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Le «super génome» des trisomiques

Des chercheurs de l’UNIGE et de l’UNIL ont découvert que le génome des personnes trisomiques est d’une excellente qualité, ce qui leur permet de survivre à la grossesse.

La trisomie 21, ou syndrome de Down, est une maladie génétique qui consiste en l’addition d’un troisième chromosome 21. Bien que cette anomalie génétique concerne une naissance sur 700, seul 20% des fœtus atteint de trisomie 21 arrive à terme. Mais comment parviennent-ils à survivre au premier trimestre de grossesse, malgré ce lourd handicap ? Des chercheurs des universités de Genève (UNIGE) et de Lausanne (UNIL) ont découvert que les enfants trisomiques qui naissent possèdent un excellent génome, c’est-à-dire un génome de qualité supérieure à celui d’une personne qui n’est pas atteinte par cette anomalie génétique. Il peut ainsi compenser les handicaps induits par le chromosome surnuméraire et permettre au fœtus de survivre et à l’enfant de grandir et de se développer. Cette recherche est à lire dans Genome Research.

La trisomie 21 est une maladie génétique lourde, c’est pourquoi quatre grossesses sur cinq n’arrivent naturellement pas à terme si le fœtus en est atteint. Pourtant, 20% des enfants trisomiques naissent, grandissent et peuvent atteindre l’âge de 65 ans. Comment est-ce possible? Des chercheurs de l’UNIGE et de l’UNIL ont posé l’hypothèse d’un excellent génome chez les personnes trisomiques nées, capable de compenser les effets du troisième chromosome 21.

Variation, régulation et expression testées
«Le génome est l’ensemble du matériel génétique qui constitue l’individu, explique Stylianos Antonarakis, professeur honoraire à la Faculté de médecine de l’UNIGE et responsable de cette recherche. C’est lui qui détermine ce qui fait l’être, le fait grandir et vieillir, avec ou sans maladie. Il y a donc des génomes de meilleure qualité que d’autres, moins sujets aux maladies telles que le cancer.» En posant l’hypothèse du super génome, les généticiens ont testé la variation, la régulation et l’expression des gènes de 380 personnes trisomiques et les ont comparées à celles de personnes non atteintes par la maladie génétique.

Le premier test consistait à observer la présence de variants rares, c’est-à-dire de mutations génétiques potentiellement délétères, chez les personnes trisomiques. Il est connu qu’un même chromosome peut avoir différents variants rares sur ses deux copies. Or, chez une personne trisomique, les mutations sont identiques sur les trois copies du chromosome 21 et peu nombreuses, diminuant ainsi le nombre de variants potentiellement délétères. Dans un deuxième temps, les généticiens ont testé la régulation des gènes sur le chromosome 21. Chaque gène possède des interrupteurs qui régulent leur expression soit en positif, soit en négatif. Une personne trisomique ayant trois chromosomes 21, celui-ci est donc exprimé en surnombre. «Mais nous avons découvert que les trisomiques ont plus de régulateurs qui diminuent l’expression du gène 21, permettant ainsi de compenser le surplus induit par la troisième copie», explique Konstantin Popadin, chercheur au Center for Integrative Genomics de l’UNIL.

Enfin, les chercheurs se sont intéressés à la courbe de variation de l’expression des gènes pour les chromosomes de l’ensemble du génome. Sur une échelle allant de 0 à 100, chaque expression de gène s’inscrit dans une courbe de variation globale, dont la médiane, 50, constitue l’expression idéale. «Pour un génome normal, les expressions oscillent entre 30 et 70, alors que chez une personne trisomique, la courbe de variation présente un pic très proche de 50 pour l’ensemble des chromosomes, constate Stylianos Antonarakis. Cela signifie que le génome d’une personne trisomique tend davantage vers la moyenne et donc vers un fonctionnement optimal.» En effet, plus les variations sont faibles, meilleur est le génome.

Un génome supérieur qui compense le handicap
Ces trois tests ont permis aux généticiens de l’UNIGE et de l’UNIL de tester les trois fonctions du génome des personnes trisomiques. «Ces recherches nous ont permis de constater qu’effectivement, pour qu’un enfant atteint du syndrome de Down puisse survivre à la grossesse puis se développer, il faut que son génome soit d’une qualité supérieure, afin de compenser les handicaps induits par la copie surnuméraire du chromosome 21», conclut Konstantin Popadin. Ces résultats peuvent ensuite être transposés aux autres maladies génétiques graves, dont les grossesses parviennent à terme.

Illustration: aquarelle de Viktoria Polomoshnova, étudiante à l’Université fédérale Emmanuel Kant Baltic, Russie, dans le cadre d’un concours d’illustration de cette recherche. © Viktoria Polomoshnova

19 janv. 2018

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