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 Communiqué de presse 

Révolution affective à l’Université de Genève -
Le prof. Klaus Scherer prend la tête d’un Pôle de recherche en émotions d’une envergure unique au monde

Le 22 mars dernier, le Conseiller fédéral Pascal Couchepin annonçait l’attribution des Pôles de recherche nationaux en sciences humaines et sociales. A cette occasion, le projet Sciences Affectives, mené par le prof. Klaus Scherer de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève, s’est vu attribuer le seul PRN de Suisse romande. Dédié à l’étude interdisciplinaire des émotions et de leurs effets sur le comportement humain et la société, cet ambitieux projet constitue le premier centre national de recherche en émotions au monde. Situé dans le champ relativement nouveau des sciences affectives, il fait appel à de nombreuses disciplines parmi lesquelles la psychologie, le droit, la criminologie, la psychiatrie, les neurosciences, les sciences de l’éducation, l’anthropologie, la philosophie et les sciences religieuses. Parmi les travaux projetés, le Pôle envisage notamment de comprendre le rôle des émotions dans les comportements pro et anti-sociaux. Ou encore d’analyser les déterminants émotionnels dans les conflits internationaux. Autant de perspectives d’études pertinentes dont les résultats constitueront un apport déterminant pour la société de demain.

Issu du domaine naissant de l’étude des émotions, le Pôle Sciences Affectives se propose, sous la direction du prof. Klaus Scherer, d’étudier les voies par lesquelles les affects et les émotions façonnent notre comportement et nos prises de décision. Contrecarrant ainsi l’attention souvent exclusive portée aux choix logiques pour expliquer les actions humaines, les chercheurs de ce Pôle s’interrogeront sur des points comme la communication émotionnelle, la capacité à gérer les émotions afin d’éviter le stress et l’épuisement psychologique, le rôle des normes sociales et des valeurs dans la réponse émotionnelle et dans son contrôle, etc. Deux grands axes présideront aux recherches : la santé et la violence. Par ailleurs, le programme devrait conduire à des avancées scientifiques en relation directe avec le bien-être individuel, les relations entre individus et groupes, la productivité économique, et donc le devenir des sociétés modernes.

Basé à l'Université de Genève, ce PRN est formé d'un réseau de douze groupes de recherche importants et associe des membres de cinq universités suisses. Il rassemble des scientifiques internationalement reconnus, ayant une longue histoire de collaboration entre eux, et se fonde sur une approche réellement interdisciplinaire.

Un ambitieux programme de recherche
Parmi les douze sujets de recherche qui seront abordés dans le cadre de ce Pôle, on peut notamment citer celui du prof. Klaus Scherer centré sur les relations entre l’expérience émotionnelle et le processus d’évaluation subjective des événements. Intitulé Appraisal and motivation, ce projet se propose d’en étudier les mécanismes sous divers angles (le rôle de la motivation, sa dimension sociale, les dispositions) et par différents moyens (mesures électro-encéphalographiques en laboratoire, recherches planifiées sur Internet, etc.) afin de parvenir à une meilleure compréhension des processus et des compétences émotionnelles dans le monde du travail, de l’éducation, de la famille.

Conduit par le prof. Patrik Vuilleumier, le projet Neural architecture se penchera sur les bases cérébrales des perceptions affectives et sociales chez l’humain par le biais de techniques d’imagerie telles que la résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) et l’éléctroencéphalographie. A ce titre, il permettra d’examiner les activations cérébrales en réponse à des visages exprimant différentes émotions allant des expressions basiques (peur, colère, joie ou tristesse) aux expressions à signification sociale ou morale (honte, fierté, mépris ou séduction).

Le projet Genetic/environment well-being s’appuie, quant à lui, sur l’idée que le bien être subjectif n’est pas uniquement un des indicateurs essentiels de la qualité de vie et de santé mentale, mais influence aussi le comportement au jour le jour. Les personnes jouissant d’un sentiment de bien-être élevé sont ainsi plus flexibles, plus sociables, plus créatives dans la résolution de problèmes et plus engagées socialement. En conséquence, ce projet se donne pour but d’analyser l’influence des facteurs génétiques et environnementaux sur le bien-être subjectif et les comportements pro-sociaux.

A la tête de Regulation and executive functions, le prof. Martial Van der Linden s’intéressera aux quatre composantes distinctes associées au comportement impulsif: l’urgence, le manque de préméditation, le manque de persévérance et la recherche de sensations. Ce projet se donne pour objectif d’apporter un nouvel éclairage sur les processus qui contribuent à ces quatre dimensions. L’accent sera notamment mis sur l’exploration de comportements impulsifs quotidiens, sur le développement de l’impulsivité au cours de l’adolescence (en lien avec des comportements anti-sociaux), ainsi que sur des études psychopathologique et neuropsychologique concernant des patients alcooliques, boulimiques, souffrant de troubles obsessionnels-compulsifs, de maladie d’Alzheimer ou de démence.

Un projet mené par des juristes dont le prof. Robert Roth, Emotions and law, s’intéressera au fait que la justice pénale est actuellement marquée par l’éclosion de modèles alternatifs de justice, centrés sur les vertus morales de la honte ou de la culpabilité pour la personne qui commet l’infraction. Dans ce cadre, le processus d’«émotionnalisation du droit» sera étudié sous deux angles : le droit comme produit émotionnel, et les émotions comme support ou moyen de régulation des comportements sociaux.

En outre, Norm compliance examinera le rôle des émotions dans les comportements pro et anti-sociaux d’individus ordinaires et criminels. Les fondations émotionnelles du respect des normes et de leur imposition seront ainsi étudiées dans une approche multidisciplinaire incluant l’économie, la psychologie, la sociologie, la psychiatrie et les neurosciences. Ces recherches devraient permettre de répondre à un ensemble de questions parmi lesquelles : Quelles sont les émotions impliquées dans le respect des normes et dans leur imposition? Les individus respectueux de la norme exhibent-ils des émotions différentes ou d’intensité inégale comparés à ceux qui la violent ? Quelle est la base neurale de ces rapports à la norme ?

Enfin, au cœur de toute culture, les mythes et les rites représentent les dimensions narratives et comportementales définissant le sentiment d’appartenir à une destinée commune. Aucune société n’existerait sans valeurs, croyances et comportements rituels. L’affirmation ou la négation de tels fondements produit de fortes réactions émotionnelles qui sont culturellement et historiquement définies. Sous la direction du prof. Philippe Borgeaud, le projet Myths and rites étudiera les anciennes descriptions littéraires et représentations iconographiques des émotions en Egypte, Mésopotamie, Israël, Grèce, Rome ainsi que dans l’ancien Christianisme et l’Islam, avec quelques incursions dans les cultures d’Extrême-Orient. Cette approche vise à introduire une réflexion comparative sur la personne en tenant compte des définitions propres de l’humain par rapport à celles des Autres, spécialement les étrangers, les femmes et les dieux.

Le transfert des connaissances vers la pratique
Comme ces divers projets en témoignent, une attention particulière est portée à l'utilisation des résultats de la recherche pour mieux comprendre différents problèmes sociaux. A ce titre, une collaboration étroite a, d'ores et déjà, été convenue avec les institutions publiques et les entreprises suivantes: l'Organisation Internationale du Travail, le Secrétariat Fédéral des Affaires Economiques (SECO), le Département Fribourgeois de la Santé et des Affaires Sociales, le Panel Suisse des Ménages, Firmenich et Novartis. Ces partenaires seront impliqués dès le début des recherches afin d'optimiser le potentiel des applications sociales et économiques.

Formation de la relève et avancement des femmes
Sur le plan académique, le centre de recherche vise à former la nouvelle génération de chercheurs au travers d'un programme de formation doctorale et post-doctorale en mettant l'accent sur les capacités et les valeurs de la recherche interdisciplinaire. Des mesures sont prévues pour favoriser l'avancement des chercheuses dans le centre. En outre, un module de recherche transversal exploitera l'ensemble des compétences au sein du réseau afin de synthétiser les résultats concernant les différences liées au genre, issus du projet de recherche ainsi que des travaux récemment publiés dans la littérature scientifique. Cette synthèse devrait aider à identifier des mécanismes sous-tendant les difficultés rencontrées par les femmes à poursuivre une carrière scientifique.

Il est à noter qu’après Frontiers in Genetics (http://www.frontiers-in-genetics.org/) et Materials with Novel Electronic Properties (http://www.manep.ch/), le Pôle Sciences Affectives constitue le troisième PRN attribué à des chercheurs de l’Université de Genève. Une performance qui atteste de l’excellence des scientifiques genevois dans leur domaine de recherche respectif ainsi que de leur capacité à entreprendre des collaborations ambitieuses.

Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter:

le prof. Klaus Scherer au 022 379 92 11 ou à Klaus.Scherer@pse.unige.ch
ou à David Sander au 022 379 92 12 ou à David.Sander@pse.unige.ch


Genève, le 31 mars 2005