Echec des élèves, travail des enseignants

Au plan de l’organisation scolaire, le redoublement est directement lié au cadre temporel dans lequel l’école organise la division du travail entre enseignants. Comme mesure de flexibilisation du temps, il est synchrone avec l’horloge annuelle qui rythme la vie du système. Il suffit que les enseignant(e)s conservent les mêmes élèves sur deux ans pour que le redoublement disparaisse quasiment, non pas sans doute parce que les élèves réussissent mieux dans ces cas, mais parce que, dans un horizon temporel plus long, les maître(sse)s peuvent mieux adapter les rythmes aux élèves sans être obligé(e)s de rendre des comptes pour chacun à l’occasion du changement d’année déjà. Cette observation n’est pas nouvelle. Il y a longtemps qu’une fraction des enseignants revendique le « décloisonnement » des degrés, là où, dans une logique taylorienne et bureaucratique, d’autres protagonistes, sous prétexte d’homogénéisation des classes, tendaient au contraire à rigidifier les divisions entre degrés et entre classes. On doit se demander si c’est vraiment à cause de l’hétérogénéité des élèves ou à cause de freins institutionnels que le décloisonnement a tant de peine à s’affirmer dans les pratiques. Ne faut-il  […] pas regarder du côté des adultes concernés ? Notamment dans les grandes écoles urbaines, le décloisonnement suppose une culture vivante de la concertation professionnelle et de la coopération entre enseignants qui fait défaut dans de nombreux endroits. Il implique aussi une responsabilité (collective et individuelle) des enseignants sur l’ensemble du parcours scolaire ou du moins sur une plus longue tranche de ce parcours. Or, étendue à quatre ou cinq ans, cette responsabilité risque bien de changer de nature. Plus que lorsqu’on a les élèves une année seulement, on est amené à dépasser le domaine de l’instruction strico sensu et à prendre en compte le devenir global des élèves. […] Ce n’est pas qu’un problème de pédagogie mais aussi d’organisation (Hutmacher, W. (1993). Quand la réalité résiste à l'échec scolaire. Analyse du redoublement dans l'enseignement primaire genevois (Cahier N° 36). Genève : Service de la recherche sociologique, pp. 153-154 et 161).

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