Les discours

Discours du recteur
André Hurst >>>

Discours du président du Conseil de l'Université Roger Mayou >>>

Discours du Conseiller d'Etat en charge du DIP Charles Beer >>>

"Rapport circonstancié sur l'attribution d'un doctorat honoris causa à Madame Françoise Tulkens"
Par Robert Roth, doyen de la Faculté de droit >>>

"Laudatio pour le prof. Maurice Levy-Leboyer"
Par Pierre Allan, doyen de la Faculté des SES >>>

Discours prononcé par Gabrielle Rivier, étudiante de la Faculté de théologie >>>

Allocution du recteur André Hurst

Il faut avoir le courage de le dire :
L’an dernier, nous avons signalé un incident de sabotage dans l’un de nos laboratoires et nous avons mis en  lumière les risques que fait courir à l’Université le climat féroce de concurrence qui règne dans le domaine scientifique.

Cette année, c’est un autre risque qui a refait surface : celui des comportements malhonnêtes de certains membres de la communauté universitaire.

Certes, personne n’a jamais prétendu que les membres de la communauté universitaire seraient parfaits. Il se trouve cependant que l’université est un organe de la collectivité dont les responsabilités scientifiques, les responsabilités d’enseignement, reposent sur l’honnêteté intellectuelle, et que certains des faits mis à jour, actuellement sous examen, certaines pratiques remontant à plusieurs années doivent faire l’objet d’une clarification et de mesures appropriées. Le grand économiste américain John Kenneth Galbraith l’a noté dans un ouvrage récent :seuls les domaines de la culture, de l’art, de l’éducation et de la science sont soumis à des critères de succès plus exigeants que la réussite économique.  C’est l’exigence la plus haute, et l’on ne saurait tolérer de comportements incompatibles avec elle. Le courage de dire ne suffira plus, il faudra celui d’agir. Et d’agir dans la durée.

Il faut avoir le courage de le dire :
Les faits en question touchent une partie d’une institution qui offre des places de travail à environ cinq mille personnes et qui attire chaque année sur le territoire du canton plus de trois cents millions de francs. L’essentiel se porte fort bien, mais on le sait : lorsqu’on a mal à une seule dent, on souffre de tout son corps, et l’on oublie même, et peut-être surtout, les parties bien portantes. L’Université de Genève est ballottée par des vents qui agitent le monde universitaire suisse romand à des degrés divers, et cependant les quinze mille étudiants de notre université suivent des cours et des séminaires, l’introduction de la réforme de Bologne a coûté un effort énorme à tout un chacun, du personnel administratif à l’ensemble des enseignants et des chercheurs, mais c’est désormais chose faite. Les laboratoires et les bibliothèques fonctionnent au service de la recherche.

Rappelons-le : la loi donne pour tâches essentielles à l’Université l’enseignement et la recherche. Elle lui prescrit également de développer et de diffuser une culture fondée sur les connaissances scientifiques et de faire prendre conscience de la responsabilité que les chercheurs, les enseignants et les étudiants assument envers la société.
Ces tâches tiennent au cœur de tous les membres de la communauté universitaire, une communauté qui se conçoit comme un service de la société tout entière. Chaque année, il sort de l’Université le médecin qui vous soignera lorsque vous en aurez besoin, le maître d’anglais ou de mathématiques qui suivra les progrès de nos enfants, et ainsi de suite.

Il faut avoir le courage de le dire :
Notre manière de nous gérer ne convient plus pour relever les défis auxquels nous devons faire face : concurrence internationale pour avoir les meilleurs collaborateurs possibles pour former nos étudiants, moyens à mettre en jeu pour supprimer les « branches mortes » et donner l’impulsion nécessaire aux secteurs porteurs, décisions d’alliances interuniversitaires autour de programmes communs qui doivent remplacer le « chacun pour soi » nuisible au bon usage des deniers publics, et ainsi de suite.

Le mot de « gouvernance » est sur toutes les lèvres : le simple de fait de le prononcer donne à certains l’impression d’avoir activé une formule magique, c’est l’abracadabra de la bonne manière de gérer. Sans donner dans ce travers, on relèvera que les institutions de notre Université sont extrêmement difficiles à faire fonctionner, désuètes, et qu’elles relèvent en fait de deux conceptions antagonistes. Il y a d’un côté la référence à l’esprit des événements de mai 1968, fondement de la loi de 1973 sous laquelle nous fonctionnons largement, avec des assemblées qui font monter des propositions endossées ou non, critiquées ou non aux échelons de la hiérarchie jusqu’au moment où elles deviennent décisions soit au niveau de l’université soit au niveau du Conseil d’Etat. Il y a d’autre part un virage en direction de l’esprit « top down » inspiré du néo-libéralisme et qui devrait conférer au rectorat des moyens nouveaux. En fait, tel n’est pas le cas dès lors que le reste de la loi n’a pas vu son esprit changé. Nous ne pouvons continuer à vivre avec ces contradictions qui mettent en porte à faux les uns avec les autres ceux-là mêmes dont on attend qu’ils prennent les décisions stratégiques et les responsabilités de management indispensable à la bonne progression de l’institution universitaire. Même ceux qui ont voté ces lois se mettent à en montrer les défauts.

Il faut avoir le courage de le dire.
L’enjeu de la réputation d’une université, c’est l’avenir de ses étudiants, l’avenir de ses diplômés. On sait quelles luttes féroces se mènent les célèbres trois universités le mieux cotées des Etats-Unis, simplement appelées  « Les Trois » (Harvard, Yale, Princeton) du fait qu’un diplôme obtenu dans l’une de ces institutions est une clé censée ouvrir toutes les portes.
Les diplômés de Genève occupent parfois des positions prestigieuses : on songe à Kofi Annan, à Manuel Barroso, mais ils sont des milliers à rendre d’importants services à la collectivité, y compris lorsqu’ils apportent à l’Université leur regard critique.

C’est donc pour nos étudiantes, pour nos étudiants, pour le rôle qu’ils et qu’elles joueront au service de tous que nous avons surtout le devoir d’évoluer, et d’évoluer rapidement.

Rappelons cependant quelques avancées accomplies cette année dans notre université, et qui démontrent justement cette capacité :
Une chercheure a trouvé une piste qui doit permettre d’inverser le besoin de consommer de la cocaïne.

Des sociologues ont apporté une pierre essentielle à notre conception de la pénalité, ainsi qu’aux désillusions liées à cette idée en Suisse romande
Nos astronomes, dont le professeur Michel Mayor, ont découvert un nouveau système solaire, celui qui ressemble le plus au nôtre parmi tous ceux qui ont fait l’objet d’examens depuis la découverte, par ce même collègue, de la première planète extra-solaire il y a dix ans.

De nombreux collègues ont été l’objet de distinctions internationales, tel Denis Duboule, nommé membre étranger honoraire de l’Académie américaine des arts et sciences.

On pourrait continuer la liste, mais chacun aura compris.

Enfin, il faut aussi avoir le courage de le dire : la confiance doit renaître, au-delà des événements qui ternissent en ce moment l’image de l’Université. Il y faudra de l’endurance. Nous avons une pente à remonter, ce n’est pas le moment de baisser les bras. Il s’agit bien plutôt d’instaurer dans la durée et dans l’ouverture la plus totale un dialogue avec toutes celles et tous ceux qui voudront apporter leur pierre à l’édifice. En 2009, c’est-à-dire demain, l’Université fêtera ses 450 ans. D’ici-là, elle doit redevenir l’université de toute la collectivité, toutes critiques entendues, toutes conséquences tirées de ce qui nous arrive aujourd’hui. Et comme l’a dit un sage : tout ce qui ne nous détruit pas nous rend plus forts.

André Hurst