Méthodes et problèmes

L'œuvre dramatique

Danielle Chaperon, © 2003-2004
Dpt de Français moderne – Université de Lausanne

II.2.5. Les caractères

Le modèle actantiel permet d'appréhender un autre aspect de la construction de l'Action. Il s'agit de ce que la critique ordinaire appelle dangereusement la psychologie du personnage et que la dramaturgie classique et néo-classique appelle le caractère. Dans la dramaturgie aristotélicienne, les caractères découlent (dans l'ordre de la démarche créatrice) de l'action et de l'intrigue — et n'en sont pas la source. Le plus important [...] est l'agencement des faits en système. En effet la tragédie est représentation non d'hommes mais d'action. (Poétique, 50a 15) dit Aristote très clairement, à quoi il ajoute sans action il ne saurait y avoir tragédie, tandis qu'il pourrait y en avoir sans caractères. On devine cependant (car Aristote épingle déjà des auteurs qui lui sont contemporains) que certaines esthétiques privilégient ceux-ci (les caractères) et d'autres celles-là (les actions), et donnent donc préséance, lors du processus d'écriture, aux uns ou aux autres.

C'est pourquoi il faut être prudent dans l'interprétation des structures actantielles, dont le qualificatif met assez en évidence qu'elles valorisent les actants et leurs motivations plus que les actions. Quoi qu'il en soit, définir des caractères c'est attribuer des causes morales (les mœurs, selon le vocabulaire classique) et passionnelles (les passions) au nœud de l'Action: ce que nous appellerions aujourd'hui des motifs idéologiques et psychologiques. Toutes ces causes ou motifs, affichés ou dissimulés par les personnages, figurent dans le triangle des motivations pour autant qu'ils soient mentionnés dans les répliques.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004