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Un laboratoire virtuel réunit les meilleurs spécialistes des neurosciences

Pour comprendre comment le cerveau parvient à faire des choix, 21 laboratoires internationaux se regroupent au sein du projet International Brain Lab, pour mener en commun une expérience unique.

C’est une première dans le domaine des neurosciences : à travers le projet International Brain Lab (IBL), des chercheurs du monde entier, dont une équipe de l’Université de Genève (UNIGE), vont travailler sur un objectif commun, en suivant une méthodologie et avec des outils rigoureusement identiques. A la clé, comprendre jusqu’au niveau cellulaire la façon dont le cerveau fait des choix en étudiant l’activité de ses différentes zones et leurs interactions. IBL est un laboratoire virtuel à l’échelle mondiale qui regroupe 21 laboratoires spécialisés dans les neurosciences, répartis dans de nombreux pays : Etats-Unis, Grande-Bretagne, Portugal, France, Suisse. La moitié d’entre eux sont des laboratoires expérimentaux, l’autre moitié est centrée sur la théorie. Ensemble, ils réunissent les meilleurs spécialistes mondiaux des neurosciences. Le projet est cofinancé à hauteur d’environ 14 millions de francs par la Simons Foundation aux Etats-Unis et le Wellcome Trust en Grande-Bretagne.

Choisir est la fonction essentielle du cerveau. « La vie est une succession de choix, des plus insignifiants aux plus élaborés, mais la compréhension des processus du choix est un problème dont la complexité dépasse de loin la capacité de traitement d’un seul laboratoire. Il implique une étroite corrélation entre théorie et expérimentation, à une échelle encore jamais atteinte », explique Alexandre Pouget, professeur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE et membre d’IBL. Les laboratoires participant au projet IBL vont donc fédérer leurs compétences et travailler sur la même tâche, en partageant les mêmes outils d’enregistrement et les mêmes méthodes d’analyse. Cela permettra un échange quotidien des données sur la plateforme d’IBL. C’est une approche nouvelle pour les neurosciences, un domaine où il est difficile d’intégrer tous les résultats dans un cadre théorique commun, du fait de la diversité des outils et des méthodes d’analyse des données. Concrètement, tous les laboratoires participant au projet IBL vont mesurer l’activité neuronale chez la souris confrontée à une prise de décision très simple, afin de comprendre le fonctionnement du cerveau lorsqu’il opère un choix. Un stimulus visuel, –une bande noire sur fond blanc–, apparaitra sur un écran à gauche ou à droite de l’animal. Ce dernier devra alors tourner un petit volant en Lego pour ramener la bande noire au centre de l’écran. « Il devra donc décider si le stimulus est à droite ou à gauche, et nous informera de sa décision en actionnant le volant », poursuit Alexandre Pouget.

L’originalité de la démarche consiste à mener cette expérience dans les mêmes conditions, à travers chacun des laboratoires du projet IBL qui pourront ainsi mesurer simultanément l’activité de différentes régions du cerveau. Qu’il s’agisse de l’appareillage utilisé ou de l’entraînement des souris, tous les paramètres seront standardisés. Le protocole doit en effet être extrêmement précis, car la façon dont les animaux sont entraînés pour la tâche à accomplir détermine leur réponse et la moindre différence peut altérer la qualité des résultats. Il en va de même pour le « Behaviour Rig », l’appareil dans lequel se déroule l’expérience. Les instructions pour son assemblage ou pour la production des pièces qui le composent, souvent fabriquées grâce à une imprimante 3D mais aussi à partir de pièces disponibles dans le commerce, comme un volant en Lego, sont extrêmement détaillées pour garantir que l’appareil soit exactement le même dans chacun des laboratoires.

Une vision totalement inédite du cerveau
Les chercheurs d’IBL enregistreront simultanément l’activité de plusieurs centaines de neurones, effectuant des mesures au niveau cellulaire dans toutes les zones du cerveau; au total, ils suivront l’activité de 5’000 à 10’000 neurones sur des animaux qui effectueront exactement la même tâche. Cette vision globale du cerveau, totalement inédite, est rendue possible par la collaboration des différents laboratoires spécialisés dans l’études de zones ou de fonctions spécifiques: neuro-modulateurs, cortex frontal, stimulations visuelles.
Les laboratoires centrés sur la théorie vont développer des modèles à grande échelle de la prise de décision et mettre à disposition des chercheurs de nouveaux outils informatiques permettant la collecte et le traitement des données de façon standardisée. Le cadre théorique sera ainsi posé pour l’interprétation des données dès qu’elles seront disponibles. Les chercheurs d’IBL espèrent ainsi élaborer une théorie relativement complète de la prise de décision simple, expliquant comment chaque partie du cerveau contribue à la tâche.

Un modèle ouvert et collaboratif
Anne Churchland, professeure au Cold Spring Harbor Laboratory, New York, et chercheuse dans le projet IBL, souligne : « Nous sommes enthousiasmés par le potentiel de ce modèle ouvert et collaboratif, qui nous permettra de comprendre comment le cerveau détermine les comportements. C’est une chance unique de pouvoir ainsi réunir de grands scientifiques pour relever le défi de la complexité neurale ! »

Illustration: Hausser Lab. Une vue de cellule de Purkinje, située dans le cervelet.

21 sept. 2017

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