Les discours

Discours du recteur
M. Jacques Weber >>>

Allocution du président
du Conseil de l'Université
M. Roger Mayou >>>

Discours du président
du Conseil d'Etat
M. Charles Beer >>>


Discours prononcé par
Mme Céline Dehavay, étudiante
de la Faculté des sciences >>>

Remerciements par
Mme Collette Rolland,
Docteur honoris causa >>>

Laudatio pour le Prix Latsis,
attribué à Mme Valérie Junod >>>

Remise de la Médaille de l'Université au prof. André Maeder >>>

Laudatio pour le Prix
Mondial Nessim Habif,
attribué à M. Vaughan Jones >>>

Madame la Présidente du Grand Conseil,
Monsieur le Procureur général,
Monsieur le Juge fédéral,
Monsieur l'ancien conseiller d'Etat (D. Föllmi)
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les recteurs, présidents, vice-recteurs, doyens, des universités suisses et écoles polytechniques fédérales,
Mesdames et Messieurs les professeurs, étudiants et amis,
Mesdames et Messieurs,

A l'occasion du Dies Academicus, l'héritage académique et le cérémonial de l'Alma mater font à nouveau irruption sur le devant de la scène (je veux parler des robes des Recteurs et Doyens, des associations portant couleurs et de l'étiquette un peu traditionaliste de la manifestation). Il est à mon avis légitime de rappeler ainsi que l'Université a bien été créée à l'aube des Temps modernes, et que pour nous à Genève, c'est en effet l'institution de l'Académie de Calvin, créée en 1559, qui est présente au travers de cette étiquette colorée et du sceau de l'Université que nous accueillons avec respect.

Mais ce "cérémonial" témoigne aussi de la continuité de l’enseignement supérieur, continuité que le Conseil d’Etat tient à préserver, parce qu’elle témoigne des valeurs auxquelles le gouvernement, comme l’ensemble des Genevois, restent fortement attachés. Ces valeurs sont autant de points de repères puissants dans les périodes de transition que nous vivons. C’est en effet d’une transition d'abord entre deux équipes dont il sera question aujourd’hui, ainsi que d’une transition entre deux législations d’autre part sur laquelle je reviendrai plus longuement.

La transition des équipes d'abord. Je dois ici vivement remercier le Recteur Jacques WEBER, ses trois vice-recteurs (les professeurs Anik de Ribaupierre, Jean Kellerhals, Charles Bader, les deux doyens-associés, les professeurs Robert Roth, et Jean-Louis Carpentier), qui ont accepté le 30 août 2006 de reprendre les rênes de l'institution dans des conditions très difficiles. La personnalité du Recteur WEBER, qui avait déjà fait ses preuves en qualité de Doyen de la Faculté des sciences, s'est confirmée comme une nature paisible et sereine. Il aura traversé de nombreuses  tempêtes durant ces neuf mois, mais toujours le "capitaine au long cours" s'est imposé. Je le remercie vivement.

La nouvelle équipe du professeur Jean-Dominique VASSALLI qui se présentera lors d'une conférence de presse traditionnelle à la rentrée. Une tâche énorme l'attend, je lui fais entière confiance, je la soutiendrai vigoureusement, puisque c'est elle qui devra mettre en place la nouvelle loi sur l'université.

Mais c’est la transition des législations qui fait aujourd’hui débat et attire tant d'attention. Elle va se jouer sur les trois thèmes suivants :

  • la relation entre la Cité et l’Université,
  • la démocratisation des études,
  • l’investissement dans la recherche.

 

Un changement profond de la législation universitaire est aujourd’hui requis, le Conseil d’Etat en est parfaitement conscient et pilotera cette réforme.
Depuis l’Académie de Calvin en 1559, les différents modèles qui ont été le ciment de l’université ont tous puisé leurs racines dans ce lien fondamental entre l’université et la Cité :

    • Premier modèle dans le temps : l’Académie de théologie, la formation des pasteurs est la base de toutes les sciences humaines et mêmes expérimentales;
    • Deuxième modèle dans le temps (apparu en parallèle avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat dont on fête le centenaire), à la fin du XIXème siècle, l’université de Humboldt. C'est une bureaucratie complètement intégrée à l’Etat, mais dans laquelle les professeurs jouissent d'extrêmes privilèges concrétisés par des chaires et la liberté académique qui les entoure.
    • Troisième modèle développé en même temps que l’université de masse, dans la foulée de Mai 68, une augmentation considérable du nombre d’étudiants couplée avec une perte de pouvoir des élites intellectuelles.
    • Enfin quatrième modèle dont il faut débattre dans l’actualité, l’université invente des structures autonomes, elle se montre déterminée à créer ses propres normes de gestion et de développement afin de les façonner dans le même ciment que celui qui produit le savoir scientifique. Cette auto-détermination doit cependant rester fortement "enracinée" dans le contrôle du Parlement et du Gouvernement, garants de l'Etat démocratique.

Le Conseil d’Etat relève le défi. Il a pris la mesure de la crise que l’université a traversée en 2006. Avec vous, il se souvient, et des faits et des actions entreprises, il y a exactement une année. Je déclarais solennellement, le 25 mai 2006, devant le Grand Conseil vouloir dénoncer au Procureur général les irrégularités susceptibles de sanctions pénales, vouloir charger M. Thierry Béguin ancien président du Conseil d'Etat et ancien procureur général neuchâtelois, d'une enquête couvrant notamment l'ensemble des éléments susmentionnés et finalement le 26 juillet 2006, vouloir charger une commission externe de rédiger un avant-projet de loi sur l'université

Aujourd’hui, les résultats sont là, la confiance est restaurée, nous pouvons travailler d'arrache-pied à la nouvelle législation. L'autorité pénale a classé sans suite six procédures pénales sur les dix ouvertes (trois dossiers nominatifs sont encore en suspens et une plainte contre inconnu est à l'instruction). Le Rapport de Monsieur Thierry Béguin a été déposé le 10 janvier 2007. Le rapport de la commission externe chargée de rédiger un avant-projet de loi sur l’université, sous la présidence de Madame l'ancienne Présidente de la Confédération Ruth Dreifuss, a été déposé le 31 mars 2007. Rendez-vous pris, rendez-vous tenus!

Les débats très larges et publics ouverts depuis le 5 avril sur l'avant-projet de loi sur l'université, me conduisent à vous proposer aujourd'hui une réflexion en trois points.

La relation entre la Cité et l’Université
Si l'Etat démocratique moderne affirme que l'enseignement supérieur est un service public ouvert à tous ceux qui en remplissent les conditions d'accès, il doit veiller à garantir les ressources de l'institution et l'offre de formation supérieure. C'est pourquoi, l'autonomie de l'Université telle qu'elle est rediscutée aujourd'hui autour de l'avant-projet de loi, a pour objectif d'améliorer la gouvernance de l'institution, de la rendre transparente, de permettre à ses membres, comme aux citoyennes et aux citoyens de comprendre ce qui revient au politique, ce qui revient à l'université. L'ordre de rattachement de l'institution à l'Etat est fondamental, celui-ci "confie une tâche d'intérêt public" à un "groupement académique organisé", il ne s'en détache pas et reste le mandant. Pierre angulaire de cette relation : la convention d'objectifs énumérera tous les objectifs essentiels que l'Etat démocratique veut voir remplis par son université et pour lesquels il sollicite le contribuable.

Démocratie et études
Notre université existe avant tout pour ses étudiants, autant que pour participer à l’aventure mondiale de la Science. Je défendrai donc avec conviction l'accès aux études, la démocratisation des études, je m'adresserai à la communauté des 14'418 étudiants de l'université de Genève, je leur dirai que je partage leur volonté d'acquérir un bagage critique de connaissances qui leur permette de participer aux grands débats des Temps modernes. Je comprends leur souci d'entrer sur le marché du travail et je partage la demande qu'ils adressent à l'université d'aujourd'hui - réformes de Bologne et l'allongement de la durée des études à l'esprit - de rester au centre de ses préoccupations. Je dirai aussi aux étudiantes et aux étudiants qu'ils trouveront également la confiance partagée de la Cité, c'est-à-dire leur intérêt et leur bonheur dans une université dont les enseignants seront en contact avec la pointe de la science moderne, dont les travaux de recherche leur apporteront le vent du large, et dont la régulation interne sera celle d'une société attestant de la prééminence de l'éthique.

Concrètement, la proposition de la commission externe de laisser à l'Assemblée de l'Université le soin de fixer le montant des taxes universitaires, même sous réserve de l'approbation du Conseil d'Etat, a provoqué de vives oppositions, de larges doutes. Alors que certains estiment que la formation universitaire devrait être gratuite et financée par l'impôt, d'autres s'enflamment en exigeant que parmi les étudiants venus d'ailleurs, seuls les plus fortunés puissent continuer d'user leurs fonds de culottes sur les bancs de notre université. Le processus législatif tranchera cette question. Si je ne peux suivre, sans autre, l'une ou l'autre de ces voies, vous savez sans doute de quel côté mon cœur balance…    

L’investissement dans la recherche
L'université de Genève a convaincu le Fonds national suisse de la recherche scientifique de lui confier la responsabilité et le développement de trois Programmes nationaux de recherches. Cette décision du FN augmente de 45 millions sur quatre ans les montants disponibles pour la recherche dans ces secteurs. Ces 45 millions eux-mêmes ont été doublés jusqu'en 2008 par l'apport de fonds privés attirés par ces recherches.

Pour être en mesure de faire toujours aussi bien, toujours mieux, je propose aux partenaires politiques de l’université et aux acteurs internes de l’institution une attitude pragmatique de "confiance partagée" à même de mettre en évidence aussi bien les "percées" des sciences dures, que le caractère indispensable des sciences de l'homme dans une société qui récuse toute vision unidimensionnelle du progrès.

La confiance à l'intérieur de la communauté scientifique d’abord doit permettre à plusieurs chercheurs d’accorder du crédit aux résultats des recherches conduites par d’autres. La confiance est ici envisagée comme condition d'une plus grande créativité, de non-entraves à la recherche et d'une légitimité des allocations de fonds. La communauté scientifique se fixe le but de progresser dans la connaissance partagée par tous les chercheurs selon les critères de vérité.

La confiance partagée par la société civile fait, elle, appel à la capacité des chercheurs à susciter à l'égard des progrès de la science une véritable dynamique de confiance fondée sur les avantages évidents que la société recueillera des nouvelles connaissances.

Chacun sait que la Suisse se trouve à la traîne des pays européens en matière de financement de la recherche publique. Malgré cela, le Recteur Jacques WEBER disait récemment que notre université occupe la troisième place des universités généralistes, derrière Oxford et Cambridge. Pour défendre cette position, acquise dans des conditions aussi difficiles, il est urgent que l'université de Genève opère sa mue. Ainsi l'avant-projet de loi qui nous est soumis propose, et cela me semble indispensable, que le rectorat puise sa force nouvelle dans une plus forte légitimité, grâce à sa meilleure représentativité. Sur ce point central, aussi, face aux nombreuses prises de position parfois contradictoires, le dernier mot, quant au rôle des uns et des autres au sein de l'université, reviendra au pouvoir législatif. Je m'engagerai  cependant, vous pouvez en être certains, pour que la participation à l'université retrouve de sa vigueur.  

Mesdames et messieurs,
L''Université de Genève a traversé, ces douze derniers mois, la période la plus agitée de ces quarante dernières années. Une volonté agissante et nouvelle de collaboration intense entre les corps académiques et la Cité a vu le jour dans la transparence.
Attelés à la même tâche, il nous reste à réfléchir, à discuter. Mais je suis convaincu que lorsque l'heure de la décision viendra, nous serons fiers de notre projet, fiers de notre Université! 

Charles Beer