Méthodes et problèmes

L'œuvre dramatique

Danielle Chaperon, © 2003-2004
Dpt de Français moderne – Université de Lausanne

III.2. Montré et raconté

L'intrigue étant inventée, la chaîne des incidents étant établie, il s'agit pour l'auteur classique de sélectionner ce qui sera représenté sur la scène – puisque aussi bien on ne saurait tout montrer d'une Action. L'analyse de la composition dramatique peut donc s'intéresser utilement à la répartition des faits de l'action entre ceux qui sont montrés (sur scène) et ceux qui sont racontés. Tous les auteurs classiques insistent sur l'importance primordiale de cette étape, en soulignant que le choix est aussi bien motivé par des raisons esthétiques (il faut montrer ce qui est beau) et morales (il faut cacher ce qui est ignoble ou horrible, c'est la question des bienséances) que pratiques (on doit renoncer à montrer ce qu'il est difficile de réaliser scéniquement – comme la bataille contre les Maures dans Le Cid).

Le poète examine tout ce qu'il veut, et doit faire connaître aux spectateurs par l'oreille et par les yeux, et se résout de le leur faire réciter, ou de le leur faire voir dit l'Abbé d'Aubignac (La Pratique du théâtre). Le poète n'est pas tenu d'exposer à la vue toutes les actions particulières qui amènent à la principale: il doit choisir celles qui lui sont les plus avantageuses à faire voir, soit par la beauté du spectacle, soit par l'éclat et la véhémence des passions qu'elles produisent, soit par quelque autre agrément qui leur sont attachés, et cacher les autres derrière la scène, pour les faire connaître au spectateur par une narration, renchérit Corneille (Discours sur les trois unités).

L'analyse de cet aspect du Drame reste intéressante dans le cas des pièces non classiques, mais elle ne pourra pas se fonder pareillement sur l'existence préalable d'une intrigue et d'une action. En effet, les auteurs modernes ou contemporains (comme Michel Vinaver dans certaines de ses pièces) peuvent très bien monter des scènes et des répliques en considérant la question de l'action comme étant très secondaire.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004