In : J.-M. Leclerq (dir.) Politiques d'éducation et de formation. Analyses et comparaisons internationales, 2001/01, Bruxelles : De Boeck Université [2002-01].

 

 

Le projet d'établissement comme moyen
de traduire les croyances en pratiques

 

Monica Gather Thurler

2001


Abstract

I. Explorer pour construire une réforme : l'exemple genevois (1994-1999)

II. La posture de l'organisation apprenante : une quête longue et difficile

Pour conclure : peut-on changer la culture ?

Bibliographie

 


Abstract

L'article tente d'illustrer le fait que la réussite du changement au sein des systèmes éducatifs ne réside pas dans ses qualités intrinsèques, mais dans sa faculté de faire sens aux yeux des individus et d’entrer dans les usages sociaux.

Car le sort d’une innovation éducative dépendra de ce que les enseignants en pensent et en font : ce sont eux qui mettent en œuvre, auprès de leurs élèves et dans leur manière de concevoir et de gérer quotidiennement des situations d’enseignement-apprentissage, les idées nouvelles issues de la recherche, des écoles pilotes ou des mouvements pédagogiques. La qualité du transfert dépendra de leur compréhension des idées nouvelles, de leur adhésion, mais aussi de leur capacité et de leur volonté de les intégrer durablement à leurs pratiques.

Cette dynamique passe inévitablement par la capacité des systèmes à créer des dispositifs qui permettent aux acteurs de mettre en oeuvre leurs compétences professionnelles et de reconstruire le lien qui doit exister entre leurs croyances, idéaux, pratiques quotidiennes et les missions générales du système éducatif et des enjeux qui leur sont propres. Le projet d'établissement peut y représenter un outil précieux, à condition qu'il fasse l'objet d'une explicitation, négociation et régulation constantes, entreprises par les principaux acteurs concernés.


 

L’attitude qu’un établissement adoptera face aux problèmes que pose le changement dépend d’un ensemble de conduites individuelles et collectives qui ne sont ni délibérées, ni planifiées, mais qui suivent un schéma stable, dès que le problème émerge. Parfois, ce dernier est tout simplement ignoré, on laisse traîner les choses, on minimise, on le met en attente parmi d’autres priorités ou se contente d’en traiter certains aspects. D’autres fois, les établissements scolaires croulent tellement sous l’affluence des problèmes qu’ils se croient devoir tout traiter avec la même priorité, de constamment éteindre un feu quelque part, sans jamais s’accorder le droit à un " arrêt d’agir " (Pelletier, 1995). Dans certains établissements, on fonctionne d’emblée selon le principe de la délégation, alors que dans d’autres, on opère un tri et s’occupe ensuite collectivement des problèmes qui nécessitent ou permettent une modification de l’ensemble de la structure ou des pratiques. Dans la majorité des cas de figure, les établissements scolaires ne déploient cependant ni l’attention, ni le soin nécessaires pour aboutir à des changements durables, persistent dans leur tendance à traiter les symptômes et se dispensent d’envisager un changement qui porterait sur les causes.

Nous avons tenté ailleurs (Gather Thurler, 2000 a) de montrer que l’établissement scolaire n’est que potentiellement une entité favorable au changement, que tout dépend de son évolution selon les dimensions suivantes : mode d’organisation du travail, plus ou moins bureaucratique ; degré de coopération professionnelle ; identité collective et étendue de la culture commune ; modalités d’exercice du pouvoir et du leadership ; capacité de se mobiliser au tour d’un projet. Dans cette perspective, idéalement, un établissement serait un ensemble organisé de professionnels qui assument, collectivement, une triple responsabilité :

Le pari est ambitieux. Il ne peut être gagné que si les professionnels restent ou deviennent les principaux acteurs et responsables des changements à entreprendre au sein de leur établissement scolaire. Il faut pour cela :

1. que le système éducatif se borne à définir les finalités communes et un " plan-cadre ", en laissant une large marge de manœuvre aux établissement, en matière de fonctionnement, de ressources humaines mais aussi d’orientations curriculaires ;

2. que les acteurs de chaque établissement s’approprient le plan-cadre défini par les autorités, en négociant éventuellement des ressources, voire des marges supplémentaires de liberté, en fonction de leurs besoins et de l’état de leurs pratiques.

3. qu’ils déterminent dans ce cadre de leurs priorités d’action dans le cadre d’un projet d’établissement explicite et constamment remis à jour.

Cela peut paraître assez utopique, en l’état des cultures professionnelles et administratives encore dominantes. Si les systèmes éducatifs les plus avant-gardistes vont dans ce sens, c’est parce qu’ils ont tiré la leçon de l’échec des réformes successives imposées d’en haut (top-down) aussi bien que rompu avec la foi naïve en un changement bottom-up spontané. Ils ont appris que les enseignants ont appris, au fil d’une expérience séculaire, à absorber et à rendre inoffensives les idées nouvelles que leur proposent ou leur imposent les autorités et la noosphère : formateurs, chercheurs, experts. Ils ont compris que l’efficacité du système ne dépend pas seulement des qualités intrinsèques des objectifs, programmes, procédures et moyens prescrits, mais de la faculté des acteurs du terrain à leur donner du sens et à y adhérer (Alter, 2000 ; Gather Thurler, 2000 b, c). Ils ont, enfin, admis que l’adhésion se monnaie contre du pouvoir et qu’on ne peut à la fois tout contrôler et espérer mobiliser les forces vives qui se trouvent dans les établissements.

Le concept que nous privilégions se fonde sur une conception essentiellement dynamique du changement, qui conduit les acteurs de l’établissement à confronter leurs représentations et leurs croyances et à définir ensemble les étapes les plus propices à l’orchestration du changement des pratiques pédagogiques.

Dans une première partie, nous présentons un exemple concret, en l’espèce la démarche de projet mise en place dans les écoles chargées d’élaborer la réforme de l’enseignement primaire du canton de Genève.

Dans la deuxième partie, nous rappelons que, pour s’inscrire durablement dans les pratiques professionnelles, le projet doit faire partie d’une conception de l’établissement scolaire comme maillon d’une organisation apprenante.

La conclusion reviendra sur la difficulté de changer les croyances et, par conséquent, la culture.

I. Explorer pour construire une réforme :
l’exemple genevois (1994-1999)

L’exemple que nous avons choisi pour illustrer nos propos se limite à l’enseignement primaire. Il n’est pas anodin qu’une démarche aussi complexe et impliquant autant les enseignants n’ait été possible, pour le moment, qu’à ce niveau scolaire : la culture pédagogique des enseignants, la taille plus réduite des établissements, la volonté de collaborer entre adultes et, peut-être, une plus grande " docilité " voire ouverture au changement de la part des divers acteurs (y compris des parents) ont, de tout temps, rendu plus faciles les réformes à ce niveau du système.

En allant chercher plus loin, nous aurions pu évoquer des comprenant l’enseignement secondaire qui se déroulent actuellement dans d’autres régions de la Suisse ou dans des pays voisins. Il nous semble néanmoins que l’exemple de la phase d’exploration qui a précédé la réforme de l’enseignement primaire genevois permet de décrire un ensemble de réalités et de construire un certain nombre de " savoirs d’innovation " qui peuvent être utiles dans tout autre contexte, indépendamment des différences liées aux ordres d’enseignement et aux cultures locales.

Les fondements et le contexte de la réforme

Traditionnellement, l’enseignement primaire genevois s’inscrit dans une optique de gestion fortement centralisatrice : dans ce canton fortement urbanisé, les 220 écoles primaires (qui accueillent environ 30.000 enfants de 4-12 ans) dépendent en droite ligne d’une direction générale qui définit les priorités d’action, distribue les ressources et gère le personnel. Au sein des écoles, un maître principal est indemnisé pour assumer les tâches administratives, mais n’a aucune compétence officielle en termes de leadership pédagogique.

L’article 4 de la loi de 1977 sur l’instruction publique genevoise assigne à l’école le but de lutter contre les inégalités de chances de réussite. Dans l’enseignement primaire, cette lutte passe depuis plus de vingt ans par la modernisation des programmes, la création de moyens d’enseignement plus attrayants et mieux conçus, le développement du soutien aux élèves en difficulté, l’abaissement des effectifs, l’apport de maîtres généralistes non titulaires et de spécialistes, les ressources investies dans le développement de la formation continue et, plus récemment, l’universitarisation de la formation initiale des enseignants, le dialogue plus intense avec les parents, la recherche d’une évaluation plus formative. Dans le même temps, les projets d’établissements se multiplient et le travail en équipe pédagogique s’étend. La direction de l’enseignement primaire, ses cadres et ses services, l’association professionnelle, les services de recherche, l’université ont contribué à plusieurs titres à ces progrès. Quelques équipes pédagogiques innovantes et quelques recherches-actions ont ouvert de nouvelles voies.

La rénovation entamée en 1994 a pris appui sur le rapport Hutmacher (1993), montrant que les efforts investis avaient produit des progrès moins grands qu’espérés, notamment en matière de diminution du redoublement. Ce constat et le débat qu’il a ouvert ont permis une prise de conscience et fondé une rénovation qui ne prétendait pas faire table rase, ignorer ces efforts, ni même leur ajouter des idées entièrement nouvelles. Elle voulait au contraire intégrer et consolider les acquis, aller encore plus loin selon trois axes : 1. Individualiser les parcours de formation, 2. Apprendre à mieux travailler ensemble, 3. Placer les enfants au cœur de l’action pédagogique (Direction de l’enseignement primaire, 1994).

Pour réunir en un ensemble cohérent des tentatives encore trop dispersées, l’enseignement primaire aurait pu déterminer, dès 1994, une série de finalités, définies dans le cadre d’un texte porteur de changements importants, et éventuellement essayées à petite échelle, selon le principe de l’expérience évaluée, puis généralisée. Les connaissances récentes sur l’innovation (par exemple : Cros, 1993 ; Huberman, 1990 ; Fullan et Stiegelbauer, 1991) suggéraient que ce ne serait pas une démarche efficace. Une autre voie a donc été choisie : rénover progressivement l’enseignement primaire, en deux phases, l’une d’exploration intensive, l’autre d’extension progressive des éléments élaborés au cours de la phase d’exploration, s’ils étaient adoptés par le système éducatif. L’objectif était d’impliquer un maximum d’acteurs dans une démarche de construction interactive, visant à développer un sentiment optimal d’empowerment auprès de toutes les parties concernées, de manière à leur permettre de s’approprier, activement, les objectifs visés.

Non pas seulement en confiant à des commissions le soin de proposer des textes, mais en invitant des écoles volontaires à développer, dans le cadre d’un projet d’établissement s’orientant selon les trois axes proposées, les fragments d’une réforme annoncée, en associant d’entrée les différents acteurs sociaux (cadres, parents, formateurs) au processus en cours… La phase d’exploration ne demandait pas aux écoles de mettre à l’épreuve, ni à exécuter, un schéma de fonctionnement prédéfini, mais d’aider à le construire, en explorant diverses pistes, en fonctionnant comme des centres de réflexion et de développement et, enfin, en traduisant les croyances qui les avaient conduites à formuler leur projet, en pratiques.

Le but principal toutefois, n’était pas de réaliser des performances spectaculaires dans quelques écoles. L’enjeu était d’infléchir progressivement le fonctionnement de l’ensemble du système, en ancrant une réforme dans les pratiques de près de 600 enseignants. Quinze écoles, puis dix-sept, ont été durant quatre ans " en innovation ", selon les trois axes simultanément, avec quelques ressources supplémentaires et des "  franchises " (par exemple le droit de ne plus mettre de notes) et un accompagnement externe.

Du contrat au changement des pratiques

Trois éléments majeurs ont marqué le début de la phase d’exploration au sein des écoles genevoises : la rédaction collective et la négociation de projets permettant de devenir une " école en innovation " ; la signature par tous les enseignants et les autorités scolaires d’un contrat définissant les droits et obligations respectives ; enfin, l’acceptation par les équipes pédagogiques de déléguer le leadership transformationnel à l’un de leurs pairs (coordinateur). À partir de cette entrée en matière, qui a contraint l’ensemble des acteurs à s’impliquer dans des procédures de négociation inhabituelles et souvent délicates, les écoles ont progressivement élargi leurs compétences en matière de gestion collective et participative. Elles ont notamment pu s’aventurer vers l’exploration de nouvelles modalités organisationnelles, mieux à même de gérer et d’assurer la cohérence de l’action pédagogique.

À la phase initiale, fortement empreinte par l’euphorie de la liberté d’exploration et, du coup, par un certain activisme, a succédé une recherche plus systématique de dispositifs de différenciation qui ont été, progressivement, davantage conçus en fonction des objectifs d’apprentissage et par un souci de rationalisation, tant en termes d’efforts, qu’en termes de temps.

Treize des dix-sept écoles en innovation ont introduit de nouvelles modalités d’évaluation, tant formatives que certificatives, sans notes. La démarche d’évaluation était essentiellement centrée sur sa fonction d’orientation et d’information, dans le but d’une meilleure gestion des parcours d’apprentissage des élèves. Suite à une première phase d’hésitations et de soucis, qui furent largement exprimés, les parents des élèves fréquentant ces écoles se sont déclarés satisfaits des nouvelles pratiques d’évaluation.

L’objectif consistait à développer une conception des cycles qui offrait une véritable alternative à l’organisation actuelle l’enseignement primaire, tout en restant dans les limites de faisabilité dans le contexte genevois. Les écoles faisant partie du dispositif ont pu prendre la liberté de travailler sur des hypothèses très diverses concernant l’organisation du travail (regroupements d’élèves divers, démarches pédagogiques centrées sur des objectifs d’apprentissage centraux , gestion de l’hétérogénéité des rythmes d’apprentissage des élèves, nouvelles modalités d’évaluation, tant formatives que certificatives, sans notes) la mieux à même de gérer la progression des élèves. Un certain nombre d’écoles se sont orientées vers une organisation modulaire du cycle d’apprentissage, visant à le structurer comme une combinaison des espaces-temps de formation caractérisés par des unités thématiques et des objectifs de formation.

L’ensemble de ces hypothèses étaient " dans l’air " depuis longtemps : elles émanaient des mouvements de la pédagogie active, avaient été amorcées dans des projets antérieurs, voire avaient fait l’objet de publications diverses. Elles correspondaient, au sein des écoles, davantage aux " croyances " individuelles et collectives qu’à des certitudes, des croyances qui demandaient à être mises en commun, à être vérifiées et traduites en pratiques dans le contexte d’une action collective et concertée, conduite par l’ensemble des acteurs concernés et explicitée dans le cadre d’un projet commun, qui faisait partie du contrat commun. Or, l’expérience a montré que la marche était très longue entre la conception du projet d’établissement &emdash; qui avait été réalisée dans un temps très court - et sa traduction en de nouvelles pratiques.

Le long chemin vers la coopération professionnelle

C’est probablement l’axe qui a été investi le plus fortement, que ce soit au sein des écoles ou dans les différents organes du dispositif de la rénovation. Confrontés à la nécessité d’instaurer et d’améliorer la coopération au sein de l’équipe, les écoles ont entrepris des démarches diverses et souvent complémentaires. Toutes les écoles se sont trouvées confrontées à la nécessité de développer une meilleure gestion du temps et à s’initier aux outils de travail qui leur permettent de mieux fonctionner en groupe. Elles ont notamment dû apprendre à s’en tenir à l’essentiel, à ne pas se laisser envahir par les questions administratives et, enfin, à améliorer leur compétence d’analyse et de résolution de problèmes.

L’introduction des cycles contraignait cependant à aller bien plus loin. Elle a notamment obligé les enseignants à affronter les problèmes que soulève une gestion collective de la progression des élèves, à développer une vision commune de l’organisation du curriculum, des approches didactiques et des formes d’évaluation. Bien davantage que la gestion administrative commune, elle a poussé les enseignants à se dégager de représentations du métier bien enracinées au sujet de la division du travail. La grande majorité des écoles ont instauré des " bilans collectifs ", durant lesquels les enseignants discutent ensemble de la progression de l’ensemble des élèves, analysent les cas les plus problématiques et se concertent pour trouver les solutions les plus adaptées. Dans un petit nombre d’écoles, une partie des enseignants ont commencé à s’initier aux pratiques de l’intervision : sur la base de critères préalablement négociés en équipe, les enseignants observent leurs collègues durant des séquences d’enseignement en classe et échangent ensuite leurs réflexions sur leurs pratiques respectives.

Pendant toute la durée de l’exploration, les différents acteurs concernés par les projets d’établissement se sont rencontrés régulièrement dans le cadre du " groupe inter-projets ". À intervalles réguliers, celui-ci a été élargi et accueille également les inspecteurs des écoles en innovation, ainsi que les responsables des services de formation continue. Des rencontres annuelles et des formations communes entre écoles, ainsi que l’installation d’outils de télécommunication ont peu à peu complété et intensifié la mise en réseau.

Les écoles ont été incitées à s’initier aux approches de l’enseignement-apprentissage qui leur permettaient d’encore mieux répondre aux besoins et styles d’apprentissage très divers des élèves. Dans de nombreuses écoles, les enseignants ont ainsi été amenés à mettre en place de nouvelles formes de contrat social et didactique avec les élèves, dans l’objectif de leur faciliter l’auto-socio-construction des savoirs (Vellas, 1999). De même, toutes les écoles ont développé les conseils de classe dans l’intention d’offrir un véritable espace pour échanger sur les problèmes de la vie scolaire, pour discuter des avantages et modalités de démarches plus coopératives et, enfin, pour réfléchir ensemble au sens du travail scolaire et au " métier d’élève " (Perrenoud, 1996 a). Dans certaines écoles, les parents ont été étroitement associés à la conception et mise en œuvre des nouvelles pratiques.

De l’activisme à la méthode

La possibilité qui fut offerte aux écoles d’explorer à l’intérieur des trois axes qui avaient été volontairement définis de manière très large les a précipitées dans une certaine agitation. Elles ont rencontré quelque difficulté à s’imposer l’analyse et l’autodiscipline nécessaires qu’exigent la conception et planification d’un processus de transformation des pratiques dans la durée. D’abord, parce qu’il leur était difficile de freiner l’euphorie qu’avait produite la décision des autorités de leur accorder une certaine latitude pour élaborer leurs projets. Ensuite, parce qu’elles ne possédaient pas les outils nécessaires pour analyser les facilitateurs et les obstacles auxquels les confronterait leur mise en œuvre. Et enfin, parce que la majorité d’entre elles ne disposaient pas des règles, ni les procédures de prise de décision internes pour venir à bout de leurs contradictions internes. Cette prise de conscience a progressivement apporté l’ensemble des acteurs à entreprendre une définition plus claire les rôles et les tâches tant à l’intérieur des écoles, qu’au sein du dispositif. L'activisme a progressivement cédé le pas à une démarche plus systématique et méthodique, une meilleure capitalisation des expériences, la prise de conscience du fait que, pour innover efficacement et durablement, il n’est pas indispensable de tout faire tout de suite.

Etre pragmatique, ce n’est pas renvoyer chacun à sa pratique, c’est tirer les leçons de l’expérience des uns et des autres, donc investir une certaine énergie, un certain temps, un certain savoir-faire dans la concertation, la mise en commun des représentations, le recensement des hypothèses, la comparaison de stratégies alternatives, l’évaluation des essais. Pour cela, il faut accepter que l’apprentissage organisationnel ne soit pas réalisé par dessus le marché, au-delà du fonctionnement régulier. Ni confisquée par la hiérarchie, ni déléguée à quelques spécialistes, ni réservé aux moments de crise, la réflexion sur les pratiques, les contenus et les structures devrait s’inscrire dans le fonctionnement ordinaire de l’école, dans le cahier des charges, dans l’identité professionnelle. Cela suppose des attitudes et des représentations différentes de l’autorité, du métier, du savoir, mais aussi des savoir-faire et des dispositifs organisationnels, des méthodes d’animation, de consultation, de décision concertée, des temps de travail permettant la coopération et les échanges entre professionnels. La méthode suppose aussi qu’une part de la formation s’oriente dans ce sens : savoir communiquer, s’exposer aux doutes et aux conflits d’idées, dégager des hypothèses, renoncer à suivre tous les lièvres, évaluer les conséquences d’une option.

Rester soi-même tout en acceptant les différences

Les enseignants faisant partie du dispositif d'exploration n'en étaient pas à leur premier essai : la grande majorité d'entre eux avaient déjà participé à d'autres projets ou s'étaient impliqués dans diverses démarches de formation. Ils avaient eu d'amples occasions de faire l'expérience des avantages aussi bien que des obstacles liés aux démarches collectives. Pourtant, il ne leur a pas été facile de faire la part entre l'implication dans une démarche où chaque école innoverait à sa guise et la participation à un processus collectif au sein duquel les divers partenaires étaient censés faire émerger, progressivement, les contenus d'une future réforme applicable à l'ensemble des écoles du canton.

Il existait certes un texte d'orientation qui définissait, dans les grandes lignes, les axes d'exploration ainsi que leur contenu. L'expérience montra toutefois que ce texte avait été reçu, lu et compris de manières très diverses non seulement par les diverses écoles en innovation, mais par les enseignants faisant partie de ces mêmes écoles. Les uns et les autres avaient été amenés à interpréter, volontairement ou involontairement, certains contenus de manière à se trouver confortés dans une orientation déjà prise. Une partie des enseignants les plus militants s'est trouvée écartelée entre une adhésion à la reprise d’idées qu'ils défendaient depuis longtemps et une méfiance viscérale face à un système politique paraissant récupérer des idées qu'il avait longtemps combattues. Alors que la majorité plus conservatrice s’en donnait à cœur joie pour dénoncer une démarche quim à son avis, ne pouvait qu'entraîner la perte d'acquis en terme de qualité des pratiques d'enseignement et de coexistence pacifique au sein des écoles et de la profession.

S’ajouta à cela, en toile de fond, une rupture totale par rapport aux pratiques habituelles en ce qui concerne la mise en œuvre du changement : à cause de la tradition centralisatrice du système genevois, les divers groupes d'acteurs n'avaient pas pu développer, ni imaginer les procédures selon lesquelles ils étaient censés s’inscrire dans une logique coopérative pour construire et gérer le changement de manière participative. Il a fallu quatre années de tâtonnements et souvent d'expériences douloureuses pour non seulement développer une vision commune, mais également pour établir les amorces d’une base de confiance et pour définir les règles de jeu qui rendent possible l’innovation négociée. Pour se rendre compte que dans ce domaine rien n'est jamais acquis.

Les inévitables jeux de pouvoir

Malgré sa coloration démocratique, l’innovation négociée n’adopte pas pour autant une attitude neutre face au changement : elle tente d’y contribuer, incitant les systèmes à se donner les moyens de résoudre leurs problèmes. Le changement est essentiellement perçu comme un processus de développement visant à impliquer les uns et les autres dans un projet commun.

Une telle démarche n’est certainement pas à l’abri de luttes d’influence, ni de conflits. Tout réel processus du changement produit des tensions, contraint à des processus de deuil et bouleverse non seulement les routines, mais également les rôles et les fonctions des différents partenaires du système. Les bénéfices qu’en tireront les uns n’iront pas sans " coûts " pour d’autres. Le changement touchera inévitablement aux privilèges et aux statuts, aux droits acquis et aux compétences reconnues, aux domaines d’influence des uns et des autres. Lorsqu’elle se fixe comme objectif de dépasser l’incompétence collective, l’innovation négociée conduit à prendre en compte tant la précarité des arrangements organisationnels que les enjeux stratégiques et les logiques des divers acteurs.

Les meilleures intentions ne protégeront pas les acteurs des problèmes de communication, de se perdre dans les multiples significations que les uns et les autres attribuent aux choses et de leurs effets sur les comportements et les relations collectives.  Si chacun peut rêver de changer l’autre, il doit s’attendre à la réciproque, quand bien même il n’y a pas toujours symétrie. Le pouvoir consiste notamment à imposer à l’autre de changer, sans lui accorder en retour la même influence. L’expérience genevoise montre que l’innovation négociée exige une définition très claire et une négociation réitérée des règles de jeu ainsi qu’une autoévaluation constante pour empêcher que le processus ne s’enlise, par abus de pouvoir des uns ou par manque de leadership des autres. A défaut, la créativité des divers partenaires ne pourra que produire des initiatives isolées, qui se neutraliseront mutuellement.

Les résidus de la gestion bureaucratique

Suivant le contexte socioculturel, les autorités scolaires construiront des normes très différentes en ce qui concerne par exemple la tolérance face à l’incertitude et au désordre qu’entraînera l’innovation négociée. Au gré des nouvelles théories sur l’innovation scolaire, la grande majorité des systèmes scolaires actuels se vantent d’accorder davantage d’autonomie des établissements scolaires et de créer les prémisses d’une démarche qui permettrait d’impliquer l’ensemble des acteurs dans les processus prise de décision. L’expérience montre hélas que dans la majorité des cas, cette ouverture est de brève durée et que les autorités rencontrent une grande difficulté à rester partenaires du jeu dès lors qu’elles se sentent en position de perte de contrôle face à la diversité des approches locales.

Or, face à l’innovation négociée, le modèle bureaucratique qui caractérise le fonctionnement des hiérarchie scolaires perd son sens : il ne s’agit plus de rapporter le travail à ce qui était prévu, ni de légitimer les actions du passé, mais d’évaluer la légitimité d’actions souvent imprévues, qui ne sont pas codifiées par les programmes, ni par les règlement scolaires. Il existe donc bien une relation, relativement évidente, entre l’organisation du travail et le changement. Plus les acteurs sociaux s’engagent dans des processus participatifs visant à transformer le système, moins ils seront disposés à réglementer leur activité de manière précise : le changement s’oppose forcément à une organisation rigide et centrée sur un ordre unique.

Penser " réseaux " : un réflexe à acquérir

L’objectif de la démarche genevoise consistait notamment à offrir aux écoles des possibilités multiples et variées de confronter leurs pratiques. Il a fallu trois années pour que ces dernières commencent à prendre conscience des avantages d’une telle démarche. D’abord parce que les équipes devaient d’abord se forger une identité propre. Ensuite, parce qu’une telle approche ne correspondait pas vraiment à la culture prévalente : apprendre de l’expériences d’autrui, organiser les échanges de compétences, inviter les collègues d’autres écoles pour fonctionner comme " amis critiques " : ce ne sont pas des démarches anodines dans un milieu où la culture de l’individualisme reste assez fortement enracinée.

Nous pensons néanmoins que c’est une piste à développer, dans la mesure où elle s’avère comme facette très efficace du développement professionnel : elle implique les enseignants activement dans la démarche de résolution de problèmes professionnels dépassant le cercle restreint de leur école ; elle leur offre des bouffées d’oxygène par rapport à la dynamique certaines fois étouffante de leur propre école ; elle leur permet de faire l’abstraction de leur propre contexte pour envisager de nouvelles solution auxquelles ils n’auraient probablement réservé qu’un accueil frileux et réticent ; enfin, elle leur permet de faire - plus facilement - reconnaître leurs compétences ailleurs qu’au sein de leur propre équipe - ce qui représente des occasions de valorisation professionnelle estimables.

De l'incompétence inconsciente à la compétence consciente

Le projet d’établissement pose la question de savoir comment amener les acteurs sociaux à profiter des interactions possibles pour accroître leur compréhension des processus, de manière à ce qu’ils puissent améliorer leurs compétences dans l’action. Traditionnellement, l’école a mis en place un système assez hiérarchique pour détecter les incompétences : les cadres évaluent les enseignants et les enseignants évaluent les élèves. S’ajoutent à cela quelques autres interfaces (de rares séances avec les parents, quelques commissions formelles pour informer les divers partenaires sociaux des décisions prises en haut lieu, les moments de passage des élèves d’une structure à l’autre, etc.) qui sont généralement fortement formalisées, afin d’éviter que les désaccords ne dégénèrent en tensions et luttes de pouvoir.

Le dispositif d’exploration genevois a non seulement multiplié les interfaces, mais il a également bousculé les habitudes en ce qui concerne la définition de l’émetteur et du destinataire du feedback. Au gré des séances de concertation, les enseignants dans les écoles en innovation ont été amenés, et souvent encouragés, à exercer un contrôle réciproque. Il serait naïf de croire que le principe d’une communication ouverte contribue forcément à instaurer, d’emblée, une pratique constructive du feedback, à éliminer les non-dits et les aveuglements tant individuels que collectifs, voire à aider les divers partenaires à se reconnaître mutuellement certaines compétences et à tracer systématiquement, de manière coopérative et constructive, leurs incompétences respectives.

Lorsqu’elle évolue dans un climat de confiance et de transparence, ce fonctionnement offre néanmoins une chance de plus pour ne pas passer à côté de certains problèmes que les individus seuls auraient tendance à scotomiser. Tout en bousculant certaines habitudes hiérarchiques, elle permet ainsi de multiplier les occasions, non seulement d’identifier les dysfonctionnements, mais également de mieux connaître les compétences des uns et des autres.

Modalités organisationnelles souples

L’orientation vers les cycles d’apprentissage a entraîné la réflexion sur des modalités organisationnelles plus souples, mieux à même de prendre en compte les besoins des élèves et de mettre en synergie les forces humaines existantes. Face aux deux écueils - en rester à une division connue du travail, en classes et en degrés, au risque de perdre le bénéfice d’une organisation en cycles, ou se lancer dans des fonctionnements si novateurs et si complexes qu’ils deviennent difficiles à décoder et à maîtriser &emdash; la voie de la sagesse consista en effet à ne pas imposer une organisation du travail unique aux écoles.

Les réalités locales diverses (nombre d'élèves par cycle, stabilité des volées, compétences et disponibilité des enseignants, histoire de l'équipe, culture de coopération, nature du quartier) ont en effet amené diverses écoles à concevoir et à faire évoluer une gamme large de modalités organisationnelles. Certaines ont ainsi été très loin dans la conception d’une approche modulaire exigeant une coopération professionnelle poussée, alors que d’autres préféraient s’en tenir à une organisation plus traditionnelle (regroupant, dans des classes stables, les élèves du même âge) et moins exigeante sur le plan de l’harmonisation des pratiques. Dans toutes les écoles, les enseignants se sont par contre fortement impliqués pour assurer une cohérence optimale entre les objectifs collectifs et les dispositifs d'enseignement-apprentissage.

Un pilotage centré sur la négociation dans la durée

D’emblée, les auteurs des textes fondateurs avaient été conscients que la réforme ne se ferait qu’à condition d’amener les divers groupes d’acteurs concernés (enseignants, autorités, cadres, parents) à construire, ensemble, une nouvelle vision de l’école primaire. Pour cette raison, il a été décidé d’entamer la mise en oeuvre par un processus suffisamment ouvert et négocié pour permettre à chacun d’y trouver sa place et de s’y impliquer à son rythme. Le dispositif de la phase d’exploration (incluant les écoles en innovation, mais également tout un dispositif de suivi et de concertation) a été conçu de manière à impliquer, à des échelons et avec des degrés d’engagement divers, un maximum d’acteurs dans une réflexion commune.

Malgré les nombreuses régulations qui furent introduites en cours de route, la combinaison entre pilotage et négociation n’a pas été une chose facile. Pour parvenir à construire un paradigme commun du changement, l’ensemble des acteurs ont été amenés à identifier et à affronter les obstacles, contradictions et dilemmes tant conceptuels, que matériels qu’une telle démarche produit inévitablement. Aucun d’eux ne pouvait être levé par la seule bonne volonté, ni par les décisions autoritaires ou unilatérales. Ils exigeaient, de la part de tous les partenaires, un patient travail sur les représentations sociales et une concertation constante en ce qui concerne les rapports de pouvoir et les champs de compétence respectifs.

II. La posture de l’organisation apprenante :
une quête longue et difficile

L’action innovatrice risque de tourner en rond, de verser dans l’activisme et de se vider progressivement de son sens si le projet ne se transforme pas en une démarche, fondée sur des objectifs clairs, des méthodes de décision et de travail, des dispositifs de concertation, un calendrier. Tout cela mobilise des compétences individuelles et collectives de gestion de projet, que les acteurs construisent souvent "  sur le tas " ou ont construit lors de démarches antérieures.

La démarche de projet n’est pas une fin en soi, mais à nos yeux une des composantes de l’établissement qui rend les enseignants acteurs de la construction du sens du changement et de sa mise en œuvre. Cette exigence amène forcément à récuser les méthodologies simplistes, à ne rien nier de la complexité et de la fragilité des démarches de projet dans leurs dimensions sociologiques, psychologiques et anthropologiques. Ceux qui recherchent le changement et non le projet pour le projet sont donc tôt ou tard conduits à faire le deuil de l’idée qu’il pourrait s’agir d’une stratégie simple, à la portée de chaque établissement qui voudrait bien y mettre un peu de bonne volonté. La démarche de projet - par elle-même - contient une composante volontariste, mais elle ne peut réussir sans ressources matérielles et institutionnelles, sans un travail constant d’élaboration conceptuelle et de réflexion, sans accompagnement externe, au moins dans certaines phases et, sans doute, sans un plan cadre plus général garantissant sa légitimité institutionnelle. Dans cette perspective, un projet d’établissement s’ancre notamment :

Qu’on ne s’étonne pas que tous ces éléments compliquent la partie !

En faisant l’état des lieux, en énonçant les valeurs et en construisant un plan d’action, les acteurs concernés sont amenés à s’interroger sur ce qu’est leur établissement, sur ce qu’il devrait être, sur l’écart et les moyens qui permettent de le réduire. Ce travail de description et d’analyse part d’une diversité où il y a autant d’images et de valeurs qu’il y a d’acteurs. Parvenir à un projet unique contraint donc à trouver non seulement des dénominateurs communs, mais d’abord des raisons d’en chercher… Ce qui incite, du coup, à clarifier les liens professionnels et affectifs qui unissent - ou séparent - les uns et les autres, à régler des comptes, à accroître la transparence, à mettre sur la table des non-dits, des problèmes de pouvoir, des rivalités, des alliances occultes, à dénouer les divers enchevêtrements accumulés dans l’histoire de l’établissement. Cela représente la partie la plus difficile de la démarche. La construction du projet fonctionne comme un accélérateur de l’action collective et, en même temps, comme un analyseur et révélateur de l’établissement comme système social complexe, lieu de travail mais aussi lieu de vie et de relations chargées d’émotion.

Trois dimensions à articuler

Dans l’objectif d’une démarche globale, le projet d’établissement est donc amené à jouer avec trois dimensions :

Dans son livre " La cinquième discipline ", Senge (1991) écrit qu’il s’agit d’une " organisation intelligente " ,

  • … qui développe sans cesse sa capacité à bâtir son futur. Pour elle, il ne suffit pas seulement de survivre. Connaître les règles de survie ou d’adaptation est nécessaire, mais doit être complété par un apprentissage en action, un apprentissage qui renforce notre capacité à créer.

    Dans une telle organisation, les acteurs développent continuellement leur capacité de produire les résultats visés, tout est mis en œuvre pour faire émerger de nouveaux modes de penser et de résoudre les problèmes, où il existe des objectifs communs et où les gens apprennent constamment comment apprendre ensemble (ibid., p. 30).

  • Lorsqu’il prend en compte ces trois dimensions, se centre et se recentre constamment sur l’objectif d’une construction collective du sens des pratiques et de leur développement, le projet d’établissement devient un véritable outil de changement, d’apprentissage organisationnel. Ce dernier met en relation les processus individuels de réflexion en action et les construits collectifs qui servent de cadre à l’action des professionnels (Wittorski, 1997).

    La théorie de l’apprentissage organisationnel (Argyris & Schön, 1978) admet que les savoirs mobilisés dans l’action individuelle sont, dans une large mesure, socialement déterminés. En même temps, elle soutient que l’individu a une certaine prise sur la transformation de ces surdéterminations cognitives, l’action pouvant déclencher un processus de mise à l’épreuve et de révision des construits cognitifs en place.

    Au cœur du processus de changement, on trouve en effet, non seulement l’évolution de chacun, mais la complémentarité de ces évolutions, la continuité du système d’interactions, donc de l’orchestration des habitus (Bourdieu, 1972, 1980). C’est l’hypothèse qui fonde toute intervention sur un système, à la manière par exemple de l’école de Mintzberg ou celle de Palo Alto. Dans cette perspective, il faut une évolution sans (grave) rupture de l’orchestration elle-même, par-delà la " réécriture " de la partition de chaque concertiste. Le projet d’établissement et l’identité collective qu’il contribue à faire émerger, à transformer et à consolider favorise donc un ensemble d’évolutions synchrones et complémentaires qui conservent - en les transformant - l’orchestration des habitus et donc des pratiques.

    Ceci ne signifie pas que le projet d’établissement exige une coordination explicite des apprentissages individuels. C’est souvent la logique même des interdépendances qui oblige chacun à apprendre pour s’adapter à l’évolution de ses partenaires.

    La quête de cohérence et ses excès

    Une démarche de projet fait prendre conscience à chacun des limites de sa propre cohérence et l’oblige à se déplacer pour qu’une cohérence collective devienne possible. Prenons, par exemple, des enseignants acquis aux méthodes actives et à la pédagogie différenciée. Admettons que leur projet soit de mettre en place des dispositifs décloisonnés pour gérer de façon plus concertée et sur plusieurs années la progression des élèves. Comment se mettre d’accord sur une organisation alternative du travail, des groupements, de l’évaluation et du suivi des élèves ?

    Les premières discussions approfondies mettront en évidence la diversité des conceptions de l’enseignement et de l’apprentissage, des limites que fixe chacun au principe d’éducabilité (chacun porte en soi une part variable d’idéologie du don, plus ou moins refoulée), des croyances - plus ou moins mythiques et romantiques - que les uns et les autres véhiculent quant à l’organisation et la forme scolaire idéale (classes mono- ou multiâge, degrés annuels ou cycles, etc.), des visions de l’autorité, du contrat, du rapport pédagogique, du rôle de l’enseignant dans la classe, de l’évaluation ou de la sélection.

    Les choix à opérer collectivement confrontent les enseignants à des dilemmes dont ils ne peuvent faire façon par un simple choix majoritaire. Chacun doit s’efforcer de comprendre la logique de l’autre, ce qui oblige à prendre conscience de la complexité et de la diversité des manières de mettre de la cohérence dans une pratique. Chacun, individuellement, construit une cohérence qui, pour lui, va de soi, comporte une forme de nécessité logique, paraît de simple bon sens. Or, lorsqu’il est confronté à la cohérence des autres, les évidences s’effondrent. Commence alors un douloureux travail de construction d’une cohérence commune, pourtant indispensable pour que l’action collective produise ses effets.

    Selon Midler (1997), une telle démarche mobilise des savoirs et des compétences de haut niveau pour construire une " intercompréhension " permettant d’affronter sans trop de tensions et sans de stériles jeux de pouvoir les controverses et ambiguïtés inévitables que produira tout processus de transformation des pratiques. Dans tout projet commun, l’exploration collective se double ainsi d’une exploration réflexive des acteurs : comment dois-je analyser la situation ? quelle réponse, quelle solution puis-je apporter et dans quelle mesure pourra-t-elle être utile aux autres ? Dans quelle mesure son utilité sera-t-elle reconnue ? Dois-je, puis-j'avoir confiance dans ce que mon savoir - ou le savoir de l’autre - me suggèrent ?

    En fin de compte, la quête de cohérence représente plutôt une posture, qui conduit les uns et les autres à rendre explicite ce qui, le plus souvent dans un établissement scolaire, demeure implicite : sa finalité, sa vocation, son ambition collective, ses buts, sa mission, ses valeurs partagées, ses tabous, son éthique (Obin, 1996), sa culture et ce qui fait réellement courir les acteurs. Elle doit contribuer à faire avancer les uns et les autres, au lieu de les enfermer dans un carcan.

    A Le changement de culture comme produit de l’action collective

    La culture n’a d’importance que parce qu’elle sous-tend le fonctionnement de l’établissement comme système d’action collective et organisée. Même anomique, même peuplé d’individualistes baignant dans une culture individualiste, un établissement est un système d’action collective.

    Cela ne signifie pas qu’il se mobilise comme tel, ouvertement et délibérément, qu’il s’affiche comme acteur innovateur ou au contraire anti-innovateur. Si le changement, comme le non-changement, sont des produits tant d’une construction, que d’une action collectives, ce peut être, dans une large mesure, à l’insu des acteurs. Les logiques de discussion, de décision et d’action inscrites dans leur culture fonctionnent sans qu’ils se rendent compte qu’elles encouragent ou inhibent le changement.

    Il ne suffit sans doute pas qu’un établissement ait une culture favorable au changement pour que cette ouverture soit systématiquement transformée en changements effectifs et durables. Les établissements innovateurs sont non seulement des établissements dont la culture " donne une chance au changement ", mais des établissements dont le changement est en quelque sorte une source d’identité, un facteur de cohésion, un moteur, un mode de vie et non seulement une résultante involontaire de l’action collective. Ce sont des établissements qui parviennent de plus à mettre leurs intentions en œuvre, avec méthode et persévérance.

    Cette posture culturelle face au changement peut être l’une des caractéristiques clés de l’établissement, elle peut être acquise en cours de route, pendant la mise en œuvre d’un projet de changement ; elle peut être acquise après coup, à la suite d’une expérience particulièrement réussie et valorisante, voire d’un échec, pourvu que celui-ci n’ait pas été vécu de manière traumatisante, mais ait pu être analysé et élaboré. En fin de compte, cette posture culturelle se trouve en étroite relation avec le sentiment - réel ou fantasmé - d’une maîtrise croissante des mécanismes individuels et collectifs de fonctionnement.

    Suite à de nombreuses recherches visant à étudier l’impact de la formation continue sur les enseignants, nous connaissons aujourd’hui l’importance du climat et de la coopération professionnelle, qui offrent aux enseignants la sécurité, le soutien et le bien-être nécessaires pour qu’ils osent mettre en question leurs pratiques et s’engager dans les processus du changement. Ce dernier est alors imaginé et conduit grâce à une action concertée et à une réflexion commune sur les problèmes et les pratiques, qui contribuent à leur tour à l’évolution de la culture de l’école : les enseignants parlent de plus en plus facilement des problèmes pédagogiques auxquels ils se trouvent confrontés, commencent à coopérer de façon routinière, même en dehors des moments centrés sur l’innovation proprement dite, s’habituent à modifier les structures internes et à construire des stratégies, développent des connaissances, des savoir-faire, des compétences en matière de résolution de problèmes et de changement planifié.

    Paradoxalement, l’expérience genevoise montre que les équipes d’enseignants qui s’engagent dans ce type de démarche adoptent progressivement une attitude plus ouverte face aux demandes des autorités. Premièrement, parce qu’elles parviennent plus rapidement à percevoir la signification de ces demandes. Et deuxièmement, parce qu’elles ont développé un savoir-faire pour se mettre en posture de questionnement, d’analyse et, le cas échéant, de marchandage social et de régulation collective, qui leur permet de s’approprier la demande, de manière à ce qu’elle ne soit plus perçue comme une chicane administrative mais, au contraire, comme un " objectif-obstacle " à franchir (Perrenoud, 1996 b).

    L’évolution la plus forte concerne cependant la capacité qu’ont développé les écoles en innovation genevoises à se mettre dans une posture d’organisation apprenante : fortement identifiées à leur projet et à leur culture locale, elles restaient toutefois très conscientes que ce sont les individus qui pensent, agissent et construisent le changement. D’où leur recherche constante d’un fonctionnement qui assurait une combinaison optimale entre actions individuelles et collectives. Au bout de quatre années, il était intéressant de voir combien les écoles ayant bénéficié de cette interaction, certes astreignante et contraignante, sont parvenues à consolider leur identité tout en se considérant comme partie d'un système en évolution. Les changements culturels les plus importants s'observent au niveau d'une démarche plus systématique, sur le plan de l'émergence d'une responsabilité collective et, enfin, d'une posture d’équipes pédagogiques étonnamment émancipées et sûres d'elles, assumant pleinement et avec confiance en elles tant leur autonomie en termes d’organisation interne, que l’obligation de rendre périodiquement compte de l’évolution de leurs pratiques.

    Prises dans leur globalité, ces modifications sur le plan des attitudes et des structures ne préparent pas seulement à gérer le changement, mais renforcent, par la suite, le sentiment des divers acteurs que leur établissement est capable de changer, ce qui accroît en retour leur ouverture face à des changements ultérieurs et permet d’instaurer ce que Hopkins et al. (1994) appelle le " cercle vertueux du changement ".

    Les établissements qui ont - sans éclater - fait l’expérience de tels " cycles du changement ", parviennent à vivre de plus en plus positivement la confrontation d’idées, les divergences, voire les conflits. Au lieu de les percevoir, avant tout, comme des menaces à l’ordre existant, ils apprennent à les accepter, à les utiliser comme des occasions de clarifier les représentations respectives, d’identifier des problèmes restés inaperçus, de développer de nouvelles solutions, plus efficaces et plus intéressantes. En nous référant à Strittmatter (1998), il est ainsi possible d’imaginer l’évolution vers une " culture du conflit sociocognitif ", au sein de laquelle la valeur ajoutée par le débat constitue un moteur interne des transformations de la culture.

    Cette culture du changement et du débat permet aux établissements de mieux affronter et tolérer les turbulences, dans la mesure où ils développent une certaine aptitude à les percevoir comme des effets secondaires - certes inconfortables - de processus de développement qui, eux, sont jugés souhaitables. En quelque sorte, on peut imaginer que ce processus se déroule selon le schéma suivant : les priorités qu’une école se fixe l’amènent à faire le choix d’une certaine stratégie, ce qui provoque un certain nombre de turbulences, poussant les acteurs à mettre en place un certain nombre de réponses pour faire face à la déstabilisation, ce qui produit à son tour un changement sur le plan culturel.

    Bien que cette séquence résume assez bien la manière dont nombre d’acteurs concernés vivent l’enchaînement des événements, les dynamiques dans lesquelles ils se trouvent impliqués ne sont, en réalité, jamais aussi simples, ni aussi linéaires : par exemple, le changement sur le plan culturel ne représente certainement pas la seule issue. En outre, le changement culturel ne peut être suivi, ni contrôlé en détail. De ce fait, il faut souvent beaucoup de temps, plusieurs répétitions de la trame décrite ci-dessus, avant que les représentations et fonctionnements des uns et des autres se modifient et s’emboîtent de manière à stabiliser un changement de culture organisationnelle. Il est impossible de réduire un processus de changement à des procédures rationnelles ; par ailleurs, il n’est guère envisageable d’imaginer une démarche commune si les acteurs ne partagent pas, dès le début, un minimum de représentations quant aux priorités et aux démarches. Fullan et Miles (1992) parlent de " strategic maps ", de " cartes stratégiques ". Celles-ci doivent être à la fois suffisamment précises pour permettre de visualiser les différentes démarches et suffisamment souples pour être remaniées au gré de l’avancement du processus.

    Il est indispensable que les acteurs collectifs construisent de telles " cartes stratégiques " des voies de changement et des différentes étapes envisagées, ainsi que des finalités et indicateurs du changement, des domaines où les effets devraient pouvoir être constatés. Ces cartes stratégiques, qui se constituent à partir de représentations et de points d’accord souvent âprement négociés, sont les conditions d’amorce d’un changement cohérent. Toutefois, ni son sens, ni la " vision " de l’état visé ne peuvent être entièrement donnés d’avance. Ils ne sont ni stables, ni immuables. Au contraire, le sens du changement et la vision du but se (re) construisent dans le temps, au fil des interactions et des expériences, au fur et à mesure que les divers acteurs sont amenés à identifier, à clarifier et à articuler les problèmes imprévus que le travail d’innovation fait surgir, avec leur cortège de découragements et de conflits.

    On perçoit ici l’interdépendance entre processus de changement, d’une part, et culture d’établissement et identité collective, d’autre part. Ce sont les turbulences que crée tout processus de changement qui permettent d’interroger et de faire évoluer, à partir d’une réflexion continue, la culture et, en définitive, l’identité collective. Ce sont les solutions que les acteurs concernés sont capables de trouver qui permettent de construire, à partir des dissonances cognitives rencontrées, la cohérence nécessaire pour orienter l’action commune. Cette dynamique passe inévitablement par la capacité des systèmes à créer des dispositifs qui permettent aux acteurs de mettre en oeuvre leurs compétences professionnelles et de reconstruire le lien qui doit exister leurs croyances, idéaux, pratiques quotidiennes et les missions générales du système éducatif et des enjeux qui leur sont propres.

    Le projet d'établissement y représente un outil précieux, à condition qu'il fasse l'objet d'une explicitation, négociation et régulation constantes, entreprises par les principaux acteurs concernés. S’il existe, certes, quelques heureuses exceptions, l’expérience montre au contraire que la grande majorité des systèmes l’incluent dans leurs stratégies d’innovation sans pour autant aller au bout de la démarche. Sans investir le temps et les ressources nécessaires pour assurer sa réussite, ils redéfinissent le projet d’établissement à partir de leur compréhension &emdash; pour la plupart assez limitée - des mécanismes du changement, ignorant les fondements anthropologiques et sociologiques de ce type de démarche (Boutinet, 1993) et contribuant ainsi à son instrumentalisation sur le plan macro- et micro-politique (Lehmeier, 2000).

    Passer de solutions monolithiques à des scénarios alternatifs

    Certes, il serait naïf de croire que la construction du sens, à laquelle les acteurs doivent consentir pour assurer une véritable transformation des pratiques, puisse leur être imposée sur un plan global. Mais il serait tout aussi naïf de penser qu’une telle transformation puisse avoir lieu de manière spontanée. Elle exige en définitive une nouvelle forme de leadership, suffisamment visionnaire pour ne pas perdre de vue des objectifs ambitieux et à long terme, suffisamment compétent dans l’argumentation pour créer les conditions d’un large débat et, enfin, suffisamment confiant dans sa capacité de gérer la complexité pour autoriser le " tâtonnement collectif ".

    La rénovation genevoise montre combien il est difficile d’instaurer ce type de leadership. Il exige en priorité qu’il existe un climat de confiance hors pair entre les divers groupes d’acteurs. Mais il exige aussi, de la part des autorités, une acceptation assez inhabituelle du désordre, qui va de pair avec les vrais changements. Ce qui signifie qu’il faut accepter qu’il n’existe pas de solutions monolithiques, mais qu’il faut accepter les scénarios alternatifs et équivalents et envisager d’autres modèles de fonctionnement pour construire la cohérence du système malgré lui.

    Autonomie totale, pilotage négocié ou retour au modèle bureaucratique ?

    Comme c’est le cas d’une majorité des systèmes scolaires des pays occidentaux, l’école primaire genevoise est en train d’évoluer vers un fonctionnement qui accordera, à moyen terme, une plus grande autonomie aux écoles. A moyen terme, cette évolution devrait permettre à l’ensemble des écoles de faire preuve de créativité pour élaborer les solutions les mieux adaptées aux besoins du contexte. En définitive, la rénovation devrait contribuer à reconnaître, systématiser, recentrer et faire évoluer des pratiques déjà largement existantes au sein d’un système qui, en dépit de sa tradition centralisatrice et souvent autoritaire, ne s’était jamais donné les véritables moyens pour piloter les processus de transformation.

    De leur côté, l’association professionnelle réclame, depuis de nombreuses années, une reconnaissance formelle des compétences d’autogestion et d’autoformation des enseignants, qu’elle désigne comme un des aspects indissociables d’une professionnalisation qui est censée être largement avancée. L’expérience des premières années de la rénovation genevoise montre que les problèmes sont bien plus complexes que cela et se situent avant tout sur le plan de l’évolution des représentations, croyances, attitudes, valeurs touchant à la culture tant professionnelle, qu’administrative. Cette évolution ne se commande pas, mais ne pourra se faire qu’au prix d’un long et patient travail de construction collective d’une nouvelle vision de la culture scolaire.

    Pour conclure : peut-on changer la culture ?

    La réponse ne peut qu’être différenciée et complexe. Il est vrai qu’à première vue, la culture tend à être une force conservatrice, stabilisatrice au sein d’un système social. Les contenus culturels sont très normatifs, ils inclinent les acteurs à agir et penser d’une certaine manière parce qu’ils sentent très fortement qu’il est " juste " ou " désirable " de penser et d’agir ainsi. Mais la culture change et se développe lorsque les gens rencontrent de nouveaux problèmes, accueillent de nouveaux venus, assument de nouvelles tâches, construisent de nouveaux savoirs ou redistribuent les rôles. Par conséquent, la culture est, paradoxalement, à la fois statique et dynamique. Les conflits, les disputes, les ruptures à l’intérieur d’un établissement, ou du moins une certaine envie de changer, de la part de quelques innovateurs, de quelques visionnaires, de quelques leaders, constituent une sorte de " gâchette ", qui incite à mettre en question la culture actuelle.

    On crée ainsi une dynamique grâce à laquelle les acteurs mettent en commun leurs objectifs et leurs représentations, grâce à l’adaptation et l’accommodation mutuelle : en négociant et en se concertant par rapport aux objectifs visés, on construit le sens du changement. En bref la culture, sauf dans les sociétés totalement traditionnelles, est à double face : à la fois frein au changement et levier, contrainte et ressource.

    Les dispositifs les mieux pensés n’excluent pas les rapports de pouvoir et les conflits d’intérêt qui s’instaurent dès lors qu’il faut trancher entre les exigences respectives des différents groupes d’acteurs. Dans la mesure où il crée de nouveaux espoirs, redistribue les luttes d’influence et modifie les rapports de pouvoir, tout processus du changement basé sur l’innovation négociée, même timide et extrêmement contrôlée, offre inévitablement de multiples occasions de tensions, malentendus, blessures et conflits.

    La partie reste jouable tant que les divers acteurs sociaux respectent les règles de jeu, consistant à considérer les conflits cognitifs et sociaux comme des occasions à saisir pour faire évoluer le système. Elle devient perverse lorsque l’un ou l’autre des acteurs sociaux décide unilatéralement de modifier les règles du jeu. Lorsque les autorités scolaires affirment par exemple leur volonté d’aller dans le sens d’une innovation négociée, mais s’accordent le droit de prendre les décisions essentielles de manière unilatérale, on ne s’étonnera pas que cette contradiction aura des effets dévastateurs sur les partenaires qui, de toute bonne fois, se croyaient engagés dans un processus de construction collective.

    À ce sujet, D’Iribarne (1998) et Alter (2000) mettent en garde contre une certaine tendance à succomber aux effets de mode, qui amènerait les administrations publiques à adopter certains principes de fonctionnement valables pour certaines cultures locales, mais ne convenant pas nécessairement à toutes. On peut se demander dans quelle mesure les principes du projet d’établissement, centré sur la diversité, l’indépendance, l’autonomie, la coopération, l’idée du contrat, la transparence dans l’information, la négociation et la concertation ne s’inscrit pas dans les traditions des pays anglo-saxons et nord-européens, alors qu’ils sont en décalage par rapport à la culture administrative de la plupart des systèmes scolaires tant francophones que germanophones et sud-européens, qui restent fortement imprégnés par une vision hiérarchique, respectueuse du rang social et du statut. Lorsqu’ils inspirent la réorganisation des administrations scolaires ou le pilotage des innovations, ces principes sont transposés à des structures et des corps professionnels auxquels ils restent étrangers. Ils ne correspondent pas mieux aux aspirations des enseignants qui, tout en souhaitant conserver une certaine liberté d’action, ne sont pas toujours prêts à en assumer les conséquences en matière de responsabilisation collective et de redevabilité.

    La mise en œuvre de ces modèles manifeste donc souvent une certaine naïveté culturelle. Ceux qui les importent sous-estiment les risques du " retour du refoulé ", par exemple les conduites autoritaires, la monopolisation de l’information, le refus d’un vrai débat ou d’une véritable consultation du côté de l’encadrement et du côté des enseignants, le refus de rendre compte, le peu d’implication dans la gestion de l’organisation, la tendance à rejeter toute responsabilité sur autrui, voire tout simplement l’effort de rendre l’autre fou à travers des injonctions paradoxales qui invitent à fonctionner selon les principes de l’innovation négociée dans un système essentiellement hiérarchique et autoritaire.

     

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