des individus isolés, aux problèmes qui exigent rapidité de réaction, qualité d’analyse et adaptation différenciée aux besoins des usagers, les équipes efficaces ont conscience d’être le niveau adéquat de saisie et de traitement du problème. Elles savent que l’action commune sera possible et utile, elles savent évaluer leurs moyens et si nécessaire les développer, ou rechercher de l’aide, tant pour analyser que pour résoudre le problème.

Une grande hétérogénéité

La plupart des écoles sont très loin de réunir toutes ces caractéristiques. Plusieurs auteurs (Staessens, 1991, 1993, Hargreaves, 1992, Dalin, Rolff & Buchen, 1990) ont décrit les diverses cultures de coopération existantes. On connaît les deux extrêmes: d’un côté, l’individualisme-roi des "combattants solitaires" et fiers de l’être; et de l’autre, les "professionnels", voire les drogués de la coopération. Entre deux, on trouve des graduations diverses dans la qualité de la coopération: les établissements fragmentés, voire "balkanisés", les établissements de type "grande famille", dont la raison de vivre est la convivialité et l’union face à l’extérieur, et, enfin, les établissements qui se comportent comme une grande équipe pour la durée d’un projet, dans une sorte de "collégialité contrainte" qui prendra fin en même temps que le projet (Gather Thurler, 1994 c).

Katzenbach & Smith (1993), en se basant sur une étude approfondie de cinquante cas, tant dans le milieu de l’entreprise que de l’école, ont analysé la relation entre le type d’équipe, son efficience et son niveau de performance. Ils ont ainsi pu situer les divers types d’équipes sur une courbe de l’efficacité fort éloquente.

  

Fig 1.1 Courbe de l’efficacité des équipes

 

On voit que certaines équipes ou pseudo-équipes sont moins performantes que de simples groupes de travail. Voici comment Katzenbach & Smith distinguent ces divers types de coopération.

Les groupes de travail

Tant les exigences que les chances d’efficacité sont faibles. Les membres d’une telle équipe interagissent avant tout pour échanger, pour se passer des "trucs", pour prendre des décisions qui les soutiennent individuellement dans leur domaine de responsabilité. On n’a pas de cause commune, ni d’objectifs qui s’ajouteraient à ceux des individus, on n’a pas à rendre compte de résultats communs.

La pseudo-équipe

On fait comme si on était une équipe, mais on ne recherche pas vraiment la performance collective. Ce sont les équipes avec le taux d’efficacité le plus modeste. Dans ces équipes, soit on empiète sur les performances de l’individu, soit on investit le maximum d’énergie pour sauvegarder les limites du territoire de chacun, sans parvenir à un vrai consensus, ni à une action collective. Le résultat atteint par l’ensemble est plus faible que le potentiel de chacun des membres.

L’équipe potentielle

Ici, on vise vraiment à augmenter la performance. Mais on aurait besoin de plus de clarté quant aux résultats visés, ainsi que d’une plus grande discipline lors de l’élaboration d’un plan de travail commun. La responsabilité commune n’existe pas encore, les compétences des uns et des autres ne sont guère exploitées. Les équipes qui élaborent un projet correspondent dans la majorité des cas à cette catégorie: plusieurs enseignants se sont associés pour concevoir et déposer un projet, processus au cours duquel ils commencent à apprendre à travailler ensemble. Toutefois, en ne parvenant pas à coordonner les intentions et les pratiques des uns et des autres, ils minimisent les effets de synergie ainsi que des occasions de "méta-apprentissages". Les équipes potentielles existent partout. Souvent, il suffirait de peu de choses pour les aider à aller plus loin, à devenir de vraies équipes.

La vraie équipe

Il s’agit de personnes avec des capacités complémentaires, qui s’engagent pour servir une cause ensemble, atteindre des objectifs communs, chacun se sentant responsable vis-à-vis des autres et en droit de leur demander des comptes.

L’équipe à niveau élevé d’efficacité

On retrouve les mêmes caractéristiques que celles de la vraie équipe. En outre, on est attentif au développement personnel et au succès des collègues, on pratique le "leadership coopératif", on se perçoit comme une unité prioritaire du système et on participe activement au développement de ce dernier. De telles équipes sont caractérisées par une démarche constante de définition, d’analyse et de résolution des problèmes, de réflexion sur les pratiques et sur l’évolution de leur culture pédagogique. Elles s’affranchissent par rapport au système en rendant compte, régulièrement, des acquis, des problèmes rencontrés et des moyens choisis pour les résoudre ainsi que des nouvelles finalités. Le développement individuel et les apprentissages collectifs ne font qu'un, s’inscrivent dans un processus de professionnalisation à long terme qui englobe l’ensemble des membres de l’équipe.

Un idéal inaccessible?

Comment se comportent ces divers types d’équipes devant un événement, par exemple l’augmentation annoncée des effectifs? Face à la perspective de se trouver à la rentrée, comme ses collègues de l’école, avec un effectif de 27 élèves en classe primaire, un enseignant ne peut, s’il réagit individuellement, que se lamenter, revenir à des méthodes plus traditionnelles ou s’éreinter à différencier au maximum pour maintenir ses exigences. Dans une pseudo-équipe, on clamera que "l’union fait la force" et on enverra une lettre de protestation à l’autorité, en développant les diverses raisons pour lesquelles l’école devrait être moins durement touchée que celle d’à côté, compte tenu du nombre d’élèves défavorisés qu’elle accueille, de la présence d’enseignants débutants ou de tout autre argument. On peut même aller jusqu’à la grève pour manifester son désaccord de manière publique.

Dans une véritable équipe, on ne sera pas heureux non plus de ce qui se passe. On cherchera le dialogue avec les autorités pour savoir quelles sont les raisons de la décision, quelles sont les possibilités de dérogation ou d’allégement. Mais face à la réalité, on mettra en oeuvre une série de solutions non conventionnelles, qui pourraient paraître impensables à d’autres enseignants: regroupement différent des élèves, décloisonnement, implication des parents, dosage différent entre enseignement magistral et travail individuel et en groupes, etc. En somme, les véritables équipes s’adaptent très bien aux défis. Par contre, une équipe potentielle ou une pseudo-équipe peuvent éclater face à de tels obstacles, se bloquer et ne plus savoir comment redémarrer.

Une enquête auprès des divers types d’écoles - même celles qui coopèrent dans le contexte d’un projet - montrerait que très peu correspondent totalement aux exigences d’une équipe efficace. On peut bien entendu se dire qu’il s’agit d’un idéal, par définition irréalisable, au vu de la complexité du système, des résistances des enseignants, du contexte sociopolitique, de la nature humaine, des particularités du métier…

 

1.2 Savoir travailler en équipe à bon escient

Savoir travailler efficacement en équipe, c’est peut-être d’abord savoir ne pas travailler en équipe lorsque ce n’est pas nécessaire! Le risque est assez grand qu’on tombe d’un extrême dans l’autre et qu’après avoir prôné l’individualisme on veuille travailler en équipe à tout prix, au point de ne plus oser prendre des décisions ou développer un outil pédagogique sans demander l’avis des collègues, de ne plus se donner le droit de développer une aptitude personnelle qui ne correspond pas nécessairement aux priorités définies et aux options prises par les collègues. Ce serait se trouver paralysé face à un problème, ne pas oser s’affirmer en tant qu’expert, ne demander ni faveurs ni franchises, parce qu’il faut en toute circonstance mettre le partage des compétences et des ressources au premier plan.

Revenons à l’exemple de l’arrivée de plusieurs enfants migrants dans une classe. Il se peut qu’il soit nécessaire de résoudre ce problème en équipe, parce que l’enseignant concerné n’est pas à même d’y faire face, se trouve dépassé et ait besoin de conseils mais aussi d’aide, par exemple de pouvoir envoyer certains de ses élèves dans d’autres classes à certains moments de la semaine, afin de trouver du temps pour travailler plus intensément avec les enfants migrants. Ce n’est qu’un cas de figure: il se peut aussi que l’enseignant confronté au problème n’ait besoin que d’en parler avec un des collègues, pour vérifier si les décisions prises sont les bonnes, pour emprunter du matériel que l’un ou l’autre aurait élaboré lors d’une occasion similaire, pour savoir à quels services il peut s’adresser pour obtenir du soutien didactique ou logistique. Il pourrait également être parfaitement à même de résoudre ce problème tout seul, et qu’il lui suffise de pouvoir raconter, à un moment précis, les aménagements trouvés et les résultats obtenus. Qu’il s’agisse de ce problème d’enfants migrants ou de problèmes d’ordre d’évaluation, de relations avec les parents, de lecture, d’agressivité entre garçons et filles, nul enseignant n’échappera à la nécessité de décider de cas en cas si le problème appelle une réponse individuelle ou collective. L’important est de tenir compte de la nature du problème ou de la tâche et de réagir de manière aussi flexible que possible.

La question se pose aussi à l’intérieur d’une démarche collective. Même lorsqu’on poursuit des buts communs, on ne se tient pas constamment la main. Il y a une division du travail et chacun est confronté, dans la part qui lui revient, à des problèmes plus ou moins prévisibles. A lui de savoir quand il doit les soumettre à ses collègues et quand il est capable de les résoudre seul. La formulation d’une charte, la rédaction d’un projet d’école, la négociation d’un changement d’horaires avec les parents, le développement d’un dispositif d’évaluation formative demandent une alternance entre concertation en équipe et tâches individuelles (dont: recherche et documentation, tâtonnement, écriture...), assumées par ceux ou celles qui en ont les aptitudes, la disponibilité, l’envie.

Savoir sauvegarder son autonomie et sa responsabilité individuelles tout en développant la responsabilité collective met les membres d’une école devant un dilemme important. Suivant la manière d’y faire face, on peut produire des effets assez contraires à l’efficacité. L’ignorer peut même empêcher l’évolution d’une équipe potentielle vers une équipe véritable, voire la détruire. Le reconnaître, faire avec, le nommer ouvertement, peut contribuer à ce que les divers intérêts et besoins de chaque membre deviennent une ressource de développement et de renforcement de l’équipe. Le travail d’équipe n’est pas le contraire de la performance individuelle. De véritables équipes trouveront toujours le moyen de faire valoir les contributions individuelles, d’autant plus que celles-ci s’insèrent dans des finalités communes. Au contraire: elles sauront utiliser à bon escient les forces diverses, les intérêts et les besoins des uns et des autres, négocier les modalités de travail optimales.

A titre d’exemple, citons la décision d’une équipe d’enseignants d’introduire le temps de présence obligatoire dans l’établissement tous les lundis soirs, jusqu’à 19 heures. Ce temps de présence est dédié en priorité aux réunions de l’équipe. Mais celles-ci ont été limitées à une réunion mensuelle, sauf en cas d’urgence. Les autres lundis du mois sont ainsi consacrés à des groupes de travail formels ou informels ou à du travail individuel, en fonction des problèmes que l’équipe est en train de résoudre, ou en fonction des priorités personnelles des uns et des autres. Par cette mesure assez simple, l’équipe s’assure une flexibilité optimale. Sans tomber dans l’excès d’une réunion hebdomadaire, ce qui serait inutilement lourd, elle se ménage la possibilité de se réunir s’il y a lieu sans craindre que l’un ou l’autre ait un rendez-vous urgent ou soit obligé de rentrer chez lui pour garder les enfants.

On peut s’imaginer diverses mesures de ce type à l’intérieur d’équipes qui considèrent la concertation et la coopération comme des éléments centraux de leur culture, mais savent aussi laisser leurs membres prendre des initiatives et des responsabilités individuelles.

 

1.3 Savoir faire face aux résistances,
obstacles et paradoxes de la coopération

J’ai montré, dans les deux sections précédentes, les compétences nécessaires pour savoir être efficace et pour savoir coopérer à bon escient. Mais il existe un autre problème: celui de l’équipe qui stagne, qui souffre du burn-out, qui n’avance plus, qui commence à s’effriter. Il existe des équipes qui fonctionnent bien jusqu’à l’arrivée d’un événement spécifique - par exemple l’entrée en fonction d’un nouvel inspecteur ou d’une nouvelle inspectrice - qui déclenche leur déclin.

Chacun de nous connaît les frustrations qui naissent et les leitmotivs qui se font entendre lorsqu’une équipe commence à tourner en rond:

Pour prévenir ce type d’obstacles et de blocages - ou pour les surmonter lorsqu’on s’y trouve confronté - il existe divers recours et instruments: séminaires de formation, évaluation externe, intervention d’experts, etc. Avant d’en arriver là, on peut aussi, plus simplement, commencer à réfléchir ensemble à un certain nombre de paradoxes qui sont inévitablement liées à toute action commune, qui la rendent difficile et souvent impossible si on les ignore.

 

II. La coopération favorise-t-elle
le processus de professionnalisation?

 Je viens de répondre à la question de savoir si l’exercice d’une profession exige une coopération régulière. Plus particulièrement en ce qui concerne la profession d’enseignant, je réponds affirmativement, à condition que les trois compétences distinctes et complémentaires: savoir travailler efficacement en équipe; savoir travailler en équipe à bon escient; et savoir faire face aux résistances, obstacles et paradoxes de la coopération soient présentes.

Il s’agit maintenant de répondre à la deuxième question: le travail d’équipe favorise-t-il le processus de professionnalisation? On ne se demande plus alors si la coopération participe d’une profession constituée, mais si elle contribue à la transformation du métier d’enseignant dans le sens d’une profession à part entière

La professionnalisation du métier d’enseignant est un processus à long terme. Il peut être accéléré, à condition d’agir simultanément au niveau des structures, de la formation initiale et continue, des plans d’études, d’une redéfinition de l’autorité et du rôle des administrateurs, inspecteurs et directeurs d’établissement, de l’évaluation, du rôle des syndicats, de stratégies d’incitation diverses.

On peut bien entendu penser qu’il appartient au pouvoir organisateur (aux cadres de l’organisation scolaire et aux responsables des syndicats d’enseignants) d’assumer le leadership en matière de processus du changement et de porter en avant la professionnalisation du métier. Mais on peut également estimer que la professionnalisation est l’affaire de tous. Je plaiderai, avec Fullan (1992), pour une "nouvelle éthique du changement", consistant à pousser chacun à prendre individuellement la responsabilité de s’engager collectivement, de prendre des initiatives, afin d’éviter que le changement soit imposé de l’extérieur?

Sans tomber dans la pensée positive, sans nier les difficultés du travail en équipe, je reste convaincue que la professionnalisation passe aussi par l’émergence de masses critiques d’acteurs qui créent les conditions d’un renouveau pédagogique continu (Gather Thurler, 1993 c) et qui en profitent pour se développer eux-mêmes, pour s’approprier de nouvelles manières de faire et de penser, pour participer à la reconstruction du monde dans lequel ils travaillent. Il importe que les enseignants se permettent de prendre le pouvoir, dans le sens qu’on donne en anglais à empowerment (Olson, Butler & Olson, 1991). Dans une telle logique, les enseignants font partie de "foyers de réforme" . Ils font leur propre évaluation des besoins et mettent en place les changements correspondants. Les enseignants professionnels perçoivent leur lieu de travail comme un centre d’initiative et d’action, un foyer d changement plutôt que comme la cible de réformes venues d’en haut; ils se voient comme un lieu de recherche et de développement plutôt que de contrôle, un terrain d’expériences et d’observation plutôt qu’un endroit de production à la chaîne.

Dans ce sens, l’empowerment des enseignants - là où il va de pair avec une réelle recherche de meilleurs résultats - devient un levier important pour dépasser l’inertie et le confort, mais aussi le risque de déresponsabilisation et de prolétarisation (Perrenoud, 1993 c) qui guette le métier d’enseignant dans les systèmes bureaucratiques. Block écrit:

 "Au niveau le plus bas, l’ennemi du système à performance élevée se trouve être le sentiment d’impuissance que tant de personnes ressentent dans les organisations bureaucratiques. L’aspect central du schéma de pensée bureaucratique consiste à ne pas prendre la responsabilité des événements. Le problème, ce sont les autres.... Revenir à une attitude d’esprit différente veut dire qu’il faut affronter la signification d’une prise d’autonomie. Mais réaliser son autonomie dans une culture qui favorise la dépendance est une entreprise en soi" (Block, 1987, pp. 1-6).

 Pour cet auteur, le seul moyen de rompre avec les habitudes enracinées, pour se libérer des effets de la dépendance créée par le système bureaucratique, consiste pour les enseignants, à l’intérieur d’un établissement, à s’intéresser à leur propre développement, à s’engager dans des activités qui:

Aller vers la professionnalisation du métier d’enseignant passe aussi par une transformation de l’identité, des compétences et des cultures professionnelles en cours de carrière. Il serait en effet absurde de penser que seuls les enseignants débutants ayant suivi une formation orientée vers la professionnalisation peuvent contribuer au processus. Il concerne chacun, potentiellement. A l’intérieur de la définition institutionnelle du métier, il existe une marge importante d’évolution et cette marge s’agrandit et se déplace au gré de cette évolution, surtout si le système éducatif souhaite la professionnalisation accélérée du métier.

Cette évolution des enseignants en place passe notamment par l’acquisition d’attitudes et de compétences propres à une profession à part entière, par exemple la capacité:

Comment ces compétences s’acquièrent-elles durant le cycle de vie professionnelle? Pour une part grâce à une formation continue orientée dans ce sens. Mais surtout grâce à l’expérience et à la confrontation avec des collègues.

Je défendrai ici deux thèses:

1. Le processus de construction de telles compétences est largement interactif, il s’opère à travers diverses formes de coopération; c’est ce que j’appellerai la professionnalisation interactive.

2. Le travail en équipe pédagogique, comme forme spécifique et intensive de coopération professionnelle, permet une accélération du processus de professionnalisation, en rendant les enseignants partenaires et acteurs à part entière du processus de professionnalisation interactive.

 

2.1 La professionnalisation interactive

 Coopérer, au sens large, c’est se confronter à autrui dans l’accomplissement d’une tâche commune ou de tâches complémentaires. On peut coopérer dans de multiples cadres:

- en formation continue si elle est orientée dans ce sens;

- en participant à des recherches-actions, recherches-développements, innovations;

- en s’engageant dans des réformes scolaires;

- en militant dans des associations;

- en participant à un projet d’établissement;

- en coopérant au sein d’un réseau d’entraide;

- en travaillant en équipe pédagogique.

J’approfondirai plus loin cette dernière formule. Dans l’immédiat, examinons ce que toutes ont en commun: lier coopération, développement personnel et professionnalisation interactive.

 

Fig. 2.1: Professionnalisation interactive, développement individuel et apprentissages collectifs en interdépendance

Un tel schéma court évidemment le risque de simplifier; ainsi, placer la responsabilité sur l’axe du développement individuel et les compétences sur l’axe des apprentissages collectifs est un choix discutable. Mais ce triangle permet une mise en relation "parlante" de quelques éléments-clés pour mieux comprendre ce que j’entends par professionnalisation interactive.

Dans la partie inférieure, la "base" est constituée par la culture commune, par une démarche - individuelle et collective - de réflexion continue sur les pratiques, une démarche qui contribue à construire du sens: sens de l’action, sens du changement, sens du parcours de formation de chacun, tant des élèves que des enseignants. Cette construction de sens produit l’engagement des uns et des autres, ainsi que la conscience d’appartenir à une communauté qui chemine vers davantage de professionnalisation. L’absence d’engagement résulte fréquemment d’une absence de sens de l’entreprise commune: là où il fait défaut, on ne voit pas très bien pourquoi s’impliquer, pourquoi s’investir, par rapport à quoi se responsabiliser.

Dans la partie droite du modèle - le versant individuel - on trouve la responsabilité. Il est intéressant de constater que les équipes efficaces et professionnelles accordent beaucoup d’importance à la coopération et à la responsabilité collective. Et pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, elles sont peu "fusionnelles": l’individu, plutôt que de disparaître dans la masse, est valorisé, la diversité est perçue comme une richesse pour le groupe, le leadership est assuré, assumé - et admis - à tour de rôle. Cela va de pair avec une négociation continue pour clarifier et définir les rôles, les fonctions et en fin de compte, l’autorité et le pouvoir. La démarche est facilitée par le fait qu’on admet le besoin de chacun d’être reconnu pour ce qu’il est et ce qu’il fait, de donner et obtenir un feed-back pour les efforts investis, d’être soutenu dans ses prises de risques et lors de phases difficiles. Prendre ses responsabilités dans une équipe, ce n’est pas se fondre dans la masse, mais au contraire donner le meilleur de soi-même et aider autrui à faire de même.

La partie gauche du modèle - le versant collectif - traite des compétences. Evidemment, il appartient à chaque individu de développer ses compétences. Dans la logique d’une professionnalisation interactive, ce sont les compétences qui permettent de faire face à la complexité du système qui nous intéressent: savoir identifier et résoudre des problèmes, inventer des stratégies et démarches adéquates, etc. De telles compétences ne peuvent être acquises en travaillant tout seul: elles nécessitent une confrontation des stratégies, approches, techniques et modèles d’analyse, une expérimentation collective et enfin une vérification continue et interactive des effets obtenus.

Le défi consiste dès lors à rapprocher l’action commune et le développement de soi dans la spirale de la professionnalisation interactive (Gather Thurler, 1993 c) Depuis le début des années ‘80 , l’idée du développement scolaire comme processus continu à l’échelle de l’établissement avait déjà gagné du terrain. Il a cependant fallu une dizaine d’années, pour permettre de comprendre l’importance:

Depuis le début des années 1990, le discours sur la professionnalisation renforce l’idée de mettre les enseignants au centre même de leur propre développement. Or, ce processus ne peut avoir lieu individuellement, on ne se professionnalise pas tout seul, mais de manière interactive. Au contraire, la professionnalisation exige, de la part des enseignants, la capacité et la volonté de coopérer, pour une mise en commun des objectifs, pour une résolution commune des problèmes, pour une gestion commune des parcours de formation de leurs élèves, pour une construction commune du sens, pour une gestion commune des rapports avec les autorités et les instances externes.

Dans le cadre d’une coopération visant la professionnalisation interactive, on peut imaginer une large gamme de possibilités, allant de la forme la plus générale et banale (échanges ciblés, sur des sujets bien déterminés, pour donner et recevoir des idées et de l’aide) à la forme la plus spécifique et intensive, le travail en équipe. C’est évidemment sous cette deuxième forme qu’on aura les meilleures chances d’accélérer le processus de professionnalisation.

2.2 Le travail d’équipe comme source de professionnalisation

C’est en les faisant interagir, en rendant les enseignants partenaires et acteurs à part entière qu’on pourra accélérer le processus de professionnalisation. Telle était la thèse que j’avais formulée au début de cette deuxième partie. Malgré les difficultés que j’ai évoquées dans la première partie, je maintiens que le travail en équipe est une formule de base pour une professionnalisation interactive, telle qu’elle a été définie. Ceci pour plusieurs motifs.

 Facilité de travail et des échanges

La question des rythmes scolaires, par exemple, peut constituer un problème à résoudre pour toute une communauté scolaire, sur le plan local, régional ou national. Mais, même à l’intérieur d’une même ville, selon les quartiers, les problèmes varient. Les rythmes scolaires peuvent devenir l’occasion - je serais presque tentée de dire: le prétexte - d’une démarche de professionnalisation, menée conjointement par les autorités et les syndicats d’enseignants. Or, c’est à l’intérieur des équipes pédagogiques que les réels enjeux s’observeront, car on s’y demandera quelles démarches développer pour mieux maîtriser la grande variété d’aptitudes des élèves, comment tenir compte des divers rythmes de développement, quelle organisation et quelle structure choisir pour mieux répondre aux besoins des uns et des autres (horaires flexibles d’arrivée et de départ, journée interrompue ou continue, organisation par degrés ou par cycles, classes homogènes ou multi-âges), quel type de dialogue instaurer avec les parents et les autorités, vers quelle souplesse tendre quant aux modalités de réunion et d’horaires pratiquer, comment tenir compte du niveau socio-culturel des parents.

Toutes ces questions serviront de base à des échanges, à des réflexions sur les pratiques, à des essais, tant individuels que collectifs, à des évaluations, à des coopérations à tous les niveaux.

Culture commune et orchestration des habitus

A moyen et à long terme, le travail en équipe oblige à clarifier les objectifs, les valeurs, les croyances et les normes partagées et à identifier les divergences irréductibles. Il oblige ainsi à définir une culture commune et la faire évoluer dans le sens d’une plus forte orchestration des habitus (Gather Thurler & Perrenoud, 1991).

S’engager dans une démarche ouverte qui vise une réflexion continue sur les pratiques, qui exige l’engagement de chacune et de chacun, qui cultive la remise en question au lieu de s’enliser dans les routines agréables et sécurisantes, qui se donne les moyens de mieux coopérer et d’évaluer régulièrement son fonctionnement, est à la fois un signe et une source de professionnalisation. Les membres de l’équipe manifestent leur volonté et leur capacité de prendre leurs responsabilités face aux enfants qui leur sont confiés, mais aussi face à eux-mêmes, en n’acceptant pas de faire n’importe quoi. Ils témoignent de la sorte de l’estime qu’ils se portent mutuellement et qu’ils ont pour leur collègues. Cela correspond aux caractéristiques centrales d’une profession de haut niveau. En refusant que les autorités, les acteurs appartenant à la noosphère (chercheurs, formateurs, etc.) définissent les caractéristiques de la profession, fassent l’évaluation des pratiques et fassent la recherche à leur place, ils manifestent une autonomie et une maturité, mais aussi une conscience du métier qui permet d’échapper à toute emprise bureaucratique et technocratique, voire autoritaire et prescriptive, et qui facilite le développement personnel et collectif. La professionnalisation interactive, ainsi perçue, s’approche du niveau le plus élevé de fonctionnement des systèmes qui se transforment de manière à augmenter leur capacité d’apprendre à apprendre (Bonami, de Hennin et al., 1993). Ce qui nous amène au troisième volet:

Apprendre à apprendre

En travaillant en équipe, les enseignants assurent leur développement personnel: ils construisent de nouvelles procédures de résolution de problèmes et de prise de décision. Ils accroissent leur maîtrise.

En termes de professionnalisation, il faut viser un autre niveau d’apprentissage, celui que Bateson (1977) et les collaborateurs de l’école de Palo Alto situent au "deuxième niveau", et qui permet de maîtriser la relation. Il s’agit d’un aspect peu visible, mais d’une importance capitale, dans la mesure où il définit le sens que les partenaires de l’interaction accordent au contenu. En effet, il n’est guère utile d’introduire les exigences de la professionnalisation de manière prescriptive ou purement intellectuelle. Il ne se passera rien tant que les enseignants ne se seront pas approprié ces perspectives, au point de pouvoir les relier à ce qu’ils vivent et s’en servir pour donner du sens à leur cheminement.

Le travail en équipe offre le champ de dialogue et de réflexion nécessaire pour parvenir à de telles prises de conscience, pour aider à décoller le nez de sa propre réalité, pour se situer sur le plan métacognitif et faire émerger l’essentiel, indépendamment des turbulences quotidiennes en classe. Il permet ainsi d’apprendre à apprendre: ce qui compte vraiment, ce qui reste stable dans un monde d’incertitude et de complexité, ce qui vaut la peine d’être poursuivi et développé, ce qui fait s’engager, ce qui a du sens.

 

 En guise de conclusion...

 Pour établir le lien entre la coopération et la professionnalisation, je me suis centrée sur la population des enseignants: ce sont eux la cible prioritaire de ce processus. J’ai ainsi tenté de montrer dans la première partie que la coopération n’est pas une affaire simple, qu’il vaut mieux adopter une approche différenciée, ne pas coopérer à tout prix, mais plutôt à bon escient, savoir faire face aux résistances, obstacles et paradoxes pour être efficace. Que dans ces conditions, la coopération fait partie d’une profession à part entière.

A la question de savoir si la coopération favorise le processus de professionnalisation, j’ai répondu affirmativement, en insistant sur la nécessité a) que les enseignants s’approprient ce processus, au lieu de le laisser à autrui, b) que la professionnalisation soit menée de manière interactive, dans le but de renforcer le pouvoir des enseignants et de créer le carrefour nécessaire pour faire émerger une nouvelle culture professionnelle et pour donner du sens au processus en cours.

On peut alors se poser une question: la professionnalisation interactive est-elle l’affaire des enseignants uniquement? Le pouvoir organisateur a-t-il un rôle à jouer dans ce processus? Certainement. La professionnalisation interactive suppose un autre système de gestion que celui qui existe actuellement dans la plupart des systèmes scolaires. D’où une nouvelle question: comment professionnaliser les organisations éducatives en tant que systèmes complexes? Quelles méthodes d’incitation, quels dispositifs de régulation et d’accompagnement faut-il offrir aux enseignants et aux équipes pour qu’ils puissent mener à bien ce processus?

Il est intéressant de constater que dans beaucoup d’endroits, tant les autorités que les syndicats ont adopté le concept de la professionnalisation comme option de développement. Sauront-ils soutenir cette évolution en tenant compte de tous les niveaux, et en accordant l’attention et le soin nécessaires au développement professionnel des enseignants en cours d’emploi?

  

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