Méthodes et problèmes

L'autoportrait

Natacha Allet, © 2005
Dpt de Français moderne – Université de Genève

I.2.3. L'autoportrait comme saisie indirecte du moi

En choisissant de se figurer lui-même, il est forcé à un détour qui peut sembler contradictoire avec son projet initial; il est contraint en effet de recourir aux catégories toutes faites fournies par la tradition culturelle dans laquelle il s'inscrit, et de travailler ces données qui lui sont étrangères: les péchés et les mérites, par exemple, les vertus et les vices (qui sont des catégories héritées de la tradition chrétienne), les humeurs et les tempéraments (qui relèvent d'une certaine science médicale), les facultés (qui participent d'un savoir philosophique), la psychologie avec ses passions, certains éléments de psychanalyse également au XXème siècle comme le complexe d'Oedipe ou le fantasme; l'astrologie, la mythologie, etc.. Il est aux prises en somme avec la configuration des savoirs que lui tend sa culture, et qui varie bien évidemment en fonction des idéologies et des sciences. Il ne se saisit pas lui-même directement. L'autoportrait en littérature ne consiste jamais en une simple description de celui qui le réalise, bien qu'il se présente comme un genre à dominante descriptive. Il est semblable à un miroir d'encre, selon la belle expression de Beaujour, un miroir obscurci, brouillé par le langage et la culture qui précèdent nécessairement le sujet qui entreprend d'écrire. On comprend dès lors que le modèle pictural soit insuffisant à rendre compte de sa singularité.

Edition: Ambroise Barras, 2005