PRESSE INFORMATION PUBLICATIONS
 Communiqué de presse 

Les gènes préfèrent l’ordre au désordre

A première vue, les gènes sont distribués au hasard sur les chromosomes. Malgré cet apparent désordre, ils évitent la cacophonie. Ils interagissent les uns avec les autres pour le bon fonctionnement de la cellule et de l’organisme. A croire que leur emplacement sur les chromosomes n’est pas si aléatoire qu’il y paraît. François Spitz et Denis Duboule, du Programme de Recherche National Frontiers in Genetics, à l’Université de Genève, ont mis au point un nouvel outil pour démontrer que l’emplacement des gènes ne peut être bouleversé sans porter préjudice à leur bon fonctionnement. Cette recherche est décrite dans le numéro du mois d’août de Nature Genetics.

Depuis les années 1980, les spécialistes s’intéressent de près à une certaine classe de gènes, dits architectes ou HOX. Ces gènes HOX sont responsables de la construction de chaque être vivant à partir d’un embryon constitué au départ de cellules indifférenciées. Mais ce n’est pas là leur seule caractéristique. A la différence des autres gènes, les HOX sont grégaires. Ils viennent les uns à la suite des autres sur le chromosome, les uns à côté des autres, dans l’ordre de leur intervention sur l’embryon. Le génome de l’être humain, de la souris et de tous les autres mammifères et d’une majeure partie des vertébrés, contient quatre agrégats de ces gènes HOX qui sont conservés avec une étonnante régularité d’une espèce à l’autre depuis des dizaines, voire des centaines de millions d’années.

On s’en doute, cette présence en agrégat sur les chromosomes doit être d’une certaine importance pour le bon fonctionnement des gènes architectes. « Encore fallait-il le prouver, dit François Spitz, du Département de zoologie et de biologie animale de l’Université de Genève et premier auteur de l’article à paraître dans Nature Genetics du mois d’août 2005. Pour cela, nous avons mis au point une méthode expérimentale qui nous permet de casser ces agrégats et de séparer les parties sur le chromosome avant d’observer ce que cette cassure et ce déplacement induisent comme effet sur le développement. Pour cela, nous avons utilisé des souris. »

Mais attention, pas n’importe quelle souris. Il s’agissait de rongeurs dont le génome était légèrement modifié. L’une des ces lignées de souris accueillait ainsi dans son ADN deux modifications bien spéciales, destinées à montrer où il fallait couper le chromosome, un peu à la manière des lignes en pointillé sur un patron de couture. L’autre lignée de rongeurs avait en elle la recette pour fabriquer les ciseaux capables d’aller couper les sites marqués en « pointillé génétique. »

« En fait, reprend François Spitz, ces ciseaux moléculaires agissent aussi comme colle. Une fois qu’ils ont coupé les deux sites, le segment est inversé et recollé à l’envers. » En mariant des souris-pointillés et des souris-ciseaux, les chercheurs espéraient par croisements successifs que des souriceaux présenteraient la bonne inversion, autrement la césure au milieu d’un agrégat de gènes architectes et la séparation des deux morceaux en des points éloignés du chromosome.


Cette méthode mise au point par les Genevois a le mérite d’être totalement non invasive, puisqu’elle n’implique que des croisements successifs. Il faut néanmoins suivre plusieurs générations de rongeurs pour espérer tomber sur la bonne configuration génétique. Autre avantage de la méthode : elle est peu onéreuse et à la portée de nombreux laboratoires.

A cet aspect technique, s’ajoute un aspect plus scientifique. « Casser un agrégat de gènes architectes a entraîné une anomalie dans le développement embryonnaire, précise le professeur Denis Duboule, directeur du PRN Frontiers in Genetics. Le profil d’expression des gènes concernés change. Les deux parties ne peuvent être séparées. C’est comme si chaque gène à l’intérieur de l’agrégat avait besoin de la présence des autres pour connaître exactement à quel moment, à quel endroit et en quelle quantité il doit s’exprimer. »

La méthode ayant fait ses preuves, les chercheurs genevois espèrent qu’elle sera utilisée pour tester l’importance de l’emplacement d’autres gènes.


Le Pôle de Recherche National Frontiers in Genetics est un instrument de la politique de la recherche mis en place par la Confédération en 2001. Si le PRN est principalement engagé dans la recherche fondamentale, il promeut également le transfert de savoir et de technologie dans le domaine de la génétique. Il réunit plus d’une vingtaine de laboratoires suisses d’envergure internationale et environ 250 chercheurs spécialisés dans l’étude des gènes, des chromosomes et du développement.

Hébergé par l’Université de Genève, le PRN Frontiers in Genetics compte dans son réseau des membres appartenant aux Universités de Lausanne et de Zurich, à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, au Biozentrum et au Friedrich Miescher Institute (FMI) de Bâle, ainsi qu’à l’Institut Suisse de Recherche sur le Cancer (ISREC) de Lausanne.

PRN Frontiers in Genetics
Quai Ernest Ansermet 30
1211 Genève 4
Tél. 022 379 67 87
www.frontiers-in-genetics.org


Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter
François Spitz au 022 379 30 61
ou le prof. Denis Duboule au 022 379 67 71


Genève, le 12 juillet 2005