Carnets de recherche

Paiements pour Services Environnementaux dans la région de l’Amazonie colombienne

Au premier stade de sa thèse, Diana Joaqui Lopez, doctorante au sein du pôle de Gouvernance de l’Environnement et Développement Territorial, s’est déplacée en Colombie afin d’effectuer son travail empirique préliminaire. Sa recherche vise à explorer les relations entre l’un des instruments incitatifs pour la conservation de la nature, tel que les Paiements pour Services Environnementaux (PES), et la vulnérabilité et adaptation des populations dans les milieux ruraux du Piémont Amazonien Colombien. 

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Ce travail de terrain, réalisé durant cinq semaines, avait une vocation exploratoire articulée autour de deux objectifs principaux. D’une part, saisir la nature des instruments de PES, qui suscitent actuellement un intérêt croissant sur les plans environnemental, social, politique, législatif et institutionnel. D’autre part, comprendre les dynamiques locales spécifiques au contexte de conservation des écosystèmes et du maintien de l’approvisionnement des services associés.

Afin d’atteindre le premier objectif, Dian a réalisé la phase initiale de son travail de terrain à Bogotá. Cette ville accueille les sièges de diverses institutions de l’État et de nombreuses organisations non gouvernementales impliquées dans la protection de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles du pays. La première étape du travail était l’occasion d’entrer en contact avec les principaux acteurs des secteurs public et privé, engagés dans des programmes de PES. Diana a réalisé des entretiens avec divers fonctionnaires du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MinAmbiente), afin d’obtenir des informations détaillées sur les actions de structuration, de mise en œuvre, et de suivi du Programme National de Paiements pour Services Environnementaux (PN-PSA). Elle a eu également l’opportunité de rencontrer des délégués du Département National de Planification (DNP), institution responsable de la structuration et de l’exécution d’un système d’articulation institutionnelle, ainsi que des actions nécessaires à la viabilité des ressources économiques dans le cadre du financement des projets de PES. Les entretiens avec le MinAmbiente et le DNP lui ont également permis de nourrir sa perspective critique autour du concept de PES et de saisir l’étendue de formes de PES adoptées selon les contextes variés du pays. Diana a aussi pris contact avec des instituts de recherche tels que l’Institut de Recherches Scientifiques d’Amazonie (SINCHI) et l’Institut Alexander von Humboldt, afin de prévoir l’accès et l’utilisation d’information scientifique liée aux Services Écosystémiques (SE) utile à la structuration de projets de PES. De même, les réunions avec les ONGs PID-Climate Focus et Patrimonio Natural ont été une source riche d’information, portée entre autres sur la cartographie des acteurs et des initiatives de conservation, ainsi que sur la gestion des ressources qui soutiennent les programmes de PES dans la région Amazonienne.

L’étape suivante du travail de terrain est en lien avec le deuxième objectif, qui se focalise sur les dynamiques locales spécifiques au contexte de conservation. Prenant comme zone d’étude le Piémont Amazonien colombien, Diana a voyagé à Florencia, une ville au nord-ouest du département de Caquetá. Le Piémont se trouve dans une zone de transition entre la Cordillère Orientale et la Plaine Amazonienne, qui est principalement stratégique pour sa richesse en ressources hydriques, essentielles à l’approvisionnement en eau des populations rurales et de la ville. Toutefois, l’abattage indiscriminé et les incendies de forêts sont connectés avec la dynamique de l’expansion des exploitations agropastorales. Il s’agit d’une région en situation de post-conflit, où la gestion des écosystèmes et des ressources naturelles est confrontée à des défis sociaux, économiques et environnementaux très particuliers. 

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Une partie de son séjour à Florencia a été consacré à rencontrer les représentants des ONGs comme Fundación Picachos, Misión Verde Amazonia et Amazon Conservation Team, ainsi que l’autorité locale pour la gestion de l’environnement, Corpoamazonia. Ces institutions participent toutes à la formulation, exécution et suivi des initiatives de conservation de type PES. Ces rencontres ont été davantage enrichies par les travaux de terrain dédiés à la visite des « bénéficiaires » des PES résidant en pleine forêt. Il s’agit des familles qui, en raison de la localisation de leurs terres, peuvent s’engager volontairement dans la protection des écosystèmes et devenir « fournisseurs », assurant ainsi les SE. Cela a été possible grâce au soutien de la Fundación Picachos et de l’Institut SINCHI-Florencia, qui travaillent en étroite collaboration avec la population rurale pour le développement de ces projets. 

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En dépit de l’accès difficile aux familles (en matière de distance à parcourir et de l’état des chemins) et du peu de temps passé en leur présence, le travail sur le terrain au Caquetá a été très bénéfique. Cette période de terrain a particulièrement contribué à mieux comprendre la façon dont un concept mobilisé au niveau global se matérialise à l’échelon local. D’une part, ce travail de terrain a permis de saisir la dynamique opérationnelle de PES (types de PES et SE privilégiés, parties prenantes, critères de sélection, structure de compensation -directe/indirecte, privée/publique, mode de paiement, controverses au sein des projets, et articulation institutionnelle). D’autre part, les échanges avec plusieurs familles ont fait émerger divers éléments essentiels à l’analyse de leur vulnérabilité et au processus d’adaptation nécessaire. Ceux-ci en lien avec le contexte socio-économique et environnemental, incluant les moyens de subsistance, la gestion des ressources naturelles, les pratiques productives et de commercialisation, l’accès à la terre, à l’eau, à l’énergie et aux infrastructures, les changements socio-écologiques, l’organisation et le travail communautaire, etc. Ainsi, Diana a tenté d’identifier les possibles facteurs de stress perçus localement ainsi que les réponses d’adaptation.

De façon plus générale, ce travail empirique préliminaire a conduit à des nouveaux questionnements qui enrichissent sa réflexion et permettront ainsi d’affiner son sujet de recherche. Cette première étape a été aussi essentielle au développement et à l’adaptation de ses méthodes de recherche. 

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23 février 2018
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