Publié in F. Vanetta (dir.) À proposito di qualità nella scuola. Atti del Seminario tenuto al Monte Verità, Ascona, il 5 e 6 dicembre 1996, Bellinzona : Ufficio studi e ricerche.


 

 

Manager ou développer la qualité de l’école ?

 

Monica Gather Thurler

1997


1. Le « management par la qualité » et l'école : avantages et limites

1.1 Quatre limites possibles

1.2 Les spécificités de fonctionnement des systèmes scolaires

2. Un système orienté vers l'apprentissage

2.1 Le refus de l'utopie

2.2 L'implication des acteurs

2.3 L'analyse des pratiques comme régulation banale

2.4 Concevoir la planification par scénario flexible

2.5 La prise en compte du rythme

2.6 Les moyens d'apprendre de soi-même

Conclusion

Bibliographie


Les systèmes scolaires se trouvent en mouvement. La plupart d’eux s’orientent vers un contrôle plus volontaire et explicite tant de l’efficience que de l’efficacité des pratiques et mettent en question le rôle et la fonction de l’autorité et des organigrammes existants. Cette mobilisation générale est largement motivée par la réalité économique qui pousse à rechercher de nouvelles modalités de gestion permettant d’améliorer la qualité, sans accroître, et si possible, en abaissant les coûts ou en les reportant sur les usagers ou les collectivités locales.

Plusieurs facteurs ont contribué à promouvoir la discussion sur le développement de la qualité dans les écoles. Parmi ceux-ci, les recherches sur les écoles efficaces (Aurin, 1991 ; Tillmann, 1994 ; Gray & Wilcox, 1995 ; Stoll & Fink, 1996 ; et al.) prennent une large place. Elles ont notamment mis en évidence l’importance des facteurs suivants : valeurs et culture communes, coopération et développement professionnels, orientation vers une meilleure formation de tous les élèves, organisation du travail scolaire qui offre plus d’intérêt et de sens pour tous les partenaires concernés.

Les mêmes recherches ont également montré que ces caractéristiques ne peuvent être imposées, mais se développent au sein des établissements, à condition que le système scolaire mette en place des stratégies d’incitation, des dispositifs d’accompagnement et de contrôle qui favorisent ce développement. La discussion concernant ces stratégies est souvent animée, dans la mesure où elle se heurte à des représentations, des attentes et des enjeux très divers.

A l’un des extrêmes, une certaine tendance (notamment défendue par les milieux politiques néo-libéraux) défend l’idée d’une privatisation des écoles , dans l’espoir que l’inévitable compétition contraindrait les moins bonnes à s’améliorer. Les données de recherche portant sur une comparaison entre les systèmes privatisés et les systèmes publics sont contradictoires et n’aboutissent pas à des conclusions claires. Dans les systèmes scolaires qui ont choisi de faire le pas vers une privatisation totale les conséquences semblent cependant être peu convaincantes. Alors que le transport des enfants pose déjà un problème de taille, il s’avère en outre que les parents de milieu défavorisés tendent à choisir l’école moins en raison de ses spécificités qu’en fonction de sa proximité. On imagine aisément les conséquences sur la composition des écoles selon les quartiers et selon les stratégies des familles appartenant aux milieux aisés.

En adoptant une voie médiane, la majorité des systèmes scolaires sont en train d’étudier les moyens et les stratégies pour mieux déléguer les pouvoirs de décision sur le plan local aux écoles. L’école semi-autonome, la teilautonome Schule  (Strittmatter, 1992 ; 1994 ; Dubs, 1996 ; et al.), le principe de la décentralisation sont en train de devenir une réalité dans de nombreux systèmes éducatifs. Alors que la gestion des finances et du budget global ainsi que le contrôle de la qualité du système continuent à être assurées et assumées par les autorités scolaires, les établissements devraient en principe accéder à davantage d’autonomie en ce qui concerne l’organisation du travail et du temps scolaire, l’aménagement du programme et le choix des méthodes pédagogiques, y compris les pratiques d’évaluation scolaire.

Nous ne disposons pas actuellement de données scientifiques qui permettent de confirmer l’hypothèse qu’une autonomie partielle des établissements scolaires garantirait de facto une meilleure qualité des prestations. Les premières expériences montrent que la mise en oeuvre de ce nouveau mode de gestion comporte également son lot de problèmes. D’une part, l’autonomie partielle n’est gérable qu’à la condition que les enseignants soient disposés à coopérer entre eux. La plupart des équipes pédagogiques ne possèdent cependant pas les outils (animation du travail en équipe, méthodes et stratégies de planification, de médiation et de prise de décision) leur permettant de faire un travail collectif efficace et satisfaisant. Il ne leur est pas facile de trouver le bon équilibre entre le développement d’une culture de coopération et l’amélioration individuelle des pratiques individuelles au sein de la classe. Par ailleurs se pose aux autorités scolaires la question de savoir comment résoudre un ensemble de dilemmes comme par exemple : rendre compatibles prise en compte de la diversité locale et cohérence des prestations ; remplacer les anciens concepts de contrôle et d’inspection par de nouveaux concepts (qualité, redevabilité, etc.) ; troquer les fausses certitudes et les effets de façade contre une culture de recherche, de confrontation, d’analyse et de feedback.

Conscients de ces difficultés et à la recherche de nouveaux modèles de gestion administrative plus appropriés, plus maniables et permettant de mieux maîtriser la relation moyens-effets, les divers systèmes scolaires s’inspirent des modèles du monde de l’économie et s’intéressent notamment aux propositions faites par le New Public Management (NPM) ou le Management total par la qualité. Dans certains cas, c’est le monde de l’économie lui-même qui prend les devants et oriente le débat politique sur les priorités de l’éducation et les modalités de son administration.

Les divers partenaires du système scolaire - et notamment les enseignants - réagissent plutôt vivement à ces tentatives. On observe à plusieurs endroits les risques d’une certaine polarisation entre les autorités scolaires et le corps enseignant. Tout en affirmant son engagement en faveur d’une constante amélioration de l’école, ce dernier est plutôt critique et réticent face à toute tentative externe qui viserait à modifier les habitudes de contrôle et de fonctionnement sans tenir compte des spécificités de la culture scolaire et de la profession des enseignants. Cette attitude est renforcée par la croyance solidement implantée que les aspects les plus exigeants d’un système scolaire efficace ne sont pas mesurables et que toutes les mesures prises pour améliorer la qualité ne seraient par conséquent réduites qu’à des interventions peu utiles dans la vie des écoles, exigeant des investissements sans rapport avec les priorités pédagogiques et menant, à moyen ou court terme, vers une gestion plus bureaucratisante, hiérarchisée et déshumanisante.

Par ailleurs, les divers acteurs - et je pense ici non seulement aux enseignants, mais également aux inspecteurs, directeurs et formateurs - se sentent souvent dépassés et irrités par la pléthore de nouveaux concepts, nouvelles terminologies et de slogans qui envahissent la littérature, les séminaires et les colloques ainsi que les débats liés à la réflexion sur la future politique scolaire. On entend ainsi, pêle-mêle, parler de low cost - high quality, valeur ajoutée, dérégulation, gestion par objectifs, cercles de qualité, benchmarking, best praxis, prestations adaptées aux besoins des clients, sans toujours bien connaître la signification de ces concepts, voire sans bien saisir leurs connotations, qui changent suivant le système dans lequel ils sont employés.

Cette inflation de nouveaux termes choque avant tout les puristes qui se demandent si l’initiation aux modes de pensée et d’action du monde de l’industrie et de l’entreprise privée représente vraiment le meilleur moyen d’assurer une plus grande efficacité de la gestion du système scolaire. Par ailleurs, l’origine anglo-saxonne de la plupart des termes et la difficulté de trouver une traduction correcte et fidèle à la connotation dans la langue d’origine de termes tels que accountability, coopérative leadership, empowerment, produisent des mécanismes de défense supplémentaires. On est notamment amené à se poser la question de savoir si certains concepts ne sont pas trop liés à leur contexte psycho-linguistique pour qu’on puisse les en extraire et les transplanter ailleurs. Le fait de les utiliser dans leur formulation d’origine, voire d’inventer de nouveaux mots, ne peut pas remplacer l’indispensable construction sociale de nouvelles représentations issues de l’intérieur - qui prend du temps.

Précisons cependant que cette habitude - manie pour certains - d’aller voir ailleurs, n’est pas nouvelle et a ses avantages. L’école s’est inspirée très largement, depuis le début du siècle, des théories, modèles et méthodes développés dans le domaine de l’économie. Des spécialistes de l’innovation et du développement scolaire tels que Lewin, Miles, Huberman, Fullan et al. n’ont jamais hésité à s’inspirer des connaissances construites et des outils développés dans le monde de l’économie pour enrichir leurs propres concepts, instruments d’analyse et d’intervention. D’autres auteurs tels que Crozier & Friedberg (1977), Katzenbach & Smith (1993), Argyris (1995) et al. qui travaillent habituellement dans d’autres domaines et analysent le fonctionnement des organisations, sont devenus depuis longtemps des références connues et reconnues. En traitant les systèmes scolaires comme des organisations parmi d’autres, ces auteurs ont mis en évidence les similitudes, mais aussi les différences de fonctionnement à partir desquelles il devient possible de mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement et de prise de décision, les enjeux stratégiques et de pouvoir qui caractérisent les unes et les autres.

Notons également qu’un des mérites des auteurs que nous venons de citer consiste à avoir su adapter et transposer les données et les concepts venant du monde de l’économie et du monde de l’entreprise aux exigences et particularités du système scolaire. Nous devrons investir des efforts semblables pour assurer une traduction des nouveaux concepts par rapport au contexte scolaire existant, dans le but de les apprivoiser, de prendre conscience des incompatibilités, d’éviter que de trop grands décalages ne parviennent à les vider de leur force et de leur pertinence éventuelles.

J’ai construit cet article dans le but d’offrir une contribution à cette réflexion. Dans la première partie, je tenterai de clarifier le concept du " management par la qualité ". J’évoquerai et discuterai quelques-unes de ses limites en ce qui concerne sa transposition pure et simple au domaine scolaire. Dans la deuxième partie, je tenterai de relier le concept de qualité à l’idée d’une organisation, d’un système qui apprend.

 1. Le «management par la qualité» et l’école :
avantages et limites

Les définitions du concept du " management par la qualité " varient selon les auteurs et selon les institutions qui l’emploient. Tous y projettent cependant de manière constante les attentes et les exigences suivantes :

Les systèmes qui adoptent le principe du management par la qualité différencient, combinent, voire superposent deux approches. D’une part, on trouve l’Assurance de qualité, qui se limite à la collecte et à l’analyse des données (sous forme d’audits confiées à des tiers et à rendre les résultats de ces analyses accessibles aux acteurs du système), afin de faciliter, affiner et améliorer les processus de décision et de régulation.

D’autre part, on trouve le Total quality management. Les institutions qui l’adoptent le font dans le sens d’une philosophie de gestion visant à améliorer de manière globale la qualité et l’efficacité de l’entreprise, en fonction des caractéristiques suivantes :

1. La manière de penser et d’agir des collaboratrices et collaborateurs est globalement orientée vers une vision commune, les amenant ainsi à adopter une démarche stratégie concertée de mise en oeuvre.

2. L’action est essentiellement centrée sur les « clients ».

3. Elle évolue vers une institution qui est clairement dirigée, à l’intérieur de laquelle le développement constant est garanti par des équipes de professionnels qui collaborent et se dotent de visions communes. Le Total quality management déplace le centre du contrôle (locus of control) de l’extérieur vers l’intérieur, responsabilise les individus voire les collectifs par rapport à la production, les motive à s’assurer que leurs prestations tendent vers un niveau de qualité optimal.

4. La politique de gestion du système entier est définie par des finalités communes. A partir d’elles les subdivisions déterminent des objectifs spécifiques, ainsi que des effets clairement atteignables et mesurables.

5. La direction se dote d’outils et d’instruments permettant de contrôler la variation des résultats obtenus par rapport aux objectifs définis et permettant d’introduire les régulations nécessaires pour améliorer la qualité de la totalité du système en fonction des trois variables suivantes :

6. L’évaluation est perçue et conçue comme outil privilégié pour garantir une gestion de qualité. L’objectif consiste à se donner les moyens de détecter les erreurs de fonctionnement et d’entreprendre les régulations nécessaires avant que les dysfonctionnements puissent nuire au système. En adoptant une perspective systémique et en combinant évaluation formative interne et externe dans une perspective formative (voir chap. 3), cette démarche vise à impliquer l’ensemble des acteurs et à améliorer les méthodes de gestion à tous les niveaux.

La plupart des systèmes politiques actuels partent de l’idée que la nouvelle conception de la gestion de l’administration publique fondée sur des considérations économiques, d’efficience et d’efficacité peut être transposée à l’ensemble de ses secteurs - dont l’école. Ils espèrent qu’une réorganisation de l’administration scolaire selon les principes du New Public Management contribue à réduire ses lourdeurs bureaucratiques et permette d’introduire des procédures de contrôle et de gestion plus directes et plus efficaces.

Les « fans inconditionnels  »- pour la plupart les directeurs d’établissement et gestionnaires ayant été formés dans les écoles d’administration - plaident pour une introduction rapide de ces méthodes qui leur semblent plus attrayantes et innovantes que les méthodes " anciennes ". Les « sceptiques et récalcitrants » - qui se recrutent au sein du corps enseignant, mais également parmi les cadres intermédiaires et les spécialistes des sciences de l’éducation - se référent aux valeurs traditionnelles et pédagogiques du système scolaire, refusent que celui-ci soit géré avec des méthodes qui s’appliquent, à leur avis, plus facilement à des chaînes de production qu’à des processus de pensée et à la construction des savoirs.

Il est vrai que la coïncidence de l’introduction de ces mesures avec l’actuelle conjoncture économique et ses restrictions les empêche de percevoir et d’admettre qu’une certaine partie des orientations suggérées correspondent à leurs propres revendications, poursuivent en grande partie les mêmes objectifs que les nouvelles approches pédagogiques auxquels ils adhèrent. L’idée des écoles autonomes et la démarche du projet d’établissement correspondent par ailleurs tant aux revendications des associations des enseignants, qu’aux exigences du New Public Management : les écoles sont appelées à déposer un projet qui correspond aux plan-cadre défini par les autorités politiques et à faire régulièrement le bilan de leur progression. En revanche, elles reçoivent davantage de liberté de décision au sein de l’établissement, des franchises et des ressources leur permettant de réaliser leurs objectifs.

Sans doute serait-il utile de prendre une par une les mesures proposées en les analysant par rapport à leur pertinence et leur transférabilité au système scolaire. On s’apercevrait ainsi que chacune d’elles n’est pas forcément " antipédagogique ". Mais on s’apercevrait aussi que tous les aspects des nouvelles pédagogiques ne sont pas nécessairement compatibles avec le New Public Management. Etant donné l’insistance - et l’impatience - avec laquelle les autorités semblent vouloir avancer dans la mise en oeuvre des nouveaux principes de gestion, il sera sans doute possible d’ici peu d’aller au-delà de l’analyse théorique et de vérifier empiriquement les effets sur le terrain.

En attendant, je plaiderais pour une attitude plus nuancée : au lieu d’un rejet catégorique ou d’une adhésion pure et simple, pourquoi ne pas simplement prendre conscience et tenir compte des limites des principes du management par la qualité ?

1.1 Quatre limites possibles

En acceptant que les principes du management de qualité puissent être des pistes de pensée utiles et malléables, quels sont donc leurs limites face aux spécificités du fonctionnement tant de l’ensemble du système scolaire que de ses sous-systèmes ?

Limite Nº 1 : Les processus d’apprentissage ne sont pas identiques aux processus de production dans le monde de l’entreprise.

Le management par la qualité part de l’idée qu’il existe un processus défini voire définissable d’avance qui permet de concevoir et de réaliser un produit de qualité en fonction des besoins du client. Par conséquent, le contrôle de qualité est défini comme une procédure qui compare le produit avec des standards définis d’avance. Le processus de production se déroule indépendamment du client, qui reçoit un produit déterminé (et qui paye pour ce produit). La satisfaction du client par rapport au produit est un signe de succès.

Or, n’importe quel processus d’apprentissage ne peut pas être déclenché et ensuite géré à condition d’opérationnaliser les objectifs. Cette manière entrepreneuriale de concevoir le processus de production n’est guère transposable à la culture scolaire, ni à la manière dont les élèves apprennent, ni à la manière de laquelle le système scolaire apprend et se développe. Selon Sztjan (1992), qui caractérise la réalité scolaire comme un monde d’artisans coopérants, elle ne correspond surtout pas à la complexité de la réalité scolaire pour les raisons suivantes :

 

Limite Nº 2 : La tradition et la culture scolaire, son imperméabilité face à toute critique tant externe qu’interne.

Diverses recherches sur le métier d’enseignant et sur les cultures professionnelles (etc.) ont mis en évidence l’isolement des enseignants, la résistance qu’ils mobilisent face à toute ingérence tant interne qu’externe (Huberman, 1988 ; 1991 ; Gather Thurler, 1994b ; 1996a, b ; Fullan & Miles ; 1992, et al.). Alors que l’isolement est souvent décrit par les enseignants comme un poids insupportable, alors qu’ils sont toujours davantage demandeurs d’aide et de soutien, toute pression en faveur d’une mise à plat des pratiques est d’emblée vécue comme une invasion inadmissible dans la sphère intime tant des individus que des collectivités. Cette attitude est d’une part liée à une vision profondément enracinée du métier (culture de l’individualisme, la liberté du " professionnel "). D’autre part, elle s’explique probablement par un mécanisme de défense naturel et nécessaire, mis en place par les enseignants pour se protéger contre le stress. Le quotidien de l’enseignant est caractérisé par une multitude d’exigences :

Le titre du dernier livre de Perrenoud (1996) Agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude  résume cette complexité de manière significative. L’ensemble des exigences - réelles et/ou imaginaires - produisent du stress, laissent peu de temps à la réflexion, à une remise en cause des pratiques individuelles et collectives, voire à un travail permettant de constamment réviser la vision du métier en se recentrant sur l’essentiel. Face à cette réalité d’une profession qui les oblige à résoudre quotidiennement des tâches qui maintiennent le statu quo, la planification à moyen et à long terme, la réflexion sur les pratiques, l’évaluation et d’autres exigences liées aux processus de changement du système scolaire mettent la plupart des enseignants en difficulté.

Toute tentative externe et imposée - aussi outillée soit-elle - de les confronter à leur dysfonctionnement, de s’expliquer quant à leur décalage par rapport aux objectifs de l’institution (voire même par rapport à leurs propres objectifs), rencontrera inévitablement du scepticisme et du refus. Par contre, il semblerait intéressant de construire sur les besoins que les enseignants eux-mêmes manifestent d’être suivis, d’avoir des interlocuteurs, d’obtenir une certaine reconnaissance de leurs investissements.

Limite Nº 3 : L’école n’est pas naturellement portée vers une culture de l’évaluation.

C’est une limite qui n’est pas facile à comprendre dans la mesure où l’évaluation (… des élèves !) représente une grande partie des pratiques et rituels scolaires d’une école ;« sérieuse » et centrée sur un enseignement de qualité. Très peu de systèmes scolaires sont cependant parvenus à introduire des méthodes d’évaluation qui développent et facilitent l’auto-évaluation de l’ensemble de acteurs (enseignants et directeurs, inspecteurs, maîtres principaux), permettant de faire un bilan critique des compétences. Les systèmes scolaires sont rares où il existe des lieux qui permettent aux divers acteurs de discuter de leurs forces et faiblesses.

En somme, on peut parler d’une culture de l’évaluation là où tous les acteurs de l’école l’utilisent comme un véritable instrument de travail pour avancer, pour permettre à chacun de développer ses compétences et de progresser. Lorsque les sanctions menacent, l’évaluation amène inévitablement les divers acteurs à développer des stratégies de défense : ils cherchent à faire « bonne figure », développent de multiples esquives face aux questions dérangeantes (Argyris, 1995), cherchent le coupable ailleurs, mettent en question la capacité d’autrui de juger leur manière d’enseigner, voire refusent tout simplement que quiconque vienne se mêler de leurs affaires.

Introduire une culture de l’évaluation représente une transformation de la culture professionnelle au sein de l’école et touche par conséquent à la nature même du métier. L’introduction d’une évaluation interne est donc impensable sans une stratégie d’innovation convaincante qui tienne compte des particularités du système éducatif. Ceci nous amène à discuter d’une dernière limite. 

Limite Nº 4 : L’école ne peut pas être gérée de la même manière que n’importe quelle autre organisation de production, voire de prestations.

L’école sera sans doute amenée à mettre en exergue sa particularité, à formuler ses besoins spécifiques, tant pédagogiques que structurelles qui échappent en partie aux notions de production. L’école ne produit pas de meilleurs apprentissages, voire une diminution des taux d’échec en purement modifiant ses prestations ou en modifiant ses objectifs. En même temps, elle ne pourra pas échapper au processus en cours qui consiste à interroger de manière plus pointue les rapports entre ses choix pédagogiques, les compétences de ses acteurs et le niveau de formation atteint par ses élèves.

Au sein de ce processus, il sera bien entendu important d’éviter les deux extrêmes. Du côté de l’école, on évitera de développer des modèles pédagogiques et de formation avant-gardistes sans tenir compte des exigences en termes de coût, sans se reférer aux nouvelles théories de la gestion des systèmes et sans accepter qu’en fin de compte la responsabilité idéologique et administrative appartient aux autorités politiques. Du côté des autorités scolaires, on évitera d’appliquer des modèles d’administration scolaire purement rationnels et dictés par les exigences économiques du moment, sans tenir compte des nouveaux modèles pédagogiques.

1.2 Les spécificités de fonctionnement des systèmes scolaires

Le système scolaire, en tant qu’organisation, n’est pas comparable avec n’importe quelle autre organisation de production ou de prestations. En admettant comme premier principe de réflexion que les caractéristiques des finalités et la connaissance des processus de production constituent des facteurs-clé permettant de comprendre le fonctionnement d’une organisation, il faut adopter un deuxième principe, consistant à examiner la compatibilité, voire l’incompatibilité entre la structure organisationnelles et les procédures de gestion.

Le management par la qualité se réfère à une organisation capable de se donner des finalités univoques et partagées. C’est possible au sein d’un modèle de production fondé sur des objectifs quantifiables, sur des technologies de production et des pratiques ayant fait leurs preuves, qui sont bien connues et maîtrisées par tous les acteurs du système. Une telle organisation a constamment recours à la planification et à l’évaluation à court et à long terme pour assurer la qualité de ses processus de production. Pour ce type d’organisation, répondre à l’exigence d’une plus grande efficience consiste avant tout à mieux mettre en évidence et à mettre en évidence les objectifs, à mieux exploiter les technologies en place et à mieux former le personnel.

L’école ne fonctionne pas de cette manière. Premièrement, ses finalités sont peu claires, voire soumises à contradiction. Il suffit de mettre dans une salle un groupe de personnes d’appartenance différente (représentants des autorités, formateurs, chercheurs, parents, enseignants) et de leur donner la tâche de définir les finalités du système scolaire - et les ennuis commencent. Entre ceux qui argumentent en faveur d’une école plus équitable se donnant les moyens nécessaires pour lutter contre l’échec scolaire, ceux qui argumentent pour la réussite de tous les élèves (nuance !) et enfin, ceux qui sont ni pour ni contre, les accords seront difficiles à trouver. Dans un tel contexte, toute tentative de trancher est d’emblée interprétée comme tentative de manipulation, de prise de pouvoir et condamnée à avorter. Les diverses parties ont de la difficulté à vraiment rester objectives ; d’où leur tendance à utiliser et à interpréter toute donnée - qu’il s’agisse d’un texte d’orientation, d’un rapport d’évaluation, d’une étude prospective - à des fins stratégiques, provocatrices voire manipulatrices.

C’est probablement une des raisons pour lesquelles les finalités des systèmes scolaires sont généralement définies en termes vagues et diffus. Elles représentent une sorte de " plan-cadre " qui invite les divers partenaires à imaginer et à mettre en place les aménagements selon les différents contextes. Or, la plupart des modèles d’évaluation exigent des objectifs univoques et observables. Conscients de cette contradiction, les autorités politiques invitent les écoles à éfinir des objectifs clairs et mesurables permettant d’introduire des procédures de contrôle et d’assurance de la qualité sur le plan local. Si l’on prend par exemple les paramètres performances et acquis des élèves, l’obligation de définir des objectifs mesurables amène les écoles à définir et à évaluer des objectifs facilement opérationnalisables - souvent fragmentés et triviaux - et à exclure les objectifs de haut niveau qui permettront aux élèves à trouver leur place dans la vie professionnelle et sociale future.

Les effets pervers de cette démarche sont multiples et bien connus. Du côté de la classe, la majorité des enseignants se voient obligés d’investir beaucoup de temps pour préparer leurs élèves aux examens portant sur des contenus pointus s’ils ne veulent pas prendre le risque de les voir échouer et de se voir considérés comme des enseignants incompétents. Du côté de l’établissement, on peut s’attendre à des effets semblables. Il existe bien un savoir partagé en ce qui concerne les stratégies d’enseignement et d’apprentissage efficaces et pointues, mais le succès dépend de bien d’autres facteurs dont la configuration varie d’un établissement à l’autre. Les configurations des établissements « efficaces » - qui se caractérisent par leur capacité d’améliorer sans cesse le niveau d’apprentissage tant des enseignants que des élèves - témoignent d’une grande flexibilité ; elles sont continuellement adaptées au contexte et aux spécificités socio-culturelles locales . Elles sont en général fondées sur des concepts-clé comme confiance, apprentissage, évolution et coopération. Les acteurs sont centrés sur des processus de développement, à partir desquels ils tentent de dégager les éléments nécessaires pour mieux savoir comment atteindre la situation visée (qui a été longuement négociée). Il existe un réseau de soutien mutuel à l’intérieur duquel un certain nombre de personnes possèdent suffisamment d’énergie - voire de foi dans l’entreprise - pour maintenir le mouvement, pour faire évoluer les représentations et les pratiques. Un tel établissement considérera l’évaluation comme un des moyens par excellence pour produire des informations qui permettront de prendre les décisions en vue des prochaines étapes du développement. L’enjeu principal consiste à impliquer tous les partenaires dans le processus d’évaluation, d’analyse des données et de la planification, dans le but d’apprendre à mieux comprendre et à réguler les processus. Toute tentative d’introduire et de généraliser des mécanismes de contrôle à l’intérieur du système scolaire sans tenir compte de cet enjeu sera d’avance vouée à l’échec, produira uniquement des effets superficiels, sinon pervers (Gather Thurler, 1994a).

Cette mise en garde contre la tentation de recourir au management par la qualité en termes « technicistes », ne veut cependant pas dire qu’il faut renoncer à toute démarche de ce genre. Elle renvoie par contre à la prise de conscience qu’il n’est pas possible de développer la qualité de l’école en s’enfermant dans une vision rationnalisante et dogmatique, sans tenir compte de la culture scolaire existante, sans chercher les leviers efficaces permettant en premier lieu de modifier cette culture.

La totalité des systèmes scolaires actuels sont ainsi à la recherche de modèles de gestion qui permettent de substituer progressivement la vision traditionnelle, bureaucratique et hiérarchique de l’administration par une approche mieux adaptée aux besoins d’efficacité et de qualité. Suivant leur tradition politique, leur compréhension des modèles de pensée produits par les divers courants de pensée, les décideurs adopteront telle ou telle démarche. Face à la complexité croissante des problèmes qui émergent, il est fort probable qu’ils accorderont leur préférence à des modèles offrant, par leur vision rationnelle et pragmatique, des outils des gestion qui donnent l’espoir de pouvoir mieux maîtriser cette complexité à court et à moyen terme.

Notons d’emblée que les sciences de l’éducation ne sont pas d’une grande aide pour ceux qui chercheraient des arguments en faveur de telle ou telle approche. En effet, les rares études d’impact dont on dispose ont produit des résultats plutôt contradictoires, peu validés et par conséquent peu généralisables.

Il semblerait ainsi que ni les techniques de controlling consistant à d’imposer des échéances, voire des objectifs et standards externes (external benchmarking etc.) et de contrôler les effets, ni les systèmes d’incitation (certification, salaire au mérite, etc.) n’aient permis d’atteindre les résultats espérés. Leur défaut principal consiste à réduire le système de contrôle au mesurable (utilisation correcte du budget, respect des horaires, absences des enseignants et des élèves, statistiques habituelles, etc.) sans vraiment réussir à parvenir au contrôle des objectifs pédagogiques qui comptent (par exemple : familiarisation des enseignants avec les nouvelles approches didactiques, compétence dans l’animation des processus de prise de décision, etc.).

Il existe par ailleurs une série d’études qui établissent une relation étroite entre la qualité de prestation et la motivation des enseignants, leur plaisir professionnel. Il semblerait ainsi que les résultats des élèves figurent parmi les facteurs les plus motivants. En effet, Louis, Marks et al. (1995) ; Odden & Protsik (1996) et al. ont trouvé des corrélations élevées entre l’investissement des enseignants dans le processus de changement et la mise en évidence des progrès de leurs élèves (voir section 2.2).

Parmi les autres facteurs fortement mobilisateurs sont évoqués : les objectifs d’enseignement définis en commun et produisant des effets clairement observables du côté des élèves (Rosenholtz, 1989 ; Wohlstetter & Smyer, 1994) ; le partage du pouvoir de décision en matière de développement scolaire (Shedd & Bacharach, 1991 ; Mohrmann & Lawler, 1995) ; les dispositifs de formation professionnelle continue qui mettent l’accent sur l’analyse des pratiques (Darling-Hammond & Mc Laughlin, 1995). Alors que les systèmes fonctionnant selon le salaire au mérite et centrés sur une évaluation de l’enseignement produisent des effets faibles sur la motivation des enseignants (Odden, 1996), les systèmes favorisant une évaluation plus globale centrée sur les compétences semblent produire des effets mobilisateurs satisfaisants (Darling-Hammond, 1995). Les effets semblent être particulièrement visibles dans les systèmes qui combinent approche par établissement, formation professionnelle continue et redéfinition des plans d’études (Odden & Protsik, 1996).

Ces résultats ont amené un certain nombre d’auteurs travaillant en collaboration étroite avec le secteur de la gestion à produire des variantes du New Public Management plus nuancés et mieux adaptés au contexte scolaire, (par exemple le New School Management de Dubs, 1996 ; l’accent mis par Liket (1993) sur Liberté et responsabilité ; le projet Ecoles à profile du canton de Lucerne qui combine de manière remarquable le développement scolaire avec les principes du New Public Management, le modèle d’action de Marbach élaboré par la Fondation Jacobs, etc.). La question se pose dès lors de savoir dans quelle mesure le paradigme administratif  auquel invitent dans une certaine mesure les approches du Total Quality Management ne gagnerait pas à s’ouvrir davantage aux spécificités et aux valeurs intrinsèques de l’école en tant que système qui apprend et se développe.

2. Un système orienté vers l’apprentissage

Un système qui apprend se considère comme composé de parties interdépendantes capables de fonctionner dans une parfaite alternance entre indépendance et dépendance. Alors que la " dépendance " est liée à la culture commune, l’indépendance s’observe sur le plan de la capacité - et de la volonté - de chacune des parties d’afficher et de maintenir sa manière propre de penser et d’agir au sein d’un système de valeurs reconnu par l’ensemble des acteurs du système. Selon Weick (1985), Peters (1989) et al., un système scolaire qui apprend est capable d’intégrer tant les ressemblances que les différences, il favorise la congruence systémique (Holly (1991) et s’oppose à toute approche autoritaire ou totalitaire.

Dans le même sens, Senge (1990) plaide en faveur de la force de la « metanoia ». Celle-ci résulte de la capacité des acteurs d’agir de manière systématique et de favoriser la mise en synergie des ressources du système, à savoir : les compétences professionnelles, la capacité de changer de modèle de pensée, la construction de vision communes et l’apprentissage collectif. C’est la pensée systémique qui est responsable du pouvoir intégratif qui caractérise les systèmes ou les organisations qui apprennent. Un système scolaire qui apprend - qu’il s’agisse du système scolaire d’un pays, d’une région, d’un canton ou d’un bâtiment scolaire, ou encore d’une salle de classe - est par conséquent un système qui s’organise de manière à pouvoir apprendre. Un tel système est constamment en train d’évaluer sa progression ; il se parle constamment à soi-même et s’organise pour recevoir des feed-back concernant ses sous-ensembles (voir figure ci-dessous) :

Figure 2.1 :
L’exigence de cohérence au sein d’un système qui apprend

 

Mettre l’apprentissage au centre des préoccupations communes peut paraître une banalité en soi. Et pourtant, il est frappant que d’importantes réformes engagées dans divers pays adoptent cette démarche de manière très explicite. Le rapport produit par la commission ministérielle de la Nord-Westphalie intitulé Avenir de la formation - école de l’avenir  parle par exemple d’une Maison pour apprendre. Par ailleurs, les recherches menées dans le cadre du réseau des " écoles efficaces " insistent sur les efforts systématiques et soutenus investis dans le but de modifier les conditions d’apprentissages…. dans une ou plusieurs écoles….  (van Velzen et al., 1985, rapport du Projet international ISIP).

Un système scolaire, une école qui apprend (se) pose constamment des questions, réfléchit, cherche des solutions, est centré sur la régulation inter- et pro-active. Dans le cadre du congrès de la SSRE d’Einsiedeln en 1990, nous avions, avec Philippe Perrenoud, formulé à ce sujet les thèses suivantes :

Je souhaiterais compléter cette liste en y ajoutant quelques caractéristiques supplémentaires.

2.1 Le refus de l’utopie

L’école apprend lorsqu’elle refuse l’utopie gratuite et rapporte l’idéal à l’état actuel du savoir et des pratiques. Il n’est guère possible d’envisager le changement, de construire des visions sans faire l’état des lieux, sans repérer tant les acquis que les lacunes. Il faut en somme accéder à une compréhension approfondie de la culture scolaire en place, des forces qu’il est indispensable de maîtriser pour mettre en oeuvre le changement, pour permettre à l’organisation apprenante d’accroître sa capacité de construire son propre avenir.

Il est par exemple important qu’une école puisse faire le bilan de son fonctionnement, de ses acquis et de décider ensuite de l’orientation des prochaines trois ou quatre années. Ces décisions peuvent être « modestes » (thème commun de formation continue, modification du statut des devoirs à domicile, etc.), centrées sur un domaine (modification des pratiques d’évaluation ; approfondissement de tel ou tel domaine didactique), voire orientées vers une profonde modification de l’organisation du travail (introduction des cycles, de l’enseignement modulaire, de l’enseignement bilingue, etc.). Ce qui importe, c’est qu’aucune de des décisions ne soit prise sans analyser ses effets sur l’ensemble du système.

2.2 L’implication des acteurs

L’école apprend lorsqu’elle parvient à donner à tous les acteurs assez de pouvoir pour qu’ils se sentent responsables du changement. Empowerment : il est difficile de trouver un terme de la langue française qui corresponde directement à ce concept anglo-saxon qui commence à être récurrent dans la littérature sur le changement. Il décrit le processus grâce auquel une partie du pouvoir de décision et de l’action est transférée aux partenaires concernés. En d’autres mots : puisqu’il appartient aux enseignants d’enseigner et de faire apprendre les élèves, il paraît légitime qu’on leur reconnaisse la compétence professionnelle nécessaire et qu’on leur accorde par conséquent davantage d’autonomie et compétence professionnelle pour faire leur travail.

Dans un certain sens, le postulat de l’empowerment représente l’antithèse de la bureaucratie, de la vision hiérarchique, doctrinaire et unilatérale. Il défend la valeur de la concertation, de la participation, de l’ouverture et de la flexibilité. Il met l’accent sur l’apprentissage et, avant tout, sur l’internalisation et l’appropriation du processus du changement par les principaux acteurs concernés, les enseignants (Holly, 1990 ; Fullan, 1991, etc.). Il défend l’idée de la professionnalisation interactive (Gather Thurler, 1996a).

En d’autres mots : il ne suffit pas que quelques enseignants militants, qu’une ou deux écoles d’avant-garde, voire qu’un groupe de tâche - même explicitement désigné par l’ensemble du système - s’agite pour qu’un système scolaire devienne plus efficace. Il ne suffit pas non plus que le sommet conçoive le changement, développe des stratégies pour assurer la qualité ou conçoive des systèmes d’évaluation sophistiqués et oblige ensuite le reste du système à les adopter ou de les mettre en oeuvre.

Les enseignants doivent être motivés et intéressés pour changer. En d’autres paroles, ils doivent avoir la volonté de faire réussir le changement, de s’impliquer pour « faire la différence ». Cette volonté ne naîtra qu’à condition d’augmenter leur pouvoir. Rosenholtz (1989) a montré que l’optimisme, l’espoir et l’engagement des enseignants sont associés aux caractéristiques d’un lieu de travail qui leur donne l’impression qu’ils sont professionnellement investis de pouvoir. Louis & Miles (1990) définissent cinq stratégies pour impliquer les enseignants dans le processus du changement : partage du pouvoir ; récompenses pour l’équipe ; ouverture et appartenance ; extension des rôles de leadership ; patience.

Louis, Marks et al. (1995) montrent dans le cadre d’une importante recherche menée sur les effets produits par un projet impliquant une soixantaine d’établissements nord-américains dans un processus d’innovation, qu’il existe un lien étroit entre l’empowerment des enseignants et le niveau de compétence atteint par les élève (voir fig. 2.2 page suivante). Selon ces auteurs, ce n’est qu’à condition d’accorder aux enseignants concernés une réelle influence sur le processus en cours - y compris sur les priorités et les modalités de la mise en oeuvre du changement - qu’ils s’engageront progressivement à assumer collectivement la responsabilité de la qualité de l’apprentissage de leurs élèves, qu’ils seront prêts à coopérer, à travailler à la cohérence et à l’authenticité du dispositif pédagogique.

Fig. 2.2 : Empowerment des enseignants
et effets sur l’apprentissage des élèves


Traduit et adapté de
Louis, Kruse et Marks (1996) par M. Gather Thurler

 

2.3 L’analyse des pratiques comme régulation banale

L’école apprend lorsque la posture du praticien est banale, lorsque l’analyse des pratiques et des fonctionnements est au principe de toute régulation. Depuis les travaux de Schön (1983 ; 1987 ; 1991) nous connaissons l’importance de la réflexion sur et dans l’action. Au centre de cette approche se trouve le droit que s’accorde le système scolaire, le droit qu’il accorde à ses membres, de manifester des sentiments de surprise, de curiosité voire de confusion face à des situations nouvelles voire problématiques auxquelles confronte sans cesse la pratique quotidienne. S’y trouve également le droit de prendre du recul pour réfléchir sur les phénomènes auxquels se trouvent confrontés les praticiens, de mettre en question les représentations qui ont, jusqu’à présent, guidé l’action des uns et des autres. Lorsque les enseignants se mettent à réfléchir sur leurs pratiques, ils deviennent « chercheurs » au sein de leur pratique. Ils prennent de la distance par rapport aux catégories habituelles de pensée, par rapport aux routines défensives qui émergent dès qu’ils se trouvent confronté à des situations qu’ils ont peur de ne pas savoir maîtriser.

2.4 Concevoir la planification par scénario flexible

L’école apprend lorsqu’au lieu d’investir de l’énergie sur une planification détaillée et parfaite, celle-ci est investie dans une planification plus souple et évolutive. En regardant du côté de la classe, on observe par exemple qu’une grande partie de l’action pédagogique des enseignants est encore guidée par la croyance qu’une planification détaillée est nécessaire voire possible. La popularité des plans de travail, les pratiques d’évaluation centrées sur des objectifs ponctuels, l’adhésion aux séquences didactiques traditionnelles sont significatives : on utilise la planification davantage pour maîtriser la situation, pour éviter les imprévus, pour établir d’avance le déroulement des apprentissages, que pour construire des champs d’observation.

Sur le plan de la gestion de l’établissement, c’est pareil. La fragilité de la cohésion au sein des équipes, la réticence à accepter un véritable leadership, la peur de la perte de maîtrise amènent les équipes pédagogiques à accorder la préférence à une planification qui est centrée sur la production d’effets ponctuels davantage que sur la production d’éléments permettant d’analyser les fonctionnements, voire les dysfonctionnements, l’organisation du travail etc. Lorsqu’elles se donnent ce droit, elles rencontrent une certaine difficulté à rendre compatibles la réflexion sur le processus et l’obligation d’atteindre des buts fixés, à rendre lisibles les effets obtenus, à produire les éléments qui leur permettront de rendre compte. Du côté des autorités, on observe les mêmes difficultés.

Louis & Miles (1990) confirment l’importance d’une bonne planification pour le changement, mais ils rendent cependant attentif au fait qu’à cause des pressions constantes et très diverses ou à cause des désaccords internes quant aux priorités, aucun plan ne restera longtemps en place. Dans les écoles étudiées par ces auteurs, la planification était en constante évolution, présentait beaucoup de  « zigzags » selon les événements inattendus qui obstruaient le cheminement  (pp. 193). Il s’avère par ailleurs que cette difficulté de s’en tenir à une planification détaillée n’est pas propre à l’école mais s’observe dans la majorité des organisations humaines, y compris le monde de l’entreprise. Il semblerait qu’une orientation vers le learning by doing  (Kanter, 1989) vers une planification évolutive centrée sur l’analyse continue de l’appris soit plus favorable aux besoins du développement de la qualité de l’école qu’une planification détaillée. La plupart des écoles ayant le mieux réussi la mise en oeuvre de leur projet ont investi beaucoup de temps dans la planification évolutive, de même que dans le développement d’une culture de coopération professionnelle.

2.5 La prise en compte du rythme

Une école apprend lorsqu’elle tient compte des rythmes en présence. Selon Senge (1990), tous les systèmes, qu’il s’agisse d’écosystèmes, d’animaux ou d’organisations, possèdent des rythmes de développement propres, intrinsèquement optimaux. Le rythme de développement optimal est bien inférieur au rythme le plus rapide possible. Lorsque le développement devient excessif… le système aura tendance à réagir en ralentissant, peut-être même au risque de mettre en jeu sa propre survie.

Une organisation apprenante sait doser les exigences, sait déterminer les zones de proche développement tant sur le plan individuel que collectif. Elle sera notamment sensible à la quantité d’efforts qu’elle est en droit d’exiger de la part des divers acteurs, évitera d’induire les réactions de défense habituelles : faux-semblant, discussion pour la discussion, activisme gratuit, faire du neuf avec du vieux, rejet…

En conséquent, elle investit de l’énergie pour développer de nouveaux scénarios, de nouvelles structures qui favorisent tant la progression des individus que l’évolution des collectifs. La réflexion actuellement en cours en Suisse Romande en ce qui concerne la réorganisation de l’école primaire selon les cycles, la restructuration sur le plan fédéral de la formation des apprentis en fonction de modules de formation, la remise en question des dispositifs de formation continue des enseignants vont dans ce sens.

2.6 Les moyens d’apprendre de soi-même

On sait que les organisations qui apprennent le font à partir de leurs propres expériences. Or, au sein de l’école, on ne se donne pas toujours les moyens d’apprendre à partir de ses expériences. Bien que les équipes pédagogiques aient besoin d’apports externes, elles doivent cependant résister aux tentatives externes de réaliser le changement à leur place, se convaincre qu’elles ne progresseront qu’à force de mieux se connaître, de mieux analyser leur fonctionnement, de mieux définir leurs problèmes et de trouver les solutions adéquates, locales, de cesser de rendre les éléments externes responsables des difficultés rencontrées.

Une équipe pédagogique invitée à produire un maximum d’apprentissages auprès d’un maximum d’élèves, mais libre de le faire sans aucune prescription en ce qui concerne les moyens d’enseignement, les structures, la gestion du temps, la modalité de l’évaluation des élèves etc., sera amenée à rendre compte de son succès, voire de ses problèmes, autrement qu’une équipe pédagogique à laquelle on a imposé la plus grande partie des solutions. Elle devra assumer la responsabilité de la majorité de ses prises de décision et apprendra d’autant plus rapidement qu’elle prendra conscience de l’impact des décisions prises, de la nécessité de développer les outils indispensables pour faire face aux problèmes rencontrés. Ici se trouve une des raisons majeures de se rallier aux principes du management par la qualité.

Conclusion

Sans renier les apports du management par la qualité, il convient de rester critiques et vigilants face aux tentatives de transposer sans aménagements - et sans ménagements - un modèle de gestion de l’administration publique au système scolaire qui répond à des lois de développement et de fonctionnement spécifiques. Les principaux acteurs concernés - enseignants, directeurs, inspecteurs, formateurs - entreront sans doute en matière lorsqu’il s’agit de mettre en place des procédures et des outils qui leur permettront d’atteindre de meilleurs résultats auprès de leurs élèves. Le souci de qualité n’est pas un thème nouveau pour l’école, il se trouve au centre même de ses préoccupations. La difficulté essentielle consiste à mettre en place des procédures et d’outils qui favoriseront l’émergence d’une véritable culture de l’évaluation et du feedback, permettant de combiner un centrage efficace sur l’analyse des besoins, les processus de prise de décision et l’auto-évaluation constante au service des apprentissages des élèves.

Pour faciliter ce processus, pour assurer son efficacité, ni la nouvelle doctrine du management par la qualité, ni la pensée positive ne suffiront. Le défi consistera à créer résolument les conditions d’apprentissage et de développement favorables, de repenser et de mettre en place de nouveaux dispositifs de soutien, d’accompagnement, d’évaluation et de mise en réseau. Reste à savoir si les autorités politiques sont conscients de ce défi.

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