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 Communiqué de presse 

Sortira-t-on jamais de soi ? - Une collaboration de l’UNIGE, des HUG et de l’EPFL fait la lumière sur l’origine cérébrale de certains « fantômes »

L’approche thérapeutique de formes sévères d’épilepsie nécessite l’ablation de parties du cerveau. Pour éviter d’en endommager d’autres, cruciales pour le langage ou la motricité, les médecins chercheurs procèdent à un repérage, en posant des électrodes qui stimulent et rendent visibles ces zones-clés par la transmission de courant. C’est ainsi que les professeurs Olaf Blanke et Margitta Seeck ont relevé de nouvelles corrélations entre d’étranges sensations vécues par leurs patient-e-s et une région cérébrale bien définie. A l’impression, déjà étudiée, qu’avaient certaines personnes de sortir de leur corps ou de voir leur double, la perception d’une présence ombrageuse, située derrière soi, vient désormais s’ajouter. Fruits d’une collaboration du Département de neurosciences cliniques de la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE), des Hôpitaux universitaires genevois (HUG) et de l’Institut des neurosciences de l’EPFL, ces travaux récents font progresser les connaissances autour des expériences extra corporelles.

Dans Le Horla, ce récit d’un genre fantastique signé Guy de Maupassant, le narrateur, victime d’hallucinations, souffre de se croire fou. Olaf Blanke et Margitta Seeck auraient-ils pu le soulager ?
On peut l’imaginer, car ces deux neuroscientifiques sont aujourd’hui à même d’attester l’origine cérébrale d’expériences extatiques.

Les phénomènes de « décorporation »
Pour traiter des formes d’épilepsie résistantes aux traitements médicamenteux, on peut aujourd’hui ôter, par chirurgie, les parties lésées du cortex qui sont soupçonnées de causer les attaques. L’opération est délicate et nécessite qu’on définisse finement les périmètres concernés. Dans le cadre de telles évaluations, Margitta Seeck, professeure à la Faculté de médecine de l’UNIGE, et Olaf Blanke, chargé de cours dans cette même faculté et professeur à la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL,
ont levé le voile sur un domaine annexe et méconnu, qui comprend notamment les expériences de « décorporation ». Par ce néologisme, on désigne les impressions dont témoignent certaines personnes, qui disent s’être vues hors de leur corps ou avoir perçu leur double, face à elles.

Une troublante présence
A ces deux étrangetés, relevant toutes deux du même mécanisme, il faut ajouter désormais la perception d’une présence derrière soi, sorte d’ombre qui suit les patient-e-s dans leurs moindres changements de posture. Un cerveau sain opère une représentation du corps dans lequel il loge, une image que rend cohérente et complète la synthèse coordonnée du travail des cortex visuel, moteur et postural. Quand l’un des cortex est abîmé, des décalages surviennent, la représentation corporelle est troublée et cette défaillance ressurgit lorsqu’on stimule électriquement la jonction temporo-pariétale. A ce moment-là, le cerveau génère une image du corps, mais une image délocalisée, comme projetée sous le corps, en face ou derrière lui. Dans les deux premiers cas de figure, les patient-e-s reconnaissent encore leur propre image ; dans le dernier en revanche, ils ressentent une présence autre, sombre et menaçante.

Où donc est « soi »?
Si, dans la réalité d’une consultation, ces phénomènes sont aussi fugaces que les quelques secondes de stimulation par passage du courant électrique qui les génèrent, ils n’en demeurent pas moins intéressants parce qu’ils ouvrent un nouveau champ de recherche et qu’ils questionnent la notion du « soi ». Ce genre d’illusions sensorielles très marquantes, a fait couler beaucoup d’encre dans le contexte des expériences dites « de mort imminente ». On sait désormais que ces phénomènes ne portent pas immanquablement la signature de la mort ou du paranormal, mais qu’ils résultent de perturbations d’un processus complexe de coordination, qu’on peut aujourd’hui localiser dans le cerveau.

Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter:
Olaf Blanke au 021 693 96 21
ou à Olaf.Blanke@medecine.unige.ch


Genève, le 22 novembre 2006