2005

L'animalerie du CMU

Dans les sous-sols du CMU, près de 15'000 souris vivent en silence … Un silence très relatif puisque de nombreux couinements et grattements se font entendre dès que les lumières s'éteignent. Des milliers de souris, quelque 1000 rats et deux-trois "mini-pigs" - une race porcine de faible poids - se partagent les 900 m2 de l'animalerie de la Faculté de médecine. Des animaux qui apportent chaque jour leur contribution à la recherche fondamentale, à la chirurgie expérimentale, aux études sur les maladies et leur traitement ainsi qu'aux recherche sur le développement. Visite avec Patrick Bonfils, responsable du service de zootechnie et Isabelle Bolon, vétérinaire et responsable scientifique de l'animalerie.

Ouverture de la première cellule et rencontre avec C57BL/6, la "souris noire". Cette lignée, la plus populaire auprès des chercheurs, est la seule qui est élevée par le service. "Il existe près de 400 lignées de souris de type sauvage. Beaucoup de nos animaux sont achetés à l'extérieur" explique Isabelle Bolon. Les coûts de fonctionnement de l'animalerie sont répercutés sur chaque groupe de recherche au travers d'un prix de séjour pour chaque pensionnaire dont l'équipe prend soin.

Constance, rigueur, dévouement et respect de l'animal, voilà les qualités qui sont demandées aux gardiens d'animaux, une formation de trois ans qui débouche sur un CFC. Deux apprentis sont d'ailleurs en formation dans l'institution. Entre la petite animalerie de la Tulipe, la ferme d'élevage de Plan-les-Ouates et les sous-sols du CMU, ce sont près de trente personnes qui bichonnent quotidiennement les rongeurs et les porcs qui serviront ensuite la science. "Les chercheurs devraient tous venir faire un stage d'une semaine dans l'animalerie avant de commencer leurs travaux. Ils se rendraient alors compte du travail que cela représente: 8000 cages nettoyées chaque semaine, des milliers de biberons d'eau à changer, 100 kilos de granulés grignotés chaque jour par nos pensionnaires, sans parler de tous les cas spécifiques suivant les recherches effectuées" raconte Patrick Bonfils en ouvrant quelques cages.

Animalerie en danger
Le véritable souci porte sur les maladies qui pourraient s'avérer catastrophiques pour les recherches menées. Un problème récurrent dans toutes les animaleries. Pour y remédier, des suivis sanitaires sont effectués régulièrement, les animaux nouvellement arrivés sont placés en quarantaine, des endroits "pathogen free" sont réservés aux spécimens les plus précieux. "Même lorsque les animaux ne présentent pas de symptôme de maladie, ils peuvent être porteurs de virus qui risquent d'interférer sur les expériences menées" déplore Isabelle Bolon.

Comment les animaliers assurent-ils la reproduction des rongeurs? Si les souris sont livrées à elles-même dans ce domaine - un mâle et une femelle étant simplement réunis dans une cage - il en va autrement chez les rats. Patrick Bonfils nous révèle son truc: "Il faut trouver une femelle en chaleur, une opération dont le succès est plus fréquent à 6h du matin. Plusieurs femelles sont placées au contact d'un mâle, toute l'astuce consistant à repérer celle qui frétille alors des oreilles. Celle-ci sera ensuite placée avec le mâle dans une cage séparée."

Une législation rigoureuse
Quant aux adversaires de l'expérimentation animale, s'ils venaient manifester sous les fenêtres des laboratoires il y a vingt ans, ils sont bien moins actifs aujourd'hui. Les temps ont changé. "Les lois sur la protection des animaux sont plutôt sévères et sont particulièrement strictes à Genève" explique Patrick Bonfils. A titre personnel, il estime que s'il faut effectivement ne pas être trop émotif pour effectuer ce travail - la science exigeant parfois d'euthanasier des animaux - une certaine sensibilité est néanmoins nécessaire pour mener sa tâche à bien.

Sur le plan légal, chaque expérience doit être d'abord validée par une commission d'éthique, puis une autorisation doit être demandée à l'Office vétérinaire cantonal et une commission de contrôle peut venir à tout instant suivre les expériences et inspecter les hébergements. "Nous pensons également à améliorer l'environnement de nos pensionnaires en mettant des "jouets" à leur disposition, mais il faut se montrer prudent, toute perturbation pouvant avoir des répercussions directes sur les expériences en cours." Quant aux conditions d'hébergement des animaux, tout est sous contrôle: cycle jour/nuit de lumière artificielle, maintien de l'hygrométrie et de la température. "Malgré ces précautions, on constate une baisse saisonnière de la productivité des élevages." Un phénomène inexpliqué selon Isabelle Bolon.

 

Une coordination lémanique pour réduire les coûts et améliorer les prestations
Fin 2004, les partenaires du programme Sciences-Vie-Société (SVS) ont signé une convention établissant les bases d'un Réseau d'animaleries lémaniques (RAL). Cette coordination permettra de rationaliser les investissements, tout en améliorant les prestations, ainsi que la qualité d'hébergement des animaux. Outre les trois partenaires SVS, à savoir les universités de Lausanne et de Genève, ainsi que l'EPFL, quatre autres institutions régionales sont signataires: l'Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC), l'Institut Ludwig, le CHUV et les HUG.

Le RAL prévoit une formation coordonnée pour les chercheurs amenés à utiliser ces services. La mise en place d'une centrale d'achat pour la fourniture en matériel permettra d'effectuer des commandes groupées qui réduiront les factures.

Les animaleries sont des zones sensibles sur le plan sanitaire; l'Université avait jusqu'à présent recours à des ressources externes pour les analyses microbiologiques. Cela impliquait des délais de réaction relativement longs et des coûts élevés, ce d'autant plus que les compétences dans ce domaine sont rares. Le programme SVS a permis d'engager une vétérinaire pathologiste ainsi qu'un biologiste qui ont mis sur pied une plateforme de diagnostic vétérinaire. Leur mission est d'assurer le suivi sanitaire des animaleries du Réseau et d'aider les chercheurs dans l'analyse de leurs modèles animaux.

Enfin, l'harmonisation des procédures et des pratiques en matière d'hébergement des animaux facilitera les relations avec les autorités politiques et légales, tout en satisfaisant les critères les plus élevés quant au traitement des animaux.

16 février 2005
  2005