Méthodes et problèmes

La voix narrative

Jean Kaempfer & Filippo Zanghi, © 2003
Section de Français – Université de Lausanne

IV.2.1. Fiction et autobiographie

D'un point de vue narratologique, rien ne permet de faire la différence entre un récit de fiction à la première personne et un récit autobiographique, dans la mesure où le premier est une simulation délibérée et artificielle du second (Cohn, 53). Leur différence ne tient qu'au statut de celui qui dit je. Dans une autobiographie, je est un locuteur réel. Il est reconnu comme tel grâce à un pacte autobiographique (Lejeune) qui assure, sur la couverture ou au début du texte, l'identité de l'auteur, du narrateur et du personnage. Cette identité est celle du nom propre.

Dans la fiction, le pacte autobiographique (simulé) se double d'un pacte fictionnel qui consiste précisément à changer de nom. Quand on lit sur la page de titre: Thomas Mann, Les Confessions du chevalier d'industrie Felix Krull, on sait qu'il s'agit bien d'un roman. Le titre de Mann [...] présente [...] l'indice essentiel de la fiction en régime de première personne: la création d'un locuteur imaginaire. Tant que ce locuteur est nommé, dans l'appareil titulaire ou dans le texte, et tant qu'il porte un nom différent de celui de l'auteur, le lecteur sait qu'il n'est pas supposé prendre ce discours pour un énoncé de réalité. (Cohn, 55)

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004