Journal n°133

Des virus apprennent au système immunitaire à traquer le cancer

image_5.jpgNotre système immunitaire ne se bat que très peu contre les cellules cancéreuses, alors qu’il mobilise tous ses moyens de lutte dès qu’il est confronté à un virus. Partant de ce constat, les équipes de Doron Merkler, professeur au Département de pathologie et d’immunologie (Faculté de médecine), et de Daniel Pinschewer, professeur à l’Université de Bâle, ont modifié un virus de manière à ce qu’il contienne des protéines provenant de cellules cancéreuses. L’idée consiste à «apprendre» au système immunitaire à réagir contre ces signaux spécifiques aux tumeurs.

Testé chez la souris, ce virus modifié – et préalablement rendu inoffensif – a effectivement permis de provoquer le recrutement de cellules immunitaires tueuses dirigées contre les cellules cancéreuses. Cette recherche, parue le 26 mai dans la revue Nature Communications, ouvre la voie à de nouvelles techniques dans le domaine de l’immunothérapie.

L’enjeu de l’immunothérapie, utilisée avec succès depuis quelques années contre certaines formes de cancer, consiste à améliorer la réponse immunitaire généralement insuffisante pour faire face à la prolifération des cellules tumorales. À ce jour, plusieurs types de vecteurs censés obtenir un tel résultat ont été mis au point, essentiellement des anticorps, et certains sont déjà commercialisés. Dans ce contexte, le virus mis au point par les chercheurs genevois et bâlois représente un outil d’un nouveau type.

Ce virus modifié a pu induire des réponses pour certains types de tumeur qui ne réagissaient pas jusqu’ici à l’immunothérapie

«Nous avons constaté, dans des conditions expérimentales, que la réponse immunitaire déclenchée par notre vecteur viral est plus forte et de meilleure qualité que celle déclenchée par les vecteurs traditionnels, explique Doron Merkler. Le taux de réponse est ainsi amélioré.»

Dans des conditions expérimentales chez la souris, ce virus modifié a aussi pu induire des réponses pour certains types de tumeur qui ne réagissaient pas jusqu’ici à l’immunothérapie.

Les chercheurs sont partis du virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV), qui affecte les ongulés mais également l’être humain. Une fois modifiés, ces virus sont restés inoffensifs pour les souris mais ont déclenché chez elles les signaux typiques d’une infection virale. Les chercheurs ont également introduit dans les virus des protéines spécifiques provenant de cellules cancéreuses.

Le système immunitaire a pu identifier comme dangereuses les protéines provenant des cellules cancéreuses

Ainsi, lors d’une infection par le virus modifié, le système immunitaire a pu identifier comme dangereuses les protéines provenant des cellules cancéreuses. La combinaison unique de signaux d’alarme et de protéines de cellules cancéreuses a mené le système immunitaire à produire une armée de lymphocytes T cytotoxiques, appelés aussi cellules tueuses. Celles-ci peuvent reconnaître les cellules cancéreuses grâce à leurs protéines et les combattre efficacement.

Les possibilités de traitement des patients cancéreux se sont considérablement développées ces dernières années. Les chercheurs rappellent cependant que de nombreux cancers, aujourd’hui encore, ne répondent pas de manière satisfaisante aux traitements disponibles.

«Nous espérons que nos découvertes trouveront bientôt une application dans la lutte contre cancer et contribueront à améliorer les chances de réussite des traitements», expliquent-ils. En attendant, le virus modifié a déjà pu être breveté avec le concours d’Unitec, la structure qui accompagne les chercheurs de l’Université de Genève dans les domaines de l’innovation et des transferts de technologies.