Les discours

Discours du recteur
André Hurst >>>

Discours du président du Conseil de l'Université Roger Mayou >>>

Discours du Conseiller d'Etat en charge du DIP Charles Beer >>>

"Rapport circonstancié sur l'attribution d'un doctorat honoris causa à Madame Françoise Tulkens"
Par Robert Roth, doyen de la Faculté de droit >>>

"Laudatio pour le prof. Maurice Levy-Leboyer"
Par Pierre Allan, doyen de la Faculté des SES >>>

Discours prononcé par Gabrielle Rivier, étudiante de la Faculté de théologie >>>

Allocution du doyen Roth

Les droits de l'homme – ou les droits humains – sont-ils en danger aujourd'hui dans le monde occidental? Si tel est le cas, ils ne trouveront pas de défenseur plus efficace et com­pétent que Françoise Tulkens.

Gardienne de la plus belle tradition européenne, celle des droits de l'homme, Mme Tulkens est avant tout une universitaire. Une universitaire enracinée dans son terroir, la Belgique et le droit. Docteur en droit et licenciée en criminologie de l'Université catholique de Louvain, Françoise Tulkens est également avocate au Barreau de Bruxelles. Elle gravit les échelons à l'Université catholique de Louvain, jusqu'à sa nomination en tant que professeur ordinaire en 1991. Dès ce moment, les invitations pleuvent: Françoise Tulkens est professeur invité dans de nombreuses universités francophones, des deux côtés de l'Atlantique, puisque la profes­seure Tulkens entretient des contacts étroits avec ses collègues canadiens, et en particulier québécois; Paris I, Robert-Schumann à Strasbourg, Rennes, Université d'Etat de la Louisiane Universités de Montréal et d'Ottowa  et, last but not least, Genève où elle vient enseigner la criminologie en 1994 et 1995. Ces enseignements ont marqué durablement les nombreux étudiants qui le suivent, en provenance de trois facultés, médecine, fapse et droit. Françoise Tulkens est également titulaire en  2001 de la chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, qui la conduit à enseigner sur le sol africain, à Cotonou (Bénin).

La carrière de Françoise Tulkens connaît dans les années quatre-vingt-dix deux virages, qui vont en faire un personnage public: en 1996 et 1997, elle est invitée en tant qu'expert auprès de la commission parlementaire constituée à la suite de ce qu'il est convenu d'appeler l'af­faire Dutroux; ses prestations, retransmises par la télévision impressionnent profondément les parlementaires et le public; aussi, quand l'année suivante le siège belge est à repourvoir au sein de la Cour européenne des droits de l'homme, elle est élue pour un premier mandat, mandat qui sera brillamment reconduit en 2004. C'est au sein de la prestigieuse juridiction garante des droits de l'homme que Françoise Tulkens va définitivement acquérir sa dimen­sion de "grande dame" du droit. Son influence sur la jurisprudence, pour s’inscrire dans la tradition des illustres magistrats belges qui l’ont  précédée à la Cour (W. Ganshof van der Meersch, J. de Meyer), est manifeste; ses opinions individuelles, qu'elles soient convergen­tes ou dissidentes, suscitent la réflexion, dans la doctrine comme dans les auditoires d'étu­diants. Nous nous limiterons à en mentionner deux, particulièrement évocatrices.

Dans l’arrêt Pellegrin c. France du 8 décembre 1999, Françoise Tulkens développe une approche large et libérale de la notion de droits et obligations de caractère civil (art. 6 par. 1 CEDH) en faveur, en l’occurrence, l’application de la garantie du procès équitable aux membres de la fonction publique.

Plus récemment, dans l’arrêt rendu par la Grand Chambre de la Cour dans l’affaire Sahin c. Turquie, Françoise Tulkens se livre à un plaidoyer aussi vibrant que convaincant sur la question délicate de la laïcité de l’enseignement universitaire, en démontrant que l’exclusion des études de médecine d’une jeune musulmane contrevient de manière évidente à la liberté religieuse. Il fallait un courage et une force de conviction exemplaires pour aborder, tout élément passionnel mis de côté, un sujet aussi délicat sur la seule base des garanties fon­damentales qu’un Etat de droit respectueux des convictions individuelles les plus sacrées et les plus intimes ne saurait négliger.

La professeure Tulkens  impressionne ceux qui ont le plaisir de la connaître non seulement par sa compétence et sa gentillesse, mais aussi par son inépuisable énergie, que son in­tense activité judiciaire n'est pas parvenue à étouffer. Elle continue à intervenir dans le débat public, dans la mesure compatible avec son mandat, et à enseigner ses matières de prédi­lection, non plus sous la forme de cours réguliers mais en multipliant les conférences. Notre Faculté a régulièrement eu le privilège de l'accueillir, pour des interventions, qui sont toujours de véritables leçons.

Françoise Tulkens est également très présente dans la littérature. Elle est co-auteur d'un précis classique de droit pénal, régulièrement réédité, ainsi que d'un ouvrage important sur le droit de protection de la jeunesse. Ses articles sur des sujets de droit pénal, de criminologie et de droit des droits de l'homme sont connus et reconnus sur le plan international.

La Faculté est honorée de pouvoir marquer à Françoise Tulkens sa reconnaissance pour tout ce qu'elle apporte à la vie juridique européenne.

Robert Roth