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Déchiffrer l’émergence de la diversité neuronale

Le développement du cortex cérébral joue un rôle central dans l’évolution des espèces, en particulier chez l’homme. C’est pourquoi les scientifiques étudient sa microstructure le plus précisément possible. Des neuroscientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) ont analysé la diversité des neurones de cortex, plus précisément les interneurones inhibiteurs, lors de la période de développement qui entoure la naissance. Ils ont ainsi découvert l’émergence de trois sous-groupes principaux d’interneurones en décodant l’expression de gènes propre à chacune des cellules, ainsi que leur localisation précise et parfois inattendue dans le cortex. Ces résultats, à lire dans la revue Nature communications, ouvrent la voie à une compréhension plus précise des mécanismes cellulaires à la base de maladies neuro-développementales, tels que l’autisme et la schizophrénie. Ils permettront en effet aux chercheurs de découvrir comment des perturbations génétiques interviennent lors de l’émergence de sous-types neuronaux, afin d’y agir directement.

Notre cortex cérébral est constitué de deux types principaux de neurones : les excitateurs (80%), responsables de l’activité cérébrale, et les inhibiteurs (20%), chefs d’orchestre qui dirigent l’activité des excitateurs. La richesse du fonctionnement de notre cerveau dépend dès lors de cette diversité neuronale, constituée de nombreux sous-groupes de neurones excitateurs et inhibiteurs. L’équipe d’Alexandre Dayer, professeur aux Départements de psychiatrie et des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE, s’est intéressée aux neurones inhibiteurs lors de la phase périnatale, soit juste avant et juste après la naissance. En effet, chez l’adulte, plus d’une vingtaine de sous-types de ces neurones sont répertoriés. Mais quand apparaissent-ils ? Quand se différencient-ils les uns des autres ?

« Pour découvrir cela, nous avons rendu les neurones inhibiteurs phosphorescents chez des souris. Nous avons ensuite choisi trois âges d’étude: juste avant la naissance de la souris, à deux jours et à cinq jours. A l’aide de la technique dite de cytométrie de flux, nous avons isolé les neurones qui nous intéressaient, puis nous avons étudié l’expression génique de chacune de ces cellules sélectionnées », explique Alexandre Dayer. En effet, la diversité moléculaire commence aujourd’hui à être disséquée grâce à des outils permettant l’analyse génomique d’une cellule unique.

Séquencer toutes ces cellules uniques a permis aux scientifiques d’identifier trois groupes de neurones, plus précisément dans les jours qui suivent la naissance. Ils ont aussi découvert que la localisation de ces trois sous-types d’interneurones inhibiteurs varie en fonction de leur identité génétique. « Ce qui est surprenant, c’est que l’un des groupes identifiés se situe dans la matière blanche, et non dans la matière grise, comme c’est le cas habituellement », ajoute le professeur Dayer. En effet, la matière blanche contient les nombreuses fibres qui permettent de transmettre les informations de l’activité neuronale qui, elle, prend naissance dans la matière grise. Reste à savoir encore, pour les neuroscientifiques de l’UNIGE, quel rôle joue ce groupe neuronal à cet emplacement et quand est-ce que les autres sous-types de neurones inhibiteurs apparaissent dans le temps.

Une nouvelle base de données

Les analyses détaillées de l’expression génique de chaque cellule appartenant à ces trois groupes d’interneurones inhibiteurs sont mises à disposition de la communauté scientifique sur un site internet. En effet, ces recherches sont importantes dans l’étude de maladies neuro-développementales, car les interneurones corticaux sont une cible privilégiée dans les maladies psychiatriques telles que l’autisme et la schizophrénie. « Grâce au séquençage de cellules uniques, nous avons pu cartographier l’expression de gènes pour chaque cellule à un temps donné pendant le développement normal. Dorénavant, nous allons pouvoir comparer les cellules perturbées par une maladie lors du développement embryonnaire à cet atlas de référence », explique Alexandre Dayer. Les catégories de neurones étudiées par les chercheurs de l’UNIGE jouent donc un rôle-clé dans le développement de ces troubles. Il s’agira à présent de trouver à quel stade de développement apparaît la perturbation génétique, puis de mettre au point des thérapies qui cibleront directement les cellules concernées à des temps développementaux précis. C’est dans cette direction que les futurs travaux de l’équipe du professeur Dayer s’orientent, dans le cadre du Pôle de recherche national Synapsy.

Illustration: Les interneurones inhibiteurs exprimant une molecule fluorescente (en vert) sont distribués dans le cortex cérébral. Ces cellules ont pu être isolées individuellement et le séquençage par cellule unique a révélé des gènes spécifiquement exprimés (en blanc) dans des sous-classes d’interneurones. ©  Dayerlab UNIGE.

30 janv. 2017

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