Perrenoud, Philippe

La fabrication de l’excellence scolaire : du curriculum aux pratiques d’évaluation.

Vers une analyse de la réussite, de l’échec et des inégalités comme réalités construites par le système scolaire

Genève, Droz, 1984, 2e édition augmentée 1995.

Ce livre ne peut être mis intégralement à disposition sur le Web. On trouvera ici :

 

Le résumé (quatrième de couverture)

La table des matières

Le premier chapitre, qui présente les suivants

Les ouvrages consultés en 1984

Le Post-Scriptum écrit en 1995

Les références bibliographiques du Post Scriptum

 

Résumé de l'ouvrage

Sans évaluation, il n’y aurait ni réussite ni échec scolaire. Certes au fil des ans, les élèves n’accumulent pas le même capital scolaire. D’aucuns apprennent mieux ou plus vite que d’autres à lire, à écrire, à compter ou à raisonner. Mais ces inégalités, bien réelles, n’ont autant d’importance et de conséquences que parce que l’école a le pouvoir d’évaluer ses élèves, de les classer, et de les déclarer en échec si elle juge qu’ils ne manifestent pas un degré suffisant d’excellence scolaire dans les disciplines principales.

Ce livre décrit la façon dont l’école primaire fabrique au jour le jour des jugements et des hiérarchies d’excellence. De l’analyse des programmes et des règles gouvernant l’évaluation, I’auteur passe à la description du travail scolaire et des jugements dont il est constamment l’objet, à la fois dans l’action pédagogique quotidienne et lorsqu’il s’agit de mettre des notes.

Quelles sont les normes d’excellence et les règles guidant l’évaluation ? Comment s’enracine-t-elle dans le curriculum réel ? Quels en sont les instruments, les procédés, les arbitraires ? Quelles sont les fonctions de l’évaluation dans l’organisation scolaire ? A ces questions, I’ouvrage offre des réponses fondées sur plusieurs années d’observation dans les classes. Il ne propose ni critique ni réforme de l’évaluation scolaire. Il entend avant tout décrire l’école telle qu’elle est.

Cette analyse de l’évaluation est aussi une introduction à la sociologie du travail scolaire et du curriculum. Le livre participe du renouveau des théories sociologiques du système d’enseignement et de l’action pédagogique. n apporte des matériaux indispensables aux enseignants et aux parents, aux étudiants et aux chercheurs en sociologie et en sciences de l’éducation, aux artisans des réformes scolaires, bref à tous ceux qui vivent dans l’école ou pour l’école et tentent de mieux comprendre les mécanismes de son fonctionnement.

 

Table des matières de l'ouvrage

Introduction

Chapitre I.
L’excellence scolaire, une réalité construite

Chapitre II.
Hiérarchies d’excellence et inégalités de capital culturel

Chapitre III.
La scolarisation de l’excellence

Chapitre V.
L’évaluation formelle de l’excellence scolaire

Chapitre VII.
Lorsque l’excellence est vraiment la norme

Chapitre VIII.
Curriculum réel et travail scolaire

Chapitre IX.
De l’évaluation intuitive à l’évaluation formelle : de quoi l’excellence scolaire est-elle faite ?

Conclusion

Ouvrages consultés

 

Chapitre premier
L’excellence scolaire,
une réalité construite

Ce livre esquisse une sociologie de l’évaluation scolaire, des procédures et des normes en vertu desquelles l’école primaire fabrique des hiérarchies d’excellence, en particulier celles qui décident de l’échec ou de la réussite scolaires et de leurs conséquences.

Malgré de nombreux travaux sur l’inégalité devant l’école, les échecs et la sélection scolaire, la sociologie de l’éducation n’a guère étudié l’évaluation comme procédé de fabrication de jugements d’excellence. C’est ce que nous tenterons de faire, en nous inspirant à la fois de la sociologie du curriculum, qui nous aidera à mieux cerner la substance des normes d’excellence, et de la sociologie de la déviance, plus avancée dans l’analyse de la fabrication des normes et des jugements, qu’il s’agisse de la maladie mentale, de la délinquance ou de déviances banales.

Ce travail s’inscrit dans le prolongement de nos recherches sur les inégalités de réussite scolaire. A la question de savoir pourquoi il y a de bons et de mauvais élèves, la sociologie de l’éducation répond habituellement en analysant les mécanismes qui transforment les différences culturelles en inégalités scolaires. On oublie trop souvent que ces dernières ont une double face. Ce sont des inégalités réelles dans l’appropriation des savoirs et savoir-faire valorisés à l’école ; mais elles n’auraient ni la même importance symbolique ni les même conséquences pratiques si l’évaluation scolaire ne les traduisait pas en hiérarchies explicites. La façon dont ces hiérarchies montrent ou cachent, dramatisent ou minimisent des inégalités réelles, dépend dans une large mesure de leurs procédés de fabrication, de la structuration du curriculum, de la substance du travail scolaire, des modalités de l’évaluation, du moment où elle intervient au cours de l’année ou de la carrière scolaire. Analyser la fabrication de hiérarchies d’excellence, formelles ou informelles, n’est donc pas seulement mettre en évidence la construction d’une représentation des inégalités ; c’est aussi décrire et expliquer la part d’arbitraire qui caractérise cette construction.

 

L’excellence scolaire

Tout groupe social engendre des normes d’excellence. Un degré élevé de maîtrise d’une pratique est source d’efficacité, de prestige, de pouvoir, de profits matériels ou symboliques, de distinction : les acteurs sociaux qui se livrent à des activités semblables s’engagent donc dans une compétition plus ou moins ouverte pour l’excellence. C’est à qui surpassera les autres s’affirmera, dans un cercle restreint ou dans une vaste communauté comme le meilleur, le plus intelligent, le plus cultivé, le plus habile, le plus inventif ou le plus qualifié. Selon le degré auquel ils se rapprochent de l’excellence, les praticiens occupent une position plus ou moins enviable dans une hiérarchie d’excellence. Cette dernière s’établit informellement dès qu’une comparaison intuitive met en lumière d ‘inégales distances à la norme. La hiérarchie se fait plus formelle dans les groupes ou les institutions qui codifient les procédures d’évaluation et de classement. À l’intérieur de n’importe quel cercle de praticiens s’établit une hiérarchie d’excellence plus ou moins reconnue, plus ou moins stable. C’est évident au sein de chaque corporation professionnelle, sportive, artistique, de tout groupe réunissant des praticiens des mêmes jeux, des mêmes loisirs, des philatélistes aux joueurs d’échecs, des cinéphiles aux cruciverbistes. Dans la vie quotidienne, les jugements d’excellence vont bon train. Lorsque plusieurs personnes se livrent à la même activité, sont confrontées à la même tâche, les unes paraissent s’en tirer mieux que les autres, qu’il s’agisse de conduire, de danser, de jouer aux cartes, de cuisiner, de raconter une histoire, d’élever un enfant ou d’animer une soirée.

L’école n’a pas inventé les hiérarchies d’excellence, elle n’en a pas le monopole. Toutes celles qui ont cours dans la société n’ont pas leur équivalent à l’école, mais les hiérarchies scolaires ne constituent pas un monde à part, ne portent pas sur des disciplines intellectuelles, manuelles, artistiques ou sportives qu’on ne pratiquerait qu’à l’école. La maîtrise de la langue participe des hiérarchies d’excellence dans tous les domaines où la pratique fait appel à l’expression et à la communication orales ou écrites. La maîtrise des instruments et du raisonnement mathématiques participe des hiérarchies d’excellence dans toutes les pratiques artisanales, commerciales, techniques et scientifiques. La musique, les arts plastiques, l’expression dramatique, les travaux manuels donnent lieu à des hiérarchies d’excellence hors de l’école. La maîtrise du corps participe de l’excellence dans les métiers manuels, les arts, les sports, le bricolage, les jeux d’adresse, les pratiques sexuelles ou guerrières. Quant à la culture générale, à la connaissance de l’histoire, de la géographie, de la nature, des institutions, elles participent des hiérarchies d’excellence bien au-delà de l’école, du capital culturel à faire valoir en société aux qualifications professionnelles. Les liens entre les hiérarchies scolaires et d’autres hiérarchies d’excellence sont d’autant plus explicables que l’enseignement se veut une préparation à la vie : les classements scolaires ne sont en ce sens que la préfiguration de hiérarchies qui ont cours dans la société globale, en vertu de modèles d ‘excellence suffisamment valorisés pour trouver place dans le curriculum.

Dans toute situation d’enseignement collectif, les hiérarchies d’excellence sont constamment présentes, du seul fait que chacun est statutairement exposé au jugement d’un professeur et des autres élèves. Dans un gymnase, une salle de danse, une classe de conservatoire, un atelier de peinture sur porcelaine les élèves se comparent, se situent les uns et les autres dans une hiérarchie informelle. Dans une classe primaire déjà, les élèves s’observent et se mesurent. De cette comparaison naissent des hiérarchies qui se stabilisent d’autant plus vite que les tâches se ressemblent et qu’elles sont souvent proposées à tous dans les mêmes conditions. Les élèves ont donc tout loisir d’identifier ceux qui lisent ou dessinent le mieux, ceux qui calculent le plus vite de tête ou qui sont imbattables dans les formes verbales, ceux qui manient le dictionnaire avec maestria ou expliquent sans peine les mots difficiles, ceux qui s’expriment clairement, ont toujours une idée, sont capables d’animer une discussion, ceux qui sont " forts en math ", ceux pour lesquels l’orthographe n’a pas de secret, ceux qui construisent avec aisance les figures les plus compliquées, qui écrivent bien, inventent des textes originaux et bien charpentés, savent résumer un livre ou un film, ceux qui chantent le plus juste, ceux qui tiennent le premier rôle dans la pièce de théâtre, ceux qui sont les plus habiles aux travaux manuels ou à la gymnastique A l’inverse les élèves repèrent assez vite ceux qui, dans tous ces domaines, ont un niveau plus moyen ou tout à fait médiocre.

Les jugements des élèves sont souvent influencés par les jugements du maître, en fonction desquels ils saisissent et intériorisent les normes d’excellence. Toutefois, même si l’école ne pratiquait aucune évaluation formelle, même si le maître s’abstenait de tout jugement public, cela n’empêcherait pas les élèves de se comparer et de fabriquer entre eux des hiérarchies informelles, comme ils le font dans les domaines étrangers au curriculum. Certains maîtres s’appliquent d’ailleurs à atténuer les jugements des élèves les uns sur les autres, à rendre les hiérarchies moins visibles, par exemple en évitant d’obliger les élèves les plus faibles à faire une fois encore devant les autres la démonstration que leurs textes sont illisibles, leurs explications incompréhensibles, leurs calculs fantaisistes ou leur travail à peine ébauché quand d’autres ont déjà fini. Les maîtres soucieux de ne pas cristalliser les hiérarchies s’efforcent de mettre en valeur d’autres formes d’excellence, même si elles ne sont pas évaluées formellement et " ne comptent pas " autant que les autres. Ils se gardent aussi de donner aux élèves les plus brillants autant d’occasions qu’ils le voudraient de prouver qu’ils lisent mieux, comprennent plus vite, finissent avant les autres, ont réponse à tout, en bref qu’ils sont les meilleurs. Tous les maîtres n’agissent pas dans ce sens : certains soulignent au contraire les hiérarchies, félicitent publiquement les meilleurs, stigmatisent les plus faibles. Retenons surtout ici que même si le maître ne fait rien pour rendre visibles les hiérarchies d’excellence, certains élèves, encouragés souvent par leur entourage familial, recréent des classements informels là où l’école avait supprimé les tableaux d’honneur et les bonnets d’âne Le maître, qu’il le veuille ou non, incarne la norme. Il ne peut guider les élèves dans leur travail et dans leurs apprentissages sans formuler, implicitement ou explicitement, des jugements d’excellence. Il est difficile d’imaginer une action pédagogique qui n’engendrerait aucune hiérarchie informelle. Seul un enseignement tout à fait individualisé pourrait l’éviter ; et encore serait-ce à condition d’exclure toute relation directe entre les élèves

 

La métaphore de la fabrication

Il existe des écoles qui ne pratiquent aucune évaluation formelle ou qui laissent à leurs élèves la liberté de se présenter à des examens s’ils veulent obtenir un certificat. La formation d’adultes, l’enseignement universitaire, certaines écoles postobligatoires fonctionnent sur ce modèle. Aux âges de scolarité obligatoire, quelques écoles alternatives privilégient l’autoévaluation ou l’évaluation formative, mais leurs élèves sont obligés de se présenter aux épreuves pédagogiques qu’impose la loi sur l’instruction obligatoire ou aux examens d’admission qui permettent de rejoindre l’enseignement public ou les écoles privées traditionnelles à certaines étapes du cursus Même ces écoles contribuent à la fabrication de hiérarchies informelles, du seul fait qu’elles proposent aux élèves des activités et des tâches semblables et les mettent en situation de se comparer, de se constituer en un cercle de praticiens fabriquant, comme n’importe quel autre, ses hiérarchies internes.

L’école primaire publique participe cependant d’une façon beaucoup plus active et formelle à la fabrication de hiérarchies d’excellence :

1) elle impose à tous les élèves en âge de scolarité obligatoire un curriculum unique, structuré en disciplines définies comme autant de domaines d’excellence ;

2) ce curriculum est, dans chaque discipline, découpé en programmes annuels correspondant à la structuration du cursus en degrés ;

3) à l’intérieur de chaque degré, l’école évalue de façon plus ou moins continue le travail scolaire de chaque élève et ses performances à l’occasion d’épreuves écrites ou d’interrogations orales ;

4) à partir des évaluations partielles, le niveau d’excellence est estimé de façon synthétique, pour l’ensemble d’une période de travail, dans les disciplines principales ; on l’exprime soit en termes de savoirs et savoir faire effectivement maîtrisés, soit en termes de position relative dans une hiérarchie d’excellence

Les hiérarchies d’excellence et la position de chaque élève dans ces hiérarchies résultent d’une fabrication relativement complexe qui, à partir du travail scolaire quotidien et des performances spécialement sollicitées en vue d’évaluer les élèves, opère des synthèses successives selon des procédés plus ou moins codifiés. De ces synthèses découlent : a) une image globale de l’excellence scolaire de chaque élève ; b) un constat de réussite ou d’échec par rapport aux exigences trimestrielles ou annuelles, constat communiqué à l’élève, consigné dans le bulletin destiné à ses parents, inscrit dans les registres administratifs de l’école ; c) certaines décisions qui, en cas d’échec, vont de l’envoi en classe de soutien à la relégation dans l’enseignement spécialisé en passant par le redoublement d’une année ou une prise en charge médico-pédagogique ; d) enfin, à l’issue de l’enseignement primaire, une sélection à l’entrée du secondaire, fondée au moins en partie sur la réussite scolaire à l’école primaire

Notre analyse portera essentiellement sur la fabrication des jugements d’excellence, donc sur l’interprétation et l’application des normes, le fonctionnement des procédures d’évaluation, les modalités de formulation des jugements. Sans pouvoir retracer complètement l’émergence historique des cultures scolaires, nous ne pourrons ignorer, en amont des jugements, la structure et les contenus du curriculum dont les normes d’excellence tirent leur substance. En aval des jugements d’excellence, sans aller jusqu’à l’étude des carrières scolaires, nous devrons analyser les mécanismes de sélection qu’alimente l’évaluation. On ne peut comprendre la fabrication des jugements d’excellence sans la rapporter à l’organisation de la scolarité et aux contenus de la culture scolaire, aux pratiques pédagogiques et au travail scolaire. Ainsi, c’est parce que le travail scolaire fait massivement appel à la lecture dès la seconde année de scolarité obligatoire que le savoir lire est au centre de l’évaluation en première année, à six ou sept ans, Cette conception du travail scolaire et du curriculum engendre des hiérarchies d’excellence qui n’auraient ni la même allure ni les mêmes conséquences si la maîtrise de la lecture n’était exigée qu’à huit ou dix ans. La fabrication de l’excellence commence lorsqu’on décide d’évaluer le savoir lire à un moment défini du cursus.

Quelles que soient les raisons pour lesquelles l’école établit des hiérarchies d’excellence, il importe de saisir qu’elle fabrique alors une réalité nouvelle, qu’elle produit sur les élèves une série de jugements qui donnent aux inégalités réelles une signification, une importance et des conséquences qu’elles n’auraient pas en l’absence d’évaluation.

Pourquoi insister sur l’idée de fabrication ? Cette métaphore a plusieurs sens. Elle souligne d’abord que, comme toutes les représentations, les jugements et les hiérarchies d’excellence résultent d’une construction intellectuelle, culturelle, sociale. S’agissant des jugements d’excellence, cette construction s’apparente à une véritable fabrication selon des procédés relativement stables, partiellement codifiés par l’organisation scolaire, partiellement inventés par chaque maître. Cette fabrication est sans doute relativement artisanale, elle fait une part importante à l’intuition, même lorsqu’elle semble instrumentée, fondée sur des textes, des épreuves, des grilles d’évaluation. Elle relève néanmoins de routines stables, mises en œuvre pour chaque élève, chaque année, à la manière de procédés éprouvés de fabrication. Comme toute " fabrique ", l’école introduit certaines innovations dans ses méthodes : elle espace ou rapproche les évaluations, modifie l’échelle de notation, supprime ou introduit l’évaluation formelle dans certaines branches, change la pondération des diverses disciplines. Le maître aussi, comme tout artisan, modifie de temps à autre ses procédés, adopte de nouvelles façon de construire ou de corriger une épreuve, d’élaborer un barème, de combiner des évaluations partielles. Cela n’empêche pas les routines de fonctionner et de fabriquer, jour après jour, des jugements d’excellence tant formels qu’informels.

Pourquoi ne pas parler simplement de la mesure de l’excellence scolaire ? Parce que les jugements d’excellence sont le produit d’un fonctionnement complexe qui met en jeu le découpage du curriculum en disciplines et en degrés annuels ; parce que l’élaboration des jugements d’excellence s’enracine dans une pratique pédagogique et participe d’une négociation entre maîtres et élèves. Les critiques docimologiques ou psychométriques de l’évaluation scolaire peuvent la considérer comme une mesure parce qu’elles cherchent uniquement à en apprécier la rigueur méthodologique, la validité, la fidélité. Cette abstraction est légitime dans la mesure où l’évaluation scolaire se présente comme une mesure objective de l’excellence, voire des compétences sous-jacentes. Mais il n’y a pas de mesure automatique, d’évaluation sans évaluateur et sans évalué ; or, on ne peut réduire l’un à l’état d’instrument, l’autre à l’état d’objet. Ce sont des acteurs qui poursuivent des stratégies, pour lesquels l’évaluation a un enjeu, leur carrière scolaire, leur formation (cf. Dominicé, 1979) Pour le sociologue, même l’administration d’un test parfaitement rigoureux et " scientifique " demeure une interaction sociale. C’est vrai a fortiori de l’évaluation scolaire. Le maître et l’élève sont pris dans un jeu complexe dont ils n’ont pas défini toutes les règles, qui s’étend sur l’ensemble d’une année scolaire et dont l’évaluation n’est qu’un moment. L’idée de fabrication souligne la part des aléas, des biais, des arbitraires, des facteurs interpersonnels et institutionnels qui pèsent sur la " mesure " en pédagogie.

Cette métaphore veut aussi rappeler que les organisations ont le pouvoir de construire une représentation de la réalité et de l’imposer à leurs membres et à leurs usagers comme la définition légitime de la réalité. A aucun moment le jugement de l’école ne se donne comme un point de vue sur l’élève parmi d’autres possibles. Dans le champ couvert par les normes d’excellence, l’école prétend attribuer à chacun son vrai niveau d’excellence et fonder sur cette évaluation des décisions sans appel. Le pouvoir de l’organisation scolaire, qu’elle tient évidemment du système politique, est de faire d’un enfant qui se trompe dans ses soustractions, n’accorde pas le verbe avec le sujet ou ne maîtrise pas le passé simple, un " mauvais élève ".

Pour illustrer la capacité des organisations à fabriquer une image de la réalité qui s’impose comme la réalité, éloignons-nous un instant de l’école pour nous intéresser à la fabrication de la folie par la psychiatrie institutionnelle, puis à la fabrication de la délinquance par le système pénal. Le paradigme de la fabrication a été mis en œuvre dans ces deux domaines. Il n’est pas transposable sans examen à l’excellence scolaire. Du moins permettra-t-il de mieux situer notre démarche.

 

La fabrication de la folie

Thomas Szasz est un psychiatre américain qui a, depuis de longues années, déclaré la guerre à la psychiatrie institutionnelle. D’où le ton assez vif de son analyse, dont nous retiendrons surtout la mise en évidence du pouvoir qu’ont les institutions d’imposer une construction de la réalité :

La caractéristique économique majeure de la psychiatrie institutionnelle est le fait que le psychiatre institutionnel est un bureaucrate, employé et payé par une organisation publique ou privée (et non par l’individu qui est son véritable client) ; sa caractéristique sociale la plus importante est le recours à la force et à l’imposture. En plus de la procédure d’internement et l’incarcération à long terme des " fous ", les interventions du psychiatre institutionnel comprennent différentes mesures telles que l’examen des coupables pour déterminer s’ils sont fous ou sains d’esprit et donc en mesure d’être jugés, des employés pour déterminer leur aptitude à un travail donné, des candidats à l’université, à la faculté de médecine ou à l’institut de psychanalyse pour déterminer s’ils peuvent fréquenter ces institutions, l’historique personnel d’individus décédés pour connaître leur " capacité testamentaire ", et ainsi de suite. Les psychiatres employés par les hôpitaux psychiatriques, les universités, les organismes militaires, les tribunaux, les prisons et autres, sont, selon cette définition, des psychiatres institutionnels (Szasz, 1976, pp. 20-21).

Szasz oppose à la psychiatrie institutionnelle la psychiatrie contractuelle :

La relation entre psychiatre contractuel et patient est fondée sur un contrat, librement consenti de part et d’autre et, en général, librement résiliable par eux (à l’exception des cas où le thérapeute n’est pas d’accord). Le contrat consiste en un échange de services psychiatriques contre de l’argent. En un mot, alors que le psychiatre institutionnel s’impose à son " patient ", qui ne le paye pas, ne veut pas être son patient et n’a pas la liberté de refuser son " aide ", le psychiatre contractuel se propose au patient, qui doit le payer, désirer être soigné par lui et reste libre de refuser son aide.

Tout comme la sorcière européenne du XVe siècle, le malade mental américain contemporain est généralement une personne pauvre, perturbée ou accusée de troubler l’ordre et qu’on déclare malade mentale contre sa volonté. Un tel individu peut accepter le rôle ou essayer de le refuser ; le psychiatre institutionnel qui l’examine peut tenter de le figer dans ce rôle, éventuellement en l’hospitalisant pendant longtemps, ou peut le relâcher après une brève période d’internement. Dans tous les cas les autorités psychiatriques exercent un contrôle absolu sur la relation (Szasz, 1976, p. 21).

Laissons de côté ici la part de polémique pour retenir l’analyse : la folie n’existe pas à l’état objectif. C’est une étiquette mise sur certaines conduites que la majorité des gens trouvent étranges, incohérentes, irrationnelles, incontrôlées. Définissant une normalité, une image de la santé mentale, on définit en contrepartie la folie ou la maladie mentale, en leur associant certaines conduites, certaines manières d’être.

Cet étiquetage n’acquiert toute sa légitimité sociale qu’avec l’émergence de la psychiatrie à la fois comme discours " scientifique " sur la maladie mentale, ses causes et son traitement et comme appareil de dépistage, de diagnostic, de prise en charge ambulatoire ou hospitalière. Dans la mesure où la société, les entreprises, les tribunaux, les prisons, les écoles délèguent au psychiatre le soin de dire qui est fou et de prescrire un traitement pour les malades mentaux internés d’office ou sous contrôle pénal, se crée effectivement un pouvoir psychiatrique institutionnel, pouvoir de fabriquer la folie à partir de conduites dites " déviantes " (marginalité, toxicomanie, refus de travailler, homosexualité, rébellion contre l’autorité, antisémitisme, pacifisme) aussi bien que de comportements qui passent pour des signes de " troubles mentaux " (angoisse, agressivité, phobie, instabilité, exaltation, état dépressif, obsession, hallucination, isolement, exhibitionnisme, autoritarisme, dépendance). Szasz montre que, dans un contexte psychiatrique, chacune de ces conduites peut devenir un symptôme de maladie mentale, alors que, dans un autre contexte, elles feraient figures de simples traits de " caractère ".

Szasz ne dit pas que le diagnostic psychiatrique établi par un psychiatre est sans rapport avec le fonctionnement mental ou les conduites du " patient ". Il dit que la psychiatrie institutionnelle propose de ces conduites et de ces fonctionnements une interprétation qui est fonction des critères de normalité et de santé mentale qu’elle définit, des procédures d’investigation qu’elle met en œuvre, des catégories qu’elle mobilise pour donner un sens aux conduites :

Autrefois, on créait des sorciers ; de nos jours, on fabrique des malades mentaux. Il ne faut toutefois pas oublier que prétendre que les maladies mentales et les fous n’existent pas, ne signifie pas que le comportement individuel affiché par des personnes étiquetées malades mentales ainsi que les désordres sociaux qu’elles peuvent causer n’existent pas. De nos jours, il existe effectivement des individus qui troublent l’ordre public, violent la loi ou agissent à l’encontre des conventions sociales et morales, comme les individus qui se droguent à l’héroïne ou les femmes qui laissent leurs bébés nouveaux-nés sans soins. Ces gens sont souvent accusés de folie (du fait qu’on les étiquette " drogués " ou " psychotiques post-partum ") et, par conséquent, persécutés en tant que malades mentaux (au moyen de l’hospitalisation forcée et des traitements médicaux). Le fait est que ces malades mentaux là ne choisissent pas le rôle de malade mental ; on les étiquette et on les soigne contre leur volonté, c’est-à-dire qu’on leur impose un rôle. Et si les malades mentaux en avaient la possibilité, ils choisiraient tous d’être ignorés par les tenants du pouvoir médical et de l’État.

Je dirai encore que, si notre intention est de voir les choses clairement, plutôt que de confirmer des croyances populaires et justifier des pratiques désormais acceptées, nous devons établir une nette distinction entre trois catégories de phénomènes apparentés mais distincts : d’abord, les événements et les comportements, comme la naissance d’un enfant mort-né, ou le rejet par sa mère d’un bébé bien portant ; deuxièmement, leur explication au moyen de concepts religieux et médicaux, telles la sorcellerie ou la folie ; troisièmement, leur contrôle par la société, justifié par des explications religieuses ou médicales, utilisant des interventions théologiques ou thérapeutiques, comme le bûcher pour les sorcières ou l’hospitalisation d’office des fous.

On peut accepter la réalité d’un événement ou d’un comportement tout en refusant les explications qu’on en donne généralement, ainsi que les méthodes de contrôle de la société (Szasz, 1976, pp. 18-19).

Szasz ne nie nullement qu’il y ait des individus qui souffrent, qui se sentent mal dans leur peau, qui ont besoin d’aide ; et d’autres qui dérangent, qui sont jugés déviants ou déraisonnables. Il met simplement en évidence le pouvoir de la psychiatrie institutionnelle de juger du fonctionnement mental des individus et du sens de leurs conduites contre leur gré, de les interner et de les traiter sans qu’ils le demandent. Lorsque, dans un pays totalitaire, on enferme un dissident dans une clinique psychiatrique en affirmant qu’il est fou, il est évident qu’on a fabriqué un diagnostic psychiatrique de toutes pièces à des fins de contrôle social. Szasz montre que dans les pays libéraux, pour être moins caricatural, le fonctionnement de la psychiatrie institutionnelle est partiellement de cette nature.

En résumé, fabriquer la folie, c’est avoir le pouvoir d’affirmer qu’un individu est fou et de faire en sorte qu’il soit traité comme tel par la société, ce qui peut entraîner l’internement d’office, la perte des droits civiques, le retrait du permis de conduire, l’exclusion de l’armée, l’impossibilité de prétendre à certains emplois, l’interdiction de se marier ou d’avoir des enfants, sans parler de toutes les conséquences moins formelles.

 

La fabrication de la délinquance

Lorsque, se référant à Szasz, Robert (1977) analyse la fabrication de la délinquance juvénile, il ne dit pas davantage que la justice crée de la délinquance à partir de rien. Certes, dans certains pays totalitaires, il arrive qu’un jugement pénal soit fabriqué de toutes pièces. L’exemple le plus spectaculaire et le plus tragique est celui des procès truqués où l’on fabrique de faux délits, de faux témoins, de fausses preuves et même de faux aveux. Dans ces régimes, la police, la justice, la médecine sont sous le contrôle absolu de l’appareil d’État, dont elles tiennent le pouvoir de fabriquer des jugements qui ne doivent rien à la réalité, mais qu’on fait passer pour la réalité aux yeux du public. Il y a alors falsification pure et simple. Mais la notion de fabrication d’un jugement pénal peut s’entendre en un sens plus banal, sans impliquer la perversion de l’appareil judiciaire.

Robert ne prétend pas que dans les sociétés libérales la délinquance juvénile est fabriquée de toutes pièces : certains jeunes se droguent, d’autres volent dans les grands magasins ou empruntent des voitures ou des motos, d’autres commettent des déprédations, des larcins, des viols ou des agressions. Mais d’une conduite à la délinquance jugée Robert met en évidence la complexité d’un processus de fabrication qui porte sur la réalité des conduites, leurs intentions, leur sens, leur légalité. Le fonctionnement de l’appareil policier et judiciaire est évidemment orienté par un code pénal qui définit les délits : " Celui qui… sera puni de… ". De cette abstraction au jugement pénal, il y a place pour un travail d’établissement des faits et d’interprétation des lois et de la jurisprudence. Ce travail commence de façon partiellement aléatoire : toutes les transgressions du code pénal ne sont pas repérées ou dénoncées ; la criminologie souligne l’importance du chiffre noir, la proportion des illégalismes qui échappent à tout signalement. Certaines des victimes ne portent pas plainte, pour diverses raisons. Même lorsque l’auteur d’une transgression est identifié, voire appréhendé, il n’est pas nécessairement déféré à la police : Robert montre que les grands magasins ne portent plainte pénale pour vol que dans une fraction des cas, réglant les autres par leurs propres moyens. Même s’il y a plainte, dénonciation, identification de suspects, il n’y a pas nécessairement inculpation : l’affaire peut être classée au stade de l’enquête policière ; le procès peut encore aboutir à un non-lieu ou un acquittement faute de preuves. Autant de décisions qui éclairent " en creux " les décisions qui contribuent dans les autres cas à la poursuite de la fabrication. A chaque étape, les victimes, les témoins, les prévenus, les avocats, les policiers, les magistrats, les jurés participent, en principe de façon contradictoire, à la fabrication d’une représentation des faits et des conduites et d’une interprétation de leur sens par rapport au code pénal.

Cette fabrication peut être très simple et très rapide lorsqu’il y a flagrant délit ou aveu spontané et que la conduite incriminée relève à l’évidence d’une sanction pénale. Dans beaucoup d’affaires, l’établissement des faits et l’appréciation de la culpabilité sont beaucoup plus difficiles. Que l’on songe, pour ne pas s’en tenir à la délinquance juvénile, aux affaires de mœurs, aux pratiques frauduleuses, à l’abus de confiance, à la diffamation, aux fautes professionnelles, aux homicides par imprudence, aux délits politiques. Dans tous ces cas, la fabrication du jugement pénal peut être très laborieuse et n’est jamais exempte d’arbitraire, tant les faits sont complexes, tant les normes légales pertinentes prêtent à interprétation.

Qu’il y ait, même dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire des pays les plus démocratiques, des abus, des erreurs, des injustices est indéniable, mais ce n’est pas l’essentiel. Même lorsque les faits paraissent incontestables, lorsque aucun vice de procédure n’est identifiable, même lorsque la police, le magistrat instructeur, les juges et les jurés ont fait parfaitement leur travail, il y a fabrication d’un jugement qui, une fois le verdict rendu, une fois les possibilités de recours épuisées, a force de loi. Avec la sanction pénale qui s’ensuit dans l’immédiat, avec les conséquences à plus long terme d’une condamnation : étiquetage, ruptures familiales, problèmes de réinsertion sociale, difficulté d’obtenir ou de conserver un emploi ou un logement, impossibilité d’accéder à certains statuts exigeant un casier judiciaire vierge ou encore risque accru de devenir suspect si l’on est impliqué dans une autre affaire policière.

L’échec scolaire n’est assimilable ni à un diagnostic psychiatrique ni à un jugement pénal. Du moins dans sa forme ordinaire. Il arrive que certaines formes d’inadaptation scolaire conduisent à des prises en charge psychiatriques ou pénales, mais ce n’est pas dans ce sens que nous avons brièvement évoqué les analyses de Szasz et de Robert. Il ne s’agit pas d’amalgamer des jugements aussi différents qu’un diagnostic psychiatrique, une condamnation pénale ou un jugement d’excellence scolaire. Ni de suggérer que l’école fonctionne à la manière de l’appareil psychiatrique ou judiciaire.

Ce que nous voulions souligner, c’est le pouvoir qu’ont les institutions psychiatriques et judiciaires de construire du fonctionnement mental, des capacités ou des conduites d ‘un individu une image qui a force de loi et qui fonde certaines décisions. Pour être exercé dans des conditions moins dramatiques le pouvoir de l’école n’en est pas moins grand. De six à quinze ans, les hiérarchies d’excellence scolaire s’imposent aux intéressés qu’ils le veuillent ou non, à la manière dont on impose un diagnostic psychiatrique à un interné d’office ou un verdict à un prévenu. Le jugement d’excellence de l’école a " force de loi ". Aucun élève en âge de scolarité obligatoire ne peut s’y dérober, quelle que soit son degré d’aspiration à l’excellence scolaire.

L’instruction obligatoire aurait pu prendre un autre sens, par exemple en imposant à chacun d’acquérir un minimum d’excellence dans un domaine de son choix. Ce n’est pas la conception qui a prévalu dès le XIXe siècle : les lois sur l’instruction obligatoire exigent un niveau d’excellence relativement limité, mais par rapport à un curriculum imposé, qui définit la culture de base, l’instruction élémentaire dont nul ne saurait se passer. Les adultes peuvent choisir les domaines dans lesquels ils ont quelque prétention à l’excellence. Les enfants, eux, ne peuvent pas renoncer à l’excellence scolaire. Aucun ne peut dire : " Moi je n’ai pas envie de savoir lire ou de savoir faire des multiplications, ça m’est égal que les autres soient meilleurs que moi, je préfère être excellent dans d’autres domaines, étrangers au programme scolaire ".

C’est pourquoi il n’y a pas de commune mesure entre les hiérarchies d’excellence imposées par un pouvoir institutionnel et celles qui naissent de la libre confrontation de praticiens cherchant à se surpasser les uns les autres. Nul ne peut véritablement obliger quelqu’un à l’excellence. L’école peut en revanche imposer non seulement une présence et un travail, mais une évaluation à laquelle les élèves doivent se soumettre bon gré mal gré et diverses sanctions symboliques ou pratiques en cas d’échec.

La psychiatrie et la justice n’ont à connaître qu’une fraction de la population. A l’exception de ceux qui sont déclarés sains d’esprit ou innocents à l’issue d’une investigation psychiatrique ou d’une procédure judiciaire, la plupart des gens se sentent normaux ou honnêtes parce qu’ils n’ont pas eu maille à partir avec la psychiatrie ou la justice. L’école au contraire touche tout le monde, juge tout le monde et donne à chacun une place dans les hiérarchies d’excellence. Paradoxalement, le pouvoir des maîtres d’école et de l’institution scolaire paraît moins grand que celui des magistrats ou des psychiatres et n’est qu’assez rarement l’objet d’une critique analogue. Sans doute ceux qui sortent gagnants de la compétition scolaire n’ont-ils guère de raison de se révolter contre un pouvoir qui consacre leur réussite. Quant à ceux qui échouent, ils sont issus en majorité des classes populaires, ce qui les prive doublement des moyens et du droit de mettre en cause le pouvoir de l’école.

 

Un regard sociologique sur l’évaluation

Si le principe de l’évaluation scolaire est généralement accepté, ses modalités suscitent souvent des passions. L’évaluation scolaire ne laisse indifférents ni les gens d’école, ni les élèves, ni les parents, ni les chercheurs en éducation, ni la classe politique, ni l’opinion publique. Les débats portent notamment sur la part de l’évaluation qui est communiquée aux parents, à travers bulletins et notes scolaires par exemple ; sur les normes d’admission dans certaines écoles ou certaines filières secondaires ; sur les degrés du cursus, les disciplines et les objectifs qui doivent faire l’objet d’une évaluation formelle ; sur la forme des épreuves et des examens, les critères de correction, le choix des barèmes, le calcul des moyennes. Plus récemment, surtout entre gens d’école et chercheurs en science de l’éducation, s’est développée une réflexion sur les alternatives à l’évaluation traditionnelle, en particulier dans le sens d’une observation qualitative sans notes, d’une évaluation formative ou d’une évaluation en fonction d’objectifs ou de critères de maîtrise.

Nous n’ignorerons pas ces débats et les questions qu’ils posent chaque fois que cela nous permettra d’éclairer la fabrication des jugements d’excellence. Mais pour prévenir tout malentendu précisons d’emblée que nous ne proposerons ici ni une critique des modes d’évaluation en vigueur dans les écoles, ni une réforme. Nous nous en tiendrons à un objectif plus limité : décrire et analyser les procédés de fabrication des jugements d’excellence dans l’école telle qu’elle est, en insistant particulièrement sur l’école primaire genevoise qui est notre champ d’observation privilégié. Nous tenterons de porter sur les normes et sur les jugements d’excellence un regard dénué de préoccupations normatives, même si nous n’ignorons pas que, dans un champ traversé par des polémiques très vives, toute analyse des pratiques d’évaluation peut évidemment conforter certaines positions, donner des arguments aux partisans de telle ou telle réforme ou aux tenants du statu quo. Ce n’est pas notre but.

Ce qui nous intéresse, comme sociologue, n’est pas de prendre parti dans ce débat. C’est de décrire l’école telle qu’elle fonctionne, de comprendre comment elle s’articule au système social, économique et politique, comment elle engendre des uniformités aussi bien que des différences culturelles, comment elle prend sa place dans l’ensemble des processus de socialisation, d’homogénéisation et de différenciation des individus, de production et de reproduction de la société.

Depuis une décennie environ, la sociologie de l’éducation ne se contente plus d’analyser les flux d’élèves, les populations scolarisées, les structures des systèmes scolaires, les politiques de l’éducation ou les mécanismes de reproduction. Toutes ces problématiques restent actuelles, mais il importe d’éclairer l’intérieur de la boîte noire qu’est resté longtemps le système d’enseignement, d’analyser l’organisation scolaire, les établissements, les classes dans leur fonctionnement quotidien. Notre travail essaye d’intégrer ces divers niveaux d’analyse, allant de la description du curriculum formel à l’analyse des pratiques dans la salle de classe, ici sous l’angle de l’évaluation.

A propos de l’école, une démarche scientifique privilégiant la description et l’explication ne va pas de soi, parce que la pédagogie et les sciences de l’éducation se définissent souvent comme des sciences de l’action, affirmant qu’elles ont vocation à faire progresser l’école, à la rendre plus efficace, à lui donner les moyens d’atteindre ses objectifs ou de " gérer l’innovation ". Une sociologie de l’évaluation scolaire court donc constamment le risque d’être assimilée à l’ensemble des travaux qui critiquent les notes scolaires ou proposent une alternative. D’où notre insistance sur la distance que nous souhaitons conserver par rapport aux débats pédagogiques ou politiques sur l’évaluation. Lorsque la sociologie s’intéresse à la façon dont les acteurs sociaux construisent leurs représentations de la réalité, en l’occurrence leurs jugements d’excellence, l’enjeu n’est pas de suggérer qu’ils se trompent, que la réalité est tout autre que ce qu’ils croient, que leur jugement n’est pas fondé. Il ne s’agit pas de décider de la validité des représentations des acteurs, mais de comprendre comment et pourquoi ils construisent ces représentations plutôt que d’autres et quelles sont leurs conséquences.

Une théorie générale de l’excellence scolaire devrait analyser la façon dont elle est fabriquée dans de multiples systèmes scolaires et à tous les niveaux du cursus. Nous nous limiterons ici à l’enseignement primaire et notre analyse, sans s’y enfermer, se référera surtout à l’école primaire genevoise, qui compte six degrés.

Pour saisir la façon dont se fabrique au jour le jour l’excellence scolaire, il ne suffit pas de lire les textes qui codifient le curriculum et les procédures d’évaluation. C’est une étape nécessaire, mais on ne peut comprendre les pratiques d’évaluation à partir des textes seulement, surtout dans les systèmes scolaires où l’évaluation formelle est assumée par le maître de classe et n’est qu’un moment de sa pratique pédagogique, une composante du travail scolaire quotidien. Dans un système où la sélection se fonde sur des examens, peut-être suffirait-il d’analyser le contenu et le déroulement des épreuves pour saisir la substance de l’excellence scolaire et le mode de fabrication des jugements. Lorsqu’on s’intéresse à un système où l’évaluation est une composante permanente de la pratique, c’est la pratique entière qu’il faut analyser, sous l’angle du travail scolaire et des jugements d’excellence dont il fait l’objet.

Nous n’avions pas les moyens d’une observation des pratiques dans plusieurs systèmes d’enseignement. Le choix du système genevois est sans mystère, puisque le Service de la recherche sociologique a pour tâche d’en analyser le fonctionnement et les transformations et que nous contribuons à ce travail depuis 1970. Dans nul autre système nous n’aurions eu accès à autant de données à la fois qualitatives et quantitatives, tant sur les politiques de l’éducation et le fonctionnement de l’école que sur le curriculum réel et les pratiques. Quant au choix de l’enseignement primaire, il n’a pas été dicté d’abord par des considérations théoriques sur la fabrication de l’excellence scolaire. Le présent travail tire sa substance de deux recherches plus vastes conduites dans l’enseignement primaire, l’une sur l’échec scolaire et la différenciation de l’enseignement, l’autre sur les pratiques pédagogiques dans le domaine de la langue maternelle. L’analyse proposée ici de la fabrication des jugements d’excellence scolaire s’enracine donc dans un terrain mieux exploré au niveau des pratiques quotidiennes.

Peut-être la fabrication de l’excellence scolaire serait-elle plus facile à mettre en évidence dans l’enseignement secondaire, où la sélection et l’orientation sont les enjeux permanents d’une évaluation omniprésente et très formelle. L’analyse des dernières années de scolarité obligatoire et des formations postobligatoires mettrait en outre en évidence des fonctions de certification par le diplôme qui n’ont pas d’équivalent dans l’enseignement primaire, puisqu’il n’est plus pour aucun élève, du moins à Genève, une préparation à l’entrée immédiate dans la " vie active ".

Si nous avions choisi notre terrain dans la seule intention de mettre en évidence la fabrication de l’excellence scolaire, nous aurions de toute façon envisagé de commencer par l’école primaire. Car c’est là que se constituent les premières hiérarchies d’excellence, celles qui vont déterminer la suite de la carrière. C’est là que l’élève apprend à être évalué et à évaluer les autres, qu’il se familiarise avec la notion même d’excellence, avec le type d’excellence valorisé à l’école, avec le travail scolaire, avec le " métier d’élève ".

L’analyse de l’évaluation à l’école primaire oblige aussi à mettre en évidence des normes d’excellence moins caricaturales que celles qui caractérisent les filières " nobles " de l’enseignement secondaire. On ne retrouve pas à l’école primaire les " catégories de l’entendement professoral " mises en évidence par Bourdieu et de Saint-Martin (1975) dans les lycées ou les grandes écoles, pas plus que nous n’avons retenu l’assimilation de l’excellence au style, à la manière de faire et de se distinguer (Bourdieu et de Saint-Martin, 1969)~ Cette définition convient sans doute aux enseignements littéraires et philosophiques, beaucoup moins à l’école élémentaire.

L’évaluation à l’école primaire présente un autre intérêt : elle est moins formelle que dans le secondaire, plus intégrée à l’appréciation du travail quotidien. L’analyse de cette évaluation oblige à entrer dans le détail des pratiques pédagogiques, elle s’élargit constamment dans le sens d’une sociologie du travail scolaire et de l’action pédagogique, du curriculum réel et du fonctionnement de l’école au niveau de la salle de classe. C’est donc une occasion de faire progresser l’analyse sociologique au-delà de l’évaluation proprement dite.

 

L’intérêt et les limites
d’une démarche qualitative

A s’en tenir à l’analyse des textes fixant les objectifs de l’enseignement, définissant le curriculum, codifiant l’évaluation, on pourrait déjà se faire une idée de la substance des normes d’excellence et des modalités de fabrication des hiérarchies. Mais les pratiques sont toujours plus riches et plus diverses que les textes ne le suggèrent. Sur de nombreux points les enseignants doivent interpréter les textes, faire des choix que l’organisation scolaire ne prescrit pas dans le détail. Ainsi les directives imposent-elles de noter les élèves sur une échelle d’excellence allant de 0 (nul) à 6 (excellent). Mais les textes ne disent pratiquement rien de la signification de ces notes. Ce qu’un élève de troisième primaire doit maîtriser pour obtenir un 4 (assez bien) de mathématique ou d’orthographe n’est spécifié nulle part. Quant à la façon de construire des épreuves, de les corriger, de choisir un barème, de calculer une moyenne trimestrielle, les maîtres sont nantis de conseils et de quelques règles assez vagues.

Ces silences sont en eux-mêmes intéressants. Mais ils confirment l’impossibilité de reconstituer les pratiques à partir des textes. Seraient-ils extrêmement détaillés qu’il faudrait d’ailleurs se demander si et comment ils sont appliqués. La conformité à n’importe quelle règle suppose qu’elle soit connue, comprise, acceptée ou appliquée par crainte de sanctions. Ce qui suppose soit une socialisation très forte, assurant l’intériorisation des règles, soit un contrôle social de chaque instant. Ni la formation des maîtres primaires ni leur mode de supervision ne garantissent l’observance absolue de toutes les règles. Une fois refermée la porte de sa classe l’enseignant primaire est dans une large mesure maître chez soi. Il est jugé de mille manières indirectes, sur les résultats de ses élèves, sur ce qu’ils racontent, sur ce que peuvent entrevoir ses collègues ou l’inspecteur, sur ce que croient comprendre les parents. Ce n’est pas un métier exercé en toute indépendance. Mais par rapport au détail du curriculum et des règles d’évaluation, le maître a une certaine autonomie, pour une part statutaire, pour le reste conquise individuellement ou collectivement.

Par ailleurs, comme dans d’autres domaines, le débat public sur l’évaluation effrite la légitimité du système en vigueur, sans qu’un autre soit prêt à s’y substituer. Comment un maître pourrait-il adhérer sans se poser de questions à un système d’évaluation par notes que les uns condamnent au nom de la rigueur psychométrique, les autres au nom de la générosité pédagogique ? Pris entre certains discours qui refusent toute sélection à l’école primaire, et donc toute évaluation comparative, et d’autres discours qui plaident pour une évaluation instrumentée, le maître primaire genevois peut difficilement appliquer le système officiel sans l’infléchir dans le sens d’une philosophie personnelle de l’évaluation, qu’elle aille dans le sens d’une sélection plus rigoureuse ou d’une pédagogie de la réussite.

Pour saisir les représentations et les pratiques, il faut donc s’adresser directement aux enseignants. Cela pourrait conduire à une enquête par questionnaire ou par interview auprès d’un échantillon représentatif de maîtres primaires. Nous n’avons pas suivi cette démarche. Elle n’aurait eu de sens qu’à partir d’une connaissance du terrain que nous n’avions pas au début de ce travail. Et encore peut-on mettre en doute la validité d’une enquête sur les pratiques qui procéderait uniquement par questionnaire ou entretien. Non seulement en raison des difficultés de toute reconstitution d’une pratique à partir d’un discours des acteurs, mais parce que les enseignants, comme les autres praticiens, ne tiennent pas à dévoiler tous les aspects de leur travail, en particulier dans le domaine de l’évaluation, qui n’est pas toujours l’aspect le plus " orthodoxe " de leur pratique, ni celui dont ils assument le plus facilement les arbitraires et les contradictions. Les enseignants savent qu’ils fabriquent de l’excellence scolaire, donc de l’inégalité, ce que certains vivent mal. Sans fonder des espoirs démesurés sur une démarche de recherche extensive, nous lui accordons cependant un sens à partir du moment où l’observation directe et la démarche qualitative auront permis de construire des concepts et des hypothèses susceptibles d’être validés à plus large échelle par les moyens classiques de l’enquête. On peut considérer le présent travail comme une étape préliminaire. L’analyse qu’il propose, pour être fondée sur une démarche essentiellement qualitative, n’a cependant aucun rapport avec une construction spéculative.

Depuis 1978 nous participons à une recherche-action portant sur l’échec scolaire et la différenciation de l’enseignement à l’école primaire. Le projet RAPSODIE, qui touchait à l’origine deux écoles, s’est poursuivi dans une seule d’entre elles dont les enseignants, volontaires, ont accepté de travailler en équipe et de collaborer pendant six ans avec des psychopédagogues et des sociologues à une réflexion sur les causes de l’échec scolaire et sur des modalités de différenciation de l’enseignement qui pourraient prévenir les échecs et atténuer l’inégalité devant l’école. On trouvera une description plus détaillée du projet dans d’autres publications (Groupe RAPSODIE, 1979, 1981 ; Haramein et Perrenoud, 1981 ; Perrenoud, 1982 ; Hadorn, 1984). Disons seulement que chaque équipe de trois maîtres, en principe élargie à un coordinateur du projet ou à un chercheur, prend en charge une quarantaine d’élèves du même degré scolaire. L’équipe s’organise à son gré pour grouper les élèves compte tenu des forces disponibles et des formes de différenciation projetées. Les équipes élargies sont un des lieux de réflexion, de confrontation de la théorie et de la pratique. Il existe d’autres lieux, en particulier des groupes de travail réunissant des représentants des diverses équipes, les coordinateurs, l’inspectrice et les chercheurs. On se doute que la thématique de l’évaluation a été, parmi d’autres, au centre de la réflexion. En schématisant nous distinguerons quatre sources principales d’information :

1) les groupes de travail permanents : RAPSODIE fonctionne notamment avec des groupes de travail permanents qui se réunissent en alternance pour débattre l’un de la coordination entre degrés et des relations entre les familles et l’école, le second de l’innovation pédagogique et du travail en équipe, le troisième de l’échec scolaire et de la différenciation de l’enseignement. Les groupes permanents réunissent un enseignant de chaque équipe, l’inspectrice, les coordinateurs et les chercheurs du projet. Le travail des trois groupes, sans être centré sur l’évaluation, y fait constamment référence, puisqu’elle est à la fois un enjeu entre l’école et les parents, entre les équipes prenant en charge successivement les mêmes élèves, entre enseignants de la même équipe partageant la responsabilité d’un groupe d’élèves et pratiquant une évaluation concertée. Quant au débat sur l’échec scolaire et la différenciation, il est évidemment impossible de l’aborder sans parler de l’évaluation. Participant régulièrement à ces groupes, nous y avons accumulé de nombreuses informations, des exemples, des fragments d’analyse, des hypothèses qui nourrissent notre présent travail ;

2) dans le cadre de la préparation d’une publication des résultats de la recherche-action, un groupe nouveau s’est constitué sur le thème de l’évaluation ; réunissant des enseignants et des chercheurs il cherche à élaborer la synthèse des essais et des réflexions. Son but est de proposer des formes d’évaluation qui iraient dans le sens d’un enseignement plus différencié ; mais les modèles d’évaluation formative et d’évaluation par objectifs, aussi séduisants soient-ils, n’ont quelque chance d’entrer dans les classes que s’ils tiennent compte des contraintes de la pratique ; c’est pourquoi les discussions de ce groupe apportent nombre de nuances ou de confirmations à l’analyse proposée ;

3) la collaboration avec une équipe pédagogique : dans RAPSODIE une quarantaine d’élèves sont pris en charge par une équipe de trois maîtres qui s’organise à sa guise pour couvrir le programme de l’année ; les élèves sont répartis en deux ou trois groupes stables, auxquels s’ajoutent, par moments, des groupes thématiques ou des groupes de niveaux ; l’équipe gère collectivement la formation des groupes, la division du travail pédagogique, les relations avec les parents, la progression dans le curriculum, l’évaluation. Dans le cadre de la recherche-action les équipes ont été élargies, un chercheur et/ou un coordinateur du projet s’y intégrant pour participer à l’enseignement, à l’observation des élèves, à l’animation des réunions de parents, à l’innovation et à la recherche dans le cadre du projet que chaque équipe avait choisi à l’intérieur du thème général ; dans ce cadre, à travers une collaboration presque quotidienne pendant cinq ans, grâce à la capacité de l’équipe d’intégrer un chercheur à l’ensemble de son fonctionnement, nous avons pu approcher de très près la réalité du travail scolaire, de l’enseignement, de l’évaluation, des discussions de fond aux tâches les plus terre à terre. L’évaluation est évidemment une composante permanente du fonctionnement d’une équipe, un sujet de controverses, une source d’angoisse, l’occasion d’un travail collectif sur les contenus et les modalités de l’évaluation formelle, doublé d’échanges constants sur les élèves observés en classe et sur les rapports entre leur travail quotidien et leurs résultats ; nous avons participé directement à l’élaboration et à la correction des épreuves, à l’élaboration collective des barèmes, à l’expérimentation de certaines alternatives, par exemple dans le domaine de l’autoévaluation du comportement ;

4) une observation-participante en classe : dans le cadre de cette collaboration avec une équipe pédagogique, nous avons passé un à deux jours par semaine en classe, durant cinq années scolaires consécutives, selon des formules diverses allant de l’observation informelle à la participation directe à l’animation des activités et à l’enseignement, en particulier en français et en mathématique ; pendant trois ans, l’équipe suivant les mêmes élèves de la quatrième à la sixième primaire, nous avons pris une part directe à l’animation de l’un des deux groupes de base, dans le cadre d’une collaboration intensive avec l’une des enseignantes de l’équipe, les deux autres prenant en charge conjointement l’autre moitié des élèves ; depuis un an, avec de nouveaux élèves, l’équipe travaille en trois groupes de base dans lesquels nous passons une demi journée par semaine, avec une moindre implication dans la planification du travail de la semaine mais en participant à la préparation et à l’animation de certaines activités ; cette observation très participante, au point que l’observation n’est souvent possible qu’au second degré, nous a permis, grâce à l’ouverture de l’équipe, de vivre d’assez près les conditions de la pratique pédagogique, en particulier de l’évaluation.

Ces sources essentielles d’information sont complétées par les documents disponibles à l’intérieur de RAPSODIE aussi bien que par de nombreuses conversations avec des enseignants primaires, des inspecteurs, des chercheurs dans le cadre de la recherche-action aussi bien qu’en dehors de RAPSODIE, dans divers séminaires, groupes de travail ou commissions. L’évaluation est un thème constant de préoccupation des enseignants, des autorités scolaires et des chercheurs en éducation. Cela suggère en soi qu’il s’agit d’un " point sensible ", très investi affectivement et idéologiquement parce que c’est à travers l’évaluation que se concrétisent les inégalités, donc aussi les contradictions entre l’utopie pédagogique d’une " école pour tous " et la réalité des écarts. Le discours sur l’évaluation est le plus souvent chargé de valeurs, qu’il soit autocritique ou autojustificateur, cynique ou idéaliste. Mais il est riche aussi d’informations indirectes sur les pratiques et il offre prétexte à un questionnement. C’est pourquoi il se passe peu de jours sans qu’une conversation confirme, contredise ou nuance, sur tel ou tel point de détail, notre analyse. L’observation-participante ne se limite pas ici aux quelques classes et à l’équipe avec lesquelles nous avons travaillé le plus régulièrement, ni au groupe de recherche-action dans son ensemble. C’est une observation-participante à l’échelle d’un système, comme chercheur bien entendu, mais aussi comme père de deux enfants fréquentant l’école primaire, ce qui apporte un éclairage complémentaire fort important.

Ce que cette démarche de type anthropologique pourrait avoir de peu représentatif est partiellement corrigé par une recherche qui touche davantage d’enseignants primaires, pour l’instant dans les premiers degrés de l’enseignement élémentaire. Il s’agit d’observer la formation puis les pratiques des enseignants dans le domaine de la langue maternelle, dans le cadre de la rénovation de l’enseignement du français. Cette recherche (cf. Favre, 1982,1983 ; Favre & Perrenoud, 1983,1984) ne porte pas uniquement sur l’évaluation, qui est cependant une composante importante de la pratique. Nombre d’enseignants engagés dans la rénovation du curriculum et de la démarche didactique disent vivre une forte contradiction entre la façon nouvelle dont ils doivent enseigner et les modalités inchangées de l’évaluation. Cette recherche, en cours et qui s’étendra aux degrés suivants, nous a donc apporté de précieuses informations complémentaires et nous a permis de mieux cerner ce qui se passe dans les premiers degrés, alors que RAPSODIE porte sur les quatre derniers degrés de la scolarité primaire.

Notre analyse est donc fondée sur de nombreuses observations directes aussi bien que sur nos conversations avec des maîtres, parfois dans des entretiens de recherche, souvent dans des groupes de travail ou dans la collaboration au sein d’une équipe ou dans une classe. La fréquence des recoupements et les commentaires des enseignants qui ont lu une version provisoire de ce texte nous permettent d’être assez sûr d’avoir cerné les principaux mécanismes de fabrication de l’excellence scolaire, d’avoir identifié les principales attitudes et les pratiques les plus courantes. Mais en toute rigueur ce travail reste exploratoire. Sur beaucoup de points de détail des entretiens et des observations plus structurés et plus centrés sur l’évaluation permettraient d’aller plus loin. Une enquête plus extensive permettrait d’estimer la fréquence relative de certaines pratiques, alors que nous nous sommes souvent limité à souligner leur diversité, à proposer une typologie, éventuellement à indiquer ce qui nous semble être la pratique ou l’attitude dominantes.

Cette diversité est elle-même une caractéristique importante des organisations scolaires. Même lorsqu’elles codifient le curriculum, explicitent les normes d’excellence et les niveaux d’exigence, fournissent à tous les même moyens d’enseignement, exercent un contrôle serré sur les pratiques, les organisations scolaires ne parviennent pas à standardiser complètement les démarches didactiques et le curriculum réel. C’est pourquoi nous aurons maintes fois l’occasion de souligner la coexistence dans la même école, sur le même palier, de pratiques pédagogiques différentes, en particulier de modes distincts de fabrication des jugements d’excellence. Une fois cette diversité — relative - mise en évidence, il resterait à l’expliquer. Nous n’affirmons nullement que chaque maître " fait ce qu’il veut ", encore moins que sa pratique est l’expression de sa seule personnalité. Les pratiques d’un enseignant sont en partie déterminées par sa situation et son histoire dans l’organisation scolaire et par l’habitus qu’il doit à sa formation et à son expérience, et au-delà à son origine ou à son appartenance de classe, à son sexe, à son âge, à sa situation familiale, à sa position dans le cycle de vie ou à ses engagements politiques. Pour progresser dans l’explication sociologique des pratiques, de leurs différences et de leurs ressemblances, nous devrions nous engager dans une analyse systématique de l’organisation scolaire et du métier d’enseignant. Le présent travail ne pourra qu’y contribuer ici ou là.

A propos des maîtres, ajoutons trois remarques :

1) le corps enseignant primaire est, à Genève, constitué à environ 80 % d’enseignantes. Cette féminisation du métier varie d’un degré à l’autre. Elle est presque totale dans les degrés enfantins et élémentaires, alors que la répartition est plus équilibrée dans les grands degrés. La plupart de nos observations ne précisent pas s’il s’agit d’enseignants ou d’enseignantes. Nous avons renoncé cependant à indiquer chaque fois " maître(sse) " ou " enseignant(e) ". Le lecteur voudra bien se souvenir que les expressions comme " le maître " ou " les enseignants " désignent indifféremment des femmes ou des hommes ;

2) la pratique d’un enseignant présente une certaine unité ; il y a notamment une certaine cohérence entre sa façon d’enseigner et sa façon d’évaluer. Nous tenterons autant que possible de la restituer. Pour y parvenir tout à fait, il faudrait dresser de la pratique de chaque maître un tableau complet. Ce n’était pas notre propos. On trouvera donc souvent des fragments de pratiques que nous avons, pour les besoins de l’analyse, extraits de leur contexte, au risque d’en atténuer ou d’en modifier le sens ou la portée ;

3) en soulignant la diversité, la complexité, l’ambiguïté des pratiques, nous donnerons évidemment quelques armes à ceux qui en cherchent pour disqualifier l’école ou les enseignants ; dans aucune organisation les pratiques ne suivent intégralement et constamment les règles, chacun le sait ; l’enseignement est un métier qualifié, exercé dans des conditions changeantes et souvent difficiles. Il est impossible à codifier dans son détail. Il n’est viable que si les maîtres peuvent tenir compte des situations locales, de la composition et de la dynamique du groupe-classe, des attentes des parents, de la nature du quartier ; en outre, ce métier n’a de sens que s’il permet aux maîtres de concilier leurs valeurs personnelles et leur cahier des charges. Tout cela suppose une certaine autonomie d’action, une certaine latitude d’interprétation des règles et des programmes, donc un certain pluralisme. Si, contre la fiction d’une école uniforme, la sociologie met en évidence les différences dans la conception et l’application des normes d’excellence, c’est tout simplement parce qu’elle rend compte de la réalité des organisations humaines. Ce n’est ni pour stigmatiser des " déviances ", ni pour en appeler à une illusoire normalisation des pratiques ou des esprits !

 

Plan de l’ouvrage

Dans le deuxième chapitre nous définirons de façon plus explicite les notions d’excellence, de norme, de conformité, de compétence, de capital culturel, d’inégalité et de hiérarchie ; nous esquisserons quelques éléments d’une sociologie de l’excellence sans nous centrer sur l’école, pour montrer que la fabrication des hiérarchies d’excellence n’est pas propre à l’univers scolaire.

Le troisième chapitre tentera de mettre en évidence ce que l’excellence scolaire a de spécifique, de montrer qu’il y a eu, au cours des siècles derniers, scolarisation de l’excellence en même temps que de la société et de la culture. Sans prétendre décrire la genèse des systèmes scolaires nous chercherons à ne pas couper l’analyse de l’excellence scolaire de toute perspective historique.

Le quatrième chapitre propose une lecture du curriculum formel de l’enseignement primaire, aux fins de dégager la substance de l’excellence scolaire, telle qu’elle figure, à l’état explicite ou implicite, dans les lois, les plans d’études, les méthodologies et les moyens d’enseignement.

Le cinquième chapitre analyse l’évaluation formelle à partir des textes censés la réglementer et de la description des pratiques les plus courantes relatives à l’attribution des notes, à la construction des épreuves et des barèmes, à la formation des jugements synthétiques commandant la réussite ou l’échec.

Le sixième chapitre s’intéresse aux fonctions de l’évaluation formelle, en particulier lorsqu’elle règle la progression dans le cursus. Cela nous donnera l’occasion de mieux cerner les rapports entre l’évaluation et la division verticale du travail pédagogique, les élèves passant d’un maître à l’autre lorsqu’ils progressent de degré en degré. La structuration du curriculum en programmes annuels joue un rôle déterminant dans la fabrication de l’excellence scolaire. L’évaluation comparative a pour fonction à la fois de gérer l’inégalité des rythmes et des capacités d’apprentissage et de masquer certaines contradictions du système.

Le septième chapitre amorce l’analyse du travail scolaire, en insistant sur le fait qu’il s’agit d’un travail, que l’école est obligatoire, que l’excellence dépend donc de la bonne volonté des élèves, de leur envie d’apprendre et de travailler autant que de leurs " aptitudes " ou de leur capital culturel. Ce qui amène à discuter de la séparation traditionnelle entre l’évaluation des conduites, de la conformité aux règles internes de l’école et l’évaluation des performances proprement intellectuelles.

Le huitième chapitre approfondit l’analyse du travail scolaire et du curriculum réel, manifeste ou caché Ce qui conduit à décrire l’excellence scolaire comme l’exercice qualifié du métier d’élève, comme l’intériorisation d’une culture interne à l’organisation et à la classe.

Le neuvième chapitre cherche à saisir l’évaluation informelle comme composante permanente de la pratique pédagogique, comme mode de contrôle du travail des élèves, dont la fabrication de hiérarchies d’excellence n’est qu’un produit dérivé, mais qui prépare l’évaluation formelle. Ayant mis en évidence, en dépit de leurs différences de fonction, la relative convergence des évaluations formelles et informelles, le chapitre s’attache ensuite à l’inventaire des ressources mises en œuvre dans l’excellence scolaire, du capital scolaire à d’autres composantes du capital culturel, de la bonne volonté et des stratégies de l’élève à son sens commun, de l’intelligence opératoire au conformisme social.

La conclusion n’est ni un résumé ni une synthèse des analyses proposées dans les chapitres précédents. En particulier parce que nous n’avons pas voulu soutenir une thèse unique sur l’évaluation, mais plutôt démonter des mécanismes, mettre en évidence la diversité plus que l’unité des pratiques, l’ambiguïté des fonctions de l’évaluation plus que sa contribution univoque à la sélection ou à la reproduction des inégalités sociales, ou au contraire à la rationalité de l’action pédagogique. Notre démarche ne se prête à aucune conclusion fracassante. Nous tenterons d’abord de distinguer la fabrication des hiérarchies d’excellence de la genèse des inégalités " réelles " de capital scolaire. Nous tenterons ensuite d’esquisser certaines implications de notre travail pour de nouvelles recherches.

 

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Post scriptum écrit en 1995

De la fabrication de l’excellence scolaire à la fabrication de l’échec

Sur de nombreux points, l’ouvrage de 1984 mériterait d’être repris, nuancé, complété en fonction de travaux plus récents. D’ajouts en réécriture, un nouveau livre verrait le jour. J’ai reculé devant une entreprise aussi lourde et pris le parti, plus raisonnable, de proposer un post scriptum, qui relie plus explicitement l’ouvrage à des débats contemporains.

Sur la thèse principale, je ne retranche rien. En 1984, le thème de l’excellence n’était pas encore à la mode, notamment dans le monde de l’entreprise. Sa vogue, d’ailleurs en déclin, n’affaiblit pas la nécessité d’analyser une réalité plus stable : l’école fabrique inévitablement des formes et des normes d’excellence. Elles sont constitutives de son identité, inséparables de la mission qu’on lui assigne et de la légitimité qu’on lui reconnaît à une époque et dans une société données. Formes et normes d’excellence, non sans être diversement interprétées, sont appliquées à l’ensemble des apprenants, au gré de procédures et de pratiques d’évaluation formelle et informelle. Ces jugements produisent généralement des classements dans les diverses disciplines scolaires. Ces hiérarchies d’excellence fondent les jugements de réussite ou d’échec et, en dernière instance, les décisions de sélection, d’orientation, d’exclusion, de certification. On ne peut donc rien comprendre à la marche et aux fonctions des systèmes éducatifs sans décrire et expliquer la fabrication de l’excellence scolaire.

Les formes et des normes d’excellence varient d’un système ou d’une époque à l’autre, comme le montrent les études comparatives ou historiques. Elles se diversifient aussi selon les niveaux d’enseignement et les filières. " Bien écrire " ou " Bien dessiner " n’a pas le même sens à l’école élémentaire, dans un lycée ou dans une école professionnelle. Les procédures et les pratiques d’évaluation ne sont pas immuables et s’accordent à l’esprit du temps, à l’état du dialogue entre l’école et les familles, aux options didactiques dominantes. Dans chaque société, dans chaque région, peut-être dans chaque établissement et dans chaque classe, la fabrication de l’excellence scolaire adopte un visage singulier. On n’en finirait pas de recenser des représentations et des pratiques spécifiques. Mais ce ne se sont que variations sur une trame commune qui, elle, n’a pas fondamentalement changé.

Il me paraît plus intéressant de construire des liens avec de nouvelles problématiques, de montrer que l’évaluation fait partie d’un système, ce qui implique, on le verra en conclusion, qu’on ne peut la transformer isolément !

1. Evaluation et métier d’élève

Expliquer l’échec scolaire, tel était mon point de départ. Or, j’avais buté sur un obstacle inattendu : la faible place accordée, dans les années 1970-80, à une interrogation sur la nature même de la réussite et de l’échec. Chacun savait qu’en dernière instance ce sont des évaluateurs, notamment des maîtres, qui jugent les élèves. On reconnaissait donc une marge d’erreur et certains biais systématiques. Mais la critique docimologique de la notation ne mettait nullement en doute la substance des formes et des normes d’excellence scolaire. Elle contestait simplement l’objectivité, la validité, la fidélité d’une évaluation empirique fort éloignée des canons de la psychométrie.

Il paraissait aller de soi que, dès lors qu’elle enseigne les savoirs et les savoir-faire inscrits à son programme, l’école est en droit d’en exiger la maîtrise au moins partielle. Réussir à l’école revient à manifester cette maîtrise, donc, semble-t-il, à faire la preuve qu’on s’est approprié ces savoirs et savoir-faire. C’est ce que les examens et les autres modalités d’évaluation prétendent vérifier. On peut concéder que les notes attribuées par les professeurs sont moins stables et précises que les scores à des tests standardisés de connaissances, tout en persistant à croire que ces instruments mesurent bel et bien la maîtrise des savoirs et savoir-faire inscrits au programme. Cherkaoui (1979) raisonnait par exemple sur les " paradoxes de la réussite scolaire " à partir des enquêtes de l’IEA, faisant comme si ces instruments de recherche, construits à partir d’une douzaine de programmes nationaux, mesuraient les mêmes acquis que les évaluations scolaires courantes. Or, ce n’est pas le cas. Le dénominateur commun de douze programmes de mathématique au niveau secondaire s’approche sans doute d’une définition canonique du savoir qu’on peut exiger d’un adolescent dans ce domaine. De là à imaginer que chaque professeur de mathématique exige l’équivalent de chacun de ses élèves, il y a un pas infranchissable.

La situation diffère selon que l’évaluation prend la forme d’examens de fin d’année ou de fin de cycle d’études, ou d’un contrôle continu des connaissances. Dans le premier cas, même si ce sont les professeurs qui font passer et qui corrigent les examens, l’évaluation est en partie pensée pour elle-même, à partir des programmes plutôt qu’à partir des pratiques pédagogiques et des contenus effectifs de l’enseignement. Pourquoi conserve-t-on un système d’évaluation aussi peu fiable et qui encourage au bachotage ? Parce qu’il donne une certaine garantie d’équité, parce que l’examen fait abstraction des modalités de sa préparation et donc du travail scolaire qui le précède. Cette logique est à son comble lorsque l’examen est organisé tout à fait indépendamment des écoles qui y préparent. Certes, cette indépendance n’est jamais totale : où recruterait-on les auteurs des épreuves, les correcteurs et les examinateurs de l’oral, sinon au sein du corps enseignant ? Cependant, dans le cadre d’un examen national, chaque candidat " tombe ", comme on dit, sur un examinateur inconnu, qui ne sait rien de son travail de l’année et le juge sur la performance d’un jour, hors de tout contexte, de toute histoire commune, de toute obligation réciproque. Un tel système, aussi centralisé soit-il, n’évite ni les erreurs, ni les biais, ni les divergences d’interprétation dans la notation, mais il garantit effectivement, du moins sur le papier, une évaluation fortement appuyée sur les textes, autrement dit sur ce que les candidats sont censés savoirs et sur ce que les professeurs sont censés leur enseigner.

Il se trouve qu’aujourd’hui, la fabrication de l’excellence scolaire passe de moins en moins par des examens. Même au niveau du baccalauréat, dans de nombreux systèmes éducatifs, on tient compte du travail de l’année, parce que cela paraît plus intelligent et équitable. Lorsqu’il subsiste des examens, ils se passent dans le cadre de la classe et de l’établissement, sur la base d’épreuves sommatives élaborées par les professeurs, qui ressemblent aux travaux écrits qu’ils administrent tout au long de l’année scolaire. L’évaluation est donc de plus en plus continue, imbriquée au travail scolaire quotidien. C’est donc de ce dernier qu’il faut partir pour comprendre de quoi est faite la réussite scolaire (Perrenoud, 1986 a). D’où mon intérêt pour le métier d’élève (Perrenoud, 1994 a, 1994 g) et le curriculum réel (Perrenoud, 1993 a).

L’excellence scolaire n’est pas et ne saurait être la simple traduction " opérationnelle " des conceptions de l’excellence qui sous-tendent implicitement ou explicitement les textes officiels, et notamment les programmes ou les listes d’objectifs. Pour une raison simple : la plupart des professeurs n’évaluent pas en fonction des programmes, mais de ce qu’ils ont ou pensent avoir enseigné.

L’évaluation continue se situe dans le prolongement des tâches scolaires quotidiennes, pour au moins deux raisons majeures :

1. Si elle s’éloignait trop des exercices de chaque jour, les élèves ne comprendraient plus rien à ce qu’on attend d’eux et finiraient par ignorer les exercices pour se préparer, au besoin dans une école parallèle, aux épreuves notées. Les élèves n’investissent en effet dans les exercices que s’ils apparaissent rentables, autrement dit garants, si on les fait consciencieusement, d’une bonne chance d’obtenir une note convenable au moment de l’évaluation formelle. Le contrat didactique entre le maître et ses élèves exige du premier qu’il ne mette pas systématiquement les seconds en situation d’échec et donc qu’il reste fidèle à ses exigences habituelles. La révolte gronde dans les classes où le maître agit comme si sa main gauche (celle qui évalue) ignorait ce que fait sa main droite (celle qui enseigne).

2. Si l’évaluation notée plaçait les élèves devant des tâches faiblement exercées, le rendement de l’enseignement apparaîtrait désespérément faible, puisque seuls les élèves capables d’un véritable transfert réussiraient. Or, ils ne sont pas légion. La plupart réussissent justement parce qu’on leur propose, à l’examen ou lors d’une épreuve notée, des difficultés de même niveau et de même forme que les autres jours. Le professeur n’a pas intérêt à creuser le fossé entre la valeur scolaire quotidienne des élèves en situation de travail et leur valeur en situation d’évaluation. Il préserve à la fois son estime de soi, sa réputation auprès de ses collègues et de l’administration et la paix dans ses classes… Lorsque le système éducatif administre des épreuves standardisées parallèlement aux travaux notés des enseignants, on sait que des divergences trop criantes ou systématiques provoquent malaises ou conflits.

Le travail scolaire et les évaluations formelles se déterminent donc réciproquement. Toutefois, il n’y a pas absolue symétrie. Certes, l’enseignant anticipe sur l’évaluation et choisit la forme et le niveau des exercices en fonction de ce qu’il peut et doit exiger lors de l’évaluation notée. Il ne peut cependant s’affranchir du programme. Les contenus des tâches sont donc largement influencés par les objectifs et les programmes. Mais seul un observateur naïf pourrait croire aujourd’hui que les contenus de l’enseignement sont la pure et simple application des textes.

2. L’acteur et le système : évaluation et communication

Dans les organisations, les règles sont loin d’être toujours respectées. On pourrait trouver à ces écarts de multiples interprétations superficielles : fantaisie, paresse, manque de sérieux, goût du risque, ignorance des règles, incompétences, etc. Ces explications mettent l’accent sur l’impossibilité de contrôler les conduites individuelles, à moins de mettre un inspecteur derrière chaque personne. La sociologie du travail et des organisations suggère que l’écart tient souvent à la nature même du travail et à l’impossibilité de l’accomplir dans le respect des règles. Un chauffeur routier, aujourd’hui, est structurellement poussé à enfreindre les règles, en raison de la pression qu’exerce la concurrence sur chacun. Même dans les centrales nucléaires ou les compagnies aériennes, la sécurité n’est pas absolue, non pour des raisons techniques, mais parce que les précautions entrent en conflit avec la production et la tenue des échéances. On sait d’ailleurs que la grève du zèle peut paralyser n’importe quelle organisation : si chacun respecte toutes les règles, plus rien ne bouge…

L’école n’échappe pas à cette nécessité d’un " à peu près " fonctionnel. Personne ne s’attend à ce qu’un enseignant aille au fond de chaque chapitre pour l’ensemble des élèves. S’il le faisait, il couvrirait le quart du programme. Or, précisément, son contrat est de couvrir le tout, bon an mal an. Le travail scolaire est fortement lié à la nécessité de progresser, de tourner les pages dans le " texte du savoir " (Chevallard, 1985). Le contrat est aussi de n’éjecter aucun élève en cours d’année, sous peine de désorganiser la gestion des flux. Ou alors de façon exceptionnelle, et plutôt pour mauvaise conduite que pour résultats insuffisants. La logique du système est de gérer ces problèmes en fin d’année scolaire, au moment où on redistribue les élèves entres les classes, les niveaux, les filières. Un professeur est aussi, implicitement mais fermement, invité à ne pas ajouter plus que de raison au contentieux entre les parents et l’école à propos de l’évaluation et de la sélection. Et de même, à ne pas entrer en conflit ouvert avec ses élèves (Montandon et Perrenoud, 1994). Un établissement peut s’accommoder d’un ou deux " fauteurs de troubles " justement parce que, dans les autres classes, il n’y a rien à signaler !

En fin d’année, les contraintes sont différentes, mais non moins fortes : aucune école ne peut " se permettre " des redoublements trop massifs, mais elle évite aussi de se singulariser par une sélection trop douce, qui suggérerait un certain laxisme et ferait craindre une " baisse du niveau ". Les professeurs n’ont donc pas une immense marge de manœuvre. Comme les divers ateliers dans une usine, ils sont invités à respecter une norme de productivité qui, même si elle est non écrite, s’accompagne de sanctions directes ou indirectes en cas de déviance répétée. Un professeur qui note " trop sec " nuit à la réputation de l’établissement aussi bien que celui qui tombe dans l’excès inverse, en fonction des normes locales. Les marges restent importantes, mais personne ne se sent entièrement libre. Chacun est donc conduit, plus ou moins consciemment, à adapter son enseignement aux attentes diffuses de son entourage plutôt qu’à la lettre des programmes. Le jeu avec les règles (Perrenoud, 1986 b) n’est pas, en matière d’évaluation comme dans d’autres domaines, le gage d’une réelle liberté de l’acteur, autrement dit d’une liberté dont il disposerait à sa guise. Sa liberté lui permet tout juste d’assurer sa position, voire sa simple survie dans l’organisation, en s’accommodant des contradictions du système et en tenant compte d’attentes qui, pour n’être pas explicitement mentionnées dans son cahier des charges, n’en sont pas moins effectives. La sociologie des organisations vaut aussi pour les écoles : la poursuite des objectifs affichés n’est qu’une des " logiques d’action " à l’œuvre. Ce qui ne signifie pas que chacun fait ce qu’il veut, mais qu’il navigue au plus près entre divers écueils. Loin d’être un processus impersonnel, la fabrication de l’excellence passe par un ensemble de pratiques sociales qui sont autant de stratégies et de contre-stratégies, dont les enjeux sont multiples. Établir la valeur scolaire d’un élève n’est pas le seul, même s’il correspond à la rationalité déclarée de l’évaluation. Chevallard (1986) montre par exemple fort bien que la notation, loin d’être une mesure, est d’abord un message adressé à chaque élève, mais surtout au groupe-classe, que l’enseignant s’en sert comme un cavalier de ses éperons, pour mobiliser ses élèves, maintenir leur investissement au dessus du seuil censé permettre à la classe de parcourir le programme de l’année et à la majorité des élèves d’en maîtriser une partie décente.

La psychologie expérimentale et les sciences de l’éducation ont été et restent tentées de concevoir l’évaluation scolaire comme une mesure. Une mesure certes imparfaite, biaisée, donc à améliorer, mais une mesure. Or, sans dénier cette approche, il importe de rappeler que le souci de la mesure objective pour la mesure objective n’existe, au mieux, que dans le domaine de la recherche pure. Tout jugement d’excellence s’inscrit dans la trame des rapports sociaux et représente un coup, en un double sens : un bon ou un mauvais coup pour celui qui est " frappé " par l’évaluation, et un coup stratégique pour celui qui frappe à un moment, sur un terrain et en vertu d’exigences qu’il fixe ou module en général de façon unilatérale. Nul jugement d’excellence n’est gratuit, il a toujours une dimension pragmatique. Lorsqu’il a été formulé, rien ne peut être comme avant, l’évalué doit vivre avec une nouvelle donnée, qui confirme ou corrige son image de soi, renforce ou affaiblit sa position dans les transactions sociales, l’oblige à réagir.

L’évaluation a donc fortement partie lié avec la communication, non seulement parce qu’elle s’en sert comme d’une médiation, mais parce qu’elle participe de la régulation des interactions pédagogiques et didactiques dans la classe (Weiss, 1991). Cardinet (1988), allant au bout de cette logique, propose de concevoir la maîtrise comme une communication réussie, on pourrait dire aussi comme une construction sociale qui ne vaut qu’hic et nunc, dans le cadre d’une transaction entre deux acteurs. Peut-être peut-on soutenir cette thèse, mais en sachant qu’elle est inacceptable pour les acteurs, qu’ils ont besoin de croire qu’ils cernent la vraie valeur. Il y a là, en tout cas, une approche possible de l’échec scolaire comme défaut ou échec de communication entre l’élève et l’enseignant. Si l’évaluation s’inscrit dans une pragmatique pédagogique, sert les stratégies de l’enseignant, se construit en fonction de ses propres enjeux (gestion de classe, progression dans le programme, réputation auprès des parents et des collègues, etc.), on peut envisager que l’élève ne comprenne pas les codes ou résiste aux stratégies de l’enseignant, bref, " ne joue pas le jeu " et que cela soit, davantage que son " incompétence " ou son " ignorance ", la source de son échec scolaire.

3. Transposition didactique et travail scolaire

On aurait tort de rapporter les variations des contenus de l’enseignement et du travail scolaire, donc de l’évaluation, au simple jeu des acteurs, de leurs jugements et de leurs stratégies dans une organisation quelconque. Au-delà des traits communs à tous les systèmes sociaux, la sociologie s’efforce de comprendre ce qu’il y a de spécifique à des activités particulières, du fait de leur contenu et de leur contexte. Dans un hôpital, on joue avec la vie et la mort, la souffrance, la peur, et ces enjeux modulent fortement les jeux de pouvoir et de territoire, en leur donnant par exemple une dimension existentielle, voire métaphysique, qu’on ne trouve pas dans un hypermarché. A l’école, on " joue " avec l’enfance et l’adolescence, avec le savoir et l’apprentissage, avec des rapports pédagogiques et des dynamiques de groupe sans équivalent dans d’autres organisations.

Si les contenus de l’enseignement ne sont pas toujours la traduction fidèle des programmes, ce n’est pas seulement à la manière dont les comportement effectifs des automobilistes s’écartent du code de la route, ou le fonctionnement d’un atelier des normes édictées par le " bureau des méthodes ". C’est d’abord parce que, pour faire apprendre, il faut faire subir aux savoirs une transposition que j’appelais en 1984 " pragmatique ", assez proche de ce qu’aujourd’hui on nomme, plus couramment, transposition " didactique ".

Entre 1982 et 1984, Viviane Isambert-Jamati me poussait amicalement à lire "Le temps des études", la thèse de Verret (1975), en m’indiquant qu’il y avait beaucoup de proximité entre sa façon de percevoir les contenus de l’enseignement et mon approche du curriculum réel. Las, l’ouvrage n’était pas facile à trouver. Trop pris par l’avancement de ma propre thèse, j’ai oublié ce conseil et je n’ai lu qu’un peu plus tard, trop tard, un livre peu connu, mais fondateur d’une véritable sociologie des savoirs scolaires. Verret mettait en forme, magnifiquement, une intuition que Chevallard (1985) a fait connaître depuis : pour être " enseignables ", les savoirs doivent subir une transposition qui les rende compatibles avec les contraintes du système didactique.

Je maintiens qu’il s’agit avant tout d’une transposition pragmatique. Certes, la didactique des mathématiques a, dans la lignée de Chevallard, beaucoup insisté sur l’altération des notions ou des théories mathématiques au long de la chaîne de transposition. Cette transposition d’ordre " épistémologique ", qui fascine les didacticiens centrés sur les savoirs savants, n’est cependant qu’une partie d’une transposition requise par une mission impossible : amener des élèves qui, souvent, n’ont rien demandé, à construire des savoirs en respectant les rythmes et les fonctionnements d’une école de masse.

On a pu croire longtemps que le savoir se transmettait d’un esprit à un autre esprit par la médiation du verbe. On sait désormais que cela ne fonctionne que pour des savoirs élémentaires, qui sont plutôt des informations. Peut-être suffit-il qu’on me dise une seule fois comment me rendre à la gare pour que je le " sache ". La transmission, sur ce mode, de savoirs plus complexes ne vaut que pour une minorité d’esprits assez vifs pour " suivre le fil " d’un discours magistral et, sur cette seule base, reconstituer, comprendre et retenir des savoirs organisés. Au début du siècle, 4 % des jeunes d’une classe d’âge fréquentaient les lycées français ; on pouvait alors, sans doute, s’en remettre une cette pédagogie essentiellement discursive et la transposition didactique se bornait au lycée à un zeste de mise en forme et à l’élaboration d’une progression raisonnable dans la discipline.

Dans la plupart des écoles du monde, aujourd’hui, on accueille non plus les " héritiers ", issus des classes favorisées, mais des élèves de toutes classes sociales, de toutes provenances, de tous rapports au savoir. On ne peut prétendre les instruire en leur " racontant " les savoirs, à charge pour eux de se les approprier par cette seule voie. Même l’université de masse a introduit les exercices et les travaux dirigés. Enseigner, c’est transformer les savoirs en tâches, en activités, en exercices, en projets à réaliser. Selon qu’on se réclame d’une pédagogie plus traditionnelle ou plus active, on ne privilégiera pas les mêmes tâches et les mêmes situations d’apprentissage, mais les enseignants auront un problème commun : mettre au travail, heure après heure, jour après jour, vingt à trente élèves réunis dans leur classe, qu’il vente ou qu’il pleuve, et même les jours de beau temps, lorsque chacun, même le professeur, a la tête ailleurs.

Métier d’élève et métier d’enseignant s’articulent dans cet espace de travail commun, où l’un accomplit les tâches que l’autre lui assigne ou mieux, l’amène à assumer " spontanément ". Comme tous les métiers, ils mobilisent des savoirs pour faire quelque chose, par exemple pour opérer sur des nombres, des textes, des informations comme d’autres opèrent sur des matériaux de construction ou des valeurs boursières. Tel est le lot des élèves et des maîtres, là s’enracine la transposition didactique, dans cette nécessité de traduire les programmes en une litanie d’activités et de situations d’apprentissage. Qu’on les vive dans la routine et l’ennui, ou comme une aventure exceptionnelle, change quelque chose dans le rapport au savoir et le sens de la tâche, mais n’abolit pas l’essentiel du travail de l’enseignant : alimenter le travail des élèves, à la manière dont les chauffeurs des locomotives à vapeur n’avaient de cesse de jeter du charbon dans la chaudière.

La classe est une machine qui consomme de façon effrénée des tâches et des situations qui doivent à la fois se ressembler, pour produire certains effets d’apprentissage, et se renouveler, pour assurer à la fois la mobilisation des élèves et la progression dans le programme. " Qu’est-ce que je pourrais bien leur faire faire ? ", se demande l’animateur inexpérimenté d’un groupe d’enfant, par exemple en colonie de vacances, lorsqu’il a épuisé tous les jeux. L’enseignant est à la fois en meilleure et en moins bonne posture. Virtuellement, il dispose d’une inépuisable réserve de tâches, puisqu’il a constamment l’impression de ne pas arriver à " couvrir le programme ". Pour que ces tâches virtuelles puissent être proposées aux élèves, il faut cependant les mettre en forme. Là est peut-être le coeur de la transposition didactique, dans un dilemme permanent, l’oscillation entre deux tentations, un idéalisme impraticable et un réalisme inconfortable. Le souci d’être cohérent et créatif pousse l’enseignant à élaborer des tâches sur mesure, en fonction de ce qu’il a vraiment enseigné, du niveau et des attitudes des élèves, de ce qui résulte d’une négociation avec eux, des préférences didactiques de l’enseignant, de son propre rapport au savoir. Mais aller constamment dans ce sens, c’est s’épuiser à inventer des situations et des moyens d’enseignement ou d’apprentissage originaux. D’où l’autre tentation, celle de puiser dans le vaste réservoir du " prêt-à-enseigner ", mis sur le marché (au sens propre ou au sens métaphorique) par les éditeurs, les centres de documentation, les formateurs et l’ensemble de la noosphère (Chevallard, 1985). Le " prêt-à-enseigner " a les mêmes avantages et les mêmes limites que le " prêt-à-porter " : il demande moins de temps, juste quelques essais, mais ne correspond pas toujours à tous les besoins du consommateur. Viendra peut-être le jour où la division du travail mettra à la disposition d’un enseignant qualifié quelques auxiliaires capables de lui fabriquer des situations et des moyens sur mesure. Pour l’instant, il ne dispose, dans le meilleur des cas, que de " préparateurs " et ne peut, comme un dentiste ou un ingénieur, passer une commande à un " technicien en ingénierie didactique " qui lui fera exactement ce dont il a besoin. Le " sur mesure " ne peut être délégué et exige donc que l’enseignant y investisse son propre temps. Même s’il est très créatif, très efficace et très organisé (anticipation, reprise de ce qu’il a fait d’autres années), sa disponibilité a des limites et, pour " tourner ", il alimente une partie de sa classe avec des situations et des exercices conçus par d’autres. Une fraction des enseignants, sans doute davantage dans le secondaire, ne tentent même pas, s’ils l’ont jamais fait, de créer des tâches originales et se contentent de puiser dans ce que leurs collègues, les institutions et les éditeurs mettent à leur disposition.

Le curriculum réel est, au moins autant que des leçons magistrales, fait de ces tâches successives. La transposition didactique se heurte à des contraintes épistémologiques ou pédagogiques qu’on rencontrerait dans n’importe quelle action d’enseignement et qui tiennent à la résistance même de l’esprit au savoir et à l’apprentissage (Astolfi, 1992 ; Develay, 1991, 1995). Au-delà de ces contraintes de base, le fonctionnement courant du métier d’enseignant et du métier d’élève en ajoute, d’ordre sociologique et économique. Il s’agit d’enseigner dans une école de masse, à heures fixes, selon une division du travail, des méthodes et des programmes institués, ce qui rétrécit singulièrement les marges de négociation et d’adaptation des enseignants aussi bien que des apprenants. Tout cela contraint fortement l’évaluation continue.

4. De la fabrication de l’excellence
à la fabrication de l’échec

Les jugements globaux de réussite et d’échec sont fondés sur des jugements d’excellence plus spécifiques. Toutefois, entre ces deux niveaux de fabrication, il n’y a pas absolue continuité. L’école enseigne plusieurs disciplines en parallèle, parfois dix ou quinze. Chacune définit une forme et une norme d’excellence, voire plusieurs lorsque a amené à coexister sous une même étiquette des champs de savoir distincts, qui a d’autres époques ou dans d’autres systèmes éducatifs, sont considérées comme des disciplines distinctes. Les normes en vigueur à un moment donné de la scolarité situent chacun des élèves astreints à suivre le même programme dans un espace à n dimensions : un élève de onze ans peut être bon en calcul mental, moyen en géométrie et en orthographe, excellent en grammaire, ignorant en histoire, passionné de sciences, etc.

De ce profil contrasté, comment l’institution déduit-elle qu’il s’agit globalement d’un " bon " ou d’un " mauvais " élève ? Comment juge-t-elle de la pertinence de mesures d’appui pédagogique ? Comment décide-t-elle qu’un élève peut poursuivre sa progression dans le cursus ou qu’il doit, au contraire, redoubler ou être réorienté vers une filière moins exigeante ?

Ne nous arrêtons pas ici au détail des mécanismes de réduction de l’information. Ils sont aussi variés que les systèmes de notation, de pondération, de calcul de moyennes ou de profils de compétences minimales. J’insisterai seulement sur la double logique de ces opérations :

Plus concrètement : un maître, un établissement ou un système ne peuvent se permettre de laisser le " respect aveugle " des procédures dicter des taux de sélection ou d’orientation qui sortiraient nettement des limites institutionnellement, socialement, moralement ou économiquement " acceptables ". Les spécialistes du travail parleraient ici d’une opposition classique entre " flux poussés " et " flux tendus ". La seule façon de réguler exactement des effectifs d’élèves admis dans un niveau ou une filière d’enseignement est de pratiquer un numerus clausus, donc d’instituer un concours. Dans une société affirmant le droit à l’éducation, cette pratique n’est admise qu’exceptionnellement dans l’enseignement public, lorsque la rareté ou le coût des ressources de formation le justifient. Les systèmes éducatifs doivent donc " se débrouiller " pour faire face aux flux d’élèves commandés par la démographie (natalité, mouvements migratoires) et les évaluations pratiquées en amont dans le cursus. Pour ne pas se trouver devant des fluctuations trop grandes ou des tendances trop rapides à la hausse (ou à la baisse), les organisations scolaires mettent en place des régulations qui, sans être aussi explicites et précises qu’un numerus clausus, permettent une gestion approximative des flux et des ressources. Pour cela, il est indispensable de moduler les évaluations des enseignants de sorte que leurs effets conjugués ne fassent pas sortir de " limites acceptables ". Il importerait par exemple d’étudier de près les mécanismes qui assurent une certaine stabilité des taux de redoublement et d’orientation. Les variations aléatoires des pratiques des professeurs et des niveaux des classes se compensent en partie à large échelle. Cependant, on observe que le nombre d’élèves qui redoublent à la fin d’un degré varie moins, d’une classe à l’autre, que le niveau moyen et la dispersion des niveaux des élèves. Tout se passe comme si chaque enseignant " se débrouillait " pour " produire " un ou deux élèves en échec, exceptionnellement trois ou aucun. Ce qui signifie à la fois :

Raison de plus de ne pas considérer l’évaluation comme une mesure. Ou alors, comme une mesure un peu arrangée, de sorte qu’elle ne s’éloigne pas trop d’une norme non écrite, non explicite, mais qui fonctionne. Lorsqu’un système donne ouvertement le mot d’ordre de faire diminuer le retard scolaire, le taux de redoublement diminue sans qu’on observe une élévation du niveau d’instruction. Chaque enseignant se sent simplement invité et autorisé à être un peu moins exigeant. A l’inverse, lorsque le chef d’un établissement élitiste indique que les résultats à l’examen national sont en baisse, chacun " prend sur soi " de rétablir une sélection un peu plus dure dans les degrés antérieurs, de façon à élever le niveau des classes terminales.

Les attentes et le jugement des collègues comptent sans doute au moins autant que les incitations de l’institution. Hutmacher (1993) montre que le taux de redoublement tombe pratiquement à zéro lorsque le maître " garde ses élèves " d’un degré primaire au suivant. Ce qui montre bien que le taux de redoublement n’est pas l’expression du niveau scolaire " objectif " des élèves, mais un choix stratégique opéré en fonction de l’environnement social (élèves, parents, collègues, autorité, milieu local), résultante d’une navigation à vue entre un excès de laxisme et un excès de sévérité.

5. Démocratisation et différenciation de l’enseignement

L’échec scolaire n’est devenu que depuis quelques décennies un " problème de société " (Isambert-Jamati, 1985). Il y a eu des échecs dès l’apparition de la forme scolaire et ils se sont évidemment accrus avec l’institution de la scolarité obligatoire à la fin du XIXème siècle. Mais jusqu’au milieu du XXe siècle, il apparaissait " dans l’ordre des choses " que tous les élèves ne réussissent pas à l’école. Il y a encore, de par le monde, des sociétés qui vivent paisiblement avec une forte sélection scolaire. D’autres, cependant, ont défini d’ambitieuses politiques de démocratisation des études, en refusant la fatalité de l’échec. Avec au moins deux conséquences qui, depuis les années 1960, altèrent la " splendide sérénité " des mécanismes de fabrication de l’excellence scolaire :

1. Ces politiques promettent toujours plus qu’elles ne peuvent tenir. Il y a donc nécessairement une pression plus ou moins diffuse sur le corps enseignant pour que l’évaluation atteste d’une élévation du niveau, ou au moins de son maintien " en dépit de la démission des familles, des attitudes de la jeunesse, de la transformation des courants migratoires ou des nouveaux curricula ". Ce qui pourrait apparaître comme une stagnation serait alors un progrès, compte tenu de conditions économiques, démographiques ou politiques qui se dégradent. Disons que l’évaluation des élèves est désormais connectée plus directement à l’évaluation des systèmes de formation, des réformes, des politiques de l’éducation, et que cela ne va pas nécessairement dans le sens de la lucidité (Perrenoud, 1993 d).

2. Le second mouvement transforme les pratiques d’évaluation dans un tout autre sens. Sauf lorsqu’elles sont de purs rideaux de fumée, les politiques de démocratisation veulent vraiment élargir l’accès aux études et limiter l’échec scolaire. Qu’il faille sauver la face lorsque le miracle ne se produit pas relève de la marche ordinaire des politiques publiques dans les pays démocratiques. On aurait tort de les réduire à des " effets de manches ". De nombreux systèmes éducatifs ont investi dans la lutte contre l’échec scolaire de réels moyens, concentrés assez souvent sur des dispositifs d’appui pédagogique, et plus globalement de différenciation de l’enseignement et d’individualisation des parcours de formation (Huberman, 1988 ; Meirieu, 1989 ; Perrenoud, 1995 a). L’évaluation est alors redéfinie dans ses fonctions : avant d’être une évaluation-bilan, ou " sommative ", comme disent les spécialistes, on l’invite à être d’abord " formative ", mise au service de la régulation des apprentissages en cours d’année (Allal, 1988, 1991 ; Cardinet, 1986 a et b ; Allal, Cardinet et Perrenoud, 1989 ; Perrenoud, 1991 a et b ; Allal, Bain et Perrenoud, 1983). Il n’est plus question de situer immédiatement l’élève sur une échelle d’excellence, en se bornant à prendre acte de sa position ; il importe au contraire d’en savoir le plus possible sur ses acquis et ses façons d’apprendre, pour lui proposer des situations didactiques adaptées. Ce mouvement vers la pédagogie différenciée transforme progressivement les pratiques d’évaluation dans les classes. L’écart reste immense entre les propositions des chercheurs ou des mouvements pédagogiques et les pratiques courantes des enseignants. La pédagogie différenciée et l’évaluation formative qui en est indissociable ne sont pas encore mises en œuvre à large échelle. Cependant, dans les systèmes éducatifs les plus soucieux de démocratisation, une fraction des établissements et des classes vont assez loin dans ce sens, et le reste du système évolue plus lentement dans la même direction.

Il s’ensuit, pour les mécanismes de fabrication de l’excellence scolaire, qui subsistent évidemment, deux conséquences de taille :

a. La contradiction entre différentes logiques de l’évaluation, qui n’est pas neuve, tend cependant à s’accentuer. De nombreux établissements et de nombreux enseignants vivent une tension forte entre l’évaluation qu’ils doivent au système et celle qu’ils veulent mettre au service des apprentissages. Il s’agit non seulement de surcharge de travail, mais d’attitudes antinomiques : dans un cas, l’évaluation est une inquisition contre laquelle l’élève se défend, dans l’autre, on lui demande de mettre à nu ses failles et ses doutes, pour mieux l’aider. Ce double message est difficile à vivre, de part et d’autre. Par ailleurs, l’importance donnée à la régulation des apprentissages induit une forte résistance au bilan de fin d’année, dont l’arbitraire apparaît plus fortement. Cela pousse à un décloisonnement des degrés et à une extension de l’attitude formative à des cycles d’études de plusieurs années, sans sélection intermédiaire (Perrenoud, 1994 f, 1995 a).

b. L’insistance mise sur l’évaluation formative met fin à la séparation classique entre didactique et évaluation (Bain, 1988 ; Allal, 1988 ; Bain, Allal et Perrenoud, 1993). S’il faut évaluer des compétences, des procédures, des rapports au savoir, des méthodes de travail, des styles d’apprentissage, ce ne peut être qu’à travers des situations de travail complexes, non à travers des épreuves ou des tests détachés des séquences d’enseignement-apprentissage. La séparation traditionnelle entre le temps de l’enseignement-apprentissage et le temps de l’évaluation est ébranlée, donc aussi l’autonomie relative des mécanismes de fabrication de l’excellence scolaire (Perrenoud, 1988 a, 1988 b). On peut même envisager que ces nouvelles pratiques aillent vers une diversifications des formes et des normes d’excellence (Perrenoud, 1991 d).

6. Evaluation et changement en éducation

L’évaluation est au coeur du système didactique, de ce que j’ai appelé un octogone de forces (Perrenoud, 1993 b). Toucher à l’évaluation, c’est toucher aux échanges entre les familles et l’école ; à l’organisation des classes et aux possibilités d’individualisation ; aux méthodes d'enseignement ; au contrat didactique, à la relation pédagogique, au métier d’élève ; à la concertation et au contrôle dans les établissements ; aux programmes, aux objectifs, aux exigences ; au système de sélection et d’orientation ; aux satisfactions personnelles et professionnelles des enseignants.

A l’inverse, vouloir favoriser des méthodes actives, un autre dialogue avec les familles, des didactiques nouvelles, une pédagogie différenciée, le recours aux technologies informatique ou le travail en équipe touche à l’évaluation, de même que tout changement de programme et de structure.

Même lorsqu’on ne vise pas directement l’évaluation, on ne peut s’en désintéresser, parce qu’elle fonctionne comme un verrou, un frein au changement des pratiques (Perrenoud, 1992 b). Les travaux récents sur l’évaluation (par exemple Gather Thurler, 1993, 1994 a et b) insistent sur l’implication des praticiens dans le changement et sur une approche systémique. De nombreuses réformes ont échoué, alors qu’elles se fondaient sur des idées pertinentes, parce que les innovateurs n’avaient pas perçu la part d’utopie rationaliste dans leur modèle (Perrenoud, 1988 b), les deuils qu’il exigeait des enseignants (Perrenoud, 1995 a, chapitre 4 et 5), les déséquilibres qu’il introduisait dans le système didactique, et notamment les tensions nouvelles qu’il induisait entre les logiques de l’évaluation formelle, du contrôle continu du travail scolaire, du contrat didactique. Ces contradictions s’accentuent lorsque les réformes, au-delà des programmes et des structures, mettent l’accent sur les pratiques et insistent sur les nouvelles approches didactiques, la construction de compétences (Perrenoud, 1991 c ; 1995 b), le transfert des connaissances.

L’évaluation n’est ni l’alpha ni l’oméga du système, simplement une de ses composantes majeures. La fabrication de l’excellence scolaire et de l’échec traversent toutes les structures, tous les curricula, toutes les organisations de classe et d’établissements. Il est donc plus que jamais nécessaire de développer une sociologie de l’évaluation (Perrenoud, 1989 b) qui se dégage de la perspective pragmatique - améliorer l’évaluation ou la rendre plus équitable - pour mieux comprendre son fonctionnement et ses fonctions dans le système éducatif.


Références

Allal, L. (1988) Vers un élargissement de la pédagogie de maîtrise : processus de régulation interactive, rétroactive et proactive, in Huberman, M. (dir.), Assurer la réussite des apprentissages scolaires. Les propositions de la pédagogie de maîtrise, Paris, Delachaux et Niestlé, 1988, p. 86-126.

Allal, L. (1991) Vers une pratique de l’évaluation formative, Bruxelles, De Boeck,

Allal, L., D. Bain & Ph. Perrenoud (dir.) (1993) Evaluation formative et didactique du français, Neuchâtel & Paris, Delachaux & Niestlé

Allal, L., Cardinet J. & Perrenoud, Ph. (dir.) (1989 L'évaluation formative dans un enseignement différencié, Berne, Lang (5ème édition).

Astolfi, J.-P. (1992) L’école pour apprendre, Paris, ESF.

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Le résumé (quatrième de couverture)

La table des matières

Le premier chapitre, qui présente les suivants

Les ouvrages consultés en 1984

Le Post-Scriptum écrit en 1995

Les références bibliographiques du Post Scriptum

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