La formation professionnelle des enseignants
Paris, Presses Universitaires de France, 1994
Livre résumé et
commenté par Evelyne Chatton, étudiante
en 1999-2000
de l'UF
Approches
sociologique et anthropologique des pratiques et des
compétences
J'ai choisi de diviser mon travail en différentes parties ; la première a pour objectif de situer le livre, la deuxième sera une discussion autour des actions des enseignants, des compétences que devrait avoir un enseignant et les objectifs qui devraient être prônés par la formation des enseignants.
Situation
Marguerite Altet présente dans son livre une recherche sur la formation professionnelle des enseignants. Elle tente d'analyser, d'étudier et d'expliquer le processus enseignement - apprentissage, afin d'essayer de déterminer les points qui devraient être pris en compte pour former les enseignants. Pour ce faire, elle s'est rendue sur le terrain, afin d'observer des séances de classe et pouvoir ainsi élaborer des outils conceptuels permettant aux enseignants de réfléchir à leur pratique et de souligner les objectifs que devraient avoir une formation professionnelle des enseignants.
Discussion
Les agissements d'un enseignant dans une classe sont multiples. En effet, celui-ci "pose des questions, attend les réponses, les accepte, les corrige, démontre, explique, donne des consignes, fait confronter, guide en fonction du but qu'il poursuit, " (p. 62) Tous ces actes du quotidien passent par des éléments essentiels : la communication, les stratégies, les objectifs, les consignes, etc.
" Les enseignants préparent leurs séances en fonction du programme et d'une progression. Ils organisent un cadre général autour d'un contenu et "se préparent" ainsi pour une séance ; Tous les enseignants ont une manière propre d'anticiper leur action et de construire un plan, leur scénario. La planification "simplifie" et "rend plus efficace le temps de l'action", qu'elle permet de s'appuyer sur des routines." (p. 138)
Comme l'auteur, j'ai pu observer lors des divers stages effectués durant ma formation universitaire que pratiquement tous les enseignants s'appuient sur une planification à plus ou moins long terme.
Effectivement, certains enseignants notent tout ce qu'ils ont prévu de faire durant la journée, alors que d'autres planifient pour la semaine ou encore le trimestre. Ces planifications sont souvent bien détaillées, les enseignants construisent à l'avance un scénario. Malheureusement, ils ne s'aperçoivent pas que ce type de préparation détermine déjà le style d'interactions qui se déroulera.
Une planification de ce genre peut apporter des points aussi bien positifs que négatifs. Premièrement, comme le souligne M. Altet, cette préparation " simplifie ". En effet, l'enseignant a le temps de réfléchir à ce qu'il va faire et dire, ce qui est nettement plus facile à gérer que de devoir agir, improviser sur le moment, faire face à l'imprévu. Cette manière de faire est également un moyen de rassurer le maître car il peut toujours y avoir la crainte de ne plus savoir quoi faire, quoi dire.
Par exemple, lors de mes stages, je me suis rendue compte que le fait d'imaginer un scénario dans les détails me rassurait énormément car j'avais quelque chose de solide sur lequel m'appuyer. Néanmoins, je me suis vite aperçue que cette méthode n'était pas efficace, c'est-à-dire que je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour que la leçon se passent comme je l'avais prévue, imaginée et je ne tenais plus compte des élèves, de leurs réactions. Je pense qu'un enseignant doit plutôt analyser la situation en fonction des ressources et des contraintes, déterminer des objectifs, choisir des stratégies, construire des moyens propres et évaluer.
L'auteur souligne également que l'anticipation " rend plus efficace l'action ". Il est vrai que j'ai souvent vu l'enseignant se presser afin de terminer ce qu'il avait prévu, son scénario. Cet empressement n'est souvent pas très efficient, car les enfants n'ont bien souvent pas suffisamment de temps pour une quelconque assimilation, compréhension et d'effectuer une réflexion personnelle. Ainsi, beaucoup de choses seront à reprendre par la suite. De plus, le fait d'agir en étant toujours sous la contrainte du temps, empêche des discussions et l'enseignant a tendance à ne plus être à l'écoute de l'enfant.
Je pense qu'une planification ne doit, selon moi, pas être un moyen de tomber dans la routine. Il est évident que certaines lignes directrices doivent être gardées afin de ne pas se perdre mais je pense qu'un enseignant doit garder une certaine flexibilité pour permettre aux enfants de mener leur réflexion et laisser de la place aux échanges. La routine n'est jamais positive, car l'enseignant ne tient plus vraiment compte de la personnalité et des problèmes de chacun, ce qui peut favoriser les échecs. Le problème est que " la routine retenue est celle jugée la meilleure, c'est la seule disponible et une nouvelle routine entraînerait des imprévus. " (p. 207)
Comme nous l'avons vu lors du cours " Approches sociologique et anthropologique des pratiques et des compétences ", l'imprévu est un phénomène difficile à gérer. En effet, la majorité des gens n'aiment pas y être confronté, car il engendre fréquemment un certain stress.
La routine pousse l'enseignant à suivre son raisonnement, à orienter, tirer " l'élève vers son raisonnement sans prendre en compte le raisonnement de l'élève, sans chercher à faire exprimer aux élèves leurs raisonnements propres, d'où un dialogue souvent difficile où l'élève suit pas à pas le raisonnement de l'enseignant sans en avoir le fil conducteur. " (p. 119) Il est vrai que lorsqu'on se retrouve face à une classe, sans une réelle expérience, on peut avoir tendance à se plonger dans son raisonnement et à ne plus vraiment écouter les enfants car " on entend uniquement ce que l'on veut bien entendre ", ce qui nous arrange. De plus, il peut arriver, par manque d'expérience, de ne pas réussir à gérer certains imprévus. En agissant ainsi, certains élèves ne vont pas réussir à suivre, à comprendre ou d'autres vont brûler des étapes. " Soit l'enseignant ignore ces réactions imprévues et suit imperturbablement sa stratégie initiale : non-ajustement ; soit il s'efforce de s'adapter aux démarches et réactions des élèves en s'ajustant à eux, en mettant en place un autre scénario plus approprié. " (p. 124) Je pense qu'on ne peut pas se trouver face à une classe et penser que tous les élèves vont comprendre notre raisonnement, de ce fait l'enseignant doit savoir s'adapter aux différentes réactions des élèves et il doit s'assurer de la compréhension du message qu'il émet aux élèves. Néanmoins, il existe des enseignants qui ne s'adaptent pas et qui restent figés dans leur raisonnement. On peut alors se demander pour quelles raisons agissent-ils ainsi ? L'hypothèse qui peut être émise est que le titulaire ne se rend pas compte du non-ajustement qu'il est entrain de provoquer. En effet, certains enseignants ont tendance à interroger uniquement les élèves dont ils savent qu'ils vont répondre correctement ou par réflexe, ils vont uniquement interroger les élèves qui lèvent la main. Du moment qu'ils obtiennent des réponses correctes, ils estiment que leur démarche est comprise. "Les enseignants pensent que les questions sont le moyen pour faire réfléchir et participer les élèves, pour rendre la classe active, "(p. 121) Les questions que posent l'enseignant sont bien souvent très courtes et demandent également des réponses courtes. Ces questions ne démontrent bien souvent, en aucune manière, si l'enfant a compris le raisonnement du maître.
Par exemple, lors d'un cours répétitoire, je me suis lancée dans des explications théoriques, en posant des petites questions de temps à autre pour vérifier que mon élève suivait mais en restant bien fixée dans ma logique. A la fin de ma théorie, lorsque j'ai demandé à mon élève d'effectuer un exercice tout seul, où il devait faire appel aux notions que je venais de lui expliquer, il n'y est pas arrivé. Ainsi, j'ai pu me rendre compte que malgré les questions posées et les réponses correctes, l'enfant n'avait pas suivi mon raisonnement. Par conséquent, j'ai dû reprendre le tout, depuis le début, de façon plus lente, en modifiant ma théorie de base et à la fin de chaque petite étape je m'assurais qu'il ait réellement bien saisi la notion.
Un autre élément essentiel à prendre en compte est les objectifs poursuivis par l'enseignant. En effet, "si l'enseignant ne donne pas clairement son objectif ou ne le fait pas découvrir de façon précise aux élèves, ceux-ci tâtonnent, passent leur temps et leur énergie à rechercher l'objectif qu'ils ne perçoivent pas ; ils ne comprennent pas ce qu'ils font et n'ayant pas cadré l'activité ou la demande, ne peuvent pas mobiliser les connaissances antérieures nécessaires pour comprendre et progresser. " (p. 125) Dans les écoles en Rénovation, cette dimension est énormément prise en considération. Effectivement, pour pratiquement chaque travail, les objectifs sont énoncés clairement au début. De cette manière, l'enfant sait exactement ce qu'on attend de lui. Cette manière de faire est également un moyen poussant l'enseignant à réfléchir au "pourquoi" il donne tel ou tel exercice à l'enfant, quels objectifs sont-ils visés.
Le climat régnant dans la classe est également un élément important. En effet, "Certains rejets ou frustrations sont à l'origine de décalages ou de blocages dans les rapports enseignant - élèves. Une relation de sympathie, d'empathie, de confiance, d'intérêt pour les élèves est valorisante pour l'élève et constitue "une condition du vrai dialogue maître - élèves"" ( p. 131) Lorsqu'un enfant rencontre des difficultés, la valorisation et les encouragements sont essentiels, car l'élève se décourage moins facilement, il s'accroche et lorsque l'enseignant le félicite, ça peut être une stimulation. De plus, si les élèves ont confiance en l'enseignant, ils se confieront plus facilement, ce qui évitera des situations de blocages.
Comme nous pouvons le constater, le rôle de l'enseignant a beaucoup évolué. Il doit désormais tenir compte d'une multitude d'éléments pour favoriser au maximum les apprentissages des élèves. En effet, " le rôle de l'enseignant n'est plus alors de communiquer un savoir-contenu tout fait, mais de :
Cependant, tous ces éléments demandent à l'enseignant d'acquérir certaines compétences.
La formation des enseignants devrait permettre de les acquérir. Pour cela, la formation doit développer la capacité d'analyse, de prise de décisions, d'autonomie, d'adaptation, etc. des futurs enseignants. Ainsi l'enseignement pourra être basé " sur l'écoute, l'observation, ledialogue, la disponibilité, la flexibilité, l'adaptabilité et l'autorégulation. " (p. 251)
Néanmoins, le maître débutant n'aura pas acquis toutes ces compétences à la fin de sa formation initiale, un temps de développement et une expérience réelle seront essentiels pour que le débutant devienne un praticien professionnel.