Source et copyright à la fin du texte

 

in Séminaire des sciences de l’éducation de l’Université de Neuchâtel, La formation des enseignants en Suisse romande. Actualités, perspectives, Cousset, DelVal, 1988, pp. 47-71. Repris dans Perrenoud, Ph., La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, L’Harmattan, 1994, chapitre III, pp. 63-89.

 

 

 

La formation des maîtres ou
l’illusion du deus ex machina
Réflexions sur les rapports entre l’habitus et la pratique

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1988

 

Sommaire

I. L’illusion du " deus ex machina "

II. Une formation praticable : les conditions du passage à l’acte

III. Formation, habitus et pratique

Pour conclure

Références


Certains pensent que la pédagogie n’existe pas, qu’il suffit pour enseigner de maîtriser le savoir à transmettre. D’autres, sans dénier toute importance à la méthode, en font une affaire de don ou de personnalité. D’autres encore, qui admettent que la compétence didactique s’acquiert, pensent que la formation est de peu de poids en regard de l’expérience personnelle, de l’apprentissage " sur le tas ".

Sans professer le même scepticisme quant aux vertus supposées de la formation des maîtres, je me garderai des tentations de la pensée magique. La formation des enseignants ne peut influencer leurs pratiques qu’à certaines conditions et dans certaines limites.

La foi dans la formation des maîtres n’est jamais plus forte que dans le discours réformiste sur l’éducation : introduire les nouvelles technologies, démocratiser l’enseignement, différencier la pédagogie pour mieux lutter contre l’échec scolaire, rénover les contenus et les didactiques, développer les pédagogies actives, participatives, coopératives, ouvrir l’école sur la vie, partir du vécu des élèves, reconnaître la diversité des cultures, élargir le dialogue avec les parents, favoriser leur participation à la vie de l’école : tout cela débouche sur une conclusion omnibus, IL FAUT FORMER LES MAITRES !

Cette foi témoigne d’un optimisme à double détente :

En miroir, toutes les critiques du système scolaire ou presque s’en prennent au même bouc émissaire : la formation des maîtres, jugée trop courte, inadéquate, inadaptée, insuffisante, vieillie. Or elle ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité !


I. L’illusion du " deus ex machina "

La formation des maîtres ne peut être un " deus ex machina ", un levier miraculeux qui permettrait de dépasser les limites et les contradictions du système : elle en fait partie ! Pourquoi suivrait-elle une toute autre logique ? Comment porterait-elle à elle seule des espoirs de changement et de modernisation si elle participe d’un système globalement conservateur ?

Dans toutes les professions, la formation est un enjeu pour les employeurs et pour les organisations syndicales. La formation continue concerne directement les professionnels en place. D’elle dépendent désormais, pour une part, leurs chances de promotion ou de mobilité. La formation initiale les touche différemment : son évolution commande le vieillissement ou la dévalorisation de leurs propres qualifications aussi bien que l’image globale de la profession. Une formation initiale plus exigeante, susceptible d’équilibrer l’expérience des plus anciens, donne aux nouveaux professionnels des armes dans la compétition pour les postes. Les associations professionnelles sont donc particulièrement vigilantes et elles interviennent, parfois dans un sens conservateur, lorsque des intérêts corporatifs sont en jeu.

De leur côté, les employeurs cherchent à contrôler la formation, parce qu’ils ont intérêt à ce que les professionnels répondent, en nombre et en qualification, aux besoins des organisations ou des entreprises qui ont des postes à pourvoir. La formation des enseignants n’échappe pas à la règle. Le contrôle exercé par les employeurs et les professionnels en place y est même plus serré.

Un anachronisme : la formation-maison !

Les administrations scolaires exercent généralement une forte emprise sur la formation initiale des enseignants :

  1. La plupart des écoles normales et autres institutions de formation font partie du système scolaire et relèvent de la même autorité que les établissements dans lesquels les maîtres travailleront ensuite.
  2. Les systèmes scolaires ne reconnaissent en général qu’un type défini de formation, celle que dispense leur propre école normale. Il y a donc monopole sur un territoire politique donné.
  3. Très souvent, la formation initiale est une formation contractuelle en emploi, avec un salaire à la clé. Le maître en formation est donc déjà agent de l’organisation scolaire.
  4. Comme l’indique le nom que portent encore la plupart des institutions de formation des maîtres primaires, la formation consiste à normaliser les représentations et les pratiques ; bien loin de viser seulement des qualifications, des compétences techniques ou relationnelles, la formation des maîtres insiste sur la conformité à des modèles didactiques, mais aussi relationnels (par rapport aux enfants, aux parents, aux collègues, à l’autorité), organisationnels, idéologiques ou confessionnels.
  5. L’école normale a souvent partie liée avec la hiérarchie du système scolaire, non seulement parce qu’elle en dépend, mais parce qu’une partie des directeurs et des inspecteurs d’école interviennent dans la formation des maîtres ; à l’inverse, une carrière dans la formation des enseignants peut être une voie d’accès aux positions de pouvoir dans le système scolaire, à condition bien entendu d’y avoir rendu de bons et loyaux services.

Cette étroite dépendance de la formation initiale tend à s’étendre à la formation continue. Lorsqu’elle n’est pas gérée directement par l’organisation scolaire, elle demeure sous son contrôle par le biais des congés, des budgets, de la valorisation de la formation suivie. C’est là qu’interviennent aussi les associations professionnelles.

De nos jours, il n’y a guère que l’armée et l’église pour contrôler aussi étroitement la formation de leur personnel. Dans la plupart des autres secteurs, les professions évoluent vers une plus grande séparation entre la formation et l’emploi. Même les travailleurs formés dans une entreprise obtiennent un certificat de capacité qui leur permet, sitôt leur formation achevée, d’être engagés ailleurs. Dans beaucoup de domaines, la certification présente suffisamment de garanties pour permettre une mobilité des professionnels et l’existence d’un véritable marché de l’emploi, sur lequel les employeurs jugent de la formation de leurs employés potentiels non pour l’avoir eux-mêmes assurée, mais parce qu’elle répond à des standards définis à l’échelle nationale ou internationale.

Sous cet angle, l’école fait figure d’anachronisme, puisqu’elle pratique encore une " formation-maison ". En Amérique du Nord, la formation des maîtres tend à être assurée par l’université, sur le modèle des autres professions universitaires, qui ne sont plus toutes, et de loin, des professions libérales. On reste en Europe, et notamment en Suisse, très éloigné de ce modèle. La formation des maîtres primaires, et la formation pédagogique des maîtres secondaires, même lorsqu’elles sont dispensées dans un cadre universitaire, relèvent assez directement de l’administration scolaire.

Il faut certes envisager plusieurs cas de figure. Parfois, l’école normale incarne la tradition et l’orthodoxie et défend une vision de l’école et des pratiques pédagogiques plus conservatrices que celles dont se réclament les autorités scolaires ou les associations professionnelles. À l’autre extrême, il arrive que l’école normale ou le séminaire pédagogique soient des foyers de diffusion d’idées nouvelles, voire des lieux d’innovation pédagogique. En moyenne cependant, la formation est à l’image du système qui la gère. Comment pourrait-elle le changer ?

Il y a certainement des esprits novateurs dans les écoles normales. Mais, compte tenu des structures, leur marge de liberté n’est pas immense. Si les tendances dominantes du système sont conservatrices, les formateurs ne peuvent faire cavaliers seuls et préparer des enseignants dont les attitudes ou les compétences iraient à l’encontre des attentes de l’autorité scolaire. Ainsi, on peut difficilement imaginer qu’une école normale enseigne durablement et légitimement aux maîtres en formation à alléger les programmes lorsque les autorités scolaires, conformément d’ailleurs aux vœux d’une majorité de parents, acceptent au mieux de les aménager…

Si l’école normale ou l’institut de formation sont des lieux novateurs, c’est en général parce que le système scolaire les y encourage ou du moins ne les en dissuade pas. Tout système d’enseignement est confronté aux changements de la société et des connaissances. Même conservateur en matière de démocratisation de l’enseignement, de sélection, d’ouverture de l’école aux parents, un système scolaire doit se moderniser, sous peine de faire l’unanimité contre lui. Il a donc intérêt à préserver quelques forces capables de préparer cette modernisation.

Au delà de ce " réformisme bien tempéré ", la formation des maîtres n’a de chances de devenir une force de changement de l’école que si elle acquiert davantage d’autonomie par rapport au système, si elle s’identifie davantage aux besoins des usagers et des praticiens qu’à ceux du pouvoir qui gouverne l’école. Est-ce possible ?

Vers une plus grande autonomie de la formation ?

Faut-il, puisque c’est un thème à la mode, songer à " privatiser " la formation des maîtres ? L’idée n’est pas absurde et on pourrait, dans certains domaines, faire confiance au savoir-faire d’entreprises privées ou de coopératives de formation qui, sans gérer dans son entier la formation des maîtres, apporteraient dans certains domaines des compétences plus pointues ou une plus longue expérience. À plus large échelle, il n’y a pas de raison de penser que la privatisation, serait-elle imaginable sociologiquement, réduirait par elle-même sensiblement la dépendance de la formation des maîtres à l’égard de l’administration scolaire. La logique du marché est de répondre à une demande solvable ; aussi longtemps que c’est l’administration scolaire qui paie, elle exercera si elle le veut une influence déterminante sur les contenus et l’orientation idéologique du curriculum de formation des maîtres.

L’autonomie de la formation ne sera pas conquise. Peut-elle être octroyée ? Peut-on imaginer que l’administration scolaire se dessaisisse volontairement de son pouvoir ? Qu’elle prenne le risque de faire de la formation des maîtres sinon un " deus ex machina ", du moins un lieu de remise en question des pratiques et peut-être même des contenus et des objectifs de l’enseignement ?

Dans une société totalitaire, la justice, la presse, l’école sont aux ordres du parti unique ou d’une caste au pouvoir ; ce qui, pour garantir les privilèges des classes dominantes, conduit à une sclérose de la société, au repli de chacun sur son intérêt particulier, à une formidable dépense d’énergie pour nier les contradictions et les injustices et réprimer la moindre dissidence. C’est à quoi prétend s’attaquer Gorbatchev. Dans une société pluraliste, personne ne saurait détenir la clé de tous les problèmes et être à lui seul l’interprète de l’intérêt général. Le pouvoir ne peut se garder de l’autosatisfaction et de l’enfermement dans la bureaucratie que s’il tolère des contre-pouvoirs, une justice indépendante, une presse libre et une pensée critique. En ces domaines, l’équilibre est instable et la tentation forte, périodiquement, de reprendre en main tout ce qui dérange, de museler la presse, les petits juges, les chercheurs impertinents, l’opposition. Même instable, toujours à reconstruire, un certain pluralisme existe néanmoins.

Pourquoi ne pas transposer le raisonnement à l’école ? Elle restera cette vache sacrée que dénonçait Illich (1971) si elle se ferme à toute critique, disqualifiant d’avance tous ceux qui, de l’extérieur, estiment qu’elle n’est pas très efficace, pas très moderne ou pas très libératrice. Dans cette perspective, accorder à la formation des maîtres une certaine autonomie, lui demander de former des professionnels assez qualifiés et autonomes pour mettre en question les routines et innover pourrait être un bon calcul. Sans doute cela favoriserait-il une certaine contestation des rapports d’autorité, une certaine diversification des modèles et des pratiques, une certaine ouverture à des courants de pensée encore marginaux dans l’école. Ce serait à moyen terme profitable au système lui-même !

Pour aller dans ce sens, il y a mille choses à faire. L’une d’elles serait de donner aux institutions de formation des maîtres davantage d’indépendance, donc des moyens de recherche, de réflexion, d’expérimentation, mais aussi certaines franchises quant aux contenus et aux orientations de la formation. Cette évolution me semble inévitable. Plutôt que de s’en défendre, les systèmes scolaires feraient mieux de l’organiser !

Mettre fin au marché protégé ?

Ne pourrait-on cesser d’exiger que les écoles normales et autres instituts de formation produisent des maîtres " sur mesure ", préparés à fonctionner dans un seul système, réputés incompétents dans tout autre ? On ne peut échapper à une certaine spécialisation en fonction des disciplines enseignées et de l’âge des élèves. Elle s’impose aux degrés élevés du cursus. Mais est-il nécessaire d’avoir autant de catégories et donc de cloisonnements, avec le peu de mobilité qui s’ensuit ?

Et surtout, est-il raisonnable de maintenir des formations qui ne valent qu’à l’intérieur d’un canton ou d’une région ? Il y a certes, à cette fragmentation des formations, des raisons étrangères à la pédagogie : protectionnisme du marché local de l’enseignement, volonté de maîtriser le recrutement des maîtres en fonction de la démographie régionale, désir que les enseignants transmettent, au-delà du programme, les valeurs et les traditions non écrites dont ils participent en tant que membres d’une communauté locale. Il est vrai aussi que chaque système scolaire a ses particularités, des programmes un peu différents, des structures spécifiques, un public qui varie selon la géographie et l’histoire du lieu. Est-ce suffisant pour prétendre qu’un enseignant francophone formé au Québec, en France ou en Belgique ne pourrait, à niveau égal de qualification, enseigner en Suisse romande ? Ou a fortiori pour prétendre qu’on peut être compétent à Neuchâtel et incompétent à Fribourg ? Professionnel à Lausanne et sans qualification pédagogique à Genève ?

L’autonomie des instances de formation à l’égard de l’administration scolaire passe à coup sûr par la rupture de la correspondance étroite entre un système scolaire et un institut de formation. Dès le moment où les instances de formation couvriront de plus larges territoires et entreront en compétition sur les mêmes " marchés ", on ira nécessairement vers plus de pluralisme et plus de mobilité non seulement des personnes, mais des esprits.

L’autre verrou qu’il faudra bien un jour ou l’autre mettre en question est le principe de la formation en emploi, avec la garantie que cela représente, la protection aussi contre une véritable sélection, donc une véritable évaluation en cours de formation. On voit trop toutes les raisons corporatives et administratives d’un tel état de fait. Mais on admettra aussi que si les hôpitaux n’engageaient que les médecins qu’ils ont formés et s’ils décernaient un diplôme à tous les étudiants qui commencent la médecine pour la simple raison qu’on paie leurs études, on tremblerait plus encore en allant à l’hôpital ! Dans cette perspective, sans être le seul possible, le modèle universitaire est au moins une hypothèse intéressante : les étudiants qui s’engagent dans des études universitaires n’ont aucune assurance de réussir, ni de trouver un emploi s’ils obtiennent une licence. Ils prennent donc le risque d’être éliminés ou réorientés en cours ou en fin de parcours ; ils consentent aussi un investissement financier personnel ou familial, même si la collectivité assume une large part des frais d’études et offre aujourd’hui une aide financière aux étudiants dépourvus de moyens.

Courroie de transmission ou force novatrice ?

En résumé : en l’absence de transformation des structures et des dépendances, bien loin d’être un " deus ex machina ", la formation des maîtres restera plutôt une " courroie de transmission " des options du système plus qu’un foyer d’innovation.

À supposer qu’une évolution se confirme ou s’amorce dans le sens d’une certaine autonomie des instances de formation, faudrait-il en attendre une évolution spectaculaire des pratiques ? Certainement pas ! On le sait, le corps enseignant ne se renouvelle que progressivement et toute rénovation, même radicale, de la formation initiale, ne porte ses fruits que lorsqu’elle a touché de nombreuses générations de nouveaux maîtres. La formation continue s’adresse, elle, à l’ensemble des enseignants, mais tous n’en profitent pas lorsqu’elle est facultative ; et lorsqu’elle est obligatoire, certains font acte de présence !

Mais l’essentiel est ailleurs : à supposer qu’on conçoive et qu’on mette sur pied une formation novatrice, inspirée des idées les plus avancées, il resterait à se demander : cette formation peut-elle " mordre " sur les pratiques ? Peut-on changer les pratiques en changeant la formation ?


II. Une formation praticable :
les conditions du passage à l’acte

Suffit-il d’avoir une bonne formation pour bien enseigner ? On sait bien que non. Il faut encore :

  1. que la formation prépare non seulement à suivre des idéaux, mais à les conserver face aux contraintes concrètes de la pratique ;
  2. que la formation, en tant que message prescriptif, ne soit pas constamment démentie par les autres messages que reçoivent les enseignants ;
  3. que le fonctionnement du système scolaire soit tel que les enseignants aient un intérêt personnel à mettre en œuvre la formation reçue.

Sur chacun de ces trois points, on verra que la formation ne peut changer les pratiques contre la volonté du système scolaire. Même s’il renonçait à exercer un contrôle serré sur les contenus de la formation et à exiger des enseignants sur mesure, le système conserverait son pouvoir sur la mise en œuvre de la formation.

Une formation juste assez réaliste

Il ne suffit pas qu’un vêtement soit bien coupé, qu’il ait de jolies couleurs et un tissu agréable. Il faut qu’il résiste au lavage !

Sa première classe peut " laver " un enseignant fraîchement sorti de l’école normale de toutes ses illusions et de toutes ses ambitions. Cela voudra dire que sa formation n’a pas tenu compte des conditions effectives de la pratique, qu’on lui a parlé d’une école qui n’existe pas. S’il découvre à ce moment seulement que les élèves sont peu coopératifs, que les pédagogies nouvelles sont très difficiles à gérer, que les familles ont des attentes contradictoires, que les parents ne jouent pas toujours le jeu, qu’on attend de lui une sélection raisonnable plutôt qu’une évaluation formative, l’enseignant aura toutes les raisons de se dire que sa formation ne lui sert à rien, qu’il doit trouver lui même des recettes et des astuces pour maintenir l’ordre, faire travailler les élèves, se concilier les parents ou être accepté par ses collègues. Dix ans plus tard, lorsqu’on lui proposera une formation continue, il dira qu’il a perdu le goût des contes de fées…

J’ai analysé ailleurs (Perrenoud, 1988), à propos de la formation des maîtres en matière d’évaluation formative, un dilemme qu’on retrouve dans d’autres domaines : faut-il concevoir une formation des maîtres à ce point réaliste qu’elle ferait son deuil de toute évolution des pratiques d’évaluation et se bornerait à préparer les maîtres à mettre rapidement et efficacement des notes, à sélectionner sans trop se poser de questions, à faire fonctionner sans états d’âme la machine qui fabrique de l’excellence scolaire (Perrenoud, 1984) ? Ou faut-il préparer les maîtres à des pratiques d’évaluation qui n’ont pas cours actuellement dans le système et qui ont de fortes chances de n’être pas légitimes avant longtemps ?

Voici près de vingt ans qu’en Suisse romande on parle d’évaluation par objectifs, d’évaluation formative, d’évaluation critériée. Les instituts de formation des maîtres auraient pu, à bon droit, se dire qu’il fallait d’urgence préparer les nouvelles générations d’enseignants à ces pratiques. Ils ne l’ont pas fait, à quelques exceptions près. Se seraient-ils engagés dans cette voie qu’on serait en droit de le leur reprocher : le système des notes est resté pratiquement inchangé, on continue à pratiquer une évaluation normative fondée sur une moyenne de résultats inégaux. Un enseignant qui, au cours de sa formation, n’aurait entendu parler que de tests critériés et de remédiation, d’objectifs de maîtrise et d’évaluation formative serait, dans notre système scolaire, un inadapté, quelqu’un qui non seulement n’aurait pas appris à composer, à corriger et à classer rapidement des épreuves pour mettre " simplement " une note, mais encore quelqu’un qui résisterait à cette pratique et se trouverait très malheureux d’y être contraint. On connaît de cette conscience malheureuse assez d’exemples pour imaginer ce qui arriverait si tous les enseignants nouvellement formés découvraient, le jour où ils prennent une classe, qu’on les a bercés d’illusions.

On pourrait multiplier les exemples, à propos des nouvelles technologies, de la pédagogie différenciée, de l’ouverture aux parents. Je n’en prendrai qu’un, celui de la rénovation de l’enseignement du français en Suisse romande. Elle s’est accompagnée d’une formation continue destinée à tous les enseignants primaires. Que leur a-t-on dit, que leur dit-on aujourd’hui encore ? Qu’il faut respecter les rythmes d’apprentissage, partir de la production et du vécu des élèves, instaurer en classe de véritables situations de communication, donner des occasions multiples de pratiquer la langue, observer son fonctionnement plus que faire intérioriser des règles. Conquis par ces idées séduisantes, beaucoup de maîtres disent aussi (Dokic, Favre et Perrenoud, 1986) qu’ils n’ont pas le temps, les moyens, la liberté et même la légitimité pour aller dans ce sens tout en respectant le programme, toujours aussi lourd, les procédures d’évaluation, qui n’ont pas changé, et les attentes de parents plus soucieux de la note d’orthographe qui commande l’entrée au secondaire que de la capacité d’expression.

Construire ou reconstruire le curriculum de formation des maîtres pour favoriser le changement de l’école, c’est donc naviguer à vue entre réalisme conservateur et optimisme béat, chercher un décalage optimal entre la formation et les conditions effectives de la pratique. Si ce décalage est trop faible, la formation contribuera à reproduire le fonctionnement et donc aussi les dysfonctionnements et les injustices du système. Trop grand, le décalage aura les mêmes effets, avec en plus la désillusion, le sentiment d’échec, la déprime ou la fuite vers un autre métier !

Savoir à quel saint se vouer !

La formation des maîtres n’est pas et ne devrait pas être un évangile. Il reste qu’elle nantit les enseignants de modèles censés garantir l’apprentissage, le développement, l’épanouissement des élèves. Elle est donc toujours un message.

En période de formation, ce message prend le pas sur tout autre, puisque c’est devant leurs formateurs que les maîtres doivent faire leurs preuves. Mais une fois mis à la tête d’une classe, c’est à toutes sortes d’autres acteurs qu’ils doivent des " comptes ", à commencer par les élèves et leurs parents, sans oublier les collègues, l’inspecteur ou le directeur de l’école, la commission scolaire ou certaines associations.

Or il faut bien constater que les attentes et les messages adressés aux enseignants sont souvent contradictoires (Favre et Perrenoud, 1985). Ainsi, un enseignant qui, pour suivre les conseils de formateurs éclairés, ouvre largement sa classe aux parents, risque de se faire " taper sur les doigts " au premier incident ; comme s’il pouvait y avoir ouverture sans incident, comme si la participation des parents à la vie de l’école ou de la classe n’était admissible que si elle ne dérange rien ni personne (Montandon et Perrenoud, 1987).

Une formation moderne encourage les maîtres primaires à développer l’autonomie chez leurs élèves, à ne recourir aux mesures disciplinaires que dans des cas extrêmes, à faire confiance. Mais que dire aux parents qui vous accusent de laxisme ? Que dire aux collègues qui se plaignent du bruit provenant de votre classe ? Autre exemple : les didactiques nouvelles mettent l’accent sur des situations larges, partant de la vie quotidienne ou de problèmes concrets, à partir desquelles la classe peut observer, expérimenter, découvrir des notions, construire des solutions. Tout cela suppose une certaine souplesse dans l’emploi du temps, le droit de saisir des occasions, de modifier ses plans, de viser des équilibres à moyen terme. Or nombre d’enseignants doivent encore pouvoir montrer à leur inspecteur ou à leur directeur un horaire strict et des préparations de leçons traditionnelles. N’est-ce pas une façon de les inviter à tourner le dos aux pédagogies nouvelles lorsqu’elles plaident pour des activités-cadres, des situations mathématiques ou des recherches ? Qui l’enseignant doit-il croire ?

On retrouve ici une idée simple mais fondamentale : la formation ne se limite jamais aux moments explicitement placés sous cette étiquette. La formation est sans cesse consolidée ou au contraire ébranlée par les feed-back que l’enseignant reçoit au jour le jour. Chaque fois que sa fidélité à la formation reçue lui attire des ennuis, des complications administratives ou le place dans des situations difficiles à gérer, elle perd de sa crédibilité. Chaque fois que des pratiques étrangères à l’esprit ou à la lettre de la formation reçue lui valent d’être accepté par ses collègues, félicité par l’autorité ou apprécié par les parents, on affaiblit le message de la formation. La conséquence est évidente. Une politique de la formation, pour être conséquente, doit prendre en compte l’ensemble des messages que reçoivent les enseignants. Passer " du dire au faire " (Favre, 1982) est trop difficile pour que l’on se permette le luxe d’un dire éclaté et contradictoire. Les " formateurs ", ce sont donc aussi les enseignants en exercice, les cadres de tous niveaux, les spécialistes des autres disciplines. Même les parents jouent un rôle. Sans leur demander de contribuer directement au renforcement de la formation, on peut au moins investir dans leur information pour qu’ils comprennent les raisons d’être de pratiques nouvelles et ne s’en prennent pas aux enseignants individuellement.

Cela suppose, notamment, une certaine cohérence dans l’information et la formation continues des maîtres et des autres personnels du système scolaire, y compris les autres formateurs. Il importe par exemple qu’inspecteurs et directeurs reçoivent la même formation que les enseignants ou soient au minimum bien informés sur ses contenus et ses orientations. Dans beaucoup de systèmes scolaires, les cadres revendiquent, au-delà de leur fonction d’autorité, un rôle d’animation pédagogique. Or l’animation pédagogique, dans une école ou un district scolaire, devrait essentiellement aider les enseignants à concilier le message de la formation initiale ou continue avec les conditions locales de la pratique. On ne peut que brouiller les cartes en évaluant les maîtres sur de tout autres critères que ceux qui ont prévalu durant leur formation.

Valoriser la formation

On l’a vu plus haut, un enseignant n’a pas intérêt à mettre en pratique sa formation si elle lui complique la vie, lui attire des ennuis, le met en porte-à-faux avec l’institution. Mais il ne suffit pas d’éviter les ennuis, il faut des raisons positives. Elles peuvent relever du plaisir, du sens du devoir, de l’envie d’instruire, de faire réussir. Ces " récompenses " suffisent-elles ?

Suffisent-elles en particulier à donner envie de suivre une formation continue lorsqu’elle n’est pas obligatoire ? Dans nombre d’entreprises privées et même dans certaines administrations publiques, on sait désormais que la formation continue ne sera suffisante que si on l’assortit de certains encouragements matériels, voire financiers : à certains la formation continue donne des chances de promotion ; à d’autres, elle offre l’occasion d’un renouvellement ou d’une mobilité vers d’autres secteurs professionnels ; elle assure une plus grande autonomie ou une plus grande influence.

Plus simplement, on s’efforce de débarrasser la formation continue de ce qui pourrait la rendre dissuasive : si elle mord sur le temps libre, si elle doit être entièrement payée par l’intéressé, si elle compromet son avancement ou ses droits, comment espérer que beaucoup feront les sacrifices nécessaires ? C’est évident, direz-vous. Mais examinons l’école : que rapporte un surcroît de formation en cours de carrière ? Les possibilités de promotion hiérarchique ne sont pas immenses dans ce métier et souvent, le surcroît de formation par exemple une licence universitaire chez un enseignant primaire ne constitue pas un atout majeur. Certains suggèrent même que c’est un handicap, si l’establishment ne veut pas voir s’introduire dans ses rangs des jeunes mieux formés et peu portés au conformisme.

Un enseignant qui suit une formation continue intensive n’est pas mieux payé qu’un autre. Il n’a pas plus d’autonomie ou de pouvoir. Il n’est guère mieux considéré et s’attire au contraire l’ironie ou l’hostilité de ceux qui trouvent qu’il en fait trop ou leur jette sa science à la tête. Il n’est pas plus libre de choisir son école, son degré ou ses modalités de collaboration avec d’autres intervenants. Sa formation lui permet parfois d’être associé à une recherche ou à une innovation, mais c’est un critère parmi d’autres. Enfin, dans beaucoup de systèmes scolaires, la formation continue n’est pas comprise dans le temps de travail, même lorsqu’elle est imposée ou recommandée. Pour un projet plus personnel, il est parfois très difficile d’obtenir un congé ou de supporter d’impressionnantes retenues de salaire.

Les enseignants sont-ils si différents des autres professionnels ? Leur vocation et leur amour des enfants suffisent-ils là où les autres salariés ont besoin d’encouragements plus tangibles ? Ou ne faut-il pas aménager les politiques et les structures de formation continue pour qu’elles deviennent intéressantes au double sens du terme !

Une longue marche…

Les réflexions qui précèdent ne rendent pas justice à la diversité des situations locales. Il y a des systèmes ou des secteurs où la politique de formation présente une grande cohérence, où l’autorité scolaire tient non seulement le langage du changement, mais prend toute une série de mesures concrètes qui accréditent son discours. Mon propos n’est pas de juger globalement la formation des maîtres, mais d’indiquer la direction dans laquelle elle pourrait et devrait évoluer si elle veut favoriser le renouveau des pratiques pédagogiques. Si certains instituts de formation, si certains systèmes scolaires sont déjà très avancés dans cette voie, qui s’en plaindrait ? Même alors, il reste beaucoup à faire. Dans d’autres cas, la formation des maîtres est plutôt à la traîne du système et c’est elle qui compromet la crédibilité du discours réformiste.

Même dans les situations privilégiées, demeure le problème principal, celui de la théorie de la pratique qui sous-tend le curriculum de formation des maîtres.


III. Formation, habitus et pratique

Toute formation professionnelle se fonde sur un schéma simple : donner une compétence qui gouvernera la pratique. La compétence, cette médiation entre ici et maintenant le lieu de formation et plus tard et ailleurs la classe -, comment la concevoir ? Autrement dit : quelles sont les compétences, les qualifications, les formes d’expertise qu’un enseignant met en œuvre ? S’agit-il de connaissances théoriques bien organisées ? De modèles didactiques bien intériorisés ? De recettes et de trucs qui marchent ? De traits de caractères et de personnalité ? D’une capacité globale d’adaptation aux situations les plus diverses et de résolution de problèmes ?

La sociologie de l’éducation n’a aucune réponse catégorique à ces questions. Mais elle propose de la pratique une image peut-être plus réaliste que celle qu’on trouve en général dans le discours pédagogique ou méthodologique.

Le discours pédagogique, centré comme son nom l’indique sur l’enfant, est souvent un discours idéaliste, qui fait volontairement ou involontairement le silence sur ce qui fait la réalité de tous les jours dans les organisations : les contraintes matérielles, les rapports hiérarchiques, les conflits et la compétition, l’ambiguïté, le flou des objectifs et des règles, la diversité des stratégies et des points de vue. On parle de l’enfant et du maître au singulier, on les situe dans un monde imaginaire où l’on met à l’indicatif ce qui ne devrait se mettre qu’au conditionnel : si tous les adultes aimaient les enfants, si chacun respectait les autres, si tous étaient soucieux de justice et d’égalité, si l’évaluation ne fondait pas une sélection, si l’éducation ne menait pas au conformisme, alors, peut-être, oserait-on dire que l’enseignant libère, épanouit, développe des être singuliers, respecte, féconde leur potentialités, les fait devenir hommes. Ce langage utopique a certains effets mobilisateurs ; il sied lorsqu’il s’agit de redonner du courage, d’affermir la foi des enseignants, de réaffirmer des idéaux et des valeurs contre la dérive des systèmes. Mais cette rhétorique ne permet pas de décrire la pratique pédagogique dans une classe, donc de penser la formation en conséquence.

Le langage de la méthodologie, de la didactique au sens le plus traditionnel est différent. Il prend en compte des contingences plus terre à terre, il parle plus explicitement des contenus, des moyens d’enseignement, de l’évaluation. Mais ce discours reste souvent prisonnier d’une fiction, celle de la maîtrise. On aime à donner de l’enseignement l’image d’une pratique rationnelle et maîtrisée (Favre et Perrenoud, 1985 ; Favre et Steffen, 1987). Le maître " tient sa classe ", couvre son programme, gère le temps, organise la progression des apprentissages, donne des devoirs intelligents, évalue équitablement, respecte les échéances, connaît ses élèves, informe les parents… C’est bien d’une description de la pratique qu’il s’agit alors, mais d’une pratique si parfaite que beaucoup d’enseignants ne s’y reconnaissent pas. La réalité, dans beaucoup de classes, est que le maître ne maîtrise pas complètement ce qu’il enseigne et n’a pas le loisir ni l’énergie de creuser chaque problème en temps utile. Nombre d’enseignants ont des problèmes de discipline qu’ils n’arrivent pas à résoudre, avec toute une classe ou avec certains élèves. Beaucoup ne parviennent pas à couvrir l’ensemble du programme ; ils se battent avec l’horaire pour loger dans une petite semaine pourtant bien longue pour les élèves tout ce qui devrait y figurer pour être en règle avec sa conscience, le plan d’études et les attentes des collègues qui recevront les élèves. La plupart des enseignants savent qu’ils n’évaluent pas exactement ce qu’ils ont enseigné et qu’ils doivent, pour aller vite, bricoler des épreuves et corriger superficiellement des séries impressionnantes de copies et de cahiers. Cela, tout le monde le sait ! Y compris les méthodologues et autres auteurs de livres du maîtres ou de guides didactiques. Pourquoi n’en parle-t-on jamais ?

Dans d’autres professions, par exemple, les soins infirmiers ou le travail social, on prépare maintenant les professionnels à être confrontés presque chaque jour à la déprime, à l’échec, au sentiment d’injustice ou d’impuissance. On leur donne des armes pour se défendre contre cette réalité frustrante, parfois révoltante. Des armes analytiques, qui leur permettent de comprendre que ces contradictions ne sont pas la marque de leur incompétence mais de la complexité et de l’ambiguïté des systèmes sociaux. Et des armes relationnelles et " socioaffectives " : une certaine pratique des échanges entre professionnels, des moyens d’analyser ses émotions et ses parti pris, de digérer les déconvenues, d’assumer l’inconfort de certaines pratiques.

Je ne voudrais pas idéaliser la formation des infirmières ou des travailleurs sociaux. Mais en regard de ce qu’ils reçoivent, la formation des maîtres paraît trop souvent encore d’un optimisme et d’un rationalisme sans exemple dans les autres professions " relationnelles ". Sans doute cela s’explique-t-il historiquement : jusqu’à une période récente, l’autorité du maître était telle qu’il avait le pouvoir, s’il le voulait, de refouler la contestation, la diversité, le conflit, l’incertitude. Pour des raisons multiples, les rapports entre les générations ont changé, dans la famille comme dans l’école. La maîtrise des conduites et des attitudes des élèves ne va plus de soi et l’on ne dispose plus des moyens de coercition et de la bonne conscience qui en permettait l’emploi inconsidéré, de la férule aux ineffaçables humiliations.

Par ailleurs, la diversification des valeurs, des modes de vie et des façons de penser multiplie les incertitudes et les doutes de chaque enseignant. Les sciences de l’éducation, bien loin de donner des réponses catégoriques aux questions de toujours, apportent plutôt des doutes et de nouvelles questions. Face à l’échec scolaire par exemple, il est devenu difficile d’avoir une absolue bonne conscience en s’accrochant à l’idéologie du don. Dès le moment où l’on accepte l’idée que " l’échec scolaire n’est pas une fatalité " (CRESAS, 1981), on se sent autrement responsable de ce qu’on fait au jour le jour dans sa classe.

On pourrait multiplier les exemples. Ce que je retiendrai ici, c’est la nécessité urgente d’intégrer la réflexion sur la formation des maîtres une image réaliste des pratiques, même et surtout si on souhaite les infléchir dans la direction d’une école plus active, plus moderne, plus ouverte ou plus égalitaire. Je ne puis ici proposer une description complète de la pratique enseignante d’un point de vue sociologique. Elle reste d’ailleurs à faire. J’en examinerai trois aspects.

Former à l’improvisation.

Enseigner, c’est souvent réagir " au quart de tour " devant des situations imprévues et " s’en sortir " sans trop de dégâts. C’est dans le meilleur des cas tirer parti de l’imprévu pour atteindre le but visé. Huberman (1983) compare la classe à la cuisine d’un restaurant au moment du coup de feu. Eggleston (1979) analyse une journée d’école comme une suite d’innombrables microdécisions à prendre sur le vif. Enseigner, c’est donc souvent agir vite, dans l’urgence, face à une situation complexe, mal connue. L’incertitude est permanente : faut-il ignorer un élève distrait ou indiscipliné ou risquer de perdre le fil d’une activité pour le rappeler à l’ordre ? Faut-il saisir une occasion pour introduire une notion nouvelle ou s’en tenir au plan initial ? Faut-il intervenir lorsque tel groupe d’élèves se constitue en sachant qu’ils auront du mal à travailler ensemble, ou leur donner une nouvelle chance ? Faut-il introduire rapidement tout ce qu’on avait prévu avant la fin de l’heure ou repousser à la leçon suivante ? Faut-il, devant une question embarrassante, avouer qu’on ne sait pas ou tenter de sauver la face ? Faut-il intervenir pour réorienter l’activité d’un groupe ou le laisser un moment encore explorer une fausse piste ?

Autant de questions que le maître doit trancher rapidement, sans avoir le temps ni les moyens de peser le pour et le contre, avec le sentiment, une fois sur deux, qu’il pourrait aussi bien prendre une autre option. Hésiter, temporiser, laisser aller les choses, c’est aussi décider. La classe est un lieu où la résolution des problèmes ne souffre pas de délai. On ne peut qu’exceptionnellement décréter un " temps mort ". Le médecin ou l’homme de loi peuvent, devant un cas difficile, ne pas se prononcer, demander d’autres examens, prendre l’avis d’un collègue, retourner à leurs ouvrages de référence, réfléchir tranquillement. Le maître peut bien sûr faire la même chose lorsqu’il est confronté à des problèmes durables, par exemple des difficultés scolaires graves ou un élève mal intégré dans le groupe classe. Mais son pain quotidien, c’est de résoudre beaucoup de " petits problèmes ". Rares sont les décisions de portée capitale. Mais leur accumulation finit par former une pratique et par infléchir les apprentissages et les attitudes des élèves.

Quelles sont donc les compétences en jeu dans ces microdécisions ? Elles semblent relever de l’automatisme, de la routine plus que de la stratégie réfléchie. En situation d’urgence, on mobilise certes des fragments de représentation et de connaissance, on raisonne un tant soit peu. Mais on se repose pour une large part sur des schèmes d’action, de perception et de décision partiellement inconscients. D’où l’impression de beaucoup de maîtres qu’ils enseignent d’abord avec " ce qu’ils sont ", avec leur personnalité ou leur expérience.

Les sociologues nomment volontiers habitus cet ensemble de dispositions et de schèmes qui forment, selon l’expression de Bourdieu (1980) une " grammaire génératrice de pratiques ". Avec ce concept, on s’éloigne de l’image de l’action comme construction rationnelle et réfléchie ; mais on se distancie aussi d’une conception de l’action comme mise en œuvre d’une réponse préprogrammée prélevée dans un répertoire fini. L’habitus, est formé de routines, d’habitudes au sens commun du terme, mais aussi de schèmes opératoires de très haut niveau. Improviser n’équivaut pas à répéter machinalement. Il y a toujours une part d’accommodation, de différenciation, d’innovation dans la réponse à une situation nouvelle, même si on transpose des conduites efficaces dans un autre contexte.

La formation des maîtres peut-elle former leur habitus ? Autrement dit, peut-elle avoir prise sur ce qui sous-tend les décisions en situation d’urgence, sur ce qui inspire l’improvisation ? Peut-on par exemple, former un maître à un certain type de réaction lorsqu’il s’aperçoit, ce qui arrive inévitablement avec les pédagogies nouvelles, qu’une bonne idée a déjà été exploitée dans un degré antérieur et que la situation qu’il propose à ses élèves tombe à plat ? Faut-il le préparer à concevoir systématiquement une solution de rechange du même type ? Faut-il l’encourager, dans une telle situation, à revenir à des activités plus conventionnelles, toujours prêtes, du type " Prenez vos cahiers et faites l’exercice 57 " ? Peut-on le préparer à saisir cette occasion, qui ne se présente pas tous les jours, de comprendre pourquoi certaines situations ne mobilisent les élèves qu’à condition d’être inédites ?

Autre exemple : que faire lorsqu’un adolescent refuse d’obtempérer aux ordres du maître, de se mettre au travail, de s’expliquer, de sortir de la classe, de se rendre chez le directeur ? Faut-il l’ignorer superbement ? Courir chercher de l’aide ? Mobiliser les autres élèves ? Changer complètement de registre et chercher à comprendre ce qui se passe ?

Il serait vain de munir les enseignants en formation d’une longue liste d’incidents ou d’événements possibles, assortis chacun d’une réaction conseillée. Aucune liste ne peut être exhaustive ; la façon dont les événements se présentent empêchent souvent de faire le rapprochement avec un " cas d’école " ; enfin, la réaction appropriée dépend de beaucoup d’éléments qu’on ne pourra apprécier qu’en " situation ".

La seule façon défendable de former les maîtres à agir efficacement dans de telles circonstances, c’est de les y placer régulièrement durant leurs études, puis d’analyser avec eux ce qui s’est passé, ce qu’ils ont pensé, ressenti, tenté. Non pas pour les juger, souligner l’écart avec " ce qu’il aurait fallu faire ". Mais pour les aider à analyser leur propre fonctionnement, à maîtriser peu à peu leurs impulsions, les émotions excessives, leurs allergies à certaines attitudes des élèves, leur indifférence à certains signes, leur cécité face à certains mécanismes. Ainsi l’habitus peut-il se construire non pas en circuit fermé, mais au gré d’une interaction entre l’expérience, la prise de conscience, la discussion, l’engagement dans de nouvelles situations.

Facile à dire ! On se rend bien compte qu’une telle formation suppose non seulement des stages intensifs et diversifiés, mais une forte articulation entre ces stages et des lieux et moments de réflexion sur la pratique. C’est ce qu’on peut appeler le modèle clinique de la formation, qui oblige le formateur à être présent au moment de l’action ou disponible peu après pour que le maître en formation ne soit pas renvoyé aux moyens du bord, pour que sa formation ne soit pas faite de ficelles et de trucs, mais procède plutôt d’une réflexion et d’une prise de conscience des schèmes qui tendent à s’installer en réponse à certains types de problèmes.

Former au bricolage ?

Bricoler c’est résoudre un problème avec des matériaux partiellement inadéquats. En opposant improvisation réglée et bricolage (Perrenoud, 1983), je pensais surtout à la préparation, à la planification, par opposition à l’animation des activités en classe. Le bricoleur n’agit pas en général dans l’urgence. Il prend parfois son temps. Mais au contraire d’un professionnel, il utilise des matériaux qui n’ont pas toujours été prévus pour cet usage. Il récupère, il détourne, il adapte un objet à une nouvelle finalité. Lévi-Strauss (1962) a montré que, bien loin d’être une activité mineure, le bricolage était une forme complexe de travail intellectuel. Non seulement lorsqu’il opère sur des mythes ou des idéologies, mais aussi sur des matériaux.

En quoi l’enseignant bricole-t-il ? En ceci qu’il est sans cesse en train de combiner et d’adapter, voire de créer des moyens d’enseignement, des situations didactiques convenant à ses élèves et à la façon dont il progresse dans son programme. Il faudrait sur ce point nuancer. On peut certainement, en particulier dans l’enseignement secondaire, s’en tenir une année scolaire durant au manuel officiel, aux exercices standards, au découpage conseillé. Chevallard (1985) a montré que plus le " texte du savoir " était construit, plus les enseignants tendaient à s’y enfermer et à ignorer la logique des activités et des apprentissages, pour s’en tenir à une logique de l’exposition des contenus successifs du programme.

Dans l’enseignement primaire, on peut aussi, jusqu’à un certain point, procéder de cette façon. Mais les rénovations didactiques ont brouillé les cartes et obligent les enseignants à construire des situations didactiques sinon entièrement originales, du moins adaptées à leur démarche et à la situation de leur classe. Ce bricolage représente un travail, mais c’est aussi une source d’enrichissement pour tous les maîtres qui ne se satisfont pas de maîtriser des connaissances et qui cherchent dans leur métier une part de création.

Quelle formation donner en fonction de cette dimension de la pratique ? Pendant longtemps, les écoles normales ont nanti les maîtres de modèles stéréotypés, de leçons exemplaires, de canevas à suivre à la lettre. Niant leur part de création et d’appropriation, cette formation ne pouvait développer les talents de bricoleur des enseignants. Plus récemment, sous l’influence des nouvelles didactiques, certains formateurs tendent à offrir aux enseignants une profusion de moyens et de situations didactiques en leur disant simplement : " Dans tout cela, choisissez au mieux de l’intérêt de vos élèves et en fonction de vos goûts ". Ce discours a l’avantage de reconnaître une réalité. Mais il n’arme personne pour faire des choix, ne pas se noyer dans la multiplicité des moyens que proposent les éditeurs ou qui circulent entre les classes. Face à cette richesse et à ce désordre, certains enseignants sont pris de panique et se replient sur quelques matériaux éprouvés.

Il ne suffit pas de reconnaître la part de bricolage et de s’en remettre au bon sens et à l’imagination de chacun pour tirer le meilleur parti de toutes les ressources disponibles, y compris celles qui n’ont pas été créées à des fins pédagogiques : la presse, les émissions de télévision, les événements ou les objets quotidiens. En réalité, choisir, adapter, s’approprier ces ressources ne va pas sans un savoir-faire que certains développent d’année en année au gré de l’expérience, mais qui pourrait être construit pendant la formation initiale. Il est fort bien d’initier les maîtres en formation à l’emploi des bibliothèques, vidéothèques, banques d’échange ou banques d’items. Mais l’enjeu est ailleurs, il est de savoir comment, avec tout cela, faire quelque chose d’utile et d’utilisable. Si la plupart des gens n’utilisent pas toutes les informations disponibles, ce n’est pas parce qu’ils ne savent pas où les trouver, c’est parce qu’ils ne savent pas qu’en faire !

Une formation à la prise de distance

Traditionnellement, les écoles normales préparent les enseignants à intérioriser, à respecter, à valoriser des normes. D’où un regard essentiellement normatif porté sur la réalité : un enseignant est constamment tenté de considérer que les parents n’assument pas leurs responsabilités comme ils devraient, que ses collègues des degrés précédents n’ont pas préparé les élèves comme ils auraient dû, que les auteurs de méthodologies et de moyens d’enseignement n’ont pas été à la mesure de leur tâche, que les maîtres d’appui ne jouent pas leur rôle. Quant aux élèves, il est tentant de rapporter leurs écarts de conduite ou leur manque de travail à une forme ou une autre d’inadaptation ou de déviance.

En caricaturant un peu, on pourrait dire que beaucoup d’enseignants vont, au cours de leur carrière, de désillusion en désillusion. Tout simplement parce que la réalité des enfants, des parents, des collègues, des institutions n’est pas conforme à la norme. " Non, se dira un maître après quelques années, tous les pédagogues n’aiment pas les enfants et moi-même, parfois, je me demande… ". Durant sa formation, lui a-t-on jamais dit que c’était normal, que chacun a des raisons culturelles, personnelles de rejeter certaines personnes ou de se sentir menacé par leur différence ? Lui a-t-on donné l’occasion de prendre conscience des ambivalences qui traversent chacun, de l’effort qu’il faut à un professionnel pour maintenir une relation de prise en charge alors même qu’il a envie d’être ailleurs, d’être agressif, d’être indifférent ?

Autre exemple : dans l’enseignement, on vit très mal le conflit. N’être pas d’accord avec une idée ou une pratique, c’est très vite attaquer une personne, mettre en cause son honorabilité ou sa compétence. Comment s’étonner qu’on ne parle pas de pédagogie dans les salles des maîtres, pour se cantonner à des sujets moins menaçants ? Les enseignants ont-ils, au cours de leur formation, l’occasion de prendre conscience de la diversité des cultures, des idéologies, des façons de vivre, des intérêts ? De mesurer le caractère inéluctable des chocs culturels, des conflits interpersonnels, des rapports de pouvoir ou de concurrence dans une organisation comme dans la vie ? Il ne s’agit de verser ni dans le cynisme ni dans la résignation, mais d’apprendre que pour coexister, communiquer, travailler avec d’autres, il faut affronter la différence et le conflit. Heureusement, cet apprentissage se fait parfois à travers d’autres expériences. Mieux vaudrait que la formation de base des enseignants ne reste pas muette ou naïvement optimiste sur les rapports sociaux.

Troisième exemple : apprendre à maîtriser la distance inévitable entre les projets éducatifs et ce qu’on peut réaliser. Le discours de la formation est, sur ce point encore, très trompeur : " l’élève apprend, l’élève maîtrise, l’élève sait, l’élève se développe, l’élève aime… " Ce discours à l’indicatif est une façon de nier l’échec, l’ennui, l’opposition, l’indifférence d’une fraction des élèves à l’égard de l’école. Un enseignant lucide sait assez vite, lorsqu’il reçoit une nouvelle classe, que pour certains élèves, il ne pourra rien faire ou que son action sera dérisoire en regard de l’ampleur des problèmes intellectuels ou relationnels à résoudre. Enseigner, c’est donc assumer souvent un sentiment d’échec partiel et dans certains quartiers ou dans certaines classes, une impression de complète impuissance. La formation pourrait préparer les maîtres à affronter cette situation avec davantage de sérénité. Je ne dis pas qu’il faut dédramatiser l’échec, le banaliser au point qu’il ne dérange plus personne. Il vaudrait mieux qu’il dérange, mais sans détruire. Chez beaucoup d’enseignants, un certain fatalisme n’est pas un choix idéologique, mais un mécanisme de défense. L’institution scolaire, formation comprise, fait le plus souvent " comme si " un enseignant qualifié, sérieux et motivé pouvait atteindre les objectifs pédagogiques pour l’immense majorité de ses élèves. Dans les conditions actuelles de l’enseignement, même dans les systèmes scolaires privilégiés, c’est faux. Je fais l’hypothèse que travailler avec les maîtres en formation sur l’échec inscrit dans la profession, leur donner les moyens de maintenir une certaine distance analytique et émotionnelle, c’est une façon de favoriser leur lucidité et leur envie d’agir.

Ces exemples on pourrait en avancer d’autres évoquent bien entendu l’apport des sciences humaines à la formation des maîtres, de la psychanalyse à la sociologie, de la psychologie à l’anthropologie. Mais attention : ce n’est pas avec quelques cours généraux qu’on s’en tirera ! Ici encore, c’est à travers une approche clinique, en travaillant sur une pratique concrète, que ces dimensions apparaîtront et pourront être analysées, acceptées. Les sciences humaines, conçues comme simple " culture générale ", risquent de rester purement décoratives. Si elles donnent à certains enseignants le goût de reprendre des études ou de s’investir dans la recherche, fort bien ! Mais l’enjeu principal est ailleurs, il est de donner des outils pour la pratique.

Parmi les ressources dont on dispose pour aller dans cette direction, on oublie souvent le fonctionnement même des institutions de formation des maîtres, leur curriculum implicite ou caché. J’ai souligné ailleurs (Perrenoud, 1986 ; voir aussi Favre, 1982, 1984 ; Weiss, 1983) les risques du " Faites comme je dis, pas comme je fais ! " Comment rendre crédibles certaines pratiques pédagogiques conseillées aux maîtres en formation si la façon dont on les traite et les instruit nie complètement le discours qu’on leur tient ? Pour former aux méthodes actives, il faut les pratiquer. Pour former à l’évaluation formative, il faut la mettre en œuvre. Pour inciter à l’analyse institutionnelle, il faut l’autoriser dans l’institution même de formation. Et ainsi de suite.

Travailler sur la distance entre soi et les autres, entre les projets et les réalisations, entre les élèves idéaux et les élèves concrets, ce n’est pas seulement travailler sur l’avenir, sur ce qui se passera une fois la formation achevée. C’est travailler sur le présent, parce que toutes ces distances, toutes ces ambiguïtés, toutes ces complexités sont présentes dans un institut de formation des maîtres, quel qu’il soit. Si l’on s’applique à les nier, comment demander aux enseignants d’y faire face plus tard avec lucidité ?


Pour conclure

On dit souvent que les sociologues proposent de la société et de l’école une image fataliste, donc démobilisatrice. En fait, très peu disent qu’on ne peut rien changer. Mais leur approche de la réalité les oblige à souligner que le changement est un immense travail, que la force des idées ne suffit pas, qu’il faut pour transformer une institution une obstination, une cohérence, un projet à long terme que tous les innovateurs n’ont pas.

Si la formation des maîtres est aussi importante qu’on le dit pour améliorer l’enseignement, raison de plus pour ne pas se payer de mots. On peut dire bien entendu que la complexité, la diversité, l’ambiguïté sont décourageantes. Le rôle de la sociologie est de dire qu’elles sont bien réelles et qu’on ne gagne rien, sinon un soulagement passager, à se cacher les obstacles. Dans une société pluraliste, où le consensus ne va pas de soi, où s’affrontent de multiples intérêts et de multiples stratégies, le changement du système éducatif est nécessairement une longue marche, une entreprise en regard de laquelle envoyer un homme sur la lune est un jeu d’enfant.


Références

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Chevallard, Y. (1985) La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné, Grenoble, La Pensée sauvage Editions.

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Weiss, J. (1983) Trois polarités dans la formation des enseignants, Neuchâtel, Institut romand de recherches et de documentation pédagogiques.

Sommaire


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