Méthodes et problèmes

L'œuvre dramatique

Danielle Chaperon, © 2003-2004
Dpt de Français moderne – Université de Lausanne

I.2. Double origine des instruments d'analyse

Les instruments d'analyse dont nous disposons aujourd'hui sont issus de deux sources principales. D'abord de la dramaturgie des auteurs et des philosophes telle que l'histoire nous l'a transmise, depuis Aristote jusqu'à Vinaver par exemple, en passant par Corneille, Voltaire, Diderot, Hegel, Lessing, Hugo, Zola, Maeterlinck, Brecht, Sartre, Sarraute... Le lexique descriptif que l'on peut extraire de cette histoire de la dramaturgie, malgré les tempêtes esthétiques qu'elle a traversées, reste remarquablement stable. Pour utiliser une expression de Gérard Genette, la théorie indigène semble en la matière plus constante, plus unifiée et plus exploitable que dans le cas du roman. La Pratique du théâtre de l'abbé d'Aubignac, éditée en 1659, est par exemple une ressource infinie pour décrire tous les aspects de la dramaturgie puisque l'ouvrage s'adresse explicitement à la fois aux auteurs, aux comédiens et aux spectateurs. L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert reste aussi une mine en matière de définitions scrupuleuses. Dans la littérature secondaire, l'ouvrage de Jacques Scherer consacré à la Dramaturgie classique en France demeure une référence. Il en est de même des recherches de Georges Forestier consacrées, entre autres, à l'aspect génétique des dramaturgies cornélienne et racinienne, et des travaux de Jean-Pierre Sarrazac consacrés à l'esthétique du drame moderne et contemporain.

À cette constellation historique et historiographique, il faut ajouter l'apport des recherches menées dans l'orbite du brechtisme français (la revue Théâtre Populaire et Roland Barthes) puis surtout du structuralisme. Les travaux d'Anne Ubersfeld, de Patrice Pavis et de Tadeusz Kowzan – pour ne retenir que les auteurs les plus utilisés – se situent dans la suite immédiate de cet héritage. Ils bénéficièrent des propositions théoriques de l'analyse structurale du récit, de la sémiologie, de la narratologie, de la linguistique de l'énonciation (la pragmatique). Cette double origine de la terminologie et de la méthodologie est une richesse, mais elle exige une rigueur particulière. En effet, il est indispensable d'articuler la dramaturgie historique et la dramaturgie formaliste, c'est-à-dire de mettre au point une véritable stratégie de transposition. C'est une telle conjonction que nous tenterons de suggérer dans ce qui suit.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004