2004

Uni sans fumée: premier bilan

 

Quel bilan tirer de la campagne "Uni sans fumée", trois semaines après son entrée en vigueur? Premier constat: à quelques très rares exceptions près, l'interdiction est respectée. Inutile de dire que les non-fumeurs sont ravis. Quant aux fumeurs, ils semblent, dans leur grande majorité, avoir admis le principe, même s'ils apprécient à des degrés divers leur nouvelle situation, ainsi que la manière dont la mesure est appliquée. Les responsables de la campagne tirent donc un premier bilan très positif.

Propos d'étudiants fumeurs: "C'est bien, il faut reconnaître que l'allée centrale d'Uni Mail était vraiment enfumée et que les sols, jonchés de mégots, n'étaient pas beaux à voir." "Je ne sais pas ce que je dirai en plein hiver et en période de stress d'examens, mais pour le moment cela ne me dérange pas d'aller dehors." "J'ai de toutes manières l'intention d'arrêter, l'interdiction de fumer va m'aider." Même la Conférence universitaire des associations d'étudiants (CUAE), pourtant peu connue pour ses prises de position consensuelles, a choisi de ne pas faire de cette question un combat politique: "se battre pour l'autorisation de fumer serait un peu trop faire le jeu des cigarettiers."

"Ne me dites pas merci!"
Les membres du personnel fumeurs ont plus de difficultés à avaler la nouvelle mesure. Normal, la pause cigarette étant associée à un rituel, il est difficile de changer des habitudes cultivées pendant des années, voire des décennies. Certains enragent lorsque les non-fumeurs tiennent à les remercier. Ils n'ont pas l'impression de sacrifier leur habitude pour faire une fleur aux non-fumeurs, mais parce qu'ils n'ont pas le choix.

En revanche, les zones fumeurs qui se sont improvisées à l'extérieur immédiat des bâtiments permettent de tisser de nouveaux liens sociaux, stimulés par le sentiment d'appartenir à une minorité en voie d'extinction… "Je me suis fait plein de nouveaux amis en une semaine", entend-on ici et là.

Malgré tout, on appréhende l'arrivée des grands froids. Et certains de préconiser l'installation de chaufferettes à l'abord des zones fumeurs à l'extérieur. Pascal Garcin, chef de la Division sociale et administrative des étudiants et responsable du groupe de travail "Uni sans fumée", indique à ce sujet qu'une telle installation, qui impliquerait pourtant un investissement majeur, "fait partie des options possibles."

Soulagement
De manière générale, on sent un soulagement auprès des responsables de la campagne: "Nous ne savions pas comment les gens allaient réagir, même si les tabacologues que nous avons consultés s'efforçaient de nous rassurer", commente Tziana Farinelli Ebengo, responsable de l'Antenne santé de l'Université. Cette dernière a engagé des "étudiants patrouilleurs" chargés de diffuser de l'information aux personnes qui ne seraient pas au courant et de rédiger des rapports sur les éventuelles infractions. Sur la base de ces rapports, Tziana Farinelli Ebengo confirme que l'interdiction est respectée: "On m'a signalé des odeurs de fumée près de certains bureaux ou des mégots retrouvés dans des recoins d'Uni Mail, mais cela reste marginal".

Dans les bâtiments des Sciences, particulièrement sensibles en terme de sécurité, des problèmes ont été constatés dans les voies d'évacuation d'urgence. "Il y a là une ambiguïté que nous devrons lever", constate Tziana Farinelli Ebengo. Ces voies d'évacuation, sous forme d'escaliers fixées aux parois extérieures, sont tentantes pour les fumeurs. "A priori, il n'y a pas d'inconvénients à ce que des gens y fument", relève la responsable de l'Antenne santé, "mais c'est problématique des lors qu'on y installe tables, chaises et cendriers qui obstruent les sorties."

"Gardes-chiourme" contre relève académique?
Reste l'aspect le plus controversé: la palette de sanctions prévues pour faire respecter l'interdiction. Dans une lettre ouverte, une vingtaine de membres du corps académique dénoncent le flou existant, selon eux, dans le règlement. Ils ne remettent pas en cause le principe de la lutte contre la fumée passive, mais s'en prennent au recours à des gardiens de sécurité pour faire respecter l'interdiction.

Le recteur André Hurst ayant indiqué que les sanctions pourraient aller jusqu'à l'exmatriculation en ce qui concerne les étudiants, les auteurs de la lettre ouverte posent la question de la proportionnalité: "Les sanctions semblent optionnelles. Qui détermine quels cas seront sanctionnés? Une exmatriculation pour 3 Gauloises?" Pour André Hurst, il va de soi que la réponse est non: "Ce qui, à l'extrême limite, serait sanctionné de la sorte, ce ne serait pas un nombre de cigarettes, quelle qu'en soit la marque, mais une attitude qui consisterait, de manière insistante, à ne pas jouer avec la même règle du jeu que la collectivité dans laquelle on demande à vivre."

Sur la question du coût de l'opération "Uni sans fumée", le recteur indique que le total dépensé jusqu'à présent est inférieur à 400'000 francs, une somme qui doit être évaluée en tenant compte des 25'000 membres de la communauté universitaire. "C'est donc 16 francs qui sont dépensés par personnes et pour l'ensemble de l'opération", conclut André Hurst.

Combien d'enseignants et de bourses auraient pu être engagés à la place des "gardes-chiourmes" évoqués par les auteurs de la lettre ouverte? "On peut certes en faire le calcul, mais c'est un calcul un peu vain: combien d'œuvres charitables pourrions-nous soutenir de nos deniers si nous allions nus au lieu de gaspiller tout cet argent à nous vêtir?", répond le recteur, qui rappelle que la campagne est fondée sur le respect mutuel. Pascal Garcin indique d'ailleurs que "si la campagne continue à rencontrer l'extraordinaire succès que l'on constate depuis une quinzaine de jours, nous envisagerons une levée partielle du dispositif d'information et de contrôle."


Une mesure qui fait couler de l'encre:
> Lettre ouverte, "Pour une université sans gardes-chiourmes"
> La réponse du recteur André Hurst
> Règlement interne relatif à la protection des non-fumeurs dans les locaux de l'Université de Genève

Jacques Erard
Université de Genève
Presse Information Publications
Novembre 2004

10 novembre 2004
  2004