Version PDF

Gather Thurler, M. & Perrenoud, Ph. (2004).
Professionnalisation et formation
des chefs d’établissement.
Administration et Education, n° 102, 67-76.









Professionnalisation et formation
des chefs d’établissement

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation
Université de Genève
2004





Sommaire

Piloter une organisation efficace

Piloter une organisation en développement

Formation et professionalisation

Références

 


Les cadres scolaires forment une catégorie hétérogène. Raisonner sur leur professionnalisation ne saurait aller au-delà de quelques principes généraux, reliés à leur position dans une structure hiérarchique davantage qu'au contenu de l'activité quotidienne des cadres. En effet, d'un pays à l'autre, voire d'une région à l'autre dans les pays fédéralistes, les statuts des chefs d'établissements diffèrent, de même que leurs missions, leurs compétences, leur rapport à d'autres catégories de professionnels, leur fonctionnement solitaire ou à la tête d'une équipe de direction. Pour ne rien simplifier, la fonction est presque partout en débat et en évolution, voire en tension entre différentes conceptions du rôle, par exemple entre une dominante gestionnaire et une insistance sur le leadership pédagogique.

Ces variations et ces évolutions sont liées à la formation de deux manières :

1. Les finalités et dans une certaine mesure les modalités de la formation ne peuvent être définies indépendamment du profil professionnel visé. Selon qu'on veut former des gestionnaires ou des leaders, on fera des choix curriculaires et didactiques bien différents.

2. Dans une période de redéfinition du rôle, la formation s'inscrit dans une stratégie d'innovation et va donc privilégier des dimensions identitaires en accordant peut-être moins d'importance aux aspects plus techniques.

À cette double complexité s'ajoute le fait connu, mais dont on ne mesure pas toujours les implications, que la plupart des cadres ont au préalable exercé une autre fonction dans un établissement scolaire. À quoi il faut ajouter une dimension politique : les cadres représentent l'autorité, on leur délègue du pouvoir. Ils doivent donc " montrer patte blanche ", accepter que leur formation soit pour une part une socialisation à une culture institutionnelle, à une conception du rôle du ministère, des commissions scolaires, des autorités locales ou régionales, de l'inspection.

La France se singularise à plusieurs titres : un fort investissement dans la formation des chefs d'établissement, alors qu'elle est inexistante ou très légère dans d'autres pays développés ; une forte dépendance à l'égard du Ministère de l'éducation nationale, qui contrôle de près l'école chargée de former les cadres, alors que d'autres systèmes confient la formation aux universités ou à d'autres organismes relativement indépendants ; et enfin, un poids immense donné à l'inspection, ce qui appauvrit la fonction de direction et la met en face d'une autre ligne de pouvoir, avec la problématique d'un pilotage partagé (Perrenoud, 2001 b).

Il serait sans doute pertinent de débattre de cette triple singularité et de s'inscrire dans une approche comparative. Nous prendrons ici un autre parti : développer une vision cohérente de la professionnalisation et de la formation des chefs d'établissement sans nous enfermer dans une structure nationale. Cela interdit évidemment d'aboutir à des propositions détaillées en termes de contenus, de parcours de formation, d'organisation de l'alternance. L'ingénierie de la formation des chefs d'établissement ne nous semble pas cependant devoir occuper le devant de la scène aussi longtemps que la nature exacte du travail et des compétences reste dans le flou (Perrenoud, 2002).Or, pour penser ce travail et ces compétences, il faut sans doute rompre avec l'héritage national, penser en termes de leadership dans le développement des organisations plutôt que de maillon dans la chaîne hiérarchique traditionnelle.

Second parti pris : on ne peut penser la fonction de chef d'établissement indépendamment d'une conception de l'unité dont il est responsable et de la relation qu'il entretient avec elle. Selon qu'il anime, encadre, coordonne, dirige, impulse, fédère, supervise, commande, oriente, mobilise, contrôle, inspire, son métier change.

Troisième parti pris : il faut choisir une priorité, lier la fonction de chef d'établissement soit au fonctionnement ordonné du système éducatif, soit à sa modernisation continue. On ne peut exclure aucune de ces composantes, mais on ne se donne pas le même scénario selon qu'on privilégie l'une ou l'autre. La composante d'innovation nous semble désormais prioritaire (Gather Thurler et Perrenoud, 2003), en vertu de l'écart de moins en moins acceptable et accepté entre les objectifs déclarés de l'école et ses résultats, mais aussi parce que diriger, dans une société en changement, c'est piloter des transformations incessantes, qu'elles soient impulsées par l'évolution de la demande sociale, les inflexions des politiques de l'éducation, le renouvellement des savoirs (à enseigner ou pour enseigner), les transformations des publics scolaires, les transformations culturelles et économiques (Perrenoud, 1998).

En simplifiant, retenons deux horizons d'attente dont les chefs d'établissements sont garants, pas à eux seuls, mais plus que d'autres :

  1. L'établissement comme organisation efficace
  2. L'établissement comme organisation en développement

Le premier axe se rapporte à la mission principale du système éducatif : éduquer, socialiser, instruire, qualifier les jeunes. Le second prend acte de la difficulté d'atteindre cet objectif pour tous et de la nécessité de remettre régulièrement sur le métier les pratiques et l'organisation du travail.

 

 
Piloter une organisation efficace

La culture de l'évaluation, dans ses excès, pourrait amener les gens d'école à rejeter l'idée même d'efficacité, parce qu'elle est assimilée à des indicateurs contestables, à des concurrences perverses ou à des régulations néolibérales. Si l'on vise avant tout l'amélioration du classement du pays dans les enquêtes internationales ou de l'établissement dans le palmarès national, voire l'obtention de certifications ou de labellisations de type ISO, l'efficacité deviendra un symbole de dérive.

Le passage d'une évaluation et d'une amélioration raisonnables de la qualité à l'obsession de la " qualité totale " nie la réalité du travail, qui est de rencontrer des résistances qui empêchent une parfaite adéquation entre les objectifs et les effets. Dejours (2003) montre qu'ignorer cette évidence entraîne les acteurs dans la terreur du " performatisme " (Ball, 2003), qui ne pourra qu'aboutir à une escalade dans les " faux-semblants " (Strittmatter, 2004) et aviver les sentiments d'injustice et de non-reconnaissance. L'efficacité devient alors un mot d'ordre, un slogan, une injonction paradoxale au lieu d'être une visée banale de tout travail, soumis à une évaluation méthodique et rigoureuse dans une école où les élèves vont pour apprendre.

Il reste que le souci que partagent les professeurs et les cadres quant à l'efficacité de l'action éducative est parfois atténué par des préoccupations plus centrées sur les adultes, leurs conflits, leurs malaises. Les enquêtes internationales récentes ont au moins l'avantage d'avoir administré un " électrochoc " à la plupart des systèmes scolaires. Nul ne peut plus se voiler la face : les conditions d'enseignement et d'apprentissage doivent être fortement améliorées si l'on veut lutter de manière plus effective contre un échec scolaire qui tend à persister, malgré les moyens investis durant les décennies passées. Par ailleurs, les études comparatives récentes (dont PISA) ont confirmé l'importance de l'effet-établissement qui avait été mis en évidence par Rutter (1979) il y a vingt-cinq ans déjà, déclenchant le mouvement des " écoles efficaces ".

Afin d'expliquer la complexité des différences contextuelles entre établissements scolaires, de nombreuses recherches ont tenté de dégager le profil commun des écoles efficaces, afin d'identifier les facteurs " structurels " ou " culturels " qui favorisent ou entravent l'efficacité de l'action pédagogique (Bressoux, 1994 ; Chauveau et Rogovas-Chauveau, 1997 ; Cousin, 1998 ; Purkey and Smith, 1933). Une synthèse rapide de ces recherches montre une assez grande convergence concernant les caractéristiques suivantes :

  • des valeurs, représentations et visions partagées (y compris par les élèves), une identité et un profil clairement affichés (incluant la centration explicite sur la lutte contre l'échec scolaire) ;
  • une centration claire sur les apprentissages, en lien avec une pédagogie différenciée, une évaluation formative et une approche des contenus faisant sens pour les élèves ;
  • une organisation du travail correspondant aux objectifs visés (structures et regroupements des élèves flexibles, investissement du temps nécessaire pour venir à bout des tâches prioritaires, etc.) ;
  • une responsabilité de la réussite scolaire partagée entre enseignants ;
  • une stabilité des enseignants ; convaincus de pouvoir " faire la différence ", ils sont moins tentés de chercher ailleurs de plus fortes satisfactions professionnelles ;
  • une référence explicite à un modèle théorique et à un système d'indicateurs fiables, constamment vérifiés et remis à jour, permettant d'anticiper et de vérifier les effets des dispositifs mis en place sur les apprentissages des élèves ;
  • des acteurs engagés dans une posture réflexive, capables d'articuler les dimensions conceptuelles et pratiques (vice-versa), visant à maîtriser autant que possible les éléments qui interfèrent avec les objectifs fixés ;
  • des leaders (chef d'établissement ou équivalent) sachant impliquer tous les enseignants dans un processus continu de développement de la qualité.

Au-delà de ces listes, l'on reconnaît aujourd'hui l'importance d'une approche systémique, interactionniste et culturelle (Duru-Bellat et Van Zanten, 2003 ; Hargreaves, Earl, Moore and Manning, 2001 ; Hopkins, 1990 ; Rosenholz, 1989 ; Senge, 2000). Autrement dit, c'est de la synergie de multiples facteurs que naît l'efficacité : la régulation du travail des élèves, de leurs engagements et de leurs apprentissages ; les choix faits par le système en termes d'objectifs d'apprentissage, les interprétations qu'en font les enseignants, l'étendue et la nature du curriculum caché ; la division du travail entre les professionnels, leurs besoins de positionnement dans un métier toujours plus difficile et mal reconnu ; les rapports entre l'école et les parents, marqués par une plus ou moins grande solidarité avec un projet visant la réussite de tous les élèves ; la composition de la population des élèves fréquentant l'établissement scolaire; le degré d'autonomie accordé aux établissements scolaires, la sensibilité à l'idée de " discrimination positive " ou encore l'état de professionnalisation des acteurs concernés.

Aujourd'hui, nous savons aussi mieux situer les apports, mais aussi les limites des recherches analysant l'établissement exclusivement à partir d'une perspective d'efficacité et d'efficience :

  • Les listes de caractéristiques établies par le courant de recherche sur les écoles efficaces n'offrent pas une vision systémique de ce qui rend un établissement scolaire vraiment efficace ; elles laissent dans l'ombre la manière dont ces caractéristiques se combinent entre elles, de façon singulière, qui fait qu'un établissement scolaire n'est jamais pareil à un autre.
  • Si nous savons mieux à quoi ressemblent les écoles efficaces, nous ne savons pas comment rendre une école efficace. Au contraire : les nombreuses tentatives entreprises pour transférer les savoirs de la recherche dans ce domaine ont généralement rencontré des résistances assez fortes de la part des enseignants.
  • De nombreuses recherches convergent pour affirmer qu'une école efficace ne le reste pas durablement.
  • Les standards d'efficacité sont souvent assez étroits et conventionnels, limités aux résultats dans le domaine des apprentissages et, à l'intérieur de ce domaine, centrés sur les disciplines principales. Il n'est pas certain que ces standards correspondent véritablement aux exigences du monde de demain.
  • Les standards d'efficacité sont souvent trop étroitement liés aux contextes culturels auxquels appartiennent les écoles étudiées. Il n'est pas certain que les standards valables pour un établissement situé dans une région périurbaine de la Grande Bretagne ou des États-Unis le soient également pour un autre, même dans une région similaire, mais dans un pays du Centre ou du Sud de l'Europe.

En dépit de ces critiques, de nombreux décideurs et experts persistent encore à croire à la valeur de standards de qualité et d'efficacité scientifiquement établis et généralisables par un mouvement descendant. Cependant, certains systèmes éducatifs semblent avoir compris que l'efficacité et l'équité de l'enseignement dépendent d'une dynamique locale et originale à favoriser plutôt que de standards à généraliser sur le mode bureaucratique. Cette orientation ne renonce pas à l'ambition d'atteindre, à terme, une plus grande efficacité, mais accepte que les cheminements et les moyens de mise en œuvre diffèrent sensiblement.

Ces inflexions ajoutent à l'importance du leadership. Si l'efficacité passe par un processus de développement à piloter localement, elle dépend de l'identité et des compétences de chefs d'établissements. Leithwood (2001) démontre que les établissements scolaires affichent des résultats supérieurs lorsque leurs leaders parviennent à impliquer la totalité des membres de la communauté scolaire dans un processus durable de développement et d'apprentissage organisationnels. Ce qui nous conduit au second axe.

 


Piloter une organisation en développement

Aucun professeur, aucun établissement n'est efficace de façon entière et définitive. Il y a toujours des classes, des disciplines dont l'efficacité est insatisfaisante, et surtout, il subsiste des élèves dont les années de scolarité ne se transforment pas en apprentissages suffisants. La recherche d'efficacité, quels qu'en soit les contours exacts, s'inscrit dans le projet non pas d'exclure les élèves qui n'apprennent pas ou de masquer leurs failles, mais de mieux identifier les obstacles à l'apprentissage et de les surmonter, au niveau des interventions et situations didactiques, mais aussi en remaniant l'organisation du travail, les rapports avec les familles ou tout autre composante du système suspecte d'empêcher les apprentissages, que ce soit dans l'ordre du rapport au savoir, de l'intégration, de la sécurité, des conditions de travail, de l'évaluation, du climat, etc.

Par ailleurs, même un établissement efficace ne peut maintenir cette caractéristique sans un développement professionnel et organisationnel constants, car l'efficacité est un acquis fragile, elle peut se dégrader, parfois très vite, au fil du renouvellement des professionnels, de l'évolution des publics ou des contextes.

La recherche sur les établissements permet d'identifier six dimensions de l'établissement scolaires favorables ou défavorables à l'innovation (Gather Thurler, 2000) :

  1. Organisation du travail. Plus elle est bureaucratique, chacun se réfugiant dans son espace et ses missions plutôt que de traiter les problèmes, moins l'établissement évolue. Si, au contraire, l'organisation s'approche du modèle " adhocratique " décrit par Mintzberg (1990), les initiatives des uns et des autres pour identifier et résoudre les vrais problèmes produisent des développements, de savoirs, de structures et de pratiques, cela même en l'absence d'injonctions liées à un projet d'établissement ou à une réforme scolaire.
  2. Coopération professionnelle. Plus les acteurs partagent leurs conceptions des objectifs et des moyens, plus ils donnent à voir leurs pratiques et construisent ensemble les problèmes et les stratégies, plus l'établissement devient un foyer d'innovation.
  3. Rapport au changement dans la culture de l'établissement. Il y a des établissements dans lesquels le changement est un pensum, auquel on ne se résigne que sous la pression des injonctions ministérielles ou de circonstances qui imposent une adaptation ; dans d'autres établissements, la pratique réflexive est inscrite dans l'identité du chef d'établissement et de la majorité des professeurs.
  4. Dynamique de projet. L'action collective risque de tourner en rond, de verser dans l'activisme et de se vider progressivement de son sens, si l'établissement scolaire ne parvient pas à adopter une démarche, fondée sur des objectifs clairs, des méthodes de décision et de travail, des dispositifs de concertation, un calendrier. La démarche de projet n'est pas une fin en soi, mais une façon de rendre les enseignants acteurs du développement organisationnel et professionnel.
  5. Leadership et modes d'exercice du pouvoir. Les modifications des relations sociales et du pouvoir au sein de l'établissement ne s'opéreront pas simplement grâce à l'intervention charismatique ou autoritaire d'un chef d'établissement, mais se construiront progressivement dans le cadre d'un processus collectif de remise en question et d'élaboration de nouveaux modes de penser et de faire, y compris la délégation ou le partage du pouvoir.
  6. Identité d'organisation apprenante. Le processus de changement dépend de la capacité des acteurs de lier des énoncés et des enjeux à priori dissociés dans une démarche commune permettant d'établir un lien intelligible et explicité entre des activités de routine et des projets novateurs plus ou moins utopiques. Pour y parvenir, une partie du travail collectif consiste à analyser les pratiques au sein de l'établissement scolaire, afin de mieux comprendre les effets produits, les obstacles rencontrés et les solutions possibles pour les dépasser.

On pourrait croire que la cinquième dimension concerne en priorité le chef d'établissement, puisqu'une part du leadership lui incombe. En réalité, il n'en est pas seul leader et il a une part au moins égale d'influence sur les autres dimensions.

Aucun chef d'établissement ne peut à lui seul faire évoluer l'établissement dont il a la charge vers un optimum en regard du développement et de l'innovation. C'est une affaire systémique, à commencer par la façon dont les établissements font émerger des cadres qui leur ressemblent et rejettent symétriquement des directions étrangères à leur culture. Sans leur prêter un pouvoir qu'ils n'ont pas, on peut cependant concevoir l'action, donc les compétences, l'identité et la formation des chefs d'établissements, de sorte à ce qu'ils favorisent le mouvement vers une école en constant développement. Il leur appartient d'accompagner l'innovation de l'intérieur (Gather Thurler, 2004).

 


Formation et professionalisation

À partir des deux axes esquissés (efficacité et développement), on peut commencer à construire un référentiel de compétences qui mette à leur juste place les activités gestionnaires. Bien entendu, il faut qu'un chef d'établissement sache gérer un budget, veiller à la sécurité des personnes et à l'état des locaux et des équipements, construire une grille-horaire, dialoguer avec les associations professionnelles, les parents ou les pouvoirs locaux, parfois recruter des professeurs ou obtenir des ressources. L'important est que ces tâches visibles soient mises au service d'ambitions et d'exigences qui aillent au-delà du maintien de conditions et d'un climat de travail acceptables. Il existe une tendance à faire du chef d'établissement un concierge de luxe, un comptable, un surveillant " en chef ", un planificateur, un gardien, un pompier,. Certains y trouvent leur compte et n'aspirent pas à d'autres tâches.

Ces tâches de gestion sont nécessaires, mais elles pourraient être largement déléguées, le chef d'établissement se bornant à les superviser et à les coordonner, si le système éducatif avait l'intelligence de comprendre qu'il a mieux à faire, que piloter un établissement, si on le veut efficace, innovant et vivable, c'est animer une communauté de travail et faire un travail de conception et d'animation qui demande une énergie immense, des connaissances et des compétences dans le champ des programmes et des didactiques aussi bien que dans le registre de la psychosociologie des organisations.

On peut facilement meubler un programme de formation des chefs d'établissements en ne se référant qu'aux tâches pratiques liées à la concentration de travailleurs dans un espace ordonné (veiller à l'entretien, à la sécurité, à la répartition des ressources humaines et matérielles, etc.) et à la vulgate des " relations humaines " (animer une réunion, conduire un entretien, etc.). Cet amalgame de tâches ne fait pas une profession. On ne peut définir la professionnalité du chef d'établissement (ou des conseillers d'éducation) en réunissant tout ce que les professeurs ne font pas et qu'il faut bien que quelqu'un fasse, en quelque sorte le " sale boulot " (Payet, 1997).

Si l'on veut professionnaliser le métier de chef d'établissement, il faut prendre le risque d'avancer une vision du système éducatif, des évolutions du métier d'enseignant et du statut des établissements. Il faut aller au-delà du consensus mou, dont chacun perçoit facilement les bénéfices immédiats, mais sous-estime le coût à moyen terme.

Organiser la formation des chefs d'établissement ne peut, comme dans tout autre formation professionnelle, que partir d'une analyse de l'activité réelle et des problèmes à résoudre. Mais ici, la problématique est plus complexe, car une reprise conservatrice de ce que font au jour le jour les chefs d'établissements ne rendra les écoles ni plus efficaces, ni plus innovantes, ni plus vivables.

Pour le dire autrement : si la fonction joue un rôle stratégique, on devrait penser sa professionnalité et la formation des chefs d'établissements dans le même registre. Non pas que font-ils, mais que devraient-ils faire pour contribuer à rapprocher le système éducatif de ses missions globales ?

 


Références

Ball, S. (2003). The Teacher's Soul and the Terror of Performativity. Journal of Education Policy, Vol. 18, n° 2, 215-228.

Bressoux, P. (1994). Les recherches sur les effets-écoles et les effets-maîtres. Revue Française de Pédagogie, 108, 91-137.

Chauveau, G. et Rogovas-Chauveau, E. (1997). Etablissement ZEP : quelle efficacité ? Cahiers pédagogiques, n° 354, pp. 22-25.

Cousin, O. (1998). L'efficacité des collèges. Sociologie de l'effet établissement. Paris : PUF.

Dejours, C. (2003). L'évaluation du travail à l'épreuve du réel. Critique des fondements de l'évaluation. Paris : INRA.

Duru-Bellat, M. et Van Zanten A. (2003). Sociologie de l'école. Paris : Armand Colin.

Gather Thurler, M. (2000). Innover au coeur de l'établissement scolaire. Paris : ESF.

Gather Thurler, M. (2002). L'auto-évaluation de l'établissement scolaire comme moteur du changement. In Bois, M. (dir.) Les systèmes scolaires et leurs régulations. Lyon : CRDP, pp. 31-49.

Gather Thurler, M. (2004). Accompagner l'innovation de l'intérieur : paradoxes du développement de l'organisation scolaire. In : Pelletier, G. (dir.) Accompagner les réformes et les innovations en éducation. Consultance, recherches et formation. Paris : L'Harmattan, pp. 69-99.

Gather Thurler, M. (2004). Stratégies d'innovation et place des acteurs. In Bronckart, J.-P. et Gather Thurler, M. (dir.) Transformer l'école. Bruxelles : De Boeck, Coll. Raisons Educatives, pp. 99-125.

Gather Thurler, M. et Perrenoud, Ph. (2003). Innovation. In Groux, D., Perez, S., Rust, V.D., Tasaki, N. (dir) (2003) Dictionnaire d'éducation comparée. Paris : L'Harmattan, pp. 315-322.

Hargreaves, A., Earl, L., Moore, S. and Manning , S. (2001). Learning to Change - Teaching Beyond Subjects and Standards. San Francisco : Jossey-Bass.

Leithwood, K., (Ed.) (2000). Understanding schools as intelligent systems. Stanford, Connecticut : JAI Press.

Mintzberg, H. (1990). Le management. Voyage au centre des organisations. Paris : Éditions d'Organisation.

Payet, J.-P. (1997). " Le sale boulot " : division morale du travail dans un collège de banlieue. Annales de la recherche urbaine, n° 75, pp. 19-31.

Pelletier, G. (dir.) (1998). Former des dirigeants de l'éducation. Apprentissage dans l'action. Bruxelles : De Boeck.

Perrenoud, Ph. (1998). Diriger en période de transformation ou de crise, n'est-ce pas, tout simplement, diriger ? In Pelletier, G. et Charron, R. (dir.) Diriger en période de transformation, Montréal, Editions de l'AFIDES, pp. 7-30.

Perrenoud, Ph. (2001 a). L'établissement scolaire entre mandat et projet : vers une autonomie relative. In Pelletier, G. (dir.) Autonomie et décentralisation en éducation: entre projet et évaluation. Montréal : Université de Montréal/AFIDES, pp. 39-66.

Perrenoud, Ph. (2001 b). Du pilotage partagé au pilotage négocié. Université de Genève : Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation (http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2001/2001_16.html).

Perrenoud, Ph. (2002). Une formation réflexive et constructiviste des chefs d'établissement. Université de Genève : Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation (http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2002/2002_11.html).

Perrenoud, Ph. (2003). Pourquoi et comment rendre les établissements scolaires innovateurs ? Bulletin de l'Union nationale de l'enseignement technique privé, n° 86, février 2003, pp. 11-42.

Purkey, S.C. and Smith, M.S. (1983). Effective Scools : A review. Elementary School Journal, 83 (4), pp. 427-452.

Reid, K., Hopkins, D. et Holly P. (1990). Towards the Effective School : The problems and some solutions. Oxford : Basil Blackwell, , 3e édition.

Rosenholtz, S.J. (1989). Teachers'Workplace : The Social Organization of Schools. White Plains, N.Y. : Longman, Inc.

Schein (1996). The Three Cultures of Management. Sloan Management Review, Fall 1996.

Senge, P.M. et al. (2000). Schools That Learn. New York : Double Day.

Southworth, G. (1998). Leading Improving Primary Schools. London : Falmer Press.

Strittmatter, A. (2004). Jusqu'où peut-on et doit-on standardiser l'École ? In J.-P. Bronckart, J.-P. et Gather Thurler, M. (dir.) Transformer l'école. Bruxelles : De Boeck, Coll. Raisons Educatives, pp. 193-217.

 

Sommaire




Source originale :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2004/2004_06.html

Téléchargement d'une version PDF :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2004/2004_06.pdf

© Philippe Perrenoud, Université de Genève.

Aucune reprise de ce document sur un site WEB ou dans une publication imprimée ne peut se faire sans l'accord écrit de l'auteur et d'un éventuel éditeur.

Toute reprise doit mentionner la source originale et conserver l'intégralité du texte, notamment les références bibliographiques.

Début

Autres textes :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/textes.html

Page d'accueil de Philippe Perrenoud :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/

Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation - LIFE :

http://www.unige.ch/fapse/life/