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 Communiqué de presse 

Découverte préhistorique à l'UniGe

Les Néandertaliens ont-ils contribué un peu, beaucoup ou pas du tout au patrimoine génétique de l'Homme moderne? C'est à cette question intrigante que le prof. André Langaney du Département d'anthropologie et d'écologie de l'Université de Genève et une équipe européenne viennent de répondre en comparant les analyses génétiques des fossiles de quatre Néandertaliens nouvellement étudiés, avec celles de cinq humains du paléolithique. Ces neuf nouveaux fossiles proviennent essentiellement des célèbres collections du Musée de l'Homme de Paris et de Croatie. Avec David Serre et Svante Pääbo du célèbre Max Planck Institut de Leipzig, les chercheurs ont montré que la courte séquence d'ADN mitochondrial étudiée sur ces Néandertaliens n'était trouvée ni chez nos contemporains, ni chez les fossiles humains de Cro-Magnon. En conséquence, les Néandertaliens n'ont pas pu concourir, de manière importante, au génome des Homo sapiens sapiens, sans que l'on puisse, toutefois, décider qu'il s'agit d'espèces différentes. Les résultats de cette collaboration internationale constituent une découverte remarquable dans le champ des recherches consacrées à la génétique des populations humaines et à l'histoire des peuplements anciens.

Le prélèvement d'ADN sur des fossiles de néandertaliens d'Allemagne, de Russie, de France et de Croatie a permis de montrer que ces individus étaient porteurs de courtes séquences proches les unes des autres, mais inconnues à ce jour chez les humains actuels. Toutefois, ces observations n'ont pas pour autant écarté la possibilité que les Néandertaliens aient modestement contribué au patrimoine génétique des humains du paléolithique, tant il est vrai que les traces de cet apport ont pu être effacées par la "dérive génétique", c'est à dire l'extinction de lignées d'ADN au hasard des nombreuses générations depuis cette lointaine préhistoire.

Aujourd'hui, l'équipe du prof. Langaney, du Dr David Serre et du prof. Pääbo apporte la preuve que les Néandertaliens d'Europe ont peu ou pas contribué aux patrimoines génétiques actuels. Pour obtenir ces résultats, les scientifiques ont analysé 24 ossements de néandertaliens et 40 échantillons de sapiens sapiens. Plus dans le détail, les chercheurs ont séquencé un bout d'ADN mitochondrial chez des fossiles de Néandertaliens et de sapiens sapiens du paléolithique de deux grandes collections européennes. Ce type d'analyse est particulièrement délicat et nécessite à la fois une grande expertise technique et un laboratoire spécialement équipé comme celui de Leipzig. En effet, n'importe quelle mauvaise manipulation peut contaminer l'objet de la recherche par de l'ADN contemporain et fausser l'issue de l'expérience.

Leurs analyses ont ensuite confirmé que les séquences trouvées à ce jour chez tous les Néandertaliens testés, venant de lieux éloignés et de périodes sans doute étalées dans le temps, appartenaient à une famille qui n'a jamais été trouvée ni chez les vivants actuels, ni chez les Sapiens du paléolithique. Il est donc vraisemblable que les Néandertaliens d'Europe ont eu, au plus, une contribution minime à notre génome et qu'ils vivaient, voici 40 000 ans, séparés des Cro-Magnons et de leurs ancêtres proches, dont ils ont pourtant été contemporains, partageant aux mêmes moments les mêmes techniques de taille de la pierre, pendant de nombreux millénaires. Cette découverte est le fruit d'un travail interdisciplinaire qui a su combiner anthropologie, génétique, archéologie préhistorique et paléontologie. Elle représente un apport significatif à l'histoire des peuplements humains modernes.

Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter:
prof. André Langaney


Genève, le 18 mai 2004