Méthodes et problèmes

L'autobiographie

Natacha Allet et Laurent Jenny, © 2005
Dpt de Français moderne – Université de Genève

III.2.1. Un point de non existence

Se retourner sur les événements de sa vie passée implique en réalité une posture très particulière. L'autobiographe en effet se projette en un point fictif, un point à vrai dire de non existence, d'où il fait mine de surplomber l'ensemble de sa vie, comme si elle formait un tout révolu et saisissable. Le titre de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, est à cet égard exemplaire. Dans l'avant-propos à cet ouvrage daté de 1846, l'auteur note: [...] je préfère parler du fond de mon cercueil; ma narration sera alors accompagnée de ces voix qui ont quelque chose de sacré parce qu'elles sortent du sépulcre (p.2) Chateaubriand doit bien reconnaître pourtant qu'il n'est pas mort au moment où il écrit. La gêne financière dans laquelle il se trouve le contraint même à vendre son ouvrage et à le publier de son vivant; et il a cette formule remarquable: Personne ne peut savoir ce que j'ai souffert d'avoir été obligé d'hypothéquer ma tombe. (p.1) Hypothéquer sa tombe, c'est-à-dire parler de sa vie tout en s'en exceptant, c'est ce que fait peu ou prou tout autobiographe.

Edition: Ambroise Barras, 2005