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 Communiqué de presse 

Révolution scientifique à l’UNIGE - La main fait un pied de nez à l’évolution

A regarder nos mains de près, à admirer leur fantastique potentiel, on se dit que la nature, la sélection naturelle ont dû les sculpter minutieusement, petit à petit, pendant des millions d’années. Un tel raffinement ne peut être que l’œuvre d’une évolution très graduelle. Il semblerait que ce soit tout le contraire d’après une recherche menée à l’Université de Genève (UNIGE) par trois chercheurs du Pôle de recherche national Frontiers in Genetics. En effet, selon leurs résultats, publiés dans le magazine Nature du 26 octobre, bras et mains auraient acquis leur asymétrie si pratique à nos yeux, d’un coup, en copiant les gènes architectes qui commandent à l’organisation du tronc.

Le corps n’est pas finalement si différent d’une maison. Si l’on veut que cette dernière tienne debout, mieux vaut la construire dans l’ordre et dans le bon sens. Il ne viendrait pas à l’idée d’un architecte de commencer par le toit. Aussi lui faut-il faire patienter les charpentiers le temps de monter les murs.

«C’est un peu la même chose pour notre corps, explique le prof. Denis Duboule, directeur du Pôle Frontiers in Genetics, qui signe cet article important avec les Drs Marie Kmita et Basile Tarchini. Si les gènes architectes n’agissaient pas avec retenue, notre tronc, au moment de notre développement, ne pourrait se déployer selon un axe antéropostérieur essentiel et l’on aurait le bassin entre les épaules.»

Une stratégie efficace
Ce système d’expression progressive et combinée des gènes architectes se retrouve dans le bras et la main. Théoriquement, si d’aventure l’organisation des travaux ne se fait pas dans le bon sens, on peut se retrouver avec la main collée à l’épaule sans autre forme de procès, ce qui ne serait guère pratique. On pourrait aussi se retrouver avec une main qui n’aurait aucune asymétrie, pas de pouce opposable, mais deux petits doigts à chaque extrémité, limitant d’autant son utilité.

Selon une vision gradualiste de l’évolution, la main – en fait la nageoire chez les poissons – aurait dû apparaître selon un tel plan symétrique. Puis, adaptation après adaptation, sélection après sélection, les nageoires et plus tardivement les mains auraient développé leur asymétrie si typique. «Nos travaux montrent qu’il n’en est rien, reprend le biologiste de l’UNIGE. La nature a simplement doublé les compétences des gènes architectes du tronc et les a fait travailler sur le bras et la main, leur imposant tout de suite une asymétrie. Et comme cette stratégie hasardeuse s’est révélée plutôt efficace, l’organisation asymétrique a été conservée aujourd’hui.»

(R)évolution génétique
Ce qui peut apparaître comme une subtilité constitue en fait une petite révolution scientifique. Nombreux sont ceux qui pensent que la main et son asymétrie ont atteint une sorte de perfection à travers des millions d’années d’adaptations fines, alors qu’en fait c’est un trait génétique qui est apparu d’un coup, il y a fort longtemps et qui a contraint toute évolution ultérieure des membres.

«Le hasard aurait pu faire tout autre chose, il y a des centaines de millions d’années, imagine Denis Duboule. Il aurait pu nous gratifier d’un long humérus terminé par une main, sans avant-bras. Et aujourd’hui nous taperions sur un clavier simplement placé plus haut, plus près de nos épaules. Il n’y a pas de perfection anatomique. Nous faisons simplement au mieux avec ce que nous avons hérité de la nature, de la sélection et de ses contraintes.»

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Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter:
le prof. Denis Duboule au 022 379 67 71


Genève, le 25 octobre 2006