Méthodes et problèmes

La perspective narrative

Jean Kaempfer & Filippo Zanghi, © 2003
Section de Français – Université de Lausanne

I.4. L'exemple du théâtre

Une bonne façon de saisir intuitivement les différences entre ces trois types de focalisation est de considérer la situation théâtrale.

Au début d'une pièce de théâtre classique, on peut considérer que le spectateur (ou le lecteur) est dans une position de focalisation externe: il en sait moins que n'en sait chacun des personnages. L'exposition est destinée à inverser cette position et à lui donner toutes les informations requises pour la compréhension de la situation dramatique: le spectateur en sait alors plus que tous les personnages pris isolément. Dans Phèdre, par exemple, il connaît dès l'Acte I l'amour criminel de l'héroïne pour son beau-fils Hippolyte. Le nœud de la pièce donne à voir des rencontres entre personnages plus ou moins informés. Des dupes sont victimes de roués; la lucidité s'oppose à l'aveuglement; c'est l'empire, en d'autres termes, de la focalisation interne variable. Ainsi Thésée, dans Phèdre, va-t-il être le seul à ne rien savoir du crime de l'héroïne: ignorance tragique, puisqu'elle mènera Hippolyte à la mort. Le dénouement, en principe, rétablit les choses dans leur vérité; il offre à chacun des personnages le point de vue surplombant dont le spectateur jouissait dès l'exposition. Ainsi, à la fin de l'Acte V, un ultime aveu de Phèdre arrache-t-il, trop tard, Thésée à son ignorance.

Mais reprenons maintenant ces différents types séparément.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004