Méthodes et problèmes

La mise en scène du discours

Jean-Pierre van Elslande, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Neuchâtel

I.3. L'empire rhétorique classique

De ces divers traités, il ressort que la rhétorique vise avant tout à mobiliser. Elle pousse à agir dans un sens plutôt qu'un autre, à prendre une décision plutôt qu'une autre. Elle suppose donc, de la part de l'orateur, une connaissance profonde de la psychologie des auditeurs.

Elle suppose également que l'orateur soit au bénéfice d'un très vaste savoir, puisque ce dernier peut avoir à déployer ses ressources dans toutes sortes de contextes. Dans le De Oratore, Cicéron énumère d'ailleurs les qualités de l'orateur idéal. Celui-ci doit exceller en philosophie, en grammaire, en musique, en mathématique, en géométrie, en art dramatique, en droit, en danse, en histoire... Cette figure idéale dit bien le caractère central et transdisciplinaire de la rhétorique.

Dès l'Antiquité classique, la rhétorique constitue donc un véritable empire, non seulement parce qu'elle est transdisciplinaire, mais aussi parce qu'elle comprend plusieurs territoires qui se recoupent et sont complémentaires.

Elle s'étend tout d'abord à l'art de bien dire, de bien savoir s'exprimer en public. C'est l'art pratique de l'orateur qui se soucie d'expressivité.

Elle s'étend plus généralement à l'art de persuader, d'influencer le destinataire du message par toutes sortes de techniques, verbales et non verbales. À ce titre, le maintien corporel, les gestes, les mimiques et l'image en relèvent s'ils sont destinés à emporter l'adhésion d'un public. Elle se définit alors comme l'art du rhéteur et sa fonction devient didactique plus que pratique: le rhéteur enseigne en effet les techniques efficaces permettant de persuader, sans pour autant pratiquer lui-même l'art oratoire.

Enfin, elle constitue une théorie générale de la réception des discours, dans la mesure où la pratique oratoire et la didactique de la persuasion n'ont de sens que rapportées aux effets produits par un message sur ses destinataires.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004