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 Communiqué de presse 

Des chercheurs genevois dans Nature - Le groupe du prof. François Mach combat l’athérosclérose à petits coups de cannabis

Fléau des temps modernes, l’athérosclérose est de nos jours responsable, via les infarctus et les accidents vasculaires cérébraux, de près de 50% des décès dans la population occidentale. Spécialiste de la question, l’équipe du prof. François Mach de l’Université et des Hôpitaux universitaires de Genève apporte aujourd’hui des résultats importants qui pourraient bien déboucher sur un traitement préventif à même de palier efficacement ce phénomène. Publiées dans la revue Nature du 7 avril prochain, ces conclusions préconisent une utilisation très modérée du cannabis et de ses propriétés anti-inflammatoires afin de prévenir la détérioration des vaisseaux sanguins propre à l’athérosclérose. Précisons d’emblée que cette approche, pour le moins insolite, ne légitime pas pour autant la consommation récréative de cannabis dans le sens où le dosage agissant contre l’athérosclérose se situe bien en deçà de celui des adeptes de ses effets sur le cerveau.

A trop vite lire le dernier numéro de la revue scientifique Nature, on pourrait croire à une plaisanterie: selon l’équipe du prof. François Mach de la Faculté de médecine de l’UniGe et du Service de cardiologie des HUG, il semblerait que le cannabis soit un excellent traitement préventif contre les infarctus et les accidents vasculaires cérébraux. Sachant que ces deux maladies sont responsables de 50% des décès dans la population occidentale, fumer un «pétard» de temps en temps serait-il en passe de devenir un élixir de longue vie? Il va sans dire que la réalité est toute autre.

Entrave à la circulation sanguine
Tout débute par un phénomène pathologique très répandu, l’athérosclérose. Véritable calamité des temps modernes, cette maladie progressive endommage gravement nos vaisseaux sanguins en bouchant les artères. En effet, en temps normal, le sang expulsé de notre cœur file à travers l’aorte, emprunte des artères, puis des artérioles et finalement des capillaires dix fois plus fins qu’un cheveu. C’est à cet instant de son périple qu’il donne à nos cellules l’oxygène vital et les nutriments dont elles ont besoin. Ainsi, si le diamètre de nos artères devait se rétrécir, l’approvisionnement des cellules serait gravement compromis. Et c’est exactement ce que produit l’athérosclérose qui est très dangereuse pour les artères coronaires nourrissant le cœur (cela mène à l’infarctus) et pour les artères alimentant le cerveau (ce qui provoque des attaques cérébrales).

Bien entendu, une bonne hygiène de vie permet de réduire fortement l’athérosclérose puisqu’elle est surtout causée par l’hypertension artérielle, l’excès de cholestérol, le diabète et le tabac. Mais comment ces maladies génèrent-elles de l’athérosclérose? Elles commencent par provoquer des blessures sur les artères. Les cellules de la paroi artérielle endommagée vont alors envoyer des signaux d’alerte pour appeler à l’aide des cellules dites de défense, dont le rôle est de réparer le vaisseau sanguin blessé. Mais si la cause est persistante - telle une hypertension non traitée, le tabagisme ou un taux de cholestérol élevé dû à une alimentation trop riche en graisse - une inflammation excessive s’installe. En d’autres termes, les cellules de défense deviennent hyperactives et colonisent trop fortement la paroi lésée. Ceci entraîne la formation de nombreux dépôts de graisse et une prolifération de cellules musculaires situées autour du vaisseau, bouchant ainsi progressivement l’intérieur de l’artère. Le mal est fait, l’athérosclérose s’est formée, progresse continuellement, et empêche le sang de passer dans les artères.

Les vertus du cannabis à petites doses
Mais que vient faire le cannabis là-dedans? Depuis un certain temps, les scientifiques cherchent à identifier de nouvelles substances anti-inflammatoires à même de contrer ce phénomène. En effet, ces dernières années, il a été mis en lumière que certains traitements hypolipémiant (abaissant le cholestérol dans le sang) avaient un effet anti-inflammatoire qui pourrait jouer un rôle bénéfique dans le traitement de l’athérosclérose en la faisant régresser. Les effets anti-inflammatoires agissent comme des calmants sur les cellules de défense trop actives. Pour ce faire, ces médicaments doivent d’abord se fixer sur des récepteurs spécifiques situés à la surface des cellules de défenses, puis donner l’ordre à la cellule d’abaisser son activité. L’inflammation diminue alors, de même que l’athérosclérose. C’est dans leur recherche de nouvelles substances anti-inflammatoires que les scientifiques genevois ont focalisé leurs espoirs sur le cannabis.

En effet, le THC (delta-9-tétrahydrocannabinol) contenu dans le cannabis a des propriétés anti-inflammatoires en se liant sur un type particulier de récepteurs, les CB2. La première question que se sont posée les Genevois a été de savoir si les cellules de défense qui colonisent les plaques d’athérosclérose possédaient bien ces récepteurs. Par la technique dite d’immunofluorescence, ils ont remarqué que deux familles importantes de cellules de défense sont présentes en masse dans ces plaques: les macrophages et les lymphocytes T qui se trouvent justement avoir beaucoup de récepteurs CB2 à leur surface. A partir de ce moment, il devenait intéressant de déterminer si le THC avait bel et bien un effet anti-inflammatoire.

Les expériences ont été conduites sur des souris présentant une progression constante de leur athérosclérose. Ces souris ont d’abord été soumises à un régime en haute teneur en lipides durant cinq semaines avant que leur niveau d’athérosclérose ait été mesuré. Ensuite, en maintenant la diète riche en lipides pendant encore six semaines, une moitié du groupe de souris a été soumis à un traitement au THC par voie orale alors que l’autre groupe continuait sa diète sans aucune forme de traitement. Les résultats ont alors été manifestes: tandis que le groupe sans traitement voit son athérosclérose doubler, les lésions chez les souris traitées au THC n’ont pratiquement pas progressé.

Circulez, y’a rien à voir!
Une question provocatrice vient instantanément à l’esprit: faut-il se mettre à fumer du cannabis pour juguler l’athérosclérose? En aucun cas, bien au contraire. D’une part, l’effet bénéfique observé par les chercheurs a été obtenu en administrant une dose de THC correspondant à un milligramme de cette substance par kilo, soit une dose dix fois inférieure à celle que s’administre un fumeur de cannabis. A cette très faible dose, le cannabis n’a aucun effet sur le cerveau. D’autre part, les scientifiques ont démontré qu’une dose de dix milligrammes, classique chez le fumeur, est tellement élevée qu’elle ne présente plus aucune propriété anti-athérosclérotique.

Enfin, il y a fort à parier que les chercheurs de l’Université et des Hôpitaux universitaires de Genève aient bien mis le doigt sur les bases d’un traitement potentiellement intéressant pour les millions de personnes qui, de par le monde, souffrent des graves conséquences de l’athérosclérose. La célèbre revue Nature ne s’y est en tout cas pas trompée.

Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter:
le François Mach au 079 348 13 62


Genève, le 7 avril 2005