Journal n°147

L’effet d’un antibiotique remis au goût du jour s’avère décevant

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Les vieux remèdes ont parfois du bon. Mais il vaut mieux s’en assurer. Une étude parue le 22 avril dans le Journal of the American Medical Association a testé deux anciens antibiotiques (la nitrofurantoïne et la fosfomycine) réutilisés de manière routinière depuis 2010 dans le traitement de la cystite mais dont la première mise sur le marché remonte respectivement à 1953 et à 1971. Résultat: la fosfomycine, qui ne nécessite la prise que d’une seule dose, n’atteint pas l’efficacité attendue. La nitrofurantoïne, qui est administrée 3 fois par jour durant 5 jours, obtient, quant à elle, le même taux de guérison que les molécules les plus récentes.

Ce retour aux anciennes molécules est une des stratégies proposées depuis 2010 pour combattre la résistance aux antibiotiques. Pour le traitement d’infections urinaires simples, par exemple, les médecins sont ainsi incités à ne plus recourir à la ciprofloxacine, un antibiotique datant de 1987 à large spectre très efficace, afin de limiter l’émergence de bactéries insensibles à la molécule.

«Aujourd’hui, nous estimons que jusqu’à 20% de la population bactérienne est résistante à la ciprofloxacine, avertit Angela Huttner, chercheuse aux Départements de médecine interne des spécialités et de pathologie et immunologie (Faculté de médecine) et première auteure de l’article. Il est donc capital de réserver l’usage de cette molécule aux cas graves.»

Dans les années 1950 ou 1970, l’évaluation et la commercialisation de molécules pharmaceutiques n’étaient pas aussi strictes qu’aujourd’hui

Les nouvelles recommandations ont ainsi multiplié la consommation de nitrofurantoïne et de fosfomycine par 5 en moins de dix ans. Le problème, c’est que dans les années 1950 ou 1970, l’évaluation et la commercialisation de molécules pharmaceutiques n’étaient pas aussi strictes qu’aujourd’hui. En d’autres termes, les taux d’efficacité et les éventuels effets secondaires de ces médicaments ne sont pas bien connus.

«Ces produits étant déjà sur le marché, les grandes entreprises pharmaceutiques ne veulent pas investir de l’argent pour tester en profondeur ces anciennes molécules, ajoute Stephan Harbarth, professeur au Département de médecine interne des spécialités (Faculté de médecine) et coauteur de l’article. C’est donc aux chercheurs qu’il revient de fournir à la population les informations nécessaires sur les antibiotiques qu’elle consomme.»

Les tests, effectués sur 513 femmes âgées de 18 à 101 ans, ont donné des résultats sans appel: 70% de femmes ont répondu positivement à la prise de nitrofurantoïne et 74% des bactéries avaient définitivement disparu, contre un taux de réussite de seulement 58% pour 63% de bactéries éradiquées chez les femmes traitées par fosfomycine.

«Sachant que sans prendre d’antibiotique, une femme a déjà environ 33% de chance de guérir d’une cystite, ce résultat démontre le peu d’effet de la fosfomycine, traitement pourtant le plus prescrit par le milieu médical», constate Angela Huttner.
Le taux de réussite de la nitrofurantoïne est en revanche comparable à celui des antibiotiques à base de ciprofloxacine, ce qui en fait un bon remplaçant.

Quant au risque de développer des effets secondaires (diarrhée, maux de tête, crampes abdominales), il se situe à 7% pour les trois traitements. —