Méthodes et problèmes

La perspective narrative

Jean Kaempfer & Filippo Zanghi, © 2003
Section de Français – Université de Lausanne

IV. La focalisation zéro

IV.1. Non focalisation

Genette entend la focalisation zéro de deux manières. La première et la plus évidente est celle qui désigne, par le suffixe -zéro, la non focalisation, l'absence d'un point de vue spécifié - limité par exemple à la conscience d'un personnage, ou à un observateur anonyme. C'est le régime adopté dans les récits classiques, où le narrateur donne une information supposée complète, c'est-à-dire qui ne passe pas par un relais situé à l'intérieur du monde raconté. La prose balzacienne est souvent explicite à cet égard, quand elle insiste par exemple sur l'inégalité des savoirs respectifs du narrateur et du personnage.

(7) En ce moment, la maison A. Popinot et compagnie se pavanait sur les murs et dans toutes les devantures. Incapable de mesurer la portée d'une pareille publicité, Birotteau se contenta de dire à Césarine: Ce petit Popinot marche sur mes traces! sans comprendre la différence des temps, sans apprécier la puissance des nouveaux moyens d'exécution dont la rapidité, l'étendue, embrassaient beaucoup plus promptement qu'autrefois le monde commercial.

Balzac, César Birotteau

On trouve d'autres exemples de ce type de focalisation dans les ouvertures de romans ou de chapitres, comme dans le tableau de Yonville, au début de la deuxième partie de Madame Bovary. Bien que la description y soit menée avec le pronom ON (On quitte..., on continue..., on découvre...), ce qui pourrait faire penser à un observateur anonyme, l'important est que l'information donnée, notamment sur le passé de Yonville, excède les capacités de connaissance des personnages. C'est ce qui incite à qualifier d'omniscient le narrateur de ce type de récits.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004