Publié in : Educateur, nº 12, pp. 17-22.
Coopérer efficacement : difficile, mais possible
Monica Gather Thurler
1997
1. Savoir travailler efficacement ensemble
2. Savoir faire face aux résistances - obstacles et paradoxes de la coopération
3. Savoir et vouloir se servir d'outils et de stratégies appropriés
Face à leurs élèves, les enseignants se trouvent généralement seuls, à lexception de quelques dispositifs de formation ayant introduit le team-teaching et le décloisonnement. Dans la plupart des systèmes scolaires, ils fonctionnent comme individus, et cherchent, en tant que tels, à améliorer leur pratique.
Lorsquon interroge les enseignants sur lefficacité du travail en groupe, ils sont généralement assez critiques : ils évoquent labsence danimation, (qui entraîne) une mauvaise gestion du temps, la difficulté de sen tenir à lessentiel, le fait que la plus grande partie des réunions est consacrée aux questions administratives, lincapacité de prendre des décisions concertées, etc. Ils préfèrent souvent dautres formes de coopération, notamment la conversation dans un réseau informel, comme façon économique de résoudre les problèmes et dobtenir un minimum de soutien. Ces solutions spontanées suffisent à éviter le sentiment disolement et à partager les responsabilités face aux difficultés du métier, sans pour autant tomber dans la lourdeur des réunions réunissant lensemble du corps enseignant. Ne pourrait-on alors se contenter daffirmer quà linstar dautres professions, il suffirait que les enseignants soient bien préparés à faire leur travail dans le cadre de leur classe, quils suivent des cours de perfectionnement lorsque cela savère nécessaire, quils se tiennent au courant des nouveautés pédagogiques, didactiques et méthodologiques ? Pourquoi alourdir leur tâche au sein de létablissement ? Pourquoi imposer une coopération dont la plupart ne veulent pas ? Pourquoi se disperser dans des réunions de groupe ? Nest-il pas plus simple et plus réaliste de renforcer la responsabilité individuelle des enseignants face à leurs élèves, de leur donner les outils nécessaires pour mieux gérer leur classe, de réduire les réunions avec leurs collègues au strict nécessaire, de dégager un maximum de temps pour la programmation didactique individuelle, déviter les interminables négociations dues aux divergences dobjectifs, aux conflits dopinions, aux rapports de force ?
Contre cette tentation et ce mythe de « lindividualisme efficace », aussi compréhensibles soient-ils, je soutiendrai que la coopération intensive fait partie de la profession enseignante si on la souhaite à la hauteur des enjeux. Les entraides occasionnelles, les conversations de salle des maîtres, les « trucs quon se passe » ne suffisent pas pour venir à bout des problèmes que pose le métier, soit dans le quotidien, soit dans la gestion à moyen et à long terme. Ainsi, lorsquil doit réorganiser sa classe pour tenir compte de larrivée de plusieurs enfants migrants, lenseignant peut tenter de gérer ce problème tout seul. Il peut aussi faire appel à des intervenants externes ou demander des « tuyaux » à un collègue qui a vécu ou est en train de vivre une situation semblable. Il peut encore présenter le problème lors dune réunion à la salle des maîtres, pour sentendre dire quil nest pas le seul et que chacun porte sa croix, ou, dans le meilleur des cas, pour recevoir lexpression de lempathie de ses collègues. Il est seul, néanmoins, pour décider dalléger le programme ou daménager lévaluation pour ces élèves, afin de leur laisser le temps de sadapter. Seul pour affronter les parents, pour se défendre face à linspecteur, seul, en fin de compte, pour décider de se battre ou de laisser tomber. A la fin de lannée, lorsquil sagira de décider de la promotion ou du redoublement de ces élèves, il se retrouvera seul à prendre les risques. Seul, mais pas indépendant, car il sait que ses collègues vont hériter de ses élèves et quon ne lui pardonnerait pas de trop grands écarts à la norme (Hutmacher, 1993). Pour créer des solutions à la mesure du problème de laccueil simultané de nombreux enfants migrants, ne sachant pas la langue de lenseignant, dorigines diverses, parfois très peu ou pas du tout scolarisés, il faut inventer des dispositifs qui dépassent la classe et exigent la mise en commun des forces, des espaces, des talents de plusieurs enseignants, bref lémergence dune véritable coopération au sein de létablissement.
On pourrait multiplier les exemples pour montrer que la réalité à laquelle les enseignants sont confrontés appelle la coopération, plus souvent sans doute que dans dautres métiers. Le médecin, lavocat, le chercheur sont moins dépendants les uns des autres, alors que les enseignants sont " embarqués dans la même galère ", une école de quartier, avec des familles qui ont plusieurs enfants, des élèves qui suivent leur scolarité en passant dun enseignant à lautre. En dépit des mille et une raisons qui plaident pour lindividualisme, lenseignant, sil veut affronter les vrais problèmes, ne peut échapper à la coopération, parce quil travaille dans un champ où son action est constamment et fortement dépendante de laction des autres.
Reste à préciser à quel niveau cette coopération est requise. Elle peut représenter, dans sa forme la plus simple et modeste, une forme de cohabitation pacifique entre les membres du groupe, qui définissent clairement les territoires et les tâches des uns et des autres, qui conviennent dun certain nombre de règles de jeu permettant déviter les conflits et les confusions de rôles, de dépasser lisolement et de garantir un bon climat et un certain bien-être des divers acteurs. Sous sa forme la plus complexe et exigeante, une culture de coopération professionnelle peut résulter dune longue négociation, qui aboutit à un contrat, avec des objectifs communs et lorganisation correspondante. Il ne sagit pas ici uniquement dun aménagement pratique, au sens dune meilleure répartition des tâches et dune clarification des rôles, mais au contraire, dune prise de conscience et dun parti pris. Une conscience que travailler ensemble permet davancer autrement que de travailler chacun pour soi, permet dautres confrontations, dautres ambitions, dautres formes déchange. Le parti pris de faire avancer lensemble des personnes concernées, de profiter au maximum de lapport de chacun, de former un tout, avec des valeurs, croyances et objectifs partagés, régulièrement rediscutés et mis à jour.
A plus longue échéance, le métier denseignant pourrait sapprocher de ces formes exigeantes de coopération, les incorporer progressivement à la culture professionnelle de la majorité des enseignants. Face à un problème complexe, lorsque chacun mesure sa propre incompétence ou du moins ses limites, il deviendrait facile dadmettre quil vaut mieux coopérer que tâtonner seul dans son coin, partager les risques et périls, se constituer en équipe efficace, au moins le temps de surmonter le problème en cause.
A la question de savoir si lexercice dune profession exige une coopération régulière ?, je réponds donc clairement par laffirmative, du moins pour ce qui concerne lenseignement.
La coopération passe par une attitude et une culture, mais exige aussi des compétences. Jen distinguerai trois, étroitement complémentaires :
1. Savoir coopérer efficacement et passer dune pseudo-équipe à une véritable équipe.
2. Savoir percevoir, analyser et combattre les résistances, obstacles, paradoxes et cul de sacs liés à la coopération, savoir sauto-évaluer, porter un regard compréhensif sur un aspect de la profession qui nira jamais de soi, vu sa complexité.
3. Savoir et vouloir se servir dune série doutils et de stratégies qui facilitent lanalyse des besoins, la prise de décision, la planification des étapes de travail et lévaluation des effets obtenus.
Il ne sagit pas seulement dun autre mode de faire, cest aussi un autre mode de penser. Durant leurs diverses phases de socialisation - en famille, durant leur propre scolarité, durant leur formation, durant les premières années dinsertion dans un établissement - les enseignants sont avant tout préparés à la perspective dassumer individuellement leurs responsabilités face aux problèmes quils rencontreront. En outre, ils sont quotidiennement confrontés à une culture organisationnelle qui, tout en prônant aujourdhui le travail en groupe, accorde très explicitement la priorité aux performances individuelles, tant pour les maîtres que pour les élèves. On ne tient compte de léquipe quen second lieu, on la considère comme la cerise sur le gâteau. Pensons par exemple au spectre du salaire au mérite, à lévaluation individuelle de lenseignant par linspecteur, aux horaires, qui ne favorisent guère la coopération, aux plans détudes qui sont soit trop explicites, soit trop restrictifs pour pousser les enseignants à se mettre ensemble et à définir une voie commune. La plupart des enseignants valorisent les capacités individuelles, tout en voyant dun mauvais oeil ceux qui sortent trop nettement du rang ! Cette attitude lemporte sur lidée que " Tous sont dans le même bateau " ou que " Si lun échoue, tous échouent avec lui ".
Même lorsquils sont convaincus de la nécessité de coopérer, la bonne volonté ne suffit pas. En passant en revue les diverses écoles que je connais et en me référant à des recherches récentes sur les équipes efficaces (Katzenbach & Smith, 1993, et al.), deux constats simposent :
a) dans beaucoup de cas, les connaissances actuelles en matière de formes efficaces de coopération font défaut ;
Voici quelques-unes des caractéristiques des équipes efficaces. Elles paraissent des conditions de base à mettre en place pour travailler ensemble.
Quelques caractéristiques évidentes
Exigences élevées
Le succès dune équipe dépend davantage de la poursuite commune dun standard élevé de performance que dactivités favorisant la dynamique de groupe, dincitations particulières ou encore de responsables charismatiques. On constate souvent que les équipes efficaces se sont constituées sans soutien de la part des autorités. Inversement, des équipes " potentielles ", sans de telles exigences, ne parviennent pas à devenir de véritables équipes.
Conditions-cadres adéquates
La composition équilibrée de léquipe, les compétences complémentaires de ses membres, leur unité de vue dans lapproche pédagogique et par rapport aux finalités, la répartition des responsabilités et une farouche volonté de vérifier le rapport entre moyens investis et effets obtenus et dintroduire, le cas échéant, lintroduction de régulations nécessaires, sont autant de conditions dun fonctionnement efficace. Lorsque lune delles fait défaut, léquipe risque de « ségarer ». Pourtant, la plupart des équipes négligent un ou plusieurs de ces facteurs.
Vision commune des moyens pour parvenir aux buts
A lintérieur dune école, on peut être performant de manière très différente et à des niveaux divers. On peut, par exemple, coopérer au développement dun projet global (par exemple, la mise en place dune pédagogie différenciée), à une démarche pédagogique (par exemple, lamélioration de la capacité de lecture à tous les degrés) ou à une production (par exemple dune pièce de théâtre), ou encore viser une meilleure gestion (clarification des tâches de léquipe de direction). Souvent, les équipes ne perçoivent que quelques-unes de ces possibilités de coopération et perdent ainsi de multiples occasions de se renforcer.
Importance accordée à la responsabilité collective
Nous nous sentons mal à laise lorsque notre avancement (sur le plan de lapprentissage, ou sur celui dune promotion à lintérieur du système) dépend dautrui. On pense volontiers « quon nest jamais mieux servi que par soi-même ». La simple idée de partager des responsabilités et des objectifs avec autrui met mal à laise, fait peur, et déclenche des mécanismes de défense de toutes sortes : peur dêtre jugé ou mal compris, peur que lautre ne sache pas entendre, écouter, voir Les équipes efficaces ont surmonté ces parti pris individualistes et acceptent que la responsabilité soit également collective.
Quelques caractéristiques moins connues
Pas de nombrilisme coopératif
Les meilleures équipes accordent davantage dimportance à la résolution de problèmes quà leur fonctionnement en tant quéquipe. Le rôle du leader est moins central, du fait que les membres de léquipe se relaient dans lanimation et dans la gestion. Pour de telles équipes, léquipe et le travail déquipe ne se situent pas au même niveau de préoccupation : on ne sattache pas dabord à devenir une véritable équipe, on poursuit un objectif commun, qui a du sens pour chacun des membres de léquipe et justifie leur coopération.
Un cadre de référence commun
Les équipes efficaces ne réinventent pas à leur échelle le système scolaire et la politique de léducation, elle sinscrivent dans le cadre dobjectifs généraux mais ambitieux, sattachent à les spécifier et surtout à les atteindre à leur manière. On aurait donc tort de croire quon rend les équipes plus efficaces en les invitant à formuler des projets à leur guise, sans mettre en place un cadre de référence plus large et un dispositif concerté qui oblige les équipes à rendre compte de leur démarche, à sauto-évaluer en fonction de critères explicites et à introduire les régulations nécessaires.
Les
représentants de la hiérarchie
perçus comme des partenaires
Les équipes efficaces ont une attitude peu compliquée, émancipée et confiante face à la hiérarchie, aux structures et aux processus formels. Plutôt que de les combattre, elles les intègrent, les reconnaissant en tant quéléments-noyaux de lorganisation à laquelle elles appartiennent et ne les mettent en question que lorsquils font obstacle au développement en cours. Les équipes efficaces sont le meilleur terrain pour intégrer les nouveaux principes pédagogiques : elles les analysent, les confrontent au contexte, les adaptent en faisant sauter, si nécessaire, les limites structurelles. Ceux qui considèrent les équipes comme alternatives aux structures hiérarchiques nont pas compris quelles en dépendent en tant quéléments de coordination, de facilitation et de feed-back.
Leadership coopératif
Les équipes efficaces réussissent à intégrer de manière naturelle les compétences individuelles et lapprentissage collectif. Si elles réussissent là où dautres échouent, cest parce quelles parviennent à traduire des objectifs à long terme en situations-problèmes, qui seront résolues en exploitant les compétences existantes - et, si nécessaire, en développant les compétences requises pour accomplir la tâche. Les idées nouvelles - déviantes, dérangeantes, insolites - sont acceptées, reprises sans complexes, appliquées et adaptées au contexte ; leurs effets sont ensuite évalués. Cette démarche va bien au-delà de simples échanges de trucs et de recettes (Huberman, 1983), elle sinscrit dans une logique de résolution de problèmes, qui fait appel à la créativité et à la participation de chacun. Il sagit daccepter quon ne peut pas être le meilleur à chaque moment, quil ne sert à rien de réinventer constamment la roue, que lidée de lautre, reprise et adaptée, peut être plus efficace quune longue recherche en solitaire, quon peut apprendre et se développer chacun pour soi aussi bien que tous ensemble.
Laction commune pour mieux agir
Les équipes efficaces se perçoivent en tant quunités opérationnelles prioritaires dans le fonctionnement du système scolaire. Pour faire face aux problèmes qui dépassent la capacité de jugement et daction des individus isolés, aux problèmes qui exigent rapidité de réaction, qualité danalyse et adaptation différenciée aux besoins des usagers, elles ont conscience dêtre le niveau adéquat de saisie et de traitement du problème. Elles savent que laction commune sera possible et utile, elles savent évaluer leurs moyens et si nécessaire les développer, ou rechercher de laide, tant pour analyser que pour résoudre le problème.
Une grande hétérogénéité
La plupart des écoles sont très loin de réunir toutes ces caractéristiques. Plusieurs auteurs (Staessens, 1991 ; Hargreaves, 1992, etc.) ont décrit les diverses cultures de coopération existantes. On connaît les deux extrêmes : dun côté, lindividualisme-roi des combattants solitaires et fiers de lêtre ; et de lautre, les professionnels, voire les « drogués » de la coopération. Entre deux, on trouve des graduations diverses dans la qualité de la coopération : les établissements fragmentés, voire balkanisés, les établissements de type grande famille, dont la raison de vivre est la convivialité et lunion face à lextérieur, et, enfin, les établissements qui se comportent comme une grande équipe pour la durée dun projet, dans une sorte de collégialité contrainte qui prendra fin en même temps que le projet.
Un idéal inaccessible ?
Une enquête auprès de nos écoles - même celles qui coopèrent dans le contexte dun projet - montrerait que très peu correspondent totalement aux exigences dune équipe efficace. On peut bien entendu se dire quil sagit dun idéal, par définition irréalisable, au vu de la complexité du système, des résistances des enseignants, du contexte sociopolitique, de la nature humaine, des particularités du métier
Depuis le début des années 1990, le discours sur la professionnalisation renforce lidée de mettre les enseignants au centre même de leur propre développement. Or, ce processus ne peut avoir lieu individuellement : on ne se professionnalise pas tout seul, mais de manière interactive. Au contraire, la professionnalisation exige, de la part des enseignants, la capacité et la volonté de coopérer, pour une mise en commun des objectifs, pour une résolution commune des problèmes, pour une gestion commune des parcours de formation de leurs élèves, pour une construction commune du sens, pour une gestion commune des rapports avec les autorités et les instances externes.
Dans le cadre dune coopération visant la professionnalisation interactive, on peut imaginer une large gamme de possibilités, allant de la forme la plus générale et banale (échanges ciblés, sur des sujets bien déterminés, pour donner et recevoir des idées et de laide) à la forme la plus spécifique et intensive, le travail en équipe. Cest évidemment sous cette deuxième forme quon aura les meilleures chances daccélérer le processus de professionnalisation.
En outre les compétences nécessaires pour savoir être efficace et pour savoir coopérer à bon escient, il existe un autre problème : celui de léquipe qui stagne, qui souffre du burn-out, qui navance plus, qui commence à seffriter. Chacun de nous connaît les frustrations qui naissent et les leitmotivs qui se font entendre lorsquune équipe commence à " tourner en rond " :
Pour prévenir ce type dobstacles et de blocages - ou pour les surmonter lorsquon sy trouve confronté - il existe divers recours et modalités : séminaires de formation, intervention dexperts, etc. Avant den arriver là, on peut aussi, plus simplement, commencer à réfléchir ensemble à un certain nombre de paradoxes qui sont inévitablement liées à toute action commune, qui la rendent difficile et souvent impossible si on les ignore (Perrenoud, 1996 ; Gather Thurler, 1996a). Lorsque cette réflexion peut avoir lieu, la majorité des équipes ressentent le besoin daller plus loin, dagir plus activement pour introduire le changement, de dépasser les dysfonctionnements mis à jour, et dattaquer ensemble les situations-problèmes qui leur permettront de rendre plus efficaces leurs interventions dans le domaine de lenseignement-apprentissage.
Or, la plupart des enseignants pensent quils savent se débrouiller seuls pour coopérer de manière efficace : ils se réfèrent à leur formation de base ou continue, au sens commun pour faire une analyse des besoins, pour accélérer les processus de prise de décision, pour planifier les diverses étapes de travail, voire même pour analyser leurs pratiques ou pour évaluer les effets obtenus. En fait, ils tentent de transposer leurs vécus et leurs savoirs à un domaine dont la complexité leur échappe dautant plus quils en sont eux-mêmes les principaux acteurs concernés. Et ils ignorent dans la majorité des cas quil existe une multitude doutils et de stratégies souvent bien mieux adaptés et appropriés pour faciliter ces démarches, pour les systématiser, pour aider à se décentrer et à se poser les bonnes questions, pour sempêcher de tourner en rond, pour anticiper et, si nécessaire, gérer les conflits de groupe.
Il sagit doutils et de stratégies de travail qui nous parviennent dhorizons divers et qui, idéalement, constituent une base de départ à partir de laquelle une équipe pourra, dans la durée, construire ses outils propres (Saint-Yves, 1993 ; Vermersch, 1994). Pour y accéder, il existe plusieurs voies : soit, sinscrire dans des cours de formation qui sont proposés par les divers organismes ; soit, faire appel à des intervenants ayant bénéficié dune formation spécifique dans ce domaine.
Beaucoup denseignants résistent à lidée de recourir à de tels outils. Dune part parce quils ont le sentiment de pouvoir sen passer, ne voient pas leur utilité, les trouvent « bêtifiants ». Dautre part, parce quils véhiculent une certaine aversion par rapport à certaines méthodes qui pourraient les obliger à sexposer Dans la mesure où ces peurs existent, il est important de les prendre au sérieux, de ne pas faire de forcing. Il est aussi très important que ces outils soient introduits par des personnes qui les maîtrisent bien, afin déviter tant les dérapages, que la sous-exploitation des données récoltées. Rien de pire, en effet, que de remplacer labsence doutils par une course aux méthodes-miracles qui finirait par fatiguer les uns et les autres et de vider de son sens laction collective, à cause du manque de réflexion.
Être professionnel, ce nest pas travailler ensemble par principe, cest savoir discerner les problèmes qui appellent une coopération intensive, cest aussi savoir le faire à bon escient (Gather Thurler, 1996b), lorsque cest plus efficace. Cest donc participer à une culture de coopération, y être ouvert, savoir trouver et négocier les modalités de travail optimales, en fonction des problèmes à résoudre.
Gather Thurler, M. (1994) : Relations professionnelles et culture des établissements scolaires : au-delà du culte de lindividualisme ? In : Revue française de pédagogie, nº 109, pp. 19-39.
Gather Thurler, M. (1996 a) : Dissidence et discordance : lorsquune équipe avertie en vaut deux. In : Lettre dEquipes et Projets, nº 10, janvier 1996, pp. 14 - 2
Gather Thurler, M. (1996 b) : Innovation et coopération : liens et limites. In : Bonami, M. & Garant, M. (éd.) : Systèmes scolaires et pilotages de linnovation : émergence et implantation du changement., Bruxelles, De Boeck, pp. 145-168.
Gather Thurler, M. (1996 c) : Le projet détablissement : quelques éléments pour construire un cadre conceptuel. In : Le projet détablissement en partenariat.. Neuchâtel : Institut romand de recherches et de documentation pédagogiques, pp. 11-19.
Hargreaves, A. (1992) Cultures of Teaching : A Focus for Change. In : A. Hargreaves & M. Fullan (ed) Understanding Teacher Devleopment. New York : Teachers College Press, pp. 216-240.
Huberman, M. (1983) Répertoires, recettes et vie de classe : Comment les enseignants utilisent linformation, Education et Recherche, 5, 1, 157-177
Hutmacher, W. (1993) : Quand la réalité résiste à la lutte contre léchec scolaire. Analyse du redoublement dans lenseignement primaire genevois. Genève, Service de la recherche sociologique, Cahier n° 36.
Katzenbach, J.R. & Smith, D. K. (1993) The Wisdom of Teams. Havard Business School Press, Boston.
Perrenoud, Ph. (1996) : Enseigner : agir dans lurgence, décider dans lincertitude. Savoirs et compétences dans un métier complexe. Paris, ESF.
Saint-Yves, Aurèle (1993) : Comment activer un groupe restreint. Québec : Presses Inter Universitaires, Editions ESKA.
Staessens, K. (1991) The professional culture of innovating primary schools. Nine case studies. Paper presented at the Annual Meeting of the AERA. University of Leuven, Belgium.
Vermersch, P. (1994) : Lentretien dexplicitation. Paris : ESF.