Français moderne

Textes et contextes (BA1) - XVIIe

3. Corneille et le romanesque

  1. Maîtrise: Le héros cornélien est amoureux, mais se méfie d'un sentiment qui le prive du contrôle de soi. La passion, aliénante, compromet aussi sa liberté. L'idéal du héros est de dominer les hommes et les événements, d'exercer sa maîtrise sur soi et sur les autres. Même confiance dans les pouvoirs de l'homme que Descartes. Même recherche d'indépendance morale que le stoïcisme. Conception de la tragédie opposée à celle de Racine et des Grecs.
  2. Action: L'amour est dangereux, mais, au lieu de le rejeter, il faut l'utiliser comme ressort de l'action et l'intégrer à une existence qui ne veut renoncer à rien. Le héros, qui est un lutteur, un guerrier, a besoin d'obstacles pour donner la preuve de sa vaillance. Pour exister pleinement, il doit agir. Rapprochement avec Sartre et Stendhal. Plus qu'agir, il doit surmonter des défis. Comme dans un duel, il faut tout risquer, et gagner ou mourir.
  3. Devoir, gloire: Autre difficulté à vaincre: l'accomplissement du devoir. Le héros atteint ainsi à des valeurs essentielles à son amour-propre: l'estime de soi, l'honneur et la gloire. Avide de reconnaissance, il parle pour s'assurer l'admiration de tous.
  4. Le héros face à la collectivité: Le héros qui ne cherche que sa gloire, défend son clan et règle les différends par les duels menace la stabilité de la société. Relation problématique de l'individu et de l'Etat. Solution optimiste: concilier l'ambition personnelle et l'intérêt public, mettre son énergie au service de la monarchie, sous l'autorité d'un roi qui symbolise l'unité nationale tout en respectant l'autonomie de ses sujets. Solution pessimiste: le héros perverti, ou le souverain tyrannique, ou la reine assoiffée de pouvoir asservissent l'Etat à leur passion du pouvoir: triomphe du despotisme et de la violence.
  5. Ambiguïté: En montrant les horreurs auxquelles conduisent les excès héroïques, Corneille fait oeuvre morale. Mais il y a aussi une certaine complaisance de l'auteur et du public pour le spectacle fascinant de la monstruosité. Le théâtre comme expérience des limites et retour du refoulé. Hostilité justifiée de l'Eglise.
  6. Le substrat politique: Toutes ces variations sur les rapports entre les nobles et le roi et sur l'exercice du pouvoir peuvent se lire comme autant de réflexions sur les questions politiques du XVIIe siècle, notamment la montée de l'absolutisme.

Edition HTML: Ambroise Barras, 2003