"C'est pourquoi célébrons la fête non comme
une solennité profane, mais d'une manière divine; non
à la manière du monde, mais d'une manière au-dessus
du monde; non comme notre fête, mais comme celle de Celui qui
est nôtre, ou plutôt comme celle de notre Maître,
non comme celle de la maladie, mais comme celle de la guérison;
non comme celle du modelage, mais comme celle du remodelage.
5. Et comment cela se fera-t-il? Gardons-nous d'orner de guirlandes
les vestibules, de réunir des churs de danse, de décorer
les rues, de régaler l'il, de charmer l'oreille, d'offrir
à l'odorat des parfums efféminés, de prostituer
le goût, de flatter le toucher: ce sont les chemins ouverts sur
le vice, et les entrées du péché; gardons-nous
de nous amollir avec un vêtement délicat et flottant -
qui n'a pour toute beauté que son inutilité -, ou bien
avec le brillant des pierres ou l'éclat de l'or ou les artifices
des couleurs qui donnent un démenti à la beauté
naturelle et qui ont été inventés contre l'image
(divine), ou encore 'avec ripailles et beuveries' auxquelles sont liées,
je le sais, 'luxures et débauches', car des mauvais maîtres
viennent les mauvais enseignements, ou plutôt des mauvaises semences
viennent les mauvaises récoltes. Gardons-nous de dresser des
lits de table élevés et d'offrir au ventre cet abri douillet;
gardons-nous d'estimer le bouquet des vins, les sortilèges des
cuisiniers, le grand prix des parfums. Que la terre et la mer ne nous
apportent pas en présents les ordures que l'on estime - c'est
de cette manière que je sais estimer les plaisirs. Ne nous empressons
pas à nous vaincre mutuellement en intempérance - car
pour moi est intempérance tout ce qui est superflu et au-delà
du besoin -; et cela quand d'autres ont faim et sont dans le dénuement,
eux qui ont été formés par le même limon
et le même mélange que nous.
6. Mais cela, laissons-le aux Grecs (=païens), laissons-le aux
pompes et aux solennités helléniques."
Grégoire de Naziance, Discours 38,4-6, dans Grégoire
de Naziance, Discours 38-41. Introduction, texte critique
et notes par Cl. MORESCHINI, traduction par P. GALLAY (Sources chrétiennes
358), Paris, Cerf, 1990, p. 111-113).